Volatilité macroéconomique et règle d indexation du SMIC

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Transcription:

Volatilité macroéconomique et règle d indexation du SMIC Guillaume Horny Hervé Le Bihan Banque de France La règle de revalorisation automatique du SMIC peut conduire à une progression plus rapide du salaire minimum que du salaire horaire de base ouvrier (SHBO), comme cela s est produit en 1985, 1987, et 2008. Nous montrons ici que la probabilité d un tel événement dépend de la variance de l inflation et de celle de la croissance du salaire réel. Dans le contexte de volatilité macroéconomique relativement faible observée entre 1996 et 2007, nous évaluons cette probabilité à 6 %. La progression du SMIC n outrepasse en moyenne celle du SHBO que dans un environnement beaucoup plus instable, marqué par des fluctuations au moins cinq fois plus importantes de l inflation et des salaires réels. guillaume.horny@banque-france.fr herve.lebihan@banque-france.fr Mots-clés : Volatilité de l inflation. SMIC. SHBO. Indexation des salaires. REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010

Guillaume Horny et Hervé Le Bihan 1. Modèle La revalorisation automatique du SMIC décrite dans le Code du travail, dans l interprétation qui en a été retenue jusqu à présent, peut être représentée formellement par la relation (voir Cette et Wasmer, 2009) : SMIC = max(0, Pc) + max(0, SHBOr / 2) + c t, où SMIC est le taux de croissance nominal du SMIC, Pc le taux de croissance de l indice des prix de référence, SHBOr est le taux de croissance en termes réels du salaire horaire de base ouvrier, et c t est une augmentation discrétionnaire décidée par le gouvernement («coup de pouce»). Dans la suite de l analyse nous considérons comme nuls les coups de pouce, sauf mention explicite du contraire. Pour simplifier l analyse, nous ne prenons pas en compte les revalorisations infra-annuelles du SMIC, qui se déclenchent si l inflation dépasse 2 % dans l année en cours. Ce choix n altère pas les résultats. De même, nous négligeons l impact des Garanties Mensuelles de Rémunération qui ont joué un rôle dans le contexte spécifique du passage aux 35 heures. On représente de façon stylisée (à l instar de Cette et Wasmer, 2009) les évolutions de Pc et de SHBOr par : Pc = Pcm + u, (1) SHBOr = q + Pcm + α (Pc Pcm) Pc + v, (2) où Pcm est le niveau de référence de l inflation, donné typiquement par la cible d inflation de la banque centrale, q mesure les gains de productivité et α un paramètre compris entre 0 et 1, et u et v sont des chocs aléatoires. Ainsi l inflation est supposée fluctuer autour de l inflation tendancielle Pcm, l amplitude des fluctuations étant décrite par la variance de u et v. Économiquement, u peut s interpréter comme un choc sur les termes de l échange, ou bien le prix du pétrole, et v comme un choc de productivité, ou une variation du pouvoir de négociation des salariés. Selon l équation (2), les salaires sont indexés partiellement sur l inflation observée et partiellement sur l inflation tendancielle. Ils sont par ailleurs indexés entièrement sur la croissance de la productivité 1. Ce modèle, qui n incorpore ni bouclage macroéconomique, ni dynamique, est évidemment extrêmement simplifié. Son intérêt est de permettre d obtenir de résultats analytiques, ainsi que des ordres de grandeurs. Dans la suite, le terme u (respectivement v) est supposé suivre une loi normale de moyenne nulle et d écart-type σ u (respectivement σ v ). Les variables u et v sont supposées indépendantes. 1. Une extension intéressante serait de conduire la même analyse dans un modèle macroéconomique d équilibre général, à l aide de simulations stochastiques. 162 REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010

VOLATILITÉ MACROÉCONOMIQUE ET RÈGLE D INDEXATION DU SMIC 2. Résultat En utilisant les probabilités conditionnelles des différentes configurations, la probabilité que la revalorisation automatique du SMIC excède la progression du SHBO nominal (SHBOn) peut s écrire : Pr (SMIC > SHBOn) = Pr (SMIC > SHBOn Pc > 0, SHBOr > 0 ) Pr(Pc > 0, SHBOr > 0 ) + Pr (SMIC > SHBOn Pc < 0, SHBOr > 0 ) Pr(Pc < 0, SHBOr > 0 ) + Pr (SMIC > SHBOn Pc > 0, SHBOr < 0 ) Pr(Pc > 0, SHBOr < 0 ) + Pr (SMIC > SHBOn Pc < 0, SHBOr < 0 ) Pr(Pc < 0, SHBOr < 0 ). Le premier terme est nul, car pour Pc et SHBOr tous deux positifs, le SMIC progresse en termes réels de la moitié de SHBOr, donc moins vite que le salaire réel. A partir des relations précédentes, on déduit : Pr (SMIC > SHBOn) = Pr[u < - Pcm, (α 1) u + v < -q ] + Pr[u > - Pcm, (α 1) u + v < -q ] + Pr[u < - Pcm, (α + 1) u + v < - q- 2Pcm ], où les couples (u, (α 1) u + v) et (u, (1 + α) u + v) suivent des lois normales bivariées. Cette probabilité dépend notamment de σ u et σ v et peut être approchée par des méthodes numériques. Hors coup de pouce, la revalorisation automatique du SMIC prévue par le modèle est: E(SMIC) = E[ max(0, Pc)] + E[ max(0, SHBOr / 2)] = E[ Pc 1l (Pc > 0)] + 0,5 E[ SHBOr 1l (SHBOr > 0)] = σ u ϕ (Pcm /σ u )+ Pcm σ (Pcm /σ u ) + 0,5 [σ w ϕ (q /σ w ) + q Φ (q /σ w )], où ϕ est la densité de la loi normale centrée réduite, Φ sa fonction de répartition, 1l (Pc > 0) est la fonction indicatrice de l événement (Pc > 0), et w = (α 1) u + v. 3. Illustration Nous étudions la probabilité que le SMIC progresse plus vite que le SHBO en fonction de la variance de l inflation. Pour cela, nous procédons à un exercice de calibrage en prenant comme référence la période 1996-2007. Nous fixons q à 1, Pcm à 2 et α à 0,5 (ce qui traduit une indexation imparfaite à court et à moyen terme, cf. Delplatz et al. 2003). Les écart-type de l inflation et du salaire réel sont respectivement fixés à σ u = 0,5 et σ shbo =1,0 2. On en déduit σ v à l aide de la relation (2). 2. En utilisant les valeurs des glissements observés lors des revalorisations du SMIC de 1996 à 2007 (voir Cette et al., 2009, Annexe 1), l écart type de l inflation utilisée pour le calcul du SMIC est de 0,59 ; celui du SHBO réel hors années GMR- est de 1,01. REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010 163

Guillaume Horny et Hervé Le Bihan La probabilité d une croissance plus rapide du SMIC que du SHBO est représentée sur le graphique 1 en fonction de l écart-type de l inflation. Plus l inflation est volatile, plus une croissance du SMIC excédant celle du SHBO est probable. Nous évaluons la probabilité d'une progression du SMIC plus importante que celle du SHBO à 6 %, pour un écart-type de l inflation fixé à son niveau de référence de sur la période 1996-2007 (σ v = 0,5). Dans le cas extrême où le SHBO ne dépend que de la cible d inflation et pas de l inflation courante (α = 0), cette probabilité avoisine les 10 %. À l inverse, lorsque le SHBO suit parfaitement l évolution de l inflation, la probabilité est inférieure à 5 %. Le scénario d une progression plus rapide du salaire minimum que du SHBO est donc peu probable pour les niveaux de volatilité observés sur la période 1996-2007. Il devient toutefois d'autant plus vraisemblable que l inflation prend des valeurs très élevées ou très faibles, et que le SHBO est désindexé de l inflation courante 3. La probabilité que la revalorisation automatique du SMIC excède la progression du SHBO dépend également de la variabilité du SHBO, et nous représentons sur le graphique 2 les courbes correspondant à des probabilités constantes. Une croissance plus rapide du SMIC que du SHBO est moins probable lorsque les variabilités de l inflation et du SHBO sont proches qu en cas de volatilité élevée d une seule variable 4. Si l on considère un scénario de grande volatilité où l écart-type de l inflation double pour atteindre 1 % tandis que celui du choc de salaire est multiplié par 1,3, la probabilité de l événement atteint 10 %. Pour les valeurs de référence des paramètres, nous trouvons que la progression automatique moyenne du SMIC prédite par le modèle est de 2,51 %. Elle est donc virtuellement identique à la valeur prédite en ajoutant à l inflation (2 %) la moitié de la progression de la productivité apparente du travail (0,5x1 %). Hors coup de pouce, le différentiel est en moyenne de 0,5 %. Le graphique 3 représente la différence moyenne entre le SMIC et le SHBO, en fonction de la volatilité de l inflation. L écart-type de l inflation dans le scénario de référence est de 0,5. Ce n est que pour des niveaux de volatilité de l inflation 5 fois plus élevés que ceux du scénario de référence que la progression moyenne du SMIC dépasse celle du SHBO. Il faut noter que dans un régime caractérisé par un tel niveau d écart-type dans 40 % des années, le taux d inflation prendrait des valeurs soit négatives soit supérieures à +4 % une volatilité peu compatible avec la stabilité des prix. 3. Le SMIC a progressé plus rapidement que le SHBO en 1985, 1987 et 2008. 4. Comme les chocs sur les prix et les chocs sur les salaires sont supposés indépendants, ils ont tendance à se compenser. Introduire une corrélation positive entre les chocs va «aplatir» les courbes de niveau, sans toutefois faire disparaître leur concavité. 164 REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010

VOLATILITÉ MACROÉCONOMIQUE ET RÈGLE D INDEXATION DU SMIC Graphique 1 : Probabilité d une croissance du SMIC supérieure à celle du SHBO Écart-type de l'inflation Graphique 2 : Courbes d iso-probabilités (Probabilité d une croissance du SMIC supérieure à celle du SHBO) Écart-type du SHBO Écart-type de l'inflation Note : L étoile représente la valeur des écart-types empiriquement observée pour la période de référence. REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010 165

Guillaume Horny et Hervé Le Bihan Graphique 3 : Différence moyenne entre le SMIC et le SHBO (hors coups de pouces) Écart-type de l'inflation Nous introduisons maintenant les coups de pouce dans notre analyse. En longue période, on s aperçoit que les coups de pouce ont fortement contribué à réduire l écart entre croissance du salaire moyen et celle du salaire minimum. Ainsi sur la période 1983-2002, le SMIC réel a augmenté de 1,2 % par an en moyenne c'est-àdire du même montant que le SHBO réel (Desplatz et al. 2003). Les coups de pouce ont contribué à hauteur de 0,6% par an à la croissance du SMIC, liant de facto la croissance de ce dernier à celle du SHBO réel. Le niveau tendanciel des coups de pouce est vraisemblablement endogène : dans un environnement macroéconomique très fluctuant, on peut se demander si les coups de pouce conserveraient cette ampleur. Le graphique 4 représente l écart entre le SMIC et le SHBO pour des coups de pouce de 0,3 %, c est-à-dire l ordre de grandeur observé sur la période 2001-2006 5. Ce choix surestime les coups de pouce qui seraient vraisemblablement donnés les années où la progression automatique du SMIC est plus rapide que celle du SHBO, ce qui amène à surévaluer la probabilité d une croissance plus rapide du SMIC que du SHBO. 5. Nous calibrons dans ce scénario le coup de pouce à 0,3 %, l ordre de grandeur observé en 2001 et 2006 (les années 2002 à 2005 sont peu interprétables en raison de la convergence SMIC-GMR après le passage aux 35 heures ; il n y a pas eu de coup de pouce en 2007, 2008 et 2009). 166 REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010

VOLATILITÉ MACROÉCONOMIQUE ET RÈGLE D INDEXATION DU SMIC Il faut alors une volatilité de l inflation 4 fois plus élevés que dans le scénario de référence, autrement dit une inflation qui soit dans 30 % des cas négative ou supérieure à + 4 %, pour que la progression moyenne du SMIC dépasse celle du SHBO. Graphique 4 : Différence moyenne entre le SMIC et le SHBO (coups de pouces de 0,3 %) Écart-type de l'inflation Conclusion Pour les niveaux de volatilité macroéconomique observés avant la crise de 2008, et hors coup de pouce, la probabilité d une progression plus rapide du SMIC que du SHBO est faible, nous l évaluons à 6 % environ. Cette probabilité est d autant plus forte que : le niveau des coups de pouce est élevé, la volatilité de l inflation est élevée, l indexation du SHBO sur l inflation instantanée est faible. REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010 167

Guillaume Horny et Hervé Le Bihan Références bibliographiques Cette, G. et Wasmer, É., 2009, La revalorisation automatique du SMIC, Octobre. Cette, G., Champsaur, P., Durand, M., Kramarz, F. et Wasmer, É., 2009, Salaire minimum interprofessionnel de croissance, Rapport du groupe d expert, Juin. Desplatz, R., Jamet, S., Passeron, V. et Romans, F., 2003, «La modération salariale en France depuis le début des années 80», Économie et Statistique, n 3673. 168 REVUE DE L OFCE 112 JANVIER 2010