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Transcription:

Migraines et hormones Migraines and hormones Geneviève Plu-Bureau*, Lorraine Maitrot-Mantelet* * Unité de gynécologie endocrinienne, hôpital Port-Royal, Paris Taux de migraine % 30 25 20 15 10 5 0 La migraine est une affection très fréquente. Les liens entre les hormones stéroïdes sexuelles, à la fois endogènes et exogènes, et la migraine sont incontestables (1). La migraine est observée 2 à 3 fois plus souvent chez la femme que chez l homme. Tous les événements hormonaux, qu ils soient endogènes tels que la puberté, les grossesses ou la ménopause ou exogènes tels que l utilisation d une contraception hormonale ou d un traitement hormonal de la ménopause, sont susceptibles d avoir un impact sur la migraine. L évaluation de ces relations est essentielle en raison de l augmentation du risque d accident vasculaire cérébral (AVC) dans ce contexte, surtout chez les femmes souffrant de migraines avec aura. L International Headache Society (IHS) a établi en 2004 des critères diagnostiques très précis des différents types de migraine permettant notamment la comparabilité des multiples études épidémiologiques dans ce domaine (2). 12-17 18-29 30-39 40-49 50-59 60+ Âge Figure 1. Évolution de la prévalence des migraines chez la femme en fonction de l âge (3). Épidémiologie des migraines Les études épidémiologiques européennes et nordaméricaines fondées sur ces critères diagnostiques évaluent la prévalence de la migraine dans la population générale adulte à environ 12 %. Le sex-ratio étant de 3 femmes pour 1 homme, la prévalence chez les femmes se situe entre 15 et 20 % selon les études (3). Cette prévalence est relativement stable depuis plus de 10 ans. Elle varie en fonction de l âge (figure 1). Si la migraine est exceptionnelle chez la femme avant la puberté, sa prévalence est maximale au moment de la vie reproductive, le pic étant atteint vers l âge de 39 ans. Définition des migraines Il faut distinguer, d une part, les migraines des céphalées et, d autre part, les migraines simples des migraines avec aura. Cette distinction est fondamentale en raison des risques d accidents ischémiques cérébraux, très différents selon les types de ces céphalées. Le tableau I résume les critères diagnostiques définis par l IHS des 2 types de migraine. Toutes les céphalées n entrant pas dans ces critères diagnostiques sont considérées comme des céphalées de tension, en dehors bien sûr de toute pathologie organique sous-jacente et des céphalées plus spécifiques telles que l algie vasculaire de la face ou les céphalées trigémino-autonomiques. Les migraines cataméniales survenant uniquement au moment des règles correspondent à une entité particulière et seront traitées dans un autre chapitre. Avant la prescription de tout traitement hormonal, l existence d une migraine et son type (avec ou sans aura) doivent faire partie de l interrogatoire systématique au même titre que l existence d un tabagisme actif. Les bases physiopathologiques de la migraine ne sont pas totalement élucidées. Les données les plus récentes suggèrent que la migraine est une maladie neurovasculaire complexe sous-tendue par une hyperexcitabilité neuronale d origine génétique et environnementale (1). 22 La Lettre du Gynécologue n os 372-373 mai-juin 2012 LG 2012-05/06ok.indd 22 05/06/12 15:05

Points forts La migraine est une affection de fréquence élevée dont les liens avec les hormones stéroïdes sexuelles, endogènes ou exogènes, sont incontestables. Avant toute prescription d hormones exogènes, il est indispensable d interroger les femmes sur l existence d une migraine simple ou d une migraine avec aura. La migraine avec aura est une contre-indication absolue à l utilisation de contraceptions combinées d estro-progestatifs en raison du risque accru d AVC ischémique. Le traitement hormonal de la ménopause par voie orale augmente le risque d AVC, son utilisation chez les femmes migraineuses doit être prudente. Mots-clés Migraine Hormones sexuelles Contraception hormonale Ménopause Grossesse Tableau I. Définition des migraines. Migraine sans aura (MSA) Au moins 5 crises remplissant les critères suivants Crises de céphalées durant de 4 à 72 heures (sans traitement) Céphalée ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes : unilatéralité pulsatilité intensité modérée à sévère aggravation par l effort physique Céphalée associée à au moins 1 des symptômes suivants nausées et/ou vomissements photophobie et phonophobie Migraine avec aura (MA) Définition de la migraine sans aura + Aura (au moins 2 épisodes) Aura Ensemble des symptômes neurologiques focaux et réversibles d installation progressive, d une durée > 5 mn et < 60 mn, précédant le plus souvent une céphalée migraineuse symptômes visuels réversibles (positifs ou négatifs) symptômes sensoriels troubles du langage Hormones endogènes et migraine Chez la femme, les facteurs hormonaux endogènes jouent un rôle prépondérant dans le déclenchement des crises. Migraine et puberté Chez l enfant, la fréquence des crises migraineuses est identique chez la fille et chez le garçon. La prépondérance féminine apparaît à la puberté. Le pic d incidence à la puberté concerne 10 à 20 % des femmes migraineuses. Migraine et cycle menstruel E. A. MacGregor a évalué précisément le lien entre taux urinaires des hormones stéroïdes sexuelles et migraine (4). Il existe un lien évident entre les variations cycliques de ces hormones et les crises migraineuses. Ces résultats valident l hypothèse d un effet déclencheur des crises par chute du taux d estrogène endogène en période périmenstruelle, mais pas au moment de l ovulation. Plus de 50 % des femmes migraineuses établissent un lien entre leurs crises de migraine et leurs menstruations. Il faut distinguer les migraines cataméniales pures, survenant entre les 2 premiers jours précédant les règles et les 3 premiers jours du cycle, sans crise en dehors de cette période. Ce type de migraine est beaucoup plus rare. Migraine et grossesse La grossesse a un effet bénéfique sur les migraines. En effet, la grande majorité des femmes migraineuses (plus de 90 % pour certaines études) constate une amélioration de leur maladie migraineuse pendant cette période, surtout observée pour les migraines sans aura (5). La forte imprégnation hormonale est l une des hypothèses pour expliquer cette amélioration qui bénéficie surtout aux femmes souffrant de migraine sans aura. Il faut noter toutefois que certaines femmes (5 à 10 %) notent une aggravation de leurs crises, voire une apparition de migraine pendant la grossesse. En post-partum, une recrudescence des crises peut apparaître, surtout si les femmes souffraient de crises cataméniales avant la grossesse. Migraine et ménopause Peu d études ont évalué précisément l impact de la période périménopausique sur la maladie migraineuse. Celles-ci ont tendance à montrer une aggravation pendant la phase qui précède l arrêt définitif des règles. Une fois la ménopause bien installée, on note plutôt une amélioration des symptômes (6). Mais les études sont discordantes. Aucune étude n a évalué de façon prospective cette période de fragilité chez les femmes migraineuses. Cet effet bénéfique concerne les migraines sans aura : la prévalence des migraines avec aura ne diminuerait pas après la ménopause. Notons cependant que la prévalence diminue avec l âge, mais le sex-ratio après la ménopause se maintient à environ 2,5. Highlights The neuroactive properties of reproductive steroids and the cyclic variations in their serum concentration are important pathophysiologic factors in epilepsy. Estradiol is proconvulsant, whereas progesterone is anticonvulsant. Catamenial epilepsy (CE) is defined by the onset or seizure exacerbation during one or more phases of the menstrual cycle. Its therapeutic management, using either natural progesterone or antiepileptic drugs, remains difficult. During perimenopause, there is an increased risk for seizure onset or epilepsy worsening especially in women with previous CE. After menopause, seizure frequency tends to decrease among women suffering from CE and those who have a moderate climacteric syndrome. Hormone replacement therapy may favor seizure exacerbation. Keywords Migraine Sexual hormones Contraception Menopause Pregnancy La Lettre du Gynécologue n os 372-373 mai-juin 2012 23 LG 2012-05/06ok.indd 23 05/06/12 15:05

Hormones exogènes et migraine La prescription d hormones exogènes chez les femmes migraineuses pose 2 grandes questions. Quelle est l influence de ces traitements hormonaux sur l évolution des crises migraineuses? Quel est le risque d AVC ischémique chez les femmes migraineuses qui utilisent ces traitements hormonaux, et doivent-ils être contre-indiqués de façon absolue chez certaines femmes? Migraine et contraception hormonale Influence de la contraception hormonale sur la migraine La prise de contraceptifs combinés estroprogestatifs (COC) peut aggraver, améliorer ou ne pas modifier une maladie migraineuse (7). Par ailleurs, des crises migraineuses peuvent apparaître de novo sous COC. L ensemble des études montre des résultats très variables qu il est difficile de synthétiser compte tenu des différences dans l évaluation à la fois des divers contraceptifs utilisés par les femmes au cours de leur vie et des différentes méthodologies de ces études. L étude portant sur le plus grand nombre de femmes est une étude norvégienne transversale (Head-HUNT Study) [8]. Les résultats montrent une association significative entre les migraines et l utilisation de COC (tableau II), quel que soit le type de COC. Les contraceptions progestatives ne sont pas associées dans cette étude au risque de migraine. Cependant, sur ce point, la puissance de l étude est trop faible pour pouvoir conclure. Migraine, contraception et risque d AVC La survenue d un AVC ischémique chez la femme jeune est un événement rare. L incidence chez les femmes de moins de 35 ans est d environ 6 à 20 pour 100 000 années femmes. Cette incidence augmente avec l âge (9). Les résultats des méta-analyses les plus récentes (10) montrent un doublement du risque d AVC ischémique chez les utilisatrices de COC (RR : 2,12 ; IC 95 : 1,56-2,86). Cependant, les COC ont subi de grandes modifications, à la fois dans les doses d estrogènes utilisées et dans le type de progestatif combiné à l estrogène. Les pilules les plus récentes comportent entre 35 et 15 µg d éthinylestradiol et un progestatif de deuxième (lévonorgestrel) ou de troisième génération (désogestrel, gestodène, norgestimate) ou un autre progestatif (drospirénone, par exemple). Les pilules les plus récemment commercialisées contenant de l estradiol ne sont pas encore évaluées en termes de risque vasculaire cérébral. Les résultats d une étude de cohorte suédoise récente ne montrent aucune augmentation de risque d AVC (11). L interprétation doit être prudente en raison du type même d étude et de la puissance peut-être insuffisante pour détecter une discrète augmentation du risque dans un contexte d événement très rare chez les femmes jeunes. Les nouvelles voies d administration des COC (voie vaginale, voie transdermique) ont fait l objet de très peu d études. Le rapport récent de la FDA, comparant les utilisatrices de nouveaux contraceptifs aux femmes utilisant des contraceptifs de deuxième génération, ne montre aucune augmentation significative des événements artériels avec ces nouvelles voies d administration (12). Cependant, ce rapport souligne une augmentation significative du risque d accident artériel chez les femmes âgées de plus de 35 ans et nouvellement utilisatrices de contraceptifs contenant de la drospirénone chez les femmes de plus de 35 ans (RR : 2,60 ; IC 95 : 1,25-5,41). S agit-il d un effet propre de ce type de contraception ou d un biais de prescription? La question reste posée. L analyse de l ensemble des études épidémiolo- Tableau II. Contraception et risque de migraine (6). n = 13944 Migraines Céphalées non migraineuses n OR (IC 95 ) n OR (IC 95 ) Estroprogestatif : 0 716 1,0 1 305 1,0 Anciennes utilisatrices 1 746 1,2 (1,0-1,3) 2 922 1,1 (1,0-1,2) Contraception orale quelle que soit la dose d estroprogestatif 390 1,4 (1,2-1,7) 659 1,2 (1,0-1,4) Contraception orale 30 µg 202 1,4 (1,2-1,8) 350 1,2 (1,0-1,5) Contraception orale 30-40 µg 56 1,4 (1,0-2,0) 99 1,2 (0,9-1,6) Contraception orale 50 µg 4 0,9 (0,3-2,5) 16 2,6 (1,2-5,7) Contraception triphasique 128 1,5 (1,2-1,9) 193 1,0 (0,8-1,2) Progestatifs seuls 52 1,3 (0,9-1,8) 84 1,0 (0,8-1,3) 24 La Lettre du Gynécologue n os 372-373 mai-juin 2012 LG 2012-05/06ok.indd 24 05/06/12 15:05

giques évaluant l association contraception progestative seule et risque d AVC ischémique ne montre aucune augmentation de ce risque liée à l utilisation de ce type de contraception (13). Par ailleurs, les migraines augmentent le risque d AVC ischémique, surtout chez les femmes souffrant de migraines avec aura (RR : 2,16 ; IC 95 : 1,53-3,03) [14]. Il existe une interaction significative lors du cumul de plusieurs facteurs de risque. Les femmes les plus à risque sont celles souffrant de migraines avec aura, fumeuses, âgées de moins de 45 ans et utilisant un COC. Il faut donc tenir compte des facteurs de risque vasculaire associés pour prescrire la contraception la moins à risque vasculaire artériel chez les patientes souffrant de migraines. En pratique, la figure 2 résume la conduite à tenir pour l utilisation de la contraception chez les femmes souffrant de migraines avec ou sans aura. Pas de modification Poursuite des COC Migraine sans aura et pas de FDR associés COC Augmentation de la fréquence Augmentation de l intensité Arrêt des COC Contraception mécanique DIU Contraception progestative Contraception définitive Migraine sans aura et FDR associés ou migraine avec aura Contre-indication aux COC Contraception mécanique DIU Contraception progestative Contraception définitive Migraine et traitement hormonal de la ménopause Influence du traitement hormonal de la ménopause sur la migraine L évaluation du lien entre traitement hormonal de la ménopause (THM) et risque de migraine est difficile à établir en raison des différences de THM utilisés dans les pays en termes de molécules d estrogènes (estrogènes conjugués équins ou estradiol), de voie d administration de ces estrogènes (voie orale ou transdermique), et du progestatif associé à l estrogénothérapie chez les femmes non hystérectomisées. Cependant, plusieurs études transversales ont analysé ce lien. Elles montrent de façon concordante une augmentation significative du risque de migraine lié à l utilisation d un THM (résultats de l étude Head-HUNT : OR = 1,6 ; IC 95 : 1,4-1,9) [15]. Dans le domaine du THM, les essais randomisés sont possibles, à l inverse de la contraception hormonale, afin d évaluer de façon prospective l effet de différents types de THM sur l évolution de la migraine. L essai de R.E. Nappi et al. souligne l effet neutre de l administration d estradiol par voie transdermique alors que la voie orale aggrave la fréquence et la durée des migraines (16). Enfin, les résultats de l essai mené par F. Facchinetti et al. montrent l aggravation des migraines sous THM quel que soit le type d administration du progestatif, en continu ou de façon séquentiel (17). Figure 2. Conduite à tenir en pratique chez les femmes migraineuses. Migraine, THM et risque d AVC ischémique Les résultats des nombreuses études épidémiologiques montrent que le THM utilisé par voie orale augmente de façon significative le risque d AVC ischémique d environ 30 %. Les essais randomisés ont confirmé ces résultats, le THM analysé dans la plupart des essais associe estrogènes conjugués équins et acétate de médroxyprogestérone. Ainsi, les résultats récents de la Women s Health Initiave évaluent le risque à 1,34 (1,05-1,71) pour le THM combiné et à 1,37 (1,10-1,77) pour l utilisation d estrogènes conjugués équins seuls (18, 19). Les premiers résultats sur l utilisation de la voie transdermique viennent d être publiés grâce à l importante base de données des généralistes anglais (20). Ainsi, le risque relatif d AVC chez les utilisatrices d un THM par voie orale est significativement augmenté (RR = 1,28 ; IC 95 : 1,15-1,42) tandis que ce risque n est pas modifié chez les utilisatrices d estrogène par voie transdermique à doses modérées. Le rôle propre du progestatif reste encore mal documenté. Il n existe pas, à notre connaissance, d étude ayant analysé l interaction du THM chez les femmes migraineuses sur le risque d AVC. L ensemble de ces données incite donc à utiliser préférentiellement le THM par voie percutanée chez les femmes ménopausées souffrant d un syndrome climatérique important et de migraines. La Lettre du Gynécologue n os 372-373 mai-juin 2012 25 LG 2012-05/06ok.indd 25 05/06/12 15:05

Conclusion L influence des hormones endogènes et exogènes sur la migraine est forte. L évaluation des migraines, avant toute prescription d hormones exogènes, contraceptives ou de substitution, est indispensable afin d optimiser la balance bénéfice/risque de ces thérapeutiques. La migraine avec aura constitue une contre-indication absolue à l utilisation des COC en raison du risque important d AVC ischémique. L utilisation du THM dans cette situation clinique n est pas encore évaluée. La prudence s impose donc. Références bibliographiques 1. Massiou H, Plu-Bureau G. Management specificities in female migraineurs. In: Multidisciplinary management of migraine. Fernandez-de-las-Penas C, Chaitow L, Schoenen J. Jones & Bartlett Learning (eds), 2013. 2. IHS 2004. Headache Classification Committee of the International Headache Society. The international classification of Headache disorders, 2nd edition. Cephalalgia 2004;24:1-160. 3. Lipton RB, Bigal ME, Diamond M et al. 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