Les maladies cardiovasculaires et la mortalité

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Risque résiduel ou inertie clinique? Residual risk or clinical inertia? R. Roussel* * Service de diabétologie-endocrinologie et nutrition, hôpital Bichat, Paris ; université Denis-Diderot Paris- VII, Paris ; Inserm, U695, Genetic determinants for type 2 diabetes and its vascular complications, Xavier Bichat School of Medicine, Paris. Les maladies cardiovasculaires et la mortalité prématurée qui leur est associée reculent dans les pays occidentaux, dans toutes les tranches d âge, du fait d une meilleure prise en charge des accidents coronaires et cérébrovasculaires et d une meilleure prévention primaire et secondaire, en particulier de l hypercholestérolémie, grâce au pilier du traitement préventif que constitue la classe des statines. Aucun autre facteur de risque modifiable n est autant validé que le LDL-cholestérol : chaque millimole par litre gagnée réduit le risque de %. Pourtant, des événements surviennent sous statines : elles ne confèrent pas de protection absolue. Un risque résiduel persiste donc, et on se doute qu aucune intervention ne l annulera complètement ; mais, logiquement, il est particulièrement marqué quand d autres facteurs de risque indépendants du LDL-cholestérol ne sont pas contrôlés : diabète déséquilibré, hypertension sévère ou dyslipidémie athérogène par exemple. Cette dernière correspond à une baisse du HDL-cholestérol, associée souvent à l élévation des triglycérides, et s observe fréquemment chez les sujets présentant d autres anomalies métaboliques, comme l intolérance au glucose ou le diabète. En conséquence, ces anomalies métaboliques ont été proposées comme des cibles complémentaires du traitement par statine, par exemple en introduisant en plus des fibrates, de la niacine ou, un jour, un inhibiteur de la cholesterol ester transfer protein (CETP) pour élever le HDL. Théoriquement satisfaisantes, ces options restent hypothétiques, le niveau de preuve de leur efficacité étant à ce jour faible ou non établi. Mais le traitement par statine n est pas binaire : je donne ou je ne donne pas ; il est possible d opter pour des molécules plus ou moins puissantes, et de titrer leur posologie. Dans quelle mesure cette utilisation optimisée de la classe phare de la prévention pourrait-elle réduire le risque résiduel? Analysons dans cette optique les données des essais d intervention par statines chez des diabétiques, particulièrement exposés à la dyslipidémie athérogène, HDL bas et triglycérides élevés. Risque résiduel : passer du slogan vague à une mesure objective Il est toujours opportun de réduire un risque. Pour progresser au-delà de ce truisme, il faut adopter une approche quantitative. Quelle est l incidence des événements cardiovasculaires des patients sous statines? Le tableau et la figure 1 fournissent l incidence des infarctus du myocarde, fatals ou non, chez les patients diabétiques des bras actifs des grands essais d intervention par statine. On observe que, dans les études CARDS, ASPEN et ASCOT diabète, le risque d événements coronaires majeurs à ans sous statine n a pas été supérieur à %, ce qui représente un risque faible : il n y a en fait pas de risque résiduel pertinent chez ces patients. En revanche, au cours des autres études, le risque résiduel était supérieur à % ; ici, il s agit d études de prévention secondaire, mais dans le bras simvastatine en monothérapie d ACCORD, pour des sujets majoritairement (aux deux tiers) en prévention primaire, le risque d événements coronaires majeurs restait élevé : 27,9 % à ans (1). Dans ce cadre, il est légitime de chercher à intensifier la lutte contre les facteurs de risque modifiables, dont les lipides. En pratique, comment anticiper le risque résiduel d un patient déjà sous statine? On l a vu, les sujets diabétiques en prévention secondaire peuvent 14 La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire n 441 - janvier 11

Résumé Le risque des patients sous statine peut persister à un niveau jugé excessif, qui justifie une intensification du traitement. La relation du risque cardiovasculaire avec le niveau de LDL est linéaire pour les patients sans statines comme pour ceux qui en reçoivent. Cela suggère que poursuivre la réduction du LDL par une statine plus puissante ou plus dosée est susceptible de réduire encore le risque : en effet, c est ce qui a été observé dans les rares études d intensification. En résumé, chez un diabétique dont le risque cardiovasculaire est insuffisamment réduit sous statine, il convient de lutter contre l inertie clinique et d intensifier le traitement par statine au maximum avant d envisager une association avec un autre hypolipémiant, qui n a pas fait la preuve de son efficacité. Mots-clés Risque résiduel Diabète Intensification d emblée être considérés à risque résiduel excessif. Pour les autres, aucune réponse rigoureuse n est possible. En effet, il nous faudrait un calculateur de risque omme celui de Framingham, mais validé pour les patients déjà sous statine : rien de tel n a été publié. À défaut, il paraît raisonnable d appliquer les calculateurs disponibles pour la population générale Tableau. Incidence des infarctus du myocarde, fatals ou non, chez les patients diabétiques des bras actifs des grands essais d intervention par statine. Étude Niveau de prévention LDL sous traitement (g/l) LDL sous traitement (mmol/l) Incidence des événements coronaires rapportée à ans 4S diabète Secondaire Simvastatine -4 mg 119 3,7 43,2 ASPEN Secondaire Atorvastatine mg 79 2,4 24,5 HPS diabète Secondaire Simvastatine 4 mg 84 2,17 36,3 CARE diabète Secondaire Pravastatine 4 mg 99 2,56 35,4 TNT syndrome métabolique et diabète (Framingham, SCORE) ou celui spécifique des diabétiques de type 2, issu de l étude UKPDS (http://www. dtu.ox.ac.uk/riskengine/). À titre d exemple, pour un patient ayant les caractéristiques moyennes à l inclusion des participants dans ACCORD, ce dernier estime le risque d événements coronaires majeurs à ans à 27,4 % contre une observation de 27,9 %! Secondaire Atorvastatine 8 mg 77 1,99 21,6 TNT diabète Secondaire Atorvastatine mg 99 2,22 26, HPS diabète Primaire Simvastatine 4 mg 86 1,83 7,5 CARDS Primaire Atorvastatine mg 71 2,6 7,9 ASPEN Primaire Atorvastatine mg 8 2,12,2 ASCOT diabète Primaire Atorvastatine mg 82 2,56 26,3 Summary The risk of patients on statins can persist at a level deemed excessive, justifying an intensification of treatment. The relationship of cardiovascular risk with cholesterol levels is linear for patients without statins and for those who receive it. This suggests that further reduction of LDL with a statin more powerful or at a higher dosage is likely to further reduce the risk: in fact, it is what has been observed in the few studies of intensification. In summary, for a diabetic whose cardiovascular risk is unsufficiently reduced on statin, clinical inertia should be avoided and statin therapy should be increased before considering a combination with another lipid-lowering drug, which has not demonstrated its effectiveness. Keywords Incidence des événements coronaires majeurs rapportée à ans (%) 5 4 Residual rik Diabetes Statin Intensification 1 1,5 2 2,5 3 3,5 Figure 1. Incidence des infarctus du myocarde, fatals ou non, chez les patients diabétiques des bras actifs des grands essais d intervention par statine (caractéristiques des essais du tableau). La ligne horizontale correspond à la limite d incidence de %, soit un risque élevé. La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire n 441 - janvier 11

Risque résiduel ou inertie clinique? LDL-cholestérol et événements cardiovasculaires : une relation étroite, y compris pour les valeurs basses De nombreuses études épidémiologiques ont établi le lien étroit entre LDL et incidence des événements coronaires, tant en prévention secondaire qu en prévention primaire, mais sans qu une valeur seuil du LDL en dessous de laquelle le risque associé serait négligeable soit proposée. En reprenant les données publiées de la Heart Protection Study (HPS), une étude en prévention primaire incluant des sujets à risque cardiovasculaire élevé mais avec un LDL fréquemment bas, nous avons retrouvé une association linéaire entre l incidence des événements cardiovasculaires majeurs et le niveau de LDL-cholestérol observé en cours d étude dans différents sousgroupes (2) [figure 2A]. Une relation similaire est observée pour le sous-groupe des patients diabétiques (3) [figure 2B]. Or, la concentration de LDL mesurée chez les diabétiques de type 2 pour lesquels une réduction du risque est souhaitable puisqu ils entrent dans un essai évaluant une statine est de l ordre de 1,3 g/l dans une méta-analyse des essais allant de 4S à CARDS, et, plus récemment, de 1, g/l à l entrée dans ACCORD-lipides (65 % des patients étaient déjà sous hypolipémiants à l inclusion) ; près de 5 % des participants d ACCORD présentaient un LDL dépassant 1 g/l (1, 4). L étude des données de patients en pratique courante au sein d une organisation de santé israélienne (des recommandations s y imposent aux prescripteurs) montre que seulement 23 % des diabétiques atteignent l objectif de LDL, soit,7 g/l en prévention secondaire et 1 g/l en prévention primaire (5). Il y a sans doute un gisement de prévention inexploité vers les valeurs basses du LDL. Quel que soit le niveau de HDL-cholestérol, le LDL fait l essentiel du risque La conclusion générale précédente sur les diabétiques vaut-elle lorsque le HDL-cholestérol est bas puisque cette singularité est proposée comme marqueur d une population à risque résiduel élevé bien que cela ait été récemment remis en cause chez les non-diabétiques (6)? Au sein de la cohorte des plus de 3 participants français de l essai randomisé DIABHYCAR (7), qui a testé l efficacité du ramipril à faible dose chez des diabétiques de type 2 albuminuriques à haut risque, nous avons analysé la relation entre le risque d événements cardiovasculaires majeurs et le LDL-cholestérol, en séparant les patients selon leur taux de HDL : au-dessus ou en-dessous de 1 mmol/l (,4 g/l). La relation entre incidence des événements et LDL a été retrouvée au sein des 2 sous-groupes. En analyse multivariée intégrant les différents facteurs pronostiques, chaque millimole par litre de LDL a même été associée à une augmentation du risque de 59 % lorsque le HDL était bas, contre % quand il était Patients présentant un événement cardiovasculaire majeur (%) A y = 5,472 + 7,5937 R 2 =,9831 Patients présentant un événement cardiovasculaire majeur (%) 1 1,5 2 2,5 3 3,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 B y = 7,44757 + 2,7 R 2 =,9298 Figure 2. Association entre la proportion des patients présentant un événement cardiovasculaire majeur au cours de l étude Heart Protection Study (d après [2]). Six sous-groupes sont définis selon le LDL d inclusion (inférieur à 3 ; entre 3 et 3,5 ; supérieur à 3,5 mmol/l) et le groupe de randomisation, simvastatine ou placebo. A : cohorte intégrale. B : patients diabétiques, 4 sous-groupes selon le LDL à l inclusion (inférieur ou supérieur à 3 mmol/l) et le groupe de randomisation. 16 La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire n 441 - janvier 11

supérieur à la médiane (données non publiées)! Cette observation correspond aux résultats observés dans la vaste analyse épidémiologique Prospective Studies Collaboration, qui n était pas limitée aux diabétiques (8) [figure 3]. Autrement dit, avec un taux de HDL bas, le LDL est une force motrice puissante du risque cardiovasculaire, aussi puissante qu un taux élevé de HDL en valeur relative, et plus puissante en valeur absolue. Le LDL-cholestérol sous traitement par statine reste toujours étroitement associé au risque et constitue encore une cible pertinente Les observations précédentes ont essentiellement été faites chez des patients non traités par statine. Sous ce traitement, le niveau du LDL perd-il sa valeur pronostique? La recherche d un lien entre LDL et risque d infarctus fatal au cours des grands essais d intervention par statine chez les diabétiques confirme qu elle conserve sa force : la figure 4 illustre que la corrélation reste du même ordre quand on analyse séparément les bras témoins et actifs de ces études, avec une variance du risque toujours expliquée à plus de 5 % par le LDL, et une pente entre risque et LDL au moins aussi forte pour les patients sous statine que dans les groupes témoins. Autrement dit, chaque millimole par litre de LDL coûte au moins aussi cher en termes de risque coronarien sous statine que sans statine. En corollaire, une hypothèse raisonnable est que réduire encore le LDL induira un bénéfice supplémentaire sur ce risque. Les statines sont efficaces pour réduire le risque coronaire des diabétiques, quelles que soient les valeurs du HDL et des triglycérides Les statines sont efficaces pour réduire le risque coronaire, chez les diabétiques comme chez les non-diabétiques, avec une réduction du risque relatif de l ordre de % (4). Une tendance à une plus faible réduction relative semble se dessiner pour les valeurs basses de HDL, mais comme le risque absolu des patients avec un HDL bas est plus fort, la réduction du risque absolu est au moins aussi pertinente à HDL Risque relatif de mortalité d origine coronarienne (IC 95 ) 4 2 1,5,95 1,2 1,3 1,7 HDL-cholestérol moyen (mmol/l) Cholestérol non-hdl < 5 mmol/l Cholestérol non-hdl > 5 mmol/l Figure 3. Mortalité d origine coronarienne dans les 61 études prospectives de la Prospective Studies Collaboration (9 patients, 34 morts d origine coronarienne). Les patients sont répartis en 4 groupes, selon leur taux de HDL (,95 ; 1,2 ; 1,3 et 1,7). Pour chaque groupe, la mortalité est comparée entre les sous-groupes définis selon le cholestérol non-hdl (très corrélé au LDL), inférieur ou supérieur à 5 mmol/l. Le risque associé au sous-groupe cholestérol non-hdl (très corrélé au LDL) élevé est du même ordre pour tous les niveaux de HDL : le risque absolu supérieur pour les HDL bas se traduit par un risque associé au cholestérol non-hdl encore plus important que lorsque le HDL est moyen ou élevé. Événements coronaires majeurs rapportés à ans (%) 9 8 7 y =,164 67,27 R 2 =,6294 6 5 4 y = 27,7 37,232 R 2 =,63 Bras actif (statine) Bras témoin 1 2 3 4 5 6 LDL-cholestérol (mmol/l) en cours d étude Figure 4. Relation entre le risque d infarctus du myocarde fatal ou non au cours des essais évaluant des statines chez des patients diabétiques (tableau), dans les bras actifs et témoins : la pente de la courbe de tendance, c est-à-dire le lien entre LDL et risque, reste du même ordre sous statine et dans les groupes témoins. La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire n 441 - janvier 11 17

Risque résiduel ou inertie clinique? Patients avec événements coronaires (%) Placebo 4S LIPID LIPID IDEAL (simvastatine mg) CARE IDEAL CARE HPS (atorvastatine 8 mg) HPS TNT (atorvastatine mg) 5 TNT (atorvastatine 8 mg) 7 9 1 1 17 19 2 LDL-cholestérol (mg/dl) Figure 5. Relation entre le taux d événements coronaires et le taux de LDL en cours d étude dans les essais évaluant les statines en prévention secondaire. Les essais comparant diverses doses sont illustrés en violet. Globalement, la réduction de risque supplémentaire obtenue sous forte dose peut être anticipée à partir de la réduction du LDL observée : tout gain de LDL se traduit par un bénéfice coronarien, sans effet-seuil, ce qui légitime dans les populations étudiées l escalade de dose fondée sur le risque résiduel. La réduction du risque relatif est cohérente avec les résultats de PROVE-IT ( 16 %), qui comparait 4 mg de pravastatine et 8 mg d atorvastatine immédiatement après l infarctus du myocarde. D après (9). bas qu à HDL élevé ; la même remarque vaut selon la triglycéridémie à l inclusion. Les essais comparant diverses doses de statines confirment que toute baisse supplémentaire de LDL se traduit par une baisse supplémentaire du risque (figure 5). Plusieurs études (TNT, IDEAL, PROVE-IT) ont comparé des statines de puissances et/ou de posologies différentes. Ces études ont été réalisées 4S exclusivement dans le contexte de la prévention secondaire. L analyse des résultats de TNT selon le niveau de HDL à l inclusion a montré que la titration de l atorvastatine était également efficace en cas de HDL bas (y compris en dessous de,38 g/l ou,98 mmol/l, dans le sous-groupe où les diabétiques étaient les plus représentés, 21 %). Conclusion Le risque résiduel des patients sous statine est à évaluer individuellement ; il est probablement très souvent élevé chez les patients en prévention secondaire, en particulier chez les diabétiques. Les marqueurs de risque modifiables sont des cibles potentielles, mais ils ne sont pas tous convaincants : chez les diabétiques, l HbA1c est un tel marqueur, mais on réalise, avec les derniers grands essais, que l intensification du contrôle glycémique ne rapporte pas facilement le bénéfice espéré ; la pression artérielle, sous 1 de systolique, n a pas d intérêt supplémentaire ; HDL bas et triglycérides élevés sont aussi des marqueurs de risque résiduel, notamment chez les diabétiques, mais ACCORD-lipides, qui testait l adjonction de fénofibrate sur un fond de simvastatine, a donné des résultats négatifs. Les données convergent pour soutenir une titration raisonnée (basée sur le risque résiduel) des statines, qui, par le prolongement de leur effet sur le LDL, et sans doute par d autres actions plus subtiles (taille des particules de lipoprotéines, inflammation, stabilisation des plaques), fournissent une réserve de protection à exploiter. La dyslipidémie athérogène est importante et constitue une incitation à mieux utiliser la classe des statines. Références bibliographiques 1. ACCORD Study Group, Ginsberg HN, Elam MB et al. Effects of combination lipid therapy in type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med ;362(17):63-74. 2. Heart Protection Study Collaborative Group. MRC/ BHF Heart Protection Study of cholesterol lowering with simvastatin in 536 high-risk individuals: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2;36(9326): 7-22. 3. Collins R, Armitage J, Parish S, Sleigh P, Peto R; Heart Protection Study Collaborative Group. MRC/BHF Heart Protection Study of cholesterol-lowering with simvastatin in 5963 people with diabetes: a randomised placebocontrolled trial. Lancet 3;361(9374):5-16. 4. Cholesterol Treatment Trialists (CTT) Collaborators, Kearney PM, Blackwell L et al. Efficacy of cholesterollowering therapy in 18,686 people with diabetes in 14 randomised trials of statins: a meta-analysis. Lancet 8;371(967):117-. 5. 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