Thrombose veineuse profonde et Embolie pulmonaire Yohan Audurier 25 octobre 2016
Définition Maladie Thromboembolique veineuse : Présence d un caillot sanguin (thrombus) dans la lumière veineuse entraînant l oblitération plus ou moins complète de cette dernière. Elle se manifeste sous deux formes cliniques : La thrombose veineuse profonde et l embolie pulmonaire. Thrombose veineuse profonde : occlusion veineuse principalement localisée au niveau des membres inférieurs. On parle aussi de phlébite. Elle se manifeste par une jambe le plus souvent douloureuse, rouge, chaude et gonflée. L occlusion peut situer en position proximale ou distale Embolie pulmonaire : Complication fréquente de la TVP via un phénomène migratoire, l embolie pulmonaire est une obstruction partielle ou totale d une artère des poumons par un caillot sanguin
Migration du caillot : Embolie pulmonaire Ameli-sante.fr
Epidémiologie C est la troisième maladie cardiovasculaire la plus fréquente 1 à 2/1000 hts. Multiplié par 10 chez la personne âgée. Mortalité 7 à 11% Touche préférentiellement les hommes (à partir de 60 ans) 1/3 des patients ayant fait une TVP en referont dans les 10 ans qui suivent Heit J, The epidemiology of venous thromboembolism. J Thromb Thrombolysis. 2016 Jan;41(1):3-14
Epidémiologie TVP/EP Heit J, The epidemiology of venous thromboembolism. J Thromb Thrombolysis. 2016 Jan;41(1):3-14
Cas clinique Monsieur T, 82 ans, est admis aux urgences après un malaise avec brève perte de connaissance. Il a été retrouvé sur ses toilettes par l aide-soignante de sa maison de retraite. Antécédents : diabète type 2, HTA, tabagisme actif 45 PA, ACFA Cliniquement : ECG Fibrillation auriculaire, FC 120 btm, PAS 85 mmhg, Dyspnée avec désaturations A l interrogatoire Monsieur T rapporte une douleur au mollet droit, encore douloureux et gonflé à l auscultation. Son médecin traitant joint par téléphone vous précise que le traitement anticoagulant habituel de monsieur T (Coumadine ) a été suspendu récemment à cause de sang retrouvé dans les selles et d une anémie profonde Hb 7,9g/dl pour laquelle Monsieur T devait être hospitalisé pour exploration la semaine prochaine.
Eléments orientant le diagnostic Epidémiologie : Homme, 81 ans Antécédent de FA et période sans anticoagulation efficace Contexte : Retrouvé sur les toilettes, fréquent ++ ECG normal hormis FA connue Signe clinique de TVP : douleur mollet droit
Facteurs de risque de MTEV Facteurs d exposition Intervention chirurgicale Traumatisme Maladies aigües IC aigüe Insuffisance respiratoire aigüe VVC Facteurs mixtes Cancer Maladies inflammatoires Facteurs de prédisposition Antécédents de MTEV IC chronique Age avancé Varices Obésité Immobilité ou parésie Grossesse/péripartum Thrombophilie héréditaire ou acquise Insuffisance rénale Pilules contraceptive
Score de Wells EP
Score de Wells EP
Score de Genève révisé EP Score = 13 +/- 2 Risque élevé http://www.revmed.ch/rms/2007/rms-134/32705
Cas clinique Quels examens complémentaires peuvent être réalisés pour confirmer le diagnostic?
ESC 2014
Examens paracliniques : Imagerie Angioscanner ++ Visualisation diagnostic différentiel Scintigraphie ventilation/perfusion en alternative si impossibilité réalisation angioscanner Vérifie la circulation aérienne et sanguine des poumons (2 étapes) Radiotraceur Echodoppler à la recherche de TVP Echographie cardiaque trans-thoracique Morphologie des cavités droites, PAPS et élimination d autres diagnostics (notamment une tamponnade)
ESC 2014
ESC 2014
D-Dimères Dosés si probabilité clinique faible ou moyenne < 500 ng/ml = Pas de TVP diagnostic d exclusion (VPN > 98%) > 500 ng/ml Echo-doppler Non spécifiques, augmentent aussi dans d autres situations : Age avancé, Cancer, CIVD, Infection, Inflammation, Affections coronariennes, Chirurgie, Grossesse Un taux de - res ELISA < 500 ng/ml permet d'exclure le diagnostic d'ep chez : 60% des patients 5% des patients s de moins de 40 ans s de plus de 80 ans Righini M et al, Am J Med 2000
D-Dimères dans l exclusion de l EP : Utilisation en gériatrie? Patients ambulatoires Patients sans co-morbidités pouvant rendre ininterprétables les D-Dimères En l absence de traitement thrombolytique ou anticoagulant associé Patients sans probabilité clinique forte Au final peu d intérêt en gériatrie
Cas clinique
Traitement Urgence thérapeutique Anticoagulation curative Par HBPM, Fondaparinux ou HNF à la seringue électrique Probabiliste = Sans attendre le résultats des examens si probabilité forte (accord professionnel) Si confirmation relai par AVK ou AOD Thrombolyse pour les EP graves avec signes de choc EP massive si obstruction vasculaire pulmonaire >à 50% Par altéplase (ACTILYSE ) ou autre thrombolytique 100 mg en deux heures (10mg en bolus puis perfusion de 90mg sur deux heures) En réanimation ou soins intensifs cardiaques
Héparine de Bas Poids Moléculaire Enoxaparine (LOVENOX ), Tinzaparine (INNOHEP ), Nadroparine (FRAXIPARINE ), Daltéparine (FRAGMINE ) Elles dérivent de l héparine naturelle. Obtenues par fractionnement chimique ou enzymatique des chaines d héparines standard. Elles sont donc enrichies en chaines légères. Activité majoritairement antixa. Contre indiquées chez les patients insuffisants rénaux sévère (ClCréat < 30ml/min) et chez les patients avec un saignement actif (ulcère gastroduodénal ) Voie d administration : sous-cutanée Posologie : attention doses et schéma différents suivant la volonté de traiter en préventif ou en curatif Exemple : Enoxaparine. En préventif, 40mg une fois par jour. En curatif 1mg/kg, 2 fois par 24h Suivi biologique par l activité antixa, non systématique, pour les patients de poids extrêmes.
Héparines Non Fractionnées Polymère saccharidique hétérogène constitué de chaines dont le poids moléculaire varie entre 3,5 et 35 kda. Activité antiiia et antixa. Il existe deux héparines non fractionnées commercialisées : L héparine sodique (HEPARINE CHOAY ) : administré à la seringue électrique intraveineuse Posologie curative : 20ui/kg/h apres un bolus de 50ui/kg L héparine calcique (CALCIPARINE ) : administré par voie sous-cutanée en 2 ou 3 prises par 24h Posologie curative : 500ui/kg/24h réparties en 2 ou 3 prises Héparine de choix pour le patient insuffisant rénal Suivi par un test biologique, le Temps de Céphaline activé en systématique Ratio entre 1,5 et 3, prélèvement exactement entre 2 doses pour l initiation et modification de dose
Filtre veine cave
Cas clinique 5 jours plus tard, le patient développe une thrombopénie avec des plaquettes à 75G/L alors qu elles étaient à 200G/L à son entrée dans le service. Quel diagnostic peut-on évoquer?
Cas clinique 5 jours plus tard, le patient développe une thrombopénie avec des plaquettes à 75G/L alors qu elles étaient à 200G/L à son entrée dans le service. Quel diagnostic peut-on évoquer? Thrombopénie induite à l héparine de type II (TIH) Contre indication à vie des HNF et HBPM
Thrombopénie induite à l héparine de type II Il s agit d un syndrome clinico-biologique induit par des anticorps, souvent d isotype IgG, qui reconnaissent dans la plupart des cas le facteur 4 plaquettaire (F4P) modifié par l héparine, avec une activité plaquettaire intense ainsi qu une activation de la coagulation pouvant aboutir à des thromboses veineuses/artérielles. Baisse des plaquettes dues : Activation massive des plaquettes = consommation Elimination par le système des phagocytes mononucléés des plaquettes sensibilisés par les anticorps Fréquence : 1 à 5% avec les HNF, plus rare mais possible avec les HBPM Diagnostic par test rapide à la recherche des anticorps antipf4, puis confirmation par test ELISA
Cas clinique Le médecin décide dont d arrêté l héparine non fractionnée et décide en concertation avec le pharmacien d introduire du danaparoïde sodique (ORGARAN ) à dose curative. Qu est que le danaparoide sodique?
Danaparoide sodique (ORGARAN ) Glycosaminoglycane dérivé de l héparine, extrait de la muqueuse intestinale du porc. Utilisable chez les patients ayant des antécédents de TIH Schémas posologiques complexes dépendant de plusieurs critères : Le caractère prophylactique ou curatif Le poids La voie d administration souhaitée (SC ou IV) Surveillance et adaptation posologique en fonction de l activité AntiXa
Cas clinique Les examens paracliniques confirme le diagnostic d EP et le thrombus a «fondu» après la thrombolyse. Un relai AVK est effectué par Coumadine. Comment s organise l organisation de ce médicament?
Anti-Vitamine K 3 antivitamines K disponibles : Fluindione PREVISCAN Warfarine COUMADINE Acenocoumarol SINTROM et MINISINTROM Action sur les facteurs de la coagulation vitamine K dépendants II, VII, IX et X Suivi biologique et adaptation posologique grâce à l INR Cible entre 2 et 3 Action retardée à partir de 72h (1 er INR à J4) Relai Héparinoïde/AVK en concomitance jusqu à l obtention de 2 INR consécutifs dans la cible puis arrêt de l héparinoide
Anticoagulants Oraux Directs Inhibiteurs direct du facteur IIa Dabigatran (PRADAXA ) Antidote disponible : Idarucizumab PRAXBIND Inhibiteurs direct du facteur Xa Rivaroxaban (XARELTO ) Apixaban (ELIQUIS ) Intérêt : dose unique et pas de suivi biologique ; ½ vie courte et utilisable dès la volonté d anticoagulation sans nécessite d un passage par l héparine. Attention les doses sont à adapter chez les patients insuffisants rénaux modérés et leur utilisation n est pas recommandée chez l insuffisant rénal sévère
Anticoagulants directs http://ansm.sante.fr
Durée de l anticoagulation post-ep? Recommandations ANSM 2009 PEC MTEV
G Agnelli, P Prandoni, C Becattini, M Silingardi, MR. Taliani, M Miccio, D Imberti, R Poggio, W Ageno, E Pogliani, F Porro, P. Zonzin Extended oral anticoagulant therapy after a first episode of pulmonary embolism Ann Intern Med 2003 ; 139 : 19-25.
Cas clinique Le patient revient quelques jours plus tard aux urgences. On objective alors déficit neurologique évocateur d une hémorragie cérébrale. L INR dosé est à 6,69. Le médecin décide d instaurer un antidote aux anti-vitamines K, que pouvez-vous lui proposer?
Cas clinique Suspension de l AVK! Administration de 10mg de vitamine K par voie IV Utilisation de PPSB = concentré de facteurs vitamine K dépendant Exemple Kanokad Dose dépendante du niveau de départ de l INR et du poids Contrôle de l INR à 30 minutes Recommandations HAS
Cas clinique Lors de cette nouvelle hospitalisation, un bilan de son anémie est effectué. La coloscopie et l analyse anatomo-pathologique et le bilan d extension conclus à un cancer colorectal métastatique. Monsieur T, va débuter une chimiothérapie par FOLFOX. L anticoagulation doit-elle toujours se faire par AVK?
AVK et cancer RECOMMANDATIONS POUR LA PRATIQUE CLINIQUE THROMBOSE ET CANCER INCA 2008 En pratique HBPM au long cours : intêret INNOHEP (tinzaparine) 1 administrion par 24H
AOD et cancer Pour l instant non indiqué mais Etudes en cours pour Xarelto et Eliquis Résultats prometteurs
Prévention de la TVP Compression veineuse Chaussettes Bas Collants Classe 1 à 4 en fonction du niveau de compression
Merci de votre attention