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Pour un repérage efficace de la personne âgée à risque de delirium dès son arrivée à l urgence ou à l unité de soins, il importe d en reconnaître les manifestations cliniques ainsi que les facteurs de risque prédisposants et précipitantsen mettant à contribution la personne âgée et ses proches. C est ce que nous verrons dans cette leçon. Poursuivez! 2
Il est rare que le delirium soit causé par un seul facteur de risque. Il se développe plutôt dans un contexte multifactoriel où il existe une relation complexe entre les facteurs de risque prédisposants et précipitants. Les facteurs prédisposants, c est-à-dire le degré de vulnérabilité de la personne âgée avant l hospitalisation, ont autant d influence sur les risques de delirium que les stress qu elle subira durant l hospitalisation. Voici deux exemples de cette dynamique entre ces facteurs de risque. Prenez une personne âgée présentant plusieurs facteurs prédisposants. Elle pourra développer un delirium en subissant, durant son hospitalisation, un stress bénin comme l ajout d un médicament pour dormir. À l inverse, une personne âgée robuste présentant peu de facteurs prédisposants pourra quant à elle développer un delirium si elle subit un stress intense durant son hospitalisation comme une chirurgie majeure. Il importe de considérer la nature multifactorielle du delirium, car les individus sont tous différents et les situations cliniques tout aussi nombreuses. Il faut mettre en place un processus de soins qui portera sur l'ensemble des facteurs prédisposants et précipitants. C est en comprenant mieux l interrelation entre ces facteurs que vous pourrez mettre en place des stratégies préventives efficaces et orienter vos interventions. 3
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À partir de maintenant, vous suivrez ponctuellement le cheminement clinique de Mme Apollon, 82 ans, depuis son arrivée à l urgence jusqu à son congé hospitalier, et ce, dans le but de vous expliquer le déclin fonctionnel lié au delirium en milieu hospitalier. Vous apprendrez dans cette leçon et les suivantes, les actions à poser pour repérer et dépister le delirium, en faire l évaluation et en assurer la surveillance clinique. Nous ferons aussi référence aux notions d opérationnalisation de l Approche adaptée vues dans le module «Opérationnalisation de l AAPA», afin de démontrer comment optimiser vos interventions lorsque vous intervenez auprès d une personne âgée en delirium ou à risque de delirium. Poursuivez! 5
Voici la situation clinique de Mme Apollon. Elle se présente à l urgence avec sa belle-fille Jeanne pour une douleur à la jambe gauche qui persiste à la suite d une chute survenue à domicile il y a deux jours. L évaluation au triage permettra de déterminer si madame présente des facteurs de risque de delirium. L information recueillie lors cet examen révèle qu elle est atteinte de la maladie de Parkinson, qu elle a des cataractes, qu elle vit à domicile avec son conjoint, qu elle souffre d une douleur à la cuisse gauche d une intensité de 9 sur 10, avec irradiation à la jambe, et que cette douleur augmente lors de la marche ou lorsqu elle est assise durant une période prolongée. L infirmière apprend aussi que madame fut prise d un étourdissement lors de sa chute. Elle n a pas eu de perte de conscience et elle était seule au moment de la chute. Elle s était plainte de fatigue et de ne pas avoir d appétit depuis 4 à 5 jours. Sa belle-fille Jeanne rapporte que sa mère n a pas pris d analgésique depuis la chute, qu elle a eu des hallucinations le mois précédent après l ajustement de sa médication et, que depuis, elle a peur de prendre de nouveaux médicaments. L infirmière au triage consigne ces données dans son rapport de même que les résultats de son examen sommaire: signes vitaux et neurologiques, antécédents médicaux et médication. 6
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Étant donné son âge, Mme Apollon est ciblée par l Approche adaptée. De fait, le formulaire ISAR a été utilisé afin de dépister la perte d autonomie potentielle. Le résultat obtenu est de 3 sur 6, ce qui indique qu une évaluation gériatrique plus poussée doit avoir lieu. L ISAR est aussi un outil permettant de repérer les facteurs de risque prédisposant au delirium. Par exemple, l ISAR de madame indique qu elle n a pas de problème de mémoire et qu elle n avait pas besoin d aide chez elle, avant sa chute. Tenez compte de tous ces éléments lors de l évaluation clinique afin de dépister la personne âgée à risque de delirium. 13
À la salle d observation, MmeApollon subira une évaluation médicale, un bilan biologique et un bilan radiologique afin d établir un diagnostic par rapport à sa venue à l urgence. On en profitera pour évaluer le risque qu elle développe un delirium. Soyez attentif, voici les résultats obtenus. Les diagnostics sont: hématome à la cuisse gauche, sans fracture de hanche et pneumonie à la base pulmonaire droite. Le médecin a noté une hypoalbuminémie légère ainsi qu une légère augmentation des valeurs biochimiques du sodium et de l urée. Il est postulé que la chute est d origine multifactorielle en raison des manifestations de la maladie de Parkinson et de la présence d une hypotension orthostatique.madame ne peut marcher puisqu elle est instable et souffrante. Une perfusion par voie intraveineuse est installée pour commencer le traitement antibiotique et la réhydratation. Sont aussi prescrits au besoin du Dilaudid, s il y a douleur et du Tylenol, s il y a fièvre. Madame demeure alitée sur une civière en attendant son admission. En traitant la pneumonie sans délai, en soulageant la douleur et la fièvre, MmeApollon ressentira moins les stress occasionnés par ses nouveaux problèmes de santé et les risques de delirium intrahospitalier diminueront. 14
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La participation de la personne âgée et de ses proches est cruciale pour obtenir l information touchant les habitudes de vie, la médication administrée, les antécédents médicaux ainsi que sur l état de santé général de la personne. N oubliez pas que cette information, complémentaire aux données cliniques, n est pas nécessairement consignée dans le dossier hospitalier antérieur du patient et qu elle peut être utile pour la prévention du delirium. Dans le cas de Mme Apollon, l équipe soignante a obtenu des renseignements complémentaires concernant notamment : la maladie de Parkinson; les cataractes; les soins et les traitements en cours; les habitudes de vie; l autonomie et l état cognitif, avant la raison qui l a conduite à l hôpital; les épisodes d hallucinations; la perte d appétit depuis 4 à 5 jours et la prise d Ativan 2 à 3 fois par semaine sont tous des facteurs de risque importants et fréquents du delirium. 20
La médication est liée au développement de 40% et plus des cas de delirium chez la personne âgée. Plusieurs médicaments et leurs métabolites mènent au delirium, mais ce sont surtout les psychoactifset les médicaments anticholinergiquesou avec activité anticholinergique qui en sont la cause. L infirmière et le médecin indiquent les médicaments pris par la personne lors de leur évaluation, en vérifie l observance et c est le pharmacien qui ensuite effectuera le bilan comparatif. L objectif du bilan comparatif consiste à s assurer qu il n y a pas eu d erreur de retranscription de médicaments, de dose, d omissions de médicament ou d ajout involontaire, lors des transitions de soins d un milieu à un autre. Le bilan comparatif permettra aussi de diminuer la «surmédication» et même d éliminer l utilisation inappropriée des médicaments potentiellement délétères. 21
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Pour repérer la personne âgée à risque de delirium, référez-vous aux facteurs de risque prédisposants et précipitantsdu delirium, ce qui consiste à: questionner la personne âgée et ses proches sur ses antécédents médicaux, sa médication et ses habitudes de vie; utiliser le Profil AÎNÉES pour repérer les indicateurs de risque associés aux signes AINÉES; examiner les conditions de santé, les résultats anormaux des bilans biologiques et radiologiques de l évaluation médicale procéder à une réévaluation ou révision systématique de la médication pour diminuer ou éliminer les médicaments très associés au risque de delirium. Pour ce qui est de MmeApollon, elle est gardée à l urgence pour le moment en attendant son hospitalisation. Durant ce temps, il faut commencer les interventions systématiques pour réduire les risques de développer un delirium. C est ce que nous aborderons dans la prochaine leçon. 26
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