et d'investissement dans une économie moyenne et ouverte : le cas de la France



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Transcription:

Cycles et trends d'épargne et d'investissement dans une économie moyenne et ouverte : le cas de la France Jacky Fayolle, Département des diagnostics de V OF CE Le problème des rapports entre l'épargne et l'investissement est un vieux débat dans le monde des économistes, mais son intensité est variable et obéit aux rythmes cycliques qui gouvernent la nature des préoccupations macro-économiques. Ce débat est revenu sur le devant de la scène depuis quelques années, parallèlement au redé marrage de la croissance intervenu dans les grands pays industriali sés sur la seconde moitié des années quatre-vingt. On pourrait donc voir dans ce remake un événement de nature principalement conjoncturelle : les besoins et désirs d'investissement associés à la phase d'expansion de la seconde moitié de la décennie quatre-vingt ont fini, classiquement, par trop tirer sur la corde des financements et fait ainsi ressentir un déficit d'épargne. De plus, à la fin de cette période d'expansion, le choc spécifique des changements affectant les pays est-européens et révélant brutalement l'ampleur de leurs besoins de financement, aurait aggravé ces tensions. On notera cependant d'emblée que la polarisation récente du débat macro économique sur le thème de la pénurie d'épargne est, au premier degré, quelque peu paradoxal, au terme d'une décennie qui, par réaction aux excès antérieurs de l'économie d'endettement administ rée, prétendait rétablir des incitations saines et puissantes à une épargne volontaire et stable par le retour en force et l'approfondissement des marchés financiers. Si le thème de la pénurie d'épargne a une certaine vérité, il témoigne en ce cas d'une mise en échec des réformes financières intervenues au cours des années quatfë-vihgtv On peut aborder la question des rapports de l'épargne et de l'investissement comme un problème de nature conjoncturelle, lié au déroulement habituel du cycle économique de moyenne période, et commenter sous cet angle les indicateurs conjoncturels disponibles. Cette manière de voir est cependant insuffisante pour rendre compte des évolutions intervenues durant les années quatre-vingt : ces évolutions relèvent aussi de «changements de régime» qui infléchis sent ou modifient les trends apparents et ces changements interfèrent avec le cycle conjoncturel. Pour saisir l'originalité de la configuration macro-économique présente, il faut bien évidemment prendre en compte ces interférences et expliciter leur contenu. Interpréter les Observations et diagnostics économiques n 45 (numéro spécial) /juin 1993. 443

Jacky Fayolle enchaînements des décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix comme le moment d'une interaction forte entre cycles de différente périodic ité, courts et longs, parait alors une hypothèse de travail stimulante. L 'article est articulé en deux parties. La première s 'attache à fournir un schéma général des interactions entre épargne et investissement au cours du cycle conjoncturel. Elle examine les données françaises sur l'ensemble de l'après-guerre, situées dans leur contexte internat ional, à la lumière de ce schéma. La seconde partie se concentre sur le rôle joué par les facteurs patrimoniaux et financiers dans les dynamiques cycliques à l'œuvre durant les décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix. PREMIERE PARTIE : Épargne et investissement dans le mouvement conjoncturel S'il est clair que les phénomènes cycliques sont de l'ordre de la récurrence, l'application, à ces phénomènes, de la notion de périodicité mérite une plus grande circonspection : lorsque le terme période est utilisé pour désigner une durée moyenne du cycle, cet usage doit être prudent et souple, afin de ne pas préjuger d'emblée du type de modèle adéquat à la représentation du mouvement cyclique. L'irrégularité et la déformation temporelles de ce mouvement ne tiennent pas en effet qu'à des facteurs secondaires mais aussi à des changements institutionnels qui relèvent de la réaction des sociétés confrontées aux tensions de toute nature associées aux moments critiques des phases cycliques successives. Dans les années quatre-vingt, ces changements concernent spécialement le fonctionnement du marché du travail et celui du système monétaire et financier. Les comportements d'épargne et d'investissement, qui sont la double face du mouvement de l'accumulation et qui décident de l'allocation des «surplus» productifs, sont au cœur de l'interaction entre l'un et l'autre. L'exposé d'un schéma élémentaire du mouvement conjoncturel d'une économie dotée d'un secteur monétaire et financier moderne introduit l'article. Ce schéma ne prétend pas être un modèle complètement spécifié, il s'agit plutôt d'un simple guide de lecture des séries temporelles disponi bles. Cette lecture ne va pas de soi, en effet : la lecture de la ligne comptable des besoins et capacités de financement des agents et des nations révèle les 444

Cycles et trends d'épargne et d'investissement... résultats «ex post» du mode de réalisation de l'égalité comptable entre épargne et investissement, nécessairement respectée à l'échelle d'un sys tème fermé (au maximum, la planète). Mais elle ne livre pas d'emblée une information pertinente et transparente sur les projets d'épargne et d'investi ssement des différents agents et les tensions suscitées par leur confrontation. Parler de pénurie d'épargne, en évoquant par là une forme de «rationne ment» pouvant affecter le marché des fonds prêtables, fait pourtant référence à ces tensions qui sont, d'une façon ou d'une autre, plus ou moins durablement, résorbées par les modalités de réalisation des équilibres comptables. Un guide de lecture Soit, à titre illustratif, une économie à trois agents : ménages, entreprises et banques (schéma 1 ). L'épargne est le fait des entreprises, qui disposent d'un autofinancement Ee, et des ménages, qui épargnent un montant Em. Deux produits d'épargneesont disponibles pour les ménages : les liquidités et les actions, correspondant respectivement à l'épargne courte et à l'épargne longue. Les actions A alimentent le passif des entreprises, dont elles sont un mode de financement (1) ; les liquidités Lm alimentent les dépôts bancaires et, les mobilisant, les banques octroient des crédits С aux entreprises (selon un «multiplicateur» de crédit ). Une partie de ces crédits est utilisée par les entreprises comme ressources de trésorerie liquides Le sous forme de dépôts bancaires («les crédits font les dépôts» ). L'équilibre du tableau de financement des entreprises permet de retrouver l'équilibre de l'épargne et de l'investissement au sein de cette économie fermée (mais, évidemment, on ne dit pas ici comment se forme l'épargne dans le monde «réel» ) : I + L e =E e +A + C soit I = Ee + A + (C - Le) = Ee+ ( A + Lm ) = Ee + Em On peut cômprè7klré~lâ~prermèrë" équation comme Tine description de^ l'équilibrage de la demande et de l'offre de «fonds prêtables» : les entreprises émettent une telle demande pour répondre à des besoins d'investissement et de trésorerie et l'offre de ces fonds cumule l'autofina ncement des entreprises, la demande d'actions par les ménages et l'offre de crédits par les banques. L'équivalence des deux équations signifie que «l'équilibre» du marché des fonds prêtables équivaut à l'égalité comptable de l'épargne et de l'investissement. A supposer de manière simpliste que le cycle de référence du PIB et celui du revenu des ménages coïncident, le schéma cyclique gouvernant l'épar gne courte et l'épargne longue des ménages ainsi que les ressources de (1) II faut ici comprendre la dénomination «action» comme une représentation générique des titres longs, plutôt que comme les titres boursiers au sens strict. 445

Jacky Fayolle trésorerie des entreprises pourrait être résumé par le schéma 2, commenté ci-dessous (2) : a) Pour déterminer leur épargne longue, les ménages prennent en compte leur revenu permanent (qu'on assimilera ici de manière brutale au trend sous-jacent au cycle du revenu) mais aussi l'écart entre leur revenu courant et ce revenu permanent : ils placent en actions une fraction de l'écart cyclique entre le revenu courant Rt et son trend Rptet utilisent ainsi les «surplus» cycliques pour agrandir leur patrimoine. La capacité de recours des entreprises à l'émission d'actions est contrainte par la disponibilité d'épargne longue. Cette contrainte peut «mordre» sur l'investissement si les entreprises ne sont pas à même de dégager un autofinancement suffisant et si l'organisation des circuits financiers ne permet pas aisément aux entrepri ses de financer l'investissement par d'autres ressources externes que les actions. Elle concourt dans ce cas à amplifier le cycle de l'activité lui-même : une boucle «procyclique» apparaît, censée jouer selon des délais assez brefs en l'absence de décalage entre le cycle du produit et celui du revenu des ménages : Produit > Revenu des ménages > Epargne longue > Investissement des entreprises 1 le système Le jeu de financier cette boucle manifeste sérieusement suffisamment altéré d'élasticité ou étalé à dans l'égard le temps des be si soins de financement exprimés par les entreprises à des fins d'investisse ment. Cette élasticité peutdécoulerde l'organisation structurelle du système financier. Ainsi, le schéma de l'économie d'endettement a pu servir d'approximation convenable pour décrire les processus d'endettement des «trente glorieuses» (3>. Dans ce schéma, l'organisation du système financier est adaptée à la satisfaction par les institutions de crédit des besoins de financement qu'expriment, compte tenu du taux d'intérêt fixé par ces institu tions, les agents non financiers. Cette satisfaction s'opère sans recours à un rôle actif des marchés de titres, ni problème particulier d'équilibre monétaire, en raison de la quasi-automaticité du refinancement bancaire par la Banque Centrale. Elle peut cependant être contrainte par un encadrement quantitatif du crédit, comme ce fut périodiquement le cas dans cette «économie d'endettement administrée» qu'était l'économie française jusque dans les années soixante-dix. L'élasticité du système financier peut provenir aussi du fonctionnement effectif d'une économie où les marchés financiers (dans le schéma 1, le marché des actions) jouent un rôle plus important : si le flux d'épargne est (2) Le schéma d'analyse présenté ici peut être compris comme un prolongement financier du schéma macro-économique plus général proposé par J. Adda et P.Sigogne. Cf dans ce même numéro leur article : «Eléments pour une approche endogène des retournements conjoncturels». (3) Pour un exposé clair et synthétique de la thèse de l'économie d'endettement, voir : V.Levy-Garboua, B.Weymuller, «Macroéconomie contemporaine», Economica, 1979. 446

Cycles et trends d'épargne et d'investissement. a I! i s со ifs <л M га a iríation des IU СО ctif ra СО 8 с о я Л1 VJ СО Ф О" с (0 m со ф Entrepris со ф î со ф ст со ф со Entrepri со nage i u? LJ \ N f f / rgne 4X1 T /i /< î co Ctii J 1 \ /v J î co Ф O) Л С Ê M -о со idité сг 11} Y с II \ > \l о dits о J3 1" T rises о. ф ь с ф 10 ф о со idité из s N _ t f f СО Ф ЕЕ! >ntre Ul M Ф "O Ф E ф stiss > JC 447

Jacky Fayolle Schéma 2. Epargne et cycle conjoncturel Cycle commun du produit, du revenu et de l'épargne longue Cycle de l'épargne de précaution Cycle des ressources de trésorerie des entreprises Expansion du revenu Arbitrage en et de 1'čpargnc I faveur de l'épargne de précaution Reconstitution de l'épargne et dépense des liquidités accumulées limité mais que l'encours de fonds propres des entreprises est valorisé très fortement sur le marché boursier, l'accès des entreprises au crédit peut en être facilité, tant du moins que cette valorisation est confirmée par la tenue du marché. La structure du passif des entreprises, entendue comme le rapport entre leurs dettes et les fonds propres en actions (soit le rapport C/A où С et A sont mesurés comme des encours aux prix du marché et non plus comme des flux) reste alors permissive à l'égard du recours à l'endettement. Mais cette permissivité sera elle-même de nature cyclique, si les évaluations boursières viennent à surestimer les rendements escomptés des opérations d'investissement et sont l'objet de forces de rappel témoi gnant de l'état réel de l'économie. Ces forces redonnent, lorsqu'elles se mettent à jouer, de la vigueur à la contrainte de disponibilité d'épargne. Ce caractère cyclique est d'autant plus affirmé que l'offre de crédit bancaire tient compte explicitement des mouvements boursiers, au travers par exemple de normes prudentielles. Repli de l'offre globale de crédit, sélection des clients selon l'état de leur solvabilité personnelle et désendettement volontaire des emprunteurs se combinent alors pour orienter le cycle du crédit à la baisse lorsque la perception des tensions financières devient prédominante. L'élast icité d'un système financier qui repose sur le décloisonnement du circuit du crédit et des marchés financiers peut finalement amplifier aussi bien qu'allon ger le cycle. 448

Cycles et trends d'épargne et d'investissement... b) L'épargne courte obéit à des motifs de précaution devant les risques de baisse du revenu et, éventuellement, de dévalorisation du patrimoine. Elle dépend de l'anticipation que font les ménages de l'évolution des paramètres gouvernant l'évolution de leur revenu courant et la valorisation de leur patrimoine : emploi, inflation. Si on retient le cas simpliste où cette compos ante de l'épargne dépend de l'anticipation Rat+hde leur revenu que font les ménages en t pour un certain horizon t+h (leur horizon de référence, c'està-dire le terme h pour lequel ils se sentent capables d'anticiper, ne serait-ce que qualitativement, l'évolution de leur revenu), ils épargnent, ou désépargnent, une fraction de l'écart entre leur revenu courant Rt et ce revenu anticipé Rat+h. Cet écart Rt- Rat+hest la variation de revenu anticipée par les ménages à l'horizon considéré. Si les ménages ont une bonne intuition du cycle, cette composante de l'épargne aura un cycle retardé par rapport au cycle de l'activité : le niveau de l'épargne de précaution sera maximal lorsque les ménages anticiperont la baisse maximale de revenu. Au total, le cycle de l'épargne des ménages sera retardé par rapport à celui de l'activité et du revenu (4) : E m = A + L m = sn 0 Rp t + s, 1 (R v t - Rp V) + s,(r 2 v t - Ra t+hy J Le comportement bancaire est décisif pour dissocier le mouvement cyclique de la trésorerie des entreprises (5> de celui de l'épargne courte des ménages. Le schéma 2 représente le cas vraisemblable où le cycle de la trésorerie est avancé par rapport au cycle de l'activité. Ainsi, lorsque l'activité est à son minimum, les entreprises sont déjà en phase de reconstitution de leurs ressources de trésorerie, ce qui va justement permettre la reprise : d'une part, parce que les ménages, commençant à anticiper une hausse prochaine de leur revenu, font de la «désépargne de précaution» et alimentent ainsi la demande adressée aux entreprises, contribuant à l'amél ioration de leur autofinancement ; d'autre part, parce que les banques, ayant satisfait leur préférence pour la liquidité et disposant d'une part adéquate (4) L'équation qui suit n'a qu'une vertu indicative d'une certaine direction de la recherche portant sur les mouvements cycliques de l'épargne : elle ne se veut pas une spécification rigoureuse. Elle pourrait cependant être rapprochée des spécifications proposées par certains économètres en termes de modèles à composantes inobservables, distinguant une composante transitoire et une composante tendancielle dans l'évolution du revenu : le consommateur a l'avantage sur le statisticien d'observer cette décomposition dans la formation de son revenu et il opère une synthèse subjective, rationnellement anticipée et actualisée, de ces deux compos antes qui constitue son «revenu permanent» et qu'il prend en compte dans ses choix de consommation et d'épargne; Gf D.Quah, Permanent and Transitory Movements in^labor Income : an Explanation for Excess Smoothness in Consumption», Journal of Political Economy, vol 98, n 3, 1990. Il reste que ce type de modèles mobilise fréquemment une notion de cycle, pour représenter le mouvement du revenu et de ses composantes, qui est assez lointaine de l'approche retenue ici en ce sens que ce cycle est réductible aux effets induits par une suite d'aléas stationnaires. Pour des éléments de discussion, cf J.Fayolle, «Décrire le cycle économique», dans ce même numéro. (5) La situation de trésorerie des entreprises peut être assimilée au taux de couverture de leurs besoins de roulement par les fonds de roulement dont elles disposent et par les concours de trésorerie (principalement les crédits bancaires à court terme qu'elles obtiennent) : cette couverture décide de l'encaisse liquide disponible (dans le schéma la variable L en encours) et la situation de trésorerie ressentie peut être entendue comme l'écart de l'encaisse effective à une encaisse désirée. Le niveau de l'encaisse désirée, relativement aux charges d'exploitation de l'entreprise, dépend cependant de déterminants économiques et institutionnels qui peuvent varier dans le temps et qui influeront ainsi sur le cycle conjoncturel. Cf, à ce propos, la communication de M. Fried et J.Prohin, «La maîtrise des besoins d'exploitation face aux évolutions conjoncturelles», Crédit National, 76*me journée des Centrales de bilans, octo bre 1991. 449

Jacky Fayolle d'actifs non risqués dans leur portefeuille, «jouent» la reprise et ont un multiplicateur de crédit élevé. Inversement, au cours de la période d'expansion, l'effritement des gains de productivité, les tensions salariales et l'ampleur des besoins d'investiss ement suscités par les tensions sur les capacités de production réduisent progressivement le taux d'autofinancement (ЕеД). Lorsque les tensions financières conduiront les banques à limiter leur «multiplicateur» de crédit, la situation de trésorerie deviendra contraignante pour les entreprises et sera facteur de retournement récessif. La capacité des entreprises à assurer leur liquidité et à prolonger ainsi l'expansion (ou à s'engager dans la reprise) dépend à la fois du flux de cash flow qu'elles retirent de leur cycle d'exploitation et de leur accès au crédit. Les moments où ces contraintes deviennent actives durant la phase d'expansion (ou se relâchent durant la contraction) dépendent de caractéristiques structurelles de l'économie considérée : si l'expansion génère de manière endogène des rendements croissants, les conflits de répartition, qui n'en peuvent pas moins être aigus, sont à même de se dénouer positivement car l'autofinancement des entreprises bénéficie grandement du dynamisme de la demande des ménages ; si le système financier développe une capacité de transformation prononcée et flexible des ressources d'épargne courte dont il dispose, le crédit bancaire peut se substituer aisément à l'autofina ncement lorsque celui-ci s'infléchit. Tant que ces facteurs jouent, l'investiss ement des entreprises n'est pas directement contraint par l'épargne des ménages. c) La forme du cycle conjoncturel sera ainsi influencée par le degré de cloisonnement entre les différentes composantes du marché des fonds prêtables : dans un système où l'épargne longue finance l'investissement tandis que le crédit bancaire finance les besoins de roulement, la limitation de cette épargne peut freiner plus rapidement l'expansion que dans un système non cloisonné où «l'élasticité» plus importante du crédit bancaire permet des avances de fonds anticipant la création de capacités nouvelles. L'épargne, dans ce dernier cas, joue un rôle stabilisant, en permettant de consolider l'expansion impulsée par le crédit, puisque le flux d'épargne nouvelle induit par la croissance du produit permet de limiter le recours à «l'inflation» de crédit. Mais ces propriétés de stabilité dépendent de l'ensem ble des caractéristiques du système économique : l'efficacité productive des fonds investis, la répartition des surplus de productivité ainsi obtenus, la propension à épargner des agents et l'efficience du système financier. L'équilibrage du marché des fonds prêtables a pour résultat une configu ration particulière du tableau de financement des entreprises qui témoigne des contraintes correspondant aux cloisonnements éventuels ou au cont raire de la souplesse apportée par la «globalisation» financière. Ce marché des fonds prêtables concourt à la détermination des taux d'intérêt (avec une gamme de taux prenant en compte les distinctions introduites sur le marché des fonds prêtables et la régulation interne au système bancaire). Comme les composantes de l'offre et de la demande de fonds prêtables et les modalités de leur équilibrage obéissent à des rythmes cycliques, le comportement 450

Cycles et trends d'épargne et d'investissement... propre des taux d'intérêt sera également affecté par de tels rythmes (6). Parler du rôle du marché des fonds prêtables dans la détermination des taux d'intérêt n'équivaut pas à adopter une détermination «néo-classique» de l'équilibre épargne-investissement car la position des courbes d'offre et de demande de ces fonds peut varier en fonction du produit national : c'est fondamentalement la leçon keynésienne. Une série d'auteurs, depuis Gottfried Haberler jusqu'à Jean Denizet (7), a tenté cette insertion du marché des fonds prêtables dans une représentation keynésienne soucieuse d'expliciter la dynamique des taux d'intérêt. La représentation adoptée du système bancaire ne privilégie pas une théorie particulière : les dépôts (des ménages) font les crédits et ces crédits font les dépôts (des entreprises). Le niveau des crédits dépend, côté offre, du mode d'organisation et de régulation interne au système bancaire (automaticité ou contingence du refinancement auprès de la Banque Cent rale), ici sous-entendu et résumé dans la relation «réduite» qu'est le «multiplicateur» de crédit. Ce multiplicateur obéit à des déterminants institutionnels et conjoncturels. Comme l'histoire monétaire le montre, ceuxci ne sont pas indépendants, car ce sont fréquemment les phases critiques du cycle économique qui suscitent des transformations institutionnelles et réglementaires du système financier : les principes concurrents de la «banking school» et de la «currency school» opposent tout autant des pratiques institutionnelles susceptibles d'alternance que des écoles de pensée abstraites (8). Ces transformations contribuent à modeler les moda- (6) P.Sigogne a proposé un schéma de ce comportement, à partir d'une stylisation du cas américain, et mis en évidence sa dépendance à l'égard du régime de politique monétaire. Cf P.Sigogne, «Taux d'intérêt et croissance à court et long terme», Observations et Diagnostics Economiques, Revue de l'ofce, n 14, Janvier 1986. (7) G. Haberler, Prospérité et dépression, Société des Nations, Genève, 1ère édition en 1937 ; J. Denizet, Monnaie et financement, Dunod, 1967, édition mise à jour en 1982 sous le titre Monnaie et financement dans les années 1980. (8) Ces deux écoles, dont l'opposition parcourt jusqu'à aujourd'hui l'histoire de la pensée économique dans le domaine monétaire comme le rappelle M.Aglietta (dans le chapitre «La Monnaie» de Г Encyclopédie économique publiée sous la direction de X. Greffe, J.Mairesse et J.LReiffers aux Editions Economica, 1990), ont chacune leurs limites : la «Currency School» se heurte aux problèmes difficiles de l'intégration d'une «monnaie externe» à l'équilibre économique et ne parvient à un exposé cohérent de lajteutralité monétaire que dans le cadre d'une théorie patrimoniale de la monnaie-encaisse, formalisée par PatTnkïrTT la «BanKïng School», dont la thèse de l'économie d'endettement peut être considérée comme une forme moderne, fait de l'émission de «monnaie interne» la contrepartie de la monétisation des droits sur la production soldant les échanges de biens et services. Elle suppose un caractère parfaitement fonctionnel du système bancaire, satisfaisant les besoins de financement des agents sans problème spécifique d'équilibre monétaire. Mais, dans une économie où le crédit finance des projets d'investissement dont la rentabilité réelle peut décevoir les anticipations qui justifiaient l'appel au crédit, la réalité de ces déceptions perturbe cette fonctionnalité. L'écono mie de crédit ne se passe pas d'une base monétaire qui alimente les liquidités bancaires et dont la reconstitution peut jouer durement dans certaines phases conjoncturelles (cf J.Fayolle «Economies d'endettement et de marchés financiers : une approche critique», Issues, n 34, 2ème trimestre 1 988). La théorie keynésienne s'efforce de dépasser la dichotomie entre monnaie externe et monnaie interne en reconnaissant comme une réalité la dualité de la monnaie. Le financement des investissements par création monétaire suscite une épargne qui couvre après coup ces investissements. Mais dans des conditions conjoncturelles où l'état de la confiance souffre d'anticipations défavorables sur l'efficacité attendue des investissements, jugée insuf fisante, et sur le taux d'intérêt «normal», présumé supérieur au taux courant, la préférence pour la liquidité peut absorber et stériliser la création monétaire. M. Aglietta nous paraît cependant 451

Jacky Fayolle lités de sortie de la crise de solvabilité et de liquidité, qui est le point fort de la crise cyclique, ainsi que la forme du cycle à venir. Il ne faut voir dans ce schéma sommaire des équilibres financiers de l'économie qu'un guide analytique orientant la lecture des séries temporell es. Il reste suffisamment souple pour être décontracté en un plus grand nombre d'agents et d'opérations. L'Etat peut fort bien être considéré comme une «entreprise» particulière, disposant des trois modes de financement envisageables (autofinancement, dette publique en assimilant les titres correspondant à des «actions», crédit bancaire). L'économie considérée est restée fermée. Introduire l'ouverture implique la prise en compte des mouve ments de capitaux et de l'interdépendance entre les taux de change et d'intérêt. Les modalités de transmission du cycle entre régions du monde peuvent alors être très différentes selon la combinaison prévalante d'une série de facteurs : mobilité des capitaux ; régime monétaire international ; présence d'asymétries entre régions (une contrainte extérieure de nature et d'intensité différentes selon qu'il s'agit d'une économie moyenne ou d'une économie dominante, d'une économie dotée d'une forte spécialisation en biens d'équipement ou non). La modification conséquente des mécanismes cycliques pour une économie moyenne comme l'économie française peut s'interpréter comme le produit de l'interaction entre ces mécanismes et une contrainte extérieure qui incorpore des déterminants commerciaux aussi bien que monétaires et financiers. Il convient alors de disposer d'une représentation convenable de cette contrainte extérieure. Mais elle peut être comprise comme un mode d'action particulier d'une contrainte de disponibil ité d'épargne. Épargne, investissement et cycle conjoncturel : une corrélation nationale qui s'affaiblit ici, se renforce là Pour analyser correctement les mouvements conjoints de l'épargne et de l'investissement dans une économie moyenne et ouverte comme la France, il est préalablement utile de situer ces mouvements comparativement à ceux de ses principaux partenaires, afin de repérer d'emblée les similarités, explicables par la parenté des régulations internes de ces économies et leur participation à une même économie mondiale, mais aussi les particularités éventuelles, témoignant d'asymétries significatives. exagérer l'indétermination du «cycle keynésien» en faisant du taux d'intérêt jugé normal, qui conditionne l'attitude des épargnants, essentiellement le produit d'une convergence mimétique, d'une «anticipation conventionnelle», sans rapport particulier avec l'équilibrage du marché des fonds prêtables. Vieux débat qu'avait soulevé et exploré Jean Denizet dans son ouvrage déjà cité. 452

Cycles et trends d'épargne et d'investissement... Similarités et asymétries internationales Désynchronisations et réversibilités dans l'amorçage d'une nouvelle phase ascendante de l'effort d'accumulation... Prise dans son ensemble, la décennie quatre-vingt se caractérise par un faible niveau du taux d'épargne mondial (épargne brute globale / PNB), qui reflète principalement l'évolution intervenue dans les pays de l'ocde, lesquels concentrent environ les trois quarts du flux d'épargne mondial <9) : le taux d'épargne agrégé de ces pays se situe, durant les années quatre-vingt, à proximité de 20 % alors qu'au début de la décennie soixante-dix son niveau était de l'ordre de 24 %(cflejeudegraphiques1). Le profil de l'évolution n'est pas exclusif d'un mouvement de longue période doté d'une allure cyclique : si l'on s'en tient aux seuls pays de l'ocde, la progression tendancielle du taux d'épargne durant la décennie soixante jusqu'au sommet de 1973 fait place à un repli jusqu'en 1983, puis à une amorce de remontée, lente et fragile. Ce profil se retrouve très clairement dans le cas de certains pays, la France tout particulièrement mais aussi, avec plus d'irrégularités, le Japon et le Canada. Dans les autres grands pays de l'ocde, à retenir le découpage chronologique arbitraire constitué par ces trois décennies, le profil cyclique évoqué apparaît tronqué : le trend baissier semble amorcé dès les années soixante en Allemagne et surtout en Italie, tandis que le retournement de ce trend à la hausse ne se manifeste guère, durant la seconde moitié des années quatre-vingt, aux USA, au Royaume-Uni et en Italie (10). (9) On utilise ici certaines séries statistiques présentées dans un document de travail de l'ocde («Savings Trends and Measurement Issues», J.EImeskov, J.Shafer, W. Tease, Economics and Statistics Department Working Paper, n 105, OCDE, 1991). Ce document de travail a été repris sous le même titre dans un numéro du Scandinavian Journal of Economies (vol 94, n 2, 1992) où il est suivi d'un commentaire d'edmond Malinvaud. On utilise aussi des séries issues de la base de données du modèle MIMOSA. Ces dernières ont déjà été analysées par les auteurs de l'ouvrage «Economie mondiale 1990-2000 : l'impératif de croissance» (Rapport du С БРН en collaboration avec l'équipe MIMOSA de l-ofce,economica, 1992) dans une optique de caractérisation des tendances passées afin de fonder une prospective décennale. La nature de l'exercice l'élaboration d'un scénario tendanciel, c'est-à-dire «à comportements et politiques inchangées» peut cependant induire une lecture du passé qui privilégie l'inertie, plus aisée à extrapoler que le cycle, et qui risque ainsi de sous-estimer des inflexions qu'une lecture de nature conjoncturelle privilégiera. (10) Dans un article récent («A Long-Run Perspective on Saving», The Scandinavian Journal of Economies, vol. 94, n 2, 1992), Angus Maddison présente pour un certain nombre de pays développés et sous-développés des séries de très longue période, remontant fréquem ment jusqu'au XIXème siècle, portant sur les taux d'épargne et d'investissement nationaux. Un regard sur ces séries confirme, pour les pays industrialisés cités dans le texte, l'existence d'un mouvement long de nature cyclique pour les efforts d'épargne et d'investissement sur l'ensemb le de l'après-guerre jusqu'à aujourd'hui et permet d'apprécier plus précisément les déphasages entre pays : ainsi l'effort d'épargne et d'investissement allemand a cru fortement au cours des années cinquante mais s'est stabilisé dès le début des années soixante. Qualifier cependant, sans examen suffisant, ce mouvement long de cycle serait aller trop vite dans la mesure où ce profil d'après-guerre n'apparait pas d'emblée comme la répétition de mouvements antérieurs d'allure analogue. 453

Jacky Fayolle 1. Taux d'épargne et d'investissement nationaux (% du PNB) Total OECD United States Japan Germany United Kingdom Canada 60 12 Ы 66 et 70 7Î 74?«7«Ю Ю f И Investissement brut Epargne brute Source : Elmeskov J., Shafer J., Tease W. (1991) Taux d'investissement et taux d'épargne nationaux, mesurés en proport ion du PIB sur les trente dernières années pour l'ensemble de l'ocde et les pays du G7, font preuve, au premier examen, d'une corrélation assez étroite et l'écart entre ces deux taux, qui correspond au besoin de financement de la nation, reste le plus souvent d'un ordre de grandeur bien inférieur à chacun des taux. L'épargne et l'investissement nationaux sont «codéterminés». Les deux courbes décrivent le plus souvent des trajectoires parentes. C'est 454

Cycles et trends d'épargne et d'investissement... le Royaume-Uni qui s'écarte le plus de cette similarité : si le taux d'investi ssement britannique semble bien illustrer le profil cyclique de longue période évoqué, le taux d'épargne subit de plus forts mouvements conjoncturels (comme sa baisse brutale mais transitoire de 1 974 à 1 976) qui distendent sa corrélation avec le taux d'investissement. A prendre l'ensemble de l'informa tion apportée par le jeu de graphiques 1, on peut conjecturer que se superpose à la succession des cycles conjoncturels un mouvement de type «onde longue», dont la phase déclinante aurait été perçue dans tous les pays au cours des années soixante-dix tandis que la phase ascendante ne se serait amorcée, au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt que dans certains d'entre eux, de manière au demeurant réversible : si un tel amorçage n'est guère tangible aux USA et encore moins en Italie, il l'est au Japon et en Allemagne, ainsi qu'en France à un moindre degré. Le choc de l'unification allemande et la crise financière japonaise sont cependant à l'origine, au début des années quatre-vingt-dix, d'une défaillance des créan ciers internationaux que sont devenus le Japon et l'allemagne. L'impact dynamique de cette défaillance sur les comportements tendanciels d'épar gn et d'investissement de ces deux économies dominantes est encore incertain mais peut mettre en cause la remontée de l'effort d'épargne qu'elles ont enregistrée au cours des années quatre-vingt. Les spécificités ou les divergences nationales des années quatre-vingt pourraient néanmoins s'interpréter comme un positionnement différent de chaque pays face à l'amorçage, fragile et réversible, de la remontée tendancielle de l'effort d'accumulation. Phénomène crucial, si c'est dans de tels moments que se joue la configuration des économies dominantes pour les décennies à venir. En tout cas, à faire une lecture naïve de ces courbes (c'est-à-dire s'en tenant aux chiffres enregistrés ex post), il eut paru plus normal de parler de pénurie d'épargne à propos du début des années quatrevingt, au moment où tous les pays manifestaient un taux d'épargne faible, situé nettement en-deçà du niveau des années soixante. Mais concourt sans doute à «l'angoisse» de la pénurie d'épargne la désynchronisation interna tionale qui s'est manifestée durant les années quatre-vingt et qui fut bien plus qu'un accroc conjoncturel....et asymétrie accrue des contraintes extérieures au cours des années quatre-vingt Dans les trois principales économies dominantes, la nouveauté com mune des années quatre-vingt, c'est en effet le relâchement de la corrélation nationale entre les taux d'épargne et d'investissement, de manière opposée et bien connue pour les USA d'un côté, le Japon et l'allemagne de l'autre. Ce relâchement, qui n'est que partiellement effacé à la fin de la décennie, s'opère au cours des années 1 983 à 1 986, lorsque la reprise de l'investiss ement s'affirme d'abord aux USA sans répondant équivalent du côté de la capacité d'épargne du pays : stimulé par la déréglementation, le nouveau débiteur américain capte l'excès d'épargne disponible en Allemagne et au Japon dans la situation de sous-emploi des capacités caractérisant alors ces deux pays. 455

Jacky Fayolle A moyen terme, cependant, le déficit d'épargne des USA ne s'explique pas par une reprise tendancielle de l'effort d'investissement américain : après avoir brutalement augmenté en 1983-1984, le taux d'investissement retrouve une orientation au déclin. A la fin de la décennie, il rejoint puis passe en-deçà de ses points bas historiques : le creux de 1 991 est inférieur à celui de 1 982. Symétriquement, le Japon et l'allemagne (jusqu'à l'unification) ont continué à plus épargner qu'investir sur la seconde moitié des années quatre-vingt mais leur effort d'investissement s'est accru et a absorbé plus largement une épargne nationale pourtant croissante. Déficit d'épargne sans excès d'investissement aux USA, pourrait-on dire ; excédent d'épargne sans déficit d'investissement au Japon et en Allemagne : ces deux pays, épar gnants et investisseurs, concourent au financement d'un pays qui ne parait pas avoir enrayé le déclin tendanciel de son dynamisme, si l'on en juge par l'intensité de l'effort d'accumulation. Pour des économies moyennes comme celles de la France et de l'italie, la corrélation entre épargne et investissement nationaux reste étroite sur toute la période (on peut même considérer qu'elle se renforce en Italie au cours des années quatre-vingt), ce qui peut témoigner de la sévérité de la contrainte extérieure bornant le besoin de financement effectif de ces économies. A côté de ce que se permettent les économies dominantes, les écarts français ne sont que peccadille. Lorsqu'ils sont relativement impor tants (un besoin de financement de la nation représentant 2,2 % du PIB en 1 982, chiffre analogue à celui de la RFA en 1 980, qui avait relancé en 1 978-1979), ils sont résorbés rapidement. Comme toujours, le Royaume-Uni fait bande à part : les écarts conjoncturels entre taux d'épargne et d'investissement peuvent être importants mais ils sont résorbés assez rapidement au gré du traditionnel «stop and go» britannique. Taux d'investissement et d'épargne d'un pays donné évoluent de con serve mais cette liaison s'assouplit pour les économies dominantes dans les années quatre-vingt, dans un sens ou dans l'autre, tandis qu'elle ne se relâche pas, voire se renforce, pour des économies moyennes telles que la France et l'italie. Cette dichotomie peut être prise comme l'indice d'une différenciation des contraintes extérieures au cours de la décennie récente, en défaveur des économies moyennes. Cela ne signifie pas pour autant que ces dernières ne participent pas à la globalisation financière internationale : comme le montrent certains travaux théoriques, la pleine liberté des mouve ments de capitaux peut fort bien aller de pair, dans le cas d'économies de taille réduite, avec une corrélation étroite entre épargne et investissement nationaux (11). Cette corrélation peut tenir tout aussi bien à la nature des comportements microéconomiques qu'aux exigences de crédibilité finan cière s'imposant à la politique économique. (11) Par exemple, Mary G.Finn démontre par simulation la possibilité d'une telle corrélation, en cas de parfaite mobilité des capitaux, lorsque les chocs technologiques, étrangers et domestiques, présentent certaines propriétés de persistance. Cf M.G.Finn, «On savings and investment dynamics in a small open economy», Journal of International Economics, volume 29, n 1/2, août 1990. Une discussion plus large de ce problème est mené par Hans Genberg et Alexander К. Swoboda dans leur article «Saving, Investment and the Current Account», The Scandinavian Journal of Economics, Vol. 94, n 2, 1992. 456

Cycles et trends d'épargne et d'investissement... Inertie de l'épargne privée, variabilité de l'épargne publique : vérité partielle Au sein de l'épargne nationale, les variations respectives de l'épargne des ménages et de celle des entreprises02*, rapportées au PIB, se compens ent très fréquemment (graphiques 2) : les mouvements du partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits affectent l'origine de l'épargne, beaucoup moins le taux d'épargne national, du moins au premier degré(13). Cette compensation réciproque est presque instantanée, sans être parfaite, au Japon : le taux d'épargne global des entreprises et des ménages (ou taux d'épargne privé) est inerte mais décline lentement avant de se stabiliser à la fin de la décennie quatre-vingt. La compensation est également prononcée, quoique partielle, en France où elle amortit le déclin tendanciel du taux d'épargne privé antérieur à sa faible reprise récente. Elle est moins nette en Italie, où elle amortit cependant les fluctuations du taux d'épargne privé par rapport à celles que connaît le seul taux d'épargne des ménages, et au Royaume-Uni. La compensation, qui s'était clairement manifestée au cours de cycles conjoncturels précédents aux USA et encore plus en Allemagne, est altérée dans ces deux pays depuis le milieu des années quatre-vingt. Le sens de l'altération est différent entre les deux pays : de 1 984 à 1 987 les taux d'épargne (en proportion du PIB) des ménages et des entreprises américains ont baissé conjointement ; en Allemagne, sur une période analogue, jusqu'à l'unification, la hausse a été au contraire conjointe, quoique le taux d'épargne des entreprises se soit sensiblement plus redressé que celui des ménages. Le dynamisme de l'épargne privée est en conséquence nettement plus marqué en Allemagne qu'aux USA sur la décennie quatre-vingt. Le rôle des Administrations n'est pas neutre dans la formation comptable de l'épargne nationale et, s'il ne pèse pas en général autant que celui des ménages et des entreprises, certaines spécificités nationales marquées se dégagent néanmoins. Disposant de recettes qu'elles consacrent pour une large part à des dépenses de fonctionnement (dont les intérêts sur leur dette), les Administrations en tirent une épargne brute qu'elles peuvent consacrer à des dépenses d'investissement (infrastructures collectives principalement), même si elle n'y suffit pas, auquel cas un besoin de financement public apparaît. Ces investissements publics jouent leur rôle ~dâns~lâ formatiort dë^la productivité nationale, cômmë~nomb"rë~de rtravacnr récents le rappellent opportunément. L'épargne publique concourt ainsi à l'accumulation nationale et à la qualité de l'accumulation privée, notamment par les externalités positives associées aux investissements collectifs. L'épargne des administrations contribue à amplifier les fluctuations du taux d'épargne national, car elle est particulièrement sensible aux cycles de l'activité économique. (12) Les institutions financières, dont l'épargne n'est qu'une part faible de l'épargne nationale, ont été regroupées avec les entreprises. Le taux d'épargne agrégé des ménages et des entreprises (y compris les institutions financières), exprimé en proportion du Pib, définit le taux d'épargne privé. (13) Elle peut évidemment l'affecter au travers de l'impact éventuel de la répartition des revenus sur la dynamique de la productivité et de la croissance. 457

Jacky Fayolle 2. Formation de l'épargne nationale Taux en % du PIB a) aux USA Epargne des ménages Epargne des ménages et des entreprises Epargne de la nation b) au Japon Epargne des ménages Epargne des ménages et des entreprises Epargne de la nation c) en Allemagne Epargne des ménages Epargne des ménages et des entreprises Epargne de la nation Source : Base de données du modèle MIMOSA. 458

Cycles et trends d'épargne et d'investissement. 2. Formation de l'épargne nationale Taux en % du PIB d) en France Epargne des ménages Epargne des ménages et des entreprises Epargne de la nation e) au Royaume-Uni Epargne des ménages Epargne des ménages et des entreprises Epargne de la nation пл f) en Italie ги пл IJJ - 11 - т» - У " ^\ /» \ / \ \ Л V Epargne des ménages Epargne des ménages et des entreprises Epargne de la nation Source : Base de données du modèle MIMOSA. 459

Jacky Fayolle Durant les années quatre-vingt, la dépression de l'épargne publique américaine, qui devient négative de 1982 à 1986 (une désépargne donc) pour tendre à s'annuler ensuite, a significativement contribué au repli tendanciel du taux d'épargne national des USA : il est devenu impossible de financer, ne serait-ce que pour partie, le simple renouvellement (puisqu'il s'agit de l'épargne brute) des équipements publics sur la base des recettes courantes. Dans les autres pays, Italie mise à part, le comportement de l'épargne publique contribue à amplifier le déclin du taux d'épargne au cours des années soixante-dix mais à conforter sa stabilisation ou son redresse ment récents (jusqu'à l'unification dans le cas allemand). Cette contribution publique aux mouvements du taux d'épargne national est particulièrement prononcée dans le cas du Japon : le taux d'épargne privé étant assez inerte dans ce pays, c'est la reprise de l'épargne publique (liée à la constitution de réserves pour le financement futur des retraites) qui fait celle de l'épargne nationale dans les années quatre-vingt. La contribution récente positive de l'épargne publique à l'épargne nationale est nette également au Royaume- Uni où cette épargne publique, modérément négative après 1978, est redevenue franchement positive sur la fin des années quatre-vingt. Cette contribution est nettement plus modérée en France. Le cas italien est spécifique : l'épargne publique est négative depuis le début des années soixante-dix et cette épargne négative, après avoir atteint des niveaux très élevés en proportion du PIB au début des années quatre-vingt, reste aujourd'hui proche de ces niveaux. Depuis vingt ans, le taux d'épargne national italien a décru beaucoup plus fortement que le seul taux d'épargne privé et ne s'est pas encore redressé. Bien sûr, l'interaction entre épargne privée et épargne publique est particulièrement sujette à des débats souvent peu conclusifs. Si, à court terme, l'épargne publique constitue clairement un facteur d'amplification des fluctuations de l'épargne nationale, les causalités de moyen terme sont complexes, car elles dépendent de la manière dont les agents prennent en compte les contraintes et effets intertemporels associés à la gestion des budgets publics (14). Épargne, investissement et cycle conjoncturel au sein d'une écono mie moyenne : le cas français de 1946 à 1991 Cycles conjoncturels majeurs et mineurs de l'économie française Sur le cas français, raffinement de la vision conjoncturelle suppose la détermination d'une chronologie de référence des mouvements cycliques et le croisement de cette chronologie avec les évolutions propres des taux d'épargne et d'investissement. Le repérage des pics et des creux de l'activité (14) cf, pour une discussion, l'article déjà cité de H.Genberg et A.K.Swoboda (1992). 460

Cycles et trends d'épargne et d'investissement... économique globale a été pratiqué en appliquant une approximation de la méthode utilisée par l'ocde à une série trimestrielle du PIB marchand sur la période 1946-1990 (15>. Ce repérage ne va pas de soi, pour des raisons immédiatement visibles sur une série macroéconomique pourtant plus fluctuante que le PIB marchand, celle de la formation brute de capital fixe (graphique 3). La croissance française, sur l'ensemble de l'après-guerre, a connu une succession de régimes apparents sensiblement différents : *La période de reconstruction et les années cinquante (soit la période couverte par la IVème République) connaissent une accumulation rapide, hachée par des replis prononcés (1952-1953 ; 1958-1959). *Suit une longue période (1960-1974) d'accumulation forte et régulière, dont le rythme s'infléchit cependant progressivement, malgré certains sur sauts. Les replis sont rares et limités (sauf l'accident du 2èmetrimestre 1 968). *A partir de la récession de 1975 et jusqu'en 1985, l'accumulation retrouve une évolution sensiblement plus cyclique, mais autour d'un trend quasiment plat. *La reprise de l'accumulation de capital à partir de 1985 tranche, par sa vigueur, avec le trend plat des dix années précédentes : cette reprise, au premier degré, semble indissociablement conjoncturelle et structurelle. Au long du demi-siècle écoulé, l'interférence parait forte mais complexe entre les torsions progressives du trend de l'accumulation et l'intensité évolutive de ses mouvements cycliques. A la croissance cyclique de la 4ème République a succédé la croissance plus lissée des présidences De Gaulle et Pompidou (16). Puis le premier choc pétrolier a ouvert une phase consacrant le retour du cycle dans la croissance faible. La série de l'écart du PIB à son trend (cf graphique 4, où ce trend est une moyenne mobile arithmétique sur 25 trimestres, extrapolée en fin et début de période) manifeste également ces interférences : si, d'emblée, des cycles majeurs se détachent clairement jusqu'au début des années soixante et après 1975, ce n'est pas le cas dans la période intermédiaire, dense en fluctuations à la fois brèves et assourdies, qui risquent fort de troubler tout (15) On a utilisé, pour cette rétrospective sur l'ensemble de l'après-guerre, une base de données trimestrielles élaborée et rétropolée de manière compatible avec l'actuelle base 1 980 des comptes nationaux par une équipe de chercheurs de l'insee : G.Laroque, P.Ralle, B.Salaniér^jrToujas-BeTnater^ Description d'une base de données trimestrielles longues (1946 : 1 à 1989 : 4)», note n 242/G305, Direction des Etudes et Synthèses Economiques de l'insee, décembre 1 990. Que les auteurs de ce travail soient ici remerciés pour avoir permis le libre accès à cette base de données, au demeurant régulièrement actualisée. Comme elle comporte essentiellement des séries de prix et de volume (en prix 1980), l'auteur de cet article a lui-même pratiqué des rétropolations partielles et simples pour les ratios des comptes d'agents ou du tableau économique d'ensemble qui sont présentés dans le cours du texte. Ces rétropolations, qui gardent un caractère artisanal et dont l'ambition est ici limitée à une première visualisation des mouvements cycliques, ne suppléent pas à une opération de rétropolation plus systématique dont le besoin est aujourd'hui ressenti par nombre de chercheurs. Les matériaux statistiques et comptables utilisés, notamment dans le cas des comptes trimestriels en base 1 956 et 1 963, ont été tirés des volumes suivants : «Comptes trimestriels, méthodes statistiques et séries rétrospectives», G.Laroque, B.Le Calvez, P. Nasse, Collections de l'insee, Série C, n 40, décembre 1975 ; «Comptes nationaux trimestriels 1949-1959», J.Bournay, G.Laroque, O.Maigne, Collections de l'insee, série C, n 70, mars 1 979 ; Le mouvement économique en France 1949-1979, INSEE, mai 1981. (16) Que le lecteur se garde de voir trop vite dans cette identification symbolique des phases successives un principe explicatif! 461

Jacky Fayolle 3. Formation brute de capital fixe des entreprises r (SQS-EI) 7G0<>0 S8000 Millions de francs 1980 (échelle logarithmique) 12000 We I I I I 50 I I I I 51» I I I I 58 I I I I G2 I I I I Б6 I 70 I 71» 78 I I I I 82 I 1 I 86 90, Source : Laroque et alii (1990). repérage automatique des points de retournement par des règles normali sées. Une démarche pragmatique, contrôlant les points de retournement proposés par ce type de méthode en s'appuyant sur l'information livrée par l'histoire économique, revient à proposer une double chronologie, qui re trouve naturellement la distinction usuelle entre cycles conjoncturels ma jeurs et mineurs : les cycles majeurs sont ici considérés comme des cycles de durée supérieure à trois ans et d'intensité (appréciée par la distance piccreux exprimée en points de trend) supérieure à quatre points (au moins pour l'une des deux phases d'expansion et de contraction). Les cycles mineurs rentrent dans la catégorie complémentaire mais la durée de chacune de leurs deux phases doit être supérieure à deux trimestres. 4. Ecart du PIB marchand à son trend (avant et après MM3) PIB/trend du PIB MM3 du rapport PIB /trend du PIB I I I I I M I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I 46 50 M W 62 64 70 74 71 U 16 90 Sources : Laroque et alii (1990), calculs OFCE. 462