SOMMAIRE 1. INTRODUCTION 2. DEFINITION ET ETIOLOGIES 3. SIGNES ET SYMPTOMES 4. DIAGNOSTIC 5. STRATEGIE THERAPEUTIQUE 6. SUIVI DU PATIENT HYPERTENDU 7. ARRET DU TRAITEMENT 8. RECOMMANDATIONS 9. CONCLUSION
PRISE EN CHARGE ET SUIVI DU PATIENT HYPERTENDU PAR UN MEDECIN GENERALISTE EN FRANCE 1. INTRODUCTION Premier motif de recours en médecine générale en France : 14 % des actes, 94 % des patients hypertendus suivis en soins primaires. Une personne souffrant d HTA consulte son médecin généraliste 6 à 10 fois par an, soit pour renouveler son ordonnance soit pour soigner les maladies fréquemment associées à l hypertension (diabète, hypercholestérolémie ). Le médecin généraliste dispose de 6 mois pour contrôler l HTA de son patient après confirmation du diagnostic. Le traitement médicamenteux est mis en place si selon le niveau de la PA du départ les règles d hygiène indiquées dans l HTA légère à modérée ne suffisent pas.
2. DEFINITION ET ETIOLOGIES L HTA est définie pour l OMS comme une pression systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mm Hg et/ ou une pression diastolique (PAD) égale ou supérieure à 90 mm Hg. Lesdegrésdesévéritédel HTAselonl OMS sont repris par la tableau suivant :
CATEGORIE PA Systolique PA Diastolique Grade 1 HTA légère Sous groupe limite 140 159 140 149 90 99 90 95 Grade 2 HTA modéré 160 179 100 109 Grade 3 HTA sévère 180 110 HTA systolique isolée Sous groupe limite > 140 140 149 < 90 < 90 Crise hypertensive Elévation des chiffres tensionnels > 230/120 mm Hg avec des signes neurologiques et/ou cardiologiques menaçant le pronostic vital.
L HTA est essentielle dans 95 % des cas. Sa fréquence augmente avec l âge et varie en fonction de sexe (avant 40 ans, la femme est plus rarement hypertendue). Les principales étiologies de 5 % d HTA secondaires sont : rénales (maladie rénovasculaire, glomérulonéphrite, polykystose rénale), anomalies endocriniennes (phéochromocytome, maladie de CUSHING, syndrome de CONN, acromégalie, thyrotoxicose, hyperphasie congénitale des surrénales), grossesse, coarctation de l aorte, médicaments (corticoïdes, pilules contraceptives contenant des œstrogènes, stéroïdes anabolisants).
3. SIGNES ET SYMPTOMES En général, l HTA n a pas de signe propre. Elle est parfois responsable de céphalées. On peut retrouver des symptômes de la maladie causale en cas d HTA secondaire.
4. DIAGNOSTIC 4.1. Bilan initial Il a pour objectif de rechercher un retentissement viscéral, des facteurs de risque cardiovasculaires et une cause identifiable d HTA. L anamnèse porte sur les antécédents familiaux d HTA, d affections cardiaques ischémiques, de diabète, de dyslipidémie. Il faut également rechercher les éléments de mode de vie personnel (consommation de tabac et/ou d alcool, les habitudes alimentaires, l activité physique et les contextes psychosocial, familial et professionnel). La prise de la TA est réalisée en l absence d effort physique ou intellectuel (repos de 5 à 10 mn), d anxiété, de douleur, d accident aigu.
Procéder au moins à deux mesures successives par une méthode auscultatoire avec un manomètre ou un appareil électronique validé, au niveau des deux bras avec un brassard adapté, le patient étant en position assise ou couchée depuis plusieurs minutes. La mesure de la TA en position debout permet de dépister une éventuelle hypotension orthostatique. La répétition de la TA au cours de 3 consultations différentes est un élément essentiel du diagnostic d HTA permanente et de la décision thérapeutique. L examen clinique comprend aussi la mesure du poids et un examen du cœur, des poumons et des vaisseaux.
Un examen biologique est effectué avant toute prescription médicamenteuse et comporte : dosages sanguins : créatinémie, kaliémie, natrémie, glycémie et bilan lipidique complet. Ce bilan est complété par une recherche d hématurie, de protéinurie, de micro albuminémie et de glycosurie. Deux techniques sont validées pour affiner la mesure de la TA : la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) et l automesure à domicile. elles permettent notamment de dépister l effet blouse blanche ou l HTA de la consultation.
L ECG de repos est effectué au cours du bilan initial puis à titre systématique tous les 3 ans. Un fond d œil est réalisé tous les ans en cas de lésion vasculaire, tous les 3 ans en l absence de lésions. 4.2. Stratification du risque Elle a pour objectif d élaborer une stratégie par étapes successives combinant l approche non médicamenteuse et le traitement médicamenteux. La prise en charge de l HTA est établie sur l application du risque cardiovasculaire individuel qui prendencompte: les chiffres de la pression artérielle, les autres facteurs et indicateurs du risque cardiovasculaire : âge supérieur à 45 ans chez l home et à 55 ans chez la femme, antécédents familiaux précoces de maladies cardiovasculaires (avant 55 ans chez le père et avant 65 ans chez la mère), tabagisme, diabète, HDL cholestérol < à 0,35 gr/l, LDL cholestérol l atteinte des organes cibles l hypertrophie ventriculaire gauche. Niveau de risque en fonction de la situation clinique :
HTA légère HTA modérée HTA sévère PAS : 140 159 ou PAD : 90 99 mm Hg PAS : 140 159 ou PAD : 90 99 mm Hg PAS : 140 159 ou PAD : 90 99 mm Hg Pas d autre facteur de risque Risque faible Risque moyen Risque élevé 1 à 2 facteurs de risques Risque moyen Risque moyen Risque élevé 3 facteurs de risque et plus, atteinte d un organe cible, diabète Risque élevé Risque élevé Risque élevé
Risque faible : mesures hygiéno diététiques seules pendant 6 à 12 mois, puis réévaluer tous les 3 à 6 mois. Risque moyen : mesures hygiéno diététiques pendant 6 mois puis évaluation tous les mois. Risque élevé : mesures hygiéno diététiques + traitement médicamenteux. Evaluation tous les mois.
5. STRATEGIE THERAPEUTIQUE 5.1. Objectifs Chez tous les hypertendus, le maintien des chiffres tensionnels à l objectif permet de réduire la morbi mortalité liée à cette pathologie. Dans le cas général, maintien de la PA au dessous de 140/90 mm Hg. Chez le diabétique, une TA de 140/80 mm Hg est recommandée pour prévenir la survenue des micro angiopathies ou éviter leur progression. Chez l insuffisant rénal, une tension <130/85 mm Hg. Si la protéinurie est >1 g/24 h, une TA au dessus de 125/75 mm Hg. Prévention, dépistage et traitement des complications de l HTA. Détection et prise en charge des facteurs de risque. Favoriser l observance. 5.2. Traitements 5.2.1. Mesures thérapeutiques non pharmacologiques : Objectifs : réduction de la surcharge pondérale, limitation de la consommation d alcool, obtention de l arrêt du tabac, favoriser une activité physique régulière, diminution de la consommation des liquides saturés, manger davantage de légumes et de fruits, limiter les apports sodés à moins de 6 gr/jour.
5.2.2. Traitement médicamenteux Choix d un médicament Poursuivre Oui Objectif atteint Non Pas de réponse ou effets secondaires gênants remplacer par un médicament d une autre classe (diurétique si non utilisé) Non Réponse insuffisante Traitement bien toléré ajouter un médicament d une autre classe (diurétique si non utilisé) Poursuivre Oui Objectif atteint Non Réponse insuffisante, traitement bien toléré ajouter un 3 ème médicament d une classe différente
Toutes les classes anti HTA peuvent être utilisées en première intention sauf les centraux : Les diurétiques : * Hypokaliémiants (diurétiques de l anse, thiazidiques et apparentés.) FUROSEMIDE (LASILIX) HYDROCHLOROTHIAZIDE (ESIDREX) * diurétiques épargneurs de potassium SPIRONOLACTONE (ALDACTONE) * ESIDREX + ALDACTONE = ALDACTAZINE, MODURETIC. * FUROSEMIDE + ALDACTONE = ALDALIX, LOGIRENE Les inhibiteurs calciques : AMLODIPINE, TILDIEM, LOXEN, ADALATE, ISOPTINE. Les bétabloquants : SECTRAL, TENORMINE, DETENSIEL, SELOKEN, AVLOCARDYL.
Les inhibiteurs de l enzyme de conversion : LOPRIL, RENITEC, ZESTRIL, TRIATEC, COVERSYL, FOZITEC. Les antagonistes de l angiotensine : APROVEL, ATACAND, KENZEN, MICARDIS, COZAAR. Les antihypertenseurs d action centrale : ALDOMET, HYPERIUM, EUPRESSYL, CATAPRESSAN. L association de deux classes différentes est conseillée si l objectif n est pas atteint au bout de 4 à 6 semaines de traitement bien observé. Privilégier l association à la majoration des doses pour limiter les effets secondaires. Le rapport coût/bénéfice étant +/ équivalent entre les classes thérapeutiques, choisir le moins cher (diurétique, bétabloquants, IEC ).
Certaines pathologies associées favorisant le choix de certaines choses pharmacologiques : Diabète type 1 avec protéinurie : IEC Diabète de type 2 : Bétabloquants cardiosélectifs, IEC et diurétiques à faible dose. Insuffisance cardiaque G avec fonction d éjection du VG (FEVG) altérée = IEC + β bloquants + diurétiques. Infarctus du myocarde : Bétabloquants, IEC ( en cas de dysfonction systolique). Insuffisance rénale : Bétabloquants + inhibiteurs calciques C = CALCIBLOQUANTS). Hypertension systolique isolée du sujet âgé : diurétiques thiazidiques, IEC de longue durée d action.
5.3. Evaluation et adaptation du traitement initial L efficacité et la tolérance sont évaluées après 4 à 8 semaines de traitement. Au bout de compte, lorsque l objectif tensionnel n est pas atteint, plusieurs mesures doivent être prises : vérification de la technique de mesure de la pression artérielle, évaluation de l observance, recherche d une HTA secondaire, renforcement de la prise en charge non médicamenteuse, demander un avis spécialisé. 6. SUIVI DU PATIENT HYPERTENDU Trois ou quatre consultations annuelles sont raisonnables chez l hypertendu équilibré. Leur but est de vérifier l atteinte de l objectif tensionnel et l apparition éventuelle de nouveaux facteurs de risque ou maladies cardiovasculaires associées. L observance nécessite une négociation entre le médecin et le patient tenant compte des objectifs tensionnels et des effets secondaires. Les paramètres biologiques sont régulièrement évalués en fonction des facteurs de risque et des traitements prescrits. Le risque cardiovasculaire est réévalué une fois par an. 7. ARRET DU TRAITEMENT L arrêt ou la diminution de la posologie du traitement antihypertenseur peut être envisagé sans risque lorsque les chiffres tensionnels sont redevenus normaux depuis au moins 6 à 12 mois. La réduction doit être lente et progressive, soigneusement accompagnée.
8. RECOMMANDATIONS Au terme de cet exposé, nos recommandations s adressent particulièrement aux médecins généralistes amenés à prendre en charge les patients hypertendus. Les questions auxquelles répondent ces recommandations sont les suivantes : Comment est définie l HTA essentielle et quelles sont les cibles tensionnelles? Quelles sont les techniques de mesure de la pression artérielle et leurs indications? Quels sont les objectifs de l évaluation d un hypertendu? Quelle est la stratégie de prise en charge non médicamenteuse et médicamenteuse? Quelle est la fréquence de suivi d un patient hypertendu? Concernant la République Démocratique du Congo, ces recommandations doivent s adapter aux réalités du terrain : inaccessibilité aux soins suite aux difficultés financières, le recours aux tradipraticiens, la croyance erronée qui laisse croire que l hypertension artérielle est une pathologie spécifique aux pays développés
9. CONCLUSION L hypertension artérielle constitue aujourd hui un problème de santé publique majeur au niveau mondial. Selon un rapport de l OMS de 2012, un adulte sur trois en est atteint. En République Démocratique du Congo, l HTA et ses complications représentent la deuxième cause de mortalité chez l adulte après les maladies infectieuses. La prise en charge et le suivi des patients hypertendus ne doivent pas être l apanage des seuls pays développés mais aussi émergents et surtout sous développés ou de nombreux cas de décès évitables sont déplorés comme l attestent les statistiques en République Démocratique du Congo.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Collège National des Généralistes Enseignants en France : Prise en charge et suivi des pathologies chroniques 2003 2. Agence Nationale d Accréditation et d Evaluation en Santé : Prise en charge des patients adultes atteints d HTA essentielle. Recommandations pour la pratique clinique. Paris : ANAES, 2000 3. Prescrire Rédaction. Indications et choix des antihypertenseurs REV Presse 1999 ; 19 (194) : 281 96 4. DAVIDSON : Médecin Interne l essentiel, Editions MALOINE 2011 5. Collège National des Généralistes Enseignants de France : Thérapeutique en Médecine Générale 2 ème édition 2013 Docteur Emmanuel ENDJONGA BOYENGE Spécialiste en Médecine Générale