Rapport d évaluation. Les prêts globaux sur ressources propres de la BEI au titre de ses mandats méditerranéens. Évaluation des opérations (EV)



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Transcription:

Rapport d évaluation Évaluation des opérations (EV) Les prêts globaux sur ressources propres de la BEI au titre de ses mandats méditerranéens Rapport de synthèse

Les prêts globaux sur ressources propres de la BEI au titre de ses mandats méditerranéens Établi par Évaluation des opérations Juan Alario Patricia Castellarnau Consultants externes : DFC S.A. Robert Wilson (chef d équipe) Alain Davet Philippe Nouvel Décembre 2004 * * * NOTE La BEI a une obligation de confidentialité envers les intermédiaires financiers et les propriétaires et opérateurs des projets mentionnés dans le présent rapport. Ni la BEI ni les consultants qui ont étudié ces projets ne communiqueront à un tiers des informations couvertes par cette obligation et ils refuseront toute obligation de divulguer d autres informations ou d amener les sources qui les détiennent à le faire.

GLOSSAIRE AT BEI BF BMD EIE EV FEMIP IF IFD IFI JO PG PME PNP PPM Région MED Assistance technique Banque européenne d investissement Bénéficiaire final du PG Banque multilatérale de développement Évaluation des incidences sur l environnement Évaluation des opérations Facilité euro-méditerranéenne d investissement et de partenariat Intermédiaire financier Institution de financement du développement Institution financière internationale Journal officiel de l Union européenne Prêt global Petite et moyenne entreprise Prêt non productif Pays partenaires méditerranéens Cette région comprend les pays suivants : Algérie, Chypre, Égypte, Gaza/Cisjordanie, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie.

TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ANALYTIQUE ET RECOMMANDATIONS 1 COMMENTAIRES GÉNÉRAUX DE LA FEMIP SUR LE PRÉSENT RAPPORT 5 TABLEAU DES RECOMMANDATIONS 6 1 INTRODUCTION 1 1.1 LES MANDATS MÉDITERRANÉENS 10 1.2 LE SECTEUR FINANCIER DES PAYS MÉDITERRANÉENS 12 2 LES OBJECTIFS ET LES OPÉRATIONS DE PRET GLOBAL DE LA BEI DANS LES PAYS PARTENAIRES MÉDITÉRRANÉENS 12 2.1 CONTEXTE 12 2.2 OBJECTIFS DES PRÊTS GLOBAUX DE LA BEI 13 2.3 LES FINANCEMENTS APPORTÉS PAR LA BEI AU TRAVERS DES PRÊTS GLOBAUX 14 3 PERFORMANCES DES PRETS GLOBAUX ÉVALUÉS 17 3.1 MÉTHODE D ÉVALUATION 17 3.2 PERTINENCE 19 3.3 ÉVALUATION DES INTERMÉDIAIRES FINANCIERS 20 3.4 LES PRÊTS GLOBAUX DE LA BEI 21 4 VALEUR AJOUTÉE DE LA BEI 25 4.1 VALEUR AJOUTÉE FINANCIÈRE 25 4.2 DÉVELOPPEMENT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES 26 5 LA GESTION DU CYCLE DES PROJETS PAR LA BEI 27 5.1 IDENTIFICATION ET SÉLECTION 27 5.2 INSTRUCTION 27 5.3 SUIVI ET SURVEILLANCE 28 5.4 ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE 29 5.5 PASSATION DES MARCHÉS 30 5.6 COOPÉRATION ET COORDINATION AVEC LES AUTRES INSTITUTIONS DE L UE ET LES BANQUES MULTILATÉRALES DE DÉVELOPPEMENT 31 6 ENSEIGNEMENTS ET RECOMMANDATIONS 31 ANNEXE 1 - RÉCAPITULATIF DES PRÊTS GLOBAUX SUR RESSOURCES PROPRES SIGNÉS ENTRE 1979 ET 2003 DANS LE CADRE DU PROGRAMME MEDA 34 ANNEXE 2 - COMPTE-RENDU DE L ÉVALUATION 36 ANNEXE 3 - NOTATIONS ATTRIBUÉES AUX PRÊTS GLOBAUX ÉVALUÉS 38 ANNEXE 4 - CRITÈRES D ÉVALUATION 39

RÉSUMÉ ANALYTIQUE ET RECOMMANDATIONS Les activités de la Banque dans la région MED 1 ont démarré à la fin des années 70, dans le cadre des protocoles financiers bilatéraux signés entre la Communauté européenne et les pays partenaires méditerranéens. En 1997, les mandats EUROMED ont remplacé les précédents protocoles ; le dernier en date couvre la période allant jusqu en 2007. Les principales priorités de la Banque au titre des mandats EUROMED sont : le développement du secteur privé, ce qui comprend le soutien aux PME et aux coentreprises entre des sociétés des pays de l UE et des pays partenaires méditerranéens (PPM) ; la modernisation des infrastructures économiques, notamment celles qui sont nécessaires à la promotion du commerce interrégional. La coopération et l assistance en faveur de la région ont été étendues et renforcées au fil du temps, ce qui a également conduit la BEI à y jouer un rôle plus éminent. En 2002, le Conseil européen a confié un nouveau mandat à la Banque ; il s agit de la Facilité euroméditerranéenne d investissement et de partenariat (FEMIP), qui a permis à la Banque d accroître son activité de prêt dans la région en mettant l accent sur le développement du secteur privé. La présente évaluation porte sur les financements sur ressources propres de la BEI sous forme de prêts globaux (PG). À la fin de 2003, ce type de financement totalisait 2,02 milliards d EUR pour la région. La majeure partie des prêts ont été accordés en Turquie (47 %), en Tunisie (18 %), en Israël (11 %) et au Maroc (11 %). La présente évaluation est essentiellement axée sur les prêts globaux en tant qu instrument de financement et non sur les investissements financés au moyen de cet instrument. Toutefois, EV a analysé un échantillon de sous-projets financés afin d évaluer si les procédures de sélection utilisées par les IF avaient permis de garantir qu il s agissait de projets viables et «pertinents», et d estimer la valeur ajoutée apportée par les PG aux bénéficiaires finals. L objectif principal des PG est d acheminer des ressources financières de la BEI vers des investissements viables et «pertinents» dont le montant est inférieur au seuil permettant un financement direct de la BEI ; il s agit avant tout de projets réalisés par des PME et, depuis quelque temps, de petits projets d infrastructures agricoles et collectives (relatifs notamment à la protection de l environnement et aux économies d énergie). Pour l évaluation approfondie, EV a sélectionné un échantillon de 10 PG parmi les opérations signées au cours de la période 1994-2003. Cette sélection s est effectuée de manière à garantir une répartition raisonnable des opérations entre les sous-secteurs et entre les pays de la région 2. Les opérations ont été évaluées sur la base de critères d évaluation reconnus à l échelle internationale (voir Annexe 4) en matière de pertinence, d efficacité, d efficience et de viabilité à long terme. À la lumière de ces critères et sur la base d une échelle de notation à 4 niveaux, une opération a reçu la note 4 (bon), cinq la note 3 (satisfaisant) et quatre la note 2 (insatisfaisant). Aucune opération n a reçu la note 1 (mauvais). 1 Il s agit des pays suivants : Algérie, Chypre, Égypte, Gaza/Cisjordanie, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie. 2 Aucune opération réalisée en Israël n a pu être retenue pour évaluation, car aucun des PG accordés pendant la période étudiée n avait encore fait l objet de décaissements substantiels au moment de l évaluation. 1

Pertinence Tous les PG évalués sont pleinement conformes aux objectifs des mandats de l UE, ainsi qu aux objectifs nationaux et aux besoins des bénéficiaires. L ensemble des opérations évaluées satisfont par conséquent aux critères de pertinence. Les six PG évalués qui visaient des PME, notamment dans le secteur du tourisme, ont encouragé le développement du secteur privé dans la région. Plusieurs d entre eux s inscrivaient d ailleurs dans des programmes nationaux spécifiques destinés à moderniser les PME et à renforcer leur compétitivité. Les quatre autres PG évalués ont contribué à la réalisation d objectifs différents, tels que la modernisation des infrastructures économiques, le développement agricole, la protection de l environnement et les économies d énergie. Performance des intermédiaires financiers La situation financière des intermédiaires financiers (IF) évalués varie de satisfaisante à insatisfaisante, à l exception d un cas où elle a été jugée mauvaise. Les principales difficultés rencontrées par les IF évalués, et par le secteur bancaire de la région en général, découlent de la proportion élevée de prêts non productifs (PNP). Pour les IF évalués, les PNP représentaient entre 22 et 45 % de l ensemble du portefeuille de prêts au cours des dernières années, à l exception de la banque turque, pour laquelle ce taux s établissait autour de 7 à 8 %. Depuis l instruction effectuée par la Banque au milieu des années 90 dans la perspective des prêts globaux, les IF évalués ont sensiblement amélioré leur organisation et leurs procédures, en particulier pour ce qui est de l analyse de crédit. Cette évolution résulte en partie de la mise en place par l État de programmes destinés à améliorer l efficacité et la solidité du secteur bancaire souvent appuyés par des organisations internationales et constitue une réponse à l accroissement de la concurrence sur leurs marchés traditionnels. Malgré les défis à relever, tous les IF évalués ont été jugés viables à long terme, à l exception d un seul établissement, essentiellement en raison de son taux élevé de PNP. Performance des prêts globaux de la BEI Le montant total des prêts globaux de la BEI a été en grande partie engagé et décaissé dans tous les cas évalués. Toutefois, les objectifs spécifiques n ont été pleinement atteints que dans une minorité de cas. Cela tient au fait que les financements sont allés à des projets de dimension plus grande que prévue ou à des projets ou à des secteurs non prévus au départ. La durée des prêts secondaires était normalement comprise entre 4 et 8 ans, différé compris, à l exception d un cas où elle était de 15 ans. La durée des prêts globaux de la BEI, quant à elle, était nettement plus longue (normalement 12-15 ans, voire 18 ans dans un cas). La longue durée des prêts accordés par la BEI encourage les IF à allonger également la durée des prêts qu ils rétrocèdent aux bénéficiaires finals. La Banque a pour politique de laisser les forces du marché déterminer les conditions de rétrocession bien que, dans quelques cas, elle ait imposé des conditions spécifiques en la matière. La qualité de crédit des projets financés au moyen des PG de la BEI était du même ordre que celle de l ensemble du portefeuille de prêts des banques financées, voire légèrement meilleure. Dans plusieurs cas, les arriérés de remboursement étaient liés à des retards dans la mise en œuvre des projets et aux incidences du ralentissement de l économie, en rapport avec la dégradation du climat politique et économique de la région au cours des dernières années. Pour ce qui est des aspects positifs, la plupart des investissements financés atteignent ou dépassent les objectifs initiaux, en particulier ceux qui concernaient l exportation de produits manufacturés. Par ailleurs, on dispose de très peu d informations sur la qualité des projets d infrastructures publiques. Toutefois, dans le cas d un prêt 2

global destiné à ce type de projet, on a pu constater que certains des projets financés rencontraient de gros problèmes de mise en œuvre ou de viabilité à long terme. Valeur ajoutée de l intervention de la BEI La valeur ajoutée financière apportée par la BEI à ces opérations a, d une manière générale, été jugée significative ou élevée car, dans toute la région, les financements à long et moyen terme (LMT) demeurent une denrée rare et, de plus, l accès aux marchés financiers internationaux est restreint. Le fait que la BEI ait régulièrement fourni des financements LMT aux IF évalués a été favorable à la modernisation et à l expansion progressives du secteur privé dans la région. Toutefois, cette valeur ajoutée financière perd de son importance dans certains pays en raison de la disponibilité croissante de ressources LMT sur le marché local. En outre, étant donné que les prêts de la BEI ont été accordés en devises, la couverture du risque de change a constitué un aspect important dans tous les PG évalués. L approche pragmatique et non bureaucratique de la BEI a été vivement appréciée par les IF et par les bénéficiaires finals. L amélioration de l organisation des IF ou le développement institutionnel en général ne constituaient pas un objectif spécifique de la BEI au moment où les PG en question ont été approuvés. C est pourquoi il n est pas étonnant que la BEI ait peu contribué au développement des IF au travers des PG évalués. Toutefois, la situation a changé depuis la mise en place du fonds d assistance technique de la FEMIP, dont le rôle est de soutenir le processus de réforme des institutions et des politiques économiques ainsi que le processus de privatisation. Gestion du cycle du projet par la BEI L identification et la sélection par la BEI d IF aptes à recevoir un prêt global de sa part ont été jugées bonnes ou satisfaisantes dans tous les cas évalués. Toutefois, le choix des IF pouvant bénéficier d un PG était limité par le fait que la BEI exige une garantie de l État ou d une banque internationale de premier plan pour les PG financés sur ses ressources propres. Le principal point fort du processus d instruction de la BEI par rapport à celui d autres BMD - tel que perçu par les clients des IF - est sa rapidité. À cet égard, et par comparaison avec d autres BMD opérant dans la région, l approche souple et pragmatique de la BEI est vivement appréciée. L instruction menée par la Banque a été jugée satisfaisante dans la plupart des opérations analysées. Toutefois, il a été constaté que l instruction avait souvent été insuffisamment approfondie pour apporter une valeur ajoutée significative, en particulier pour ce qui est de l analyse de l organisation et des procédures des IF, notamment dans les domaines de l environnement et de la passation des marchés. 3

Une fois les prêts globaux approuvés, la BEI s est employée avant tout à organiser la signature, l engagement et le décaissement des fonds aussi rapidement que possible. Dans certains cas, quelques-uns des objectifs et certaines des conditions spécifiques mentionnés au stade de l instruction n ont pas été repris dans le contrat de financement ou dans la lettre d avenant au contrat, ou ont été abandonnés ou modifiés ultérieurement. Dans tous les PG évalués, la qualité du suivi a été mauvaise ou insatisfaisante, à l exception d un cas. De manière générale, il n y avait pas d analyse régulière de la situation des IF, sauf dans le cas d opérations répétées avec le même IF. En outre, la Banque dispose de très peu d informations sur la viabilité des investissements et sur l impact des sous-projets financés sur le développement. Afin de combler ces lacunes, la Banque renforce le suivi des PG. 4

COMMENTAIRES GÉNÉRAUX DE LA FEMIP SUR LE PRÉSENT RAPPORT La FEMIP note avec satisfaction que les prêts globaux accordés dans la région MED au cours de la période 1989-2001 ont été conformes aux objectifs des mandats de l UE et aux politiques économiques des pays concernés, qu ils ont été intégralement décaissés dans la majorité des cas examinés, et que la valeur ajoutée apportée par la BEI a, en règle générale, été reconnue comme élevée. Bien que le processus de sélection des intermédiaires financiers (IF) ait été jugé satisfaisant, le rapport souligne le taux élevé de prêts non productifs affiché par les IF évalués, lequel témoigne des difficultés rencontrées par le secteur bancaire en général au cours de la période concernée. Le rapport mentionne plusieurs domaines où la Banque pourrait améliorer sa manière d aborder les prêts globaux dans la région. Elle devrait ainsi en particulier (i) accorder une attention plus grande aux besoins des petites entreprises, (ii) contribuer au renforcement des capacités des intermédiaires financiers, (iii) élargir la gamme des produits financiers qu elle propose et (iv) assurer un suivi accru des IF et des sous-projets financés, notamment en ce qui concerne l incidence de ces derniers sur l environnement. Tous les prêts globaux évalués ont été accordés avant le lancement de la Facilité euroméditerranéenne d investissement et de partenariat (FEMIP), en 2002. Dans le cadre de la FEMIP, les prêts aux PME et le renforcement des capacités institutionnelles ont été identifiés comme les grandes priorités de la Banque dans le bassin méditerranéen. Une «enveloppe spéciale FEMIP» (ESF) a été créée dans le courant de 2004 en vue de permettre l octroi de financements en faveur de projets ou d intermédiaires financiers présentant un profil de risque plus élevé ; l émission d obligations en monnaie locale est en cours de préparation, dans un premier temps au Maroc. Le volet «assistance technique» de la FEMIP constitue un instrument important pour améliorer la qualité des opérations de la BEI dans la région méditerranéenne et renforcer leur impact sur le développement. Quatre programmes d assistance technique consacrés au financement des PME et au développement des capacités des IF ont déjà été lancés dans la région. Le fonds fiduciaire de la FEMIP, créé en 2004, sera axé sur la prestation d autres actions d assistance technique en faveur du financement du secteur privé. L ouverture de bureaux à l échelon régional ou local aide également la Banque à identifier les besoins des petites entreprises et à sélectionner les bénéficiaires locaux, ainsi qu à assurer le suivi des projets et des sous-projets qu elle finance et la coordination avec les autres bailleurs de fonds. De nouveaux postes d assistants chargés du suivi des projets ont été créés au siège de la FEMIP à Luxembourg afin d intensifier les activités de suivi et de mieux définir les opérations futures. Un protocole d accord a été signé avec la Banque mondiale et la Commission européenne en mai 2004 aux fins d améliorer la coordination entre les bailleurs de fonds dans la région méditerranéenne, avec comme priorité le développement du secteur privé. En outre, comme indiqué dans sa déclaration sur l environnement de 2004, la BEI a renforcé ses procédures d évaluation des incidences sur l environnement pour ce qui est des projets financés au moyen de PG. 5

TABLEAU DES RECOMMANDATIONS Recommandation d EV 1. Adapter les exigences en matière de sûreté appliquées aux PG de manière à permettre à la Banque de financer davantage de banques du secteur privé sans exiger de garantie de l État, et d offrir de nouveaux produits, tels que des prêts en monnaie locale (points 2.3, 4.1 et 5.1). 2. Si nécessaire, soutenir les IF par la mise en place d une assistance technique, et encourager ainsi leur développement et la réforme du secteur financier. Ce genre de programmes nécessite une coordination soigneuse avec les autres bailleurs de fonds afin d éviter le chevauchement d activités ou la duplication des efforts (point 4.2). Acceptation oui/non Oui, sous réserve des limites dues au contexte local pour les questions de prêt en monnaie locale Oui Commentaires de Ops B et de PJ Dans le cadre de la «FEMIP renforcée», la Banque a décidé d élargir la gamme des contreparties pouvant bénéficier de prêts sur ses ressources propres. La mise en place de l «enveloppe spéciale FEMIP» lui permet désormais d accorder des prêts à des banques locales éligibles sans exiger de garanties de la part de l État ou de banques reconnues sur le plan international. La BEI envisage également de fournir des financements en monnaie locale dans les pays MED afin d accroître la compétitivité de ses prêts sur ressources propres. Des discussions sont en cours à ce sujet avec l État marocain et des institutions financières locales en vue de mettre en place un cadre réglementaire acceptable pour la Banque. Toutefois, l octroi de financements en monnaie locale dépendra de la compétitivité des conditions de la BEI, en particulier dans les cas où les banques locales possèdent déjà d importantes liquidités en monnaie nationale. S il y a lieu, la Banque apporte déjà son aide aux IF dans la région au travers du Fonds d assistance technique (AT) de la FEMIP (une AT a ainsi été mise en place en Syrie, en Tunisie, en Égypte et au Liban). L objectif principal des opérations d AT en cours est le renforcement des capacités des IF, domaine où les bailleurs de fonds se font rares. Il est envisagé de soutenir la réforme du secteur financier par la fourniture d une assistance technique au titre du fonds fiduciaire, en complète coordination avec les autres bailleurs de fonds. 6

Recommandation d EV 3. Au cours de l instruction, effectuer une meilleure analyse de l organisation et des procédures des IF et veiller à ce que les améliorations nécessaires soient effectuées. En particulier, la Banque devrait réaliser une analyse plus rigoureuse de la capacité et de l engagement des IF à développer leur activité dans le sous-secteur visé par le PG et s assurer que ses lignes directrices en matière d environnement et de passation des marchés sont comprises et appliquées. Le respect de ce dernier point est généralement requis pour les PG destinés aux infrastructures publiques (points 5.2, 5.4 et 5.5). 4. Soutenir les IF qui cherchent à développer leur activité de financement des petites entreprises dans la région et associer, si nécessaire, ce genre d opérations à des programmes de soutien aux petites entreprises qui les aident à mettre au point des projets bancables (points 2.3 et 3.4). Acceptation oui/non Oui Oui, sous réserve des limites inhérentes à la structure des PG. Commentaires de Ops B et de PJ Ops B note que les instructions ayant fait l objet d une analyse ont été jugées satisfaisantes dans la plupart des cas, mais reconnaît qu il y a encore matière à amélioration. Actuellement, les ressources d assistance technique de la FEMIP sont utilisées pour remédier aux faiblesses d IF spécifiques, par le renforcement de leurs capacités techniques et par l amélioration de leurs procédures internes, notamment en matière d évaluation des incidences sur l environnement. En outre, il est proposé que, bien que la direction des projets (PJ) ne participe normalement pas à l instruction des prêts globaux, il lui soit demandé une expertise technique pour certains secteurs et projets sensibles sur le plan de l environnement. Par ailleurs, tous les sous-projets nécessitant une évaluation des incidences sur l environnement (EIE) doivent faire l objet d une évaluation indépendante par la BEI, conformément à ses principes directeurs. Le suivi des procédures en matière de passation des marchés sera renforcé. Le financement des petites entreprises n était pas un objectif spécifique des mandats MED. Il constitue toutefois une priorité pour la FEMIP, qui offre des instruments destinés à contribuer à la réalisation de cet objectif (voir les références à l ESF et l AT cidessus). En particulier, la FEMIP vise à soutenir les IF qui cherchent à développer leur activité de financement des petites entreprises dans la région, et à associer, s il y a lieu, ces opérations à des programmes de soutien aux PME qui les aideront à mettre au point des projets bancables. Toutefois, 7

Recommandation d EV 5. Veiller à ce que tous les objectifs et conditions spécifiques relatifs à une opération de PG soient reflétés dans le contrat de financement ou dans la lettre d avenant au contrat de financement, et assurer le suivi de leur mise en œuvre (points 3.4 et 5.5). 6. Évaluer la viabilité des investissements et l incidence sur le développement d un échantillon de sous-projets financés, à l issue de la période d affectation de chaque prêt global, en particulier dans le cas d opérations répétées ; cela comprend des visites sur le terrain pour un échantillon de sousprojets financés (points 3.4.3 et 5.3). Acceptation oui/non Oui Oui Commentaires de Ops B et de PJ la décision revient en définitive aux IF, puisque ce sont eux qui supportent le risque financier sur le bénéficiaire final. Les prêts accordés par les IF aux petites entreprises sont assortis de risques plus élevés, que les IF ne sont peut-être pas disposés à prendre ou qu ils pourraient assumer en appliquant des marges sensiblement plus élevées (reflétant le risque encouru). Les objectifs des mandats et des PG sont souvent d ordre général et par conséquent difficiles à traduire en conditions spécifiques. Ops B reconnaît qu il serait souhaitable de refléter plus clairement ces conditions dans les contrats de financement ou dans les lettres d avenant, dans le contexte des mesures destinées à accroître la valeur ajoutée (troisième pilier). En outre, le budget FEMIP consacré à l AT offre une marge de manœuvre supplémentaire pour renforcer la conditionnalité. Les procédures d information demandées aux IF sont actuellement analysées pour y apporter des améliorations dans le courant de 2005. Le suivi des affectations (visites sur le terrain comprises) est effectué mais, comme l indique le rapport, pas systématiquement. Ops B doit réfléchir à la manière appropriée de réaliser cette activité et aux ressources qu il faut y consacrer, en mettant l accent par exemple sur la valeur ajoutée et la viabilité environnementale, sans créer de travail supplémentaire pour les IF. L évaluation recommandée est une activité expost qu Ops B devrait mener en coopération avec PJ et, éventuellement, EV. Dans ce contexte, Ops B envisage par 8

Recommandation d EV 7. Améliorer le suivi de la situation financière et de l organisation des IF grâce à des comptes rendus d information réguliers. Dans le cas où un IF ne s acquitte pas des obligations d information définies par la Banque, une mission sur le terrain pourrait s avérer nécessaire (point 5.3). Acceptation oui/non Oui Commentaires de Ops B et de PJ ailleurs de mettre en place un tableau de bord prospectif pour les PG. Le suivi des IF est généralement effectué de manière régulière, mais ne se traduit pas systématiquement par un compte rendu, en particulier lorsqu aucun problème majeur n est identifié. Toutefois, des améliorations seraient possibles en ce qui concerne les obligations d information des IF et le suivi effectué par la Banque, si l on se concentrait sur une sélection de ratios financiers et sur les aspects organisationnels. On pourrait également envisager de recourir davantage aux missions sur le terrain dans les cas où les informations sont insuffisantes. 9

1 INTRODUCTION 1.1 Les mandats méditerranéens Les activités de la Banque européenne d investissement (BEI) dans les pays non membres du sud et de l est du bassin méditerranéen se sont développées dans le cadre des relations politiques et économiques de l Union européenne avec cette région. Les principaux objectifs des politiques de l UE à l égard de ces pays sont à la fois politiques et économiques. C est à la fin des années 70 3 qu ont été signés les premiers accords de coopération entre la Communauté européenne et les pays partenaires méditerranéens, parmi lesquels plusieurs Protocoles financiers bilatéraux prévoyant l octroi de prêts par la Banque européenne d investissement et de subventions financées sur le budget d aide de la Commission européenne 4. Le Programme de coopération financière horizontale a été adopté en 1992 pour renforcer l aide financière dans la région. Il s agissait, par le biais de cet instrument, d apporter à la région des concours financiers supplémentaires, financés grâce aux ressources propres de la BEI et à des capitaux à risques, selon le principe du premier arrivé, premier servi, en parallèle avec le solde des fonds des troisièmes protocoles financiers. Adoptée par les 15 États membres et les 12 pays partenaires méditerranéens, la Déclaration de Barcelone 5 a défini un cadre de développement et d approfondissement de la coopération. Les protocoles financiers ont été remplacés par la résolution EUROMED, qui attribuait à la Banque un nouveau mandat pour ses opérations dans la région. En vertu de ce mandat, les activités de coopération futures devaient poursuivre trois objectifs : La formation d une zone commune placée sous le signe de la paix et de la stabilité. L établissement progressif d une zone de libre-échange entre l UE et les pays partenaires méditerranéens par le biais d accords d association. Le développement des ressources humaines, de la compréhension des cultures et des échanges entre les sociétés civiles. Les domaines dans lesquels les mandats EUROMED tablaient sur un renforcement des activités de la Banque étaient implicitement contenus dans les objectifs généraux de la Résolution EUROMED. Ils incluaient notamment : Le développement du secteur privé, y compris le soutien aux PME et aux coinvestissements des entreprises de l UE et des pays partenaires méditerranéens. La mise à niveau des infrastructures économiques, notamment celles nécessaires au développement des échanges interrégionaux telles que les réseaux de télécommunications, de transport et d énergie. EUROMED I, qui a couvert la période de 1997 à 2000, a limité les financements sur ressources propres à 2,310 milliards d EUR sur cette période. EUROMED II, qui couvre la période 2000-2007, a porté le plafond à 6,425 milliards d EUR. Le dispositif 3 Un accord d association avait déjà été signé entre la CE et la Turquie dans un objectif similaire. 4 Les prêts de la BEI étaient assortis d une bonification d intérêt de 2 %, financée sur le budget d aide. L apport de capitaux à risques a été introduit dans le cadre du deuxième protocole financier (financé par la Commission mais administré par la BEI). 5 Algérie, Égypte, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, Malte, Chypre, Turquie, Israël et Palestine. 10

EUROMED inclut en outre des apports de capitaux à risques et des bonifications d intérêt pour les projets liés à l environnement. En application des conclusions de la présidence du Conseil de Nice en 2000, la Banque a été conviée à financer des projets présentant un intérêt commun pour les pays de l UE et les pays partenaires sans recourir à la garantie de l UE pour les risques politiques et commerciaux (à concurrence d un milliard d EUR). En 2002, le Conseil européen a appelé au lancement d une nouvelle initiative dans le bassin méditerranéen. L idée fut émise de créer une nouvelle institution financière opérant exclusivement dans la région, mais ni les États membres ni les pays partenaires méditerranéens n étaient très enthousiastes. Leur choix se porta sur l établissement d une Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), qui allait assigner à la Banque de nouveaux objectifs financiers dans la région, axés en priorité sur le développement du secteur privé. S il est possible que les facteurs politiques (notamment l aggravation de l instabilité dans la région) aient pesé dans cette décision, un large consensus s était dégagé sur la nécessité d approfondir et accélérer le processus de réforme économique dans le bassin méditerranéen. Les principaux changements apportés aux attributions de la BEI par l advenue de la FEMIP sont les suivants : Les financements sur ressources propres de la Banque dans la région seront majorés de 1,5 milliard d EUR au maximum pour la période 2003-2007. Les prêts sur ressources propres seront complétés par des opérations d apport de capitaux à risques dont l utilisation sera étendue grâce à l utilisation de nouveaux instruments financiers. Un Fonds d assistance technique a été créé pour identifier, concevoir et gérer les nouveaux projets d investissement et pour appuyer les processus de réforme des politiques générales et de privatisation. Un comité ministériel de supervision réunissant des représentants des États membres, des pays partenaires méditerranéens et des comités des experts a été institué. La BEI s est dotée de plusieurs bureaux opérationnels décentralisés dans la région. Aux termes de ses mandats actuels, la BEI propose les produits financiers suivants : des prêts prioritaires classiques sur ressources propres, des capitaux à risques pouvant être utilisés à des fins diverses (participations en fonds propres ou quasi-fonds propres, etc.) et des bonifications d intérêt pour les projets liés à l environnement. Accords cadres avec les pays A l époque des Protocoles financiers, les prêts de la Banque aux différents pays méditerranéens partenaires ont été effectués dans le cadre d accords bilatéraux entre la Communauté européenne et chacun des pays concernés. Avec la disparition progressive de ces Protocoles, une nouvelle structure juridique devenait nécessaire pour fournir à la Banque les garanties voulues quant aux exonérations fiscales et à la disponibilité d un volume de devises suffisant (ces garanties étant jusque-là implicites dans les Protocoles). Les Protocoles ont été remplacés par des accords cadres signés entre la Banque et chaque pays, puis ratifiés par l assemblée législative de ces pays. Ces accords autorisent la Banque à financer des projets dans les secteurs public et privé des pays d accueil et prévoient des exonérations de l impôt retenu à la source. En outre, les gouvernements s engagent à mettre des devises à la disposition des débiteurs de la BEI pour leur 11

permettre d honorer le service de leur dette. Par ailleurs, il a été convenu de soumettre la sélection des projets devant être financés par la Banque à l accord du ministère de contrepartie de la Banque (généralement le ministère des Finances ou du Plan). Ce faisant, les accords cadres ont préservé le statut de créancier privilégié de jure de la Banque. 1.2 Le secteur financier des pays méditerranéens Les secteurs financiers des pays partenaires méditerranéens (Maghreb, Mashreq et Turquie) présentent un niveau de développement très différent. S ils sont relativement développés 6 en Turquie, en Jordanie et au Liban, ils sont encore peu avancés en Algérie et en Syrie. On peut cependant distinguer plusieurs caractéristiques communes. Dans la majorité des PPM, le secteur bancaire reste en grande partie aux mains de l État ; les banques privées représentent une faible part du marché, et elles s adressent à un segment limité de la clientèle. Les gouvernements interviennent encore largement dans l affectation du crédit et se servent des institutions financières publiques pour mettre en œuvre leurs politiques sectorielles. Néanmoins, les pouvoirs publics commencent à faire appel à d autres moyens pour poursuivre ces politiques, et réduisent dans le même temps le rôle que les institutions financières publiques jouaient à cette fin. Depuis la fin de la première moitié des années 80, certains pays ont mis en œuvre de vastes programmes visant à libéraliser progressivement l économie et à accroître son degré d ouverture et sa compétitivité internationale. Ces programmes ont bénéficié de financements conséquents des institutions financières internationales, dont la BEI. Dans ce contexte, les secteurs bancaires ont été progressivement libéralisés, restructurés et ouverts aux investissements étrangers, même si les progrès ont été assez lents dans la plupart des pays. Les banques centrales ont joué un rôle clé dans ce processus, en mettant en place des réglementations prudentielles qui ont obligé les banques à améliorer leur situation financière et leur gestion. Ces programmes devraient faciliter l accès du secteur privé aux sources de financement, qui sont actuellement très limitées en particulier les sources de financement à moyen et long terme. En dépit des efforts déployés pour consolider les secteurs bancaires, de nombreuses banques de la région se heurtent à de gros problèmes, dont le plus épineux est de loin la proportion élevée des prêts non productifs (le 3.3 donne une indication de cette proportion pour les institutions financières évaluées). Bien que la proportion des prêts non productifs dans l actif total des banques ait progressivement diminué durant les années 90 dans la plupart des pays, la tendance globale est de nouveau à la hausse depuis quelques années. Cette évolution est à mettre au compte du ralentissement économique, lié en partie à la stagnation de certains programmes de réforme structurelle et à l instabilité croissante dans la région. 2 LES OBJECTIFS ET LES OPÉRATIONS DE PRÊT GLOBAL DE LA BEI DANS LES PAYS PARTENAIRES MÉDITÉRRANÉENS 2.1 Contexte 6 Basé sur Evaluating Financial Sector Development in MENA: A new methodology and some results. Documents du FMI. 12

La Banque mondiale a institué le mécanisme de prêt global 7 dans les années 60 pour financer des projets d investissement de petite dimension mis en œuvre par des investisseurs privés, en passant par des intermédiaires financiers locaux établis dans les pays où elle exerce ses activités. Comme la plupart des banques commerciales n avaient ni l ambition ni les moyens de gérer des prêts aux PME, la Banque mondiale a, à de multiples reprises, soutenu la création d IFD 8 spécialisées, dans lesquelles l État était le seul ou le principal actionnaire (c est le cas par exemple de la BID en Jordanie et de la DIB en Égypte). Durant les années 80, de nombreuses institutions de financement du développement ont vu leur réputation entachée, entre autres, par les prêts concédés à des parties affiliées et l ingérence du pouvoir politique. Par ailleurs, la qualité des portefeuilles a pâti de l absence de dispositifs adéquats de couverture du risque de change pour les prêts secondaires libellés en monnaie locale, ce qui s est révélé problématique lorsque les monnaies concernées ont subi une forte dévaluation. La Banque mondiale a progressivement abandonné les prêts directs aux IFD au profit d opérations pyramidales (Apex en anglais) dans lesquelles les intermédiaires financiers de second rang étaient généralement des banques commerciales privées, même si les prêts étaient acheminés par des unités spécialisées établies au sein des ministères des Finances ou des banques centrales. La plupart des banques multilatérales de développement, BEI comprise, ont dans un premier temps adopté le modèle de la Banque mondiale 9 pour financer les investissements de petite dimension. Reproduisant le modèle de la Banque mondiale, la BEI a d abord déployé ses prêts globaux dans les États membres, en particulier l Italie. L objectif primordial était de financer des projets qui ne pouvaient pas bénéficier de prêts directs en raison de leur trop petite taille, plutôt que d aider le secteur financier ou institutionnel à se développer. Le mécanisme a ensuite été étendu aux petits projets d infrastructure, notamment dans le domaine des économies d énergie, de la lutte contre la pollution et des petites infrastructures. C est dans ce contexte que la Banque a démarré ses opérations de prêt global dans le bassin méditerranéen au début des années 80 10. 2.2 Objectifs des prêts globaux de la BEI Tant que les Protocoles financiers étaient en vigueur (jusqu en 1996), la stratégie de prêt de la Banque dans chaque pays partenaire méditerranéen était déterminée par le document de programmation, qui émanait de la mission de programmation, menée conjointement par la Commission et la Banque. En général, les documents de programmation faisaient de l appui au développement du secteur privé et/ou des PME un objectif prioritaire. On peut donc dire que le montage des opérations de prêt global effectuées dans la région jusqu en 1996 a été conforme aux objectifs généraux convenus entre la Banque et les gouvernements. Entre 1996 et 2002, ces opérations ont plutôt été menées sur une base ad hoc en termes de stratégie de prêt. Contrairement aux autres banques multilatérales de développement, la BEI n a pas adopté la pratique consistant à établir des documents de stratégie par pays dans le cadre du processus participatif visant à remplacer l exercice de programmation par pays pour l élaboration de programmes de prêt futurs. L approche plus souple retenue par la Banque ne semble pas avoir affecté le volume ou la qualité des 7 La Banque mondiale et les autres banques multilatérales de développement utilisent plus communément l expression lignes de crédit pour décrire ces opérations. 8 Institutions de financement du développement. 9 Ces institutions incluent également la Banque interaméricaine de développement, la Banque africaine de développement et, de plus fraîche date, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. 10 La Turquie, qui avait signé un accord d association avec la Communauté en 1962, faisait figure d exception. Les prêts globaux affectés par l intermédiaire de la TSKB ont commencé plus tôt que les opérations dans les pays du MEDA. La TSKB a été établie comme une institution de financement classique, avec le concours de la Banque mondiale, mais elle a depuis été entièrement privatisée. Néanmoins, compte tenu de sa mission spécifique de promotion du développement des PME, la TSKB a continué à bénéficier des garanties du gouvernement turc pour les prêts des banques multilatérales de développement, qui étaient et restent sa principale ressource. 13

financements apportés par le biais des prêts globaux, mais elle a peut-être limité la possibilité d identifier de nouveaux secteurs cibles pour les prêts globaux. La situation s est profondément modifiée avec la création de la FEMIP. Les objectifs généraux des prêts de la BEI dans la région méditerranéenne ont été officiellement élargis pour inclure le développement du secteur financier et l élimination des obstacles au développement du secteur privé. L institution d une nouvelle structure de gouvernance au travers de la FEMIP donnera aux pays partenaires méditerranéens la possibilité de participer, aux côtés de la Banque, à la définition de plans d activité pluriannuels qui sauront mieux répondre à leurs besoins de développement. Dans le nouveau cadre stratégique ainsi créé, les nouvelles opérations de prêt global feront partie intégrante, pour chaque pays, d un programme de prêt arrêté d un commun accord. Par le passé, la Banque n avait pas pour habitude d inclure dans les contrats de prêt global des conditions liées à l organisation, aux procédures ou aux aspects institutionnels de l institution financière. Le mode de gouvernance institué par la FEMIP devrait permettre à la Banque d anticiper davantage sur le processus de réforme du secteur financier ou du sous-secteur cible en incluant des conditions dans ses futurs accords de prêt. L objectif spécifique des prêts globaux est d acheminer les fonds de la BEI au profit d investissements qui n atteignent pas le seuil requis pour être admissibles à un prêt direct de la Banque. Leurs destinataires ont d abord été principalement les PME, puis le secteur agricole et diverses infrastructures publiques de petite dimension. Étant donné que, dans le cadre d un prêt global, l institution financière est l emprunteur direct de la Banque, laquelle lui délègue l instruction des sous-projets financés, un autre objectif opérationnel important est de sélectionner des intermédiaires financiers solides, dotés d une organisation efficace et appliquant des procédures rigoureuses. Il est donc important que l institution financière puisse démontrer sa capacité à instruire les sous-projets dans le respect des propres normes de la BEI. Une dernière considération a trait aux éventuelles distorsions que peuvent provoquer les prêts globaux. La BEI, depuis qu elle n assortit plus ses prêts dans la région de bonifications d intérêt, a pour objectif déclaré de ne provoquer aucune distorsion sur les marchés financiers locaux. Les taux de rétrocession n ont par conséquent été plafonnés que dans les cas où, par manque de concurrence, il existait un risque de tarification opportuniste sur le marché. 2.3 Les financements apportés par la BEI au travers des prêts globaux L Annexe 1 récapitule les prêts globaux sur ressources propres signés dans le bassin méditerranéen entre 1979 et 2003 11. Au total, 70 prêts ont été signés pour un montant de 2,02 milliards d EUR. La plupart des prêts sont allés à la Turquie (47 %), à la Tunisie (18 %), à Israël (11%) et au Maroc (11 %), suivis par l Égypte, la Jordanie et le Liban. Aucun prêt global sur ressources propres n a été accordé en Algérie ni en Syrie, et une opération concernant Gaza et la Cisjordanie a dû être annulée en raison de la dégradation de la situation dans les territoires. A l origine, les prêts globaux étaient destinés essentiellement aux IFD du secteur public, qui étaient mieux placées pour obtenir la garantie du gouvernement exigée par la BEI. Toutefois, avec l utilisation des structures pyramidales, les banques commerciales privées ont peu à peu été amenées à participer aux opérations dans plusieurs pays de la région. De 11 Informations provenant de la base de données interne de la Banque. Certaines opérations qui ont été signées mais qui n ont été accompagnées d aucun versement (par exemple, CIB Egypt) ne sont pas incluses. 14

plus, la disponibilité accrue des capitaux à risques a permis à la Banque de diversifier sensiblement ses produits financiers dans la région 12. Graphique : Les financements sur ressources propres effectués dans le bassin méditerranéen par la BEI sous forme de prêts globaux 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Bien que les opérations de financement effectuées au travers de prêts globaux aient beaucoup augmenté ces dernières années en termes de signatures (voir graphique), le nombre d opérations nouvelles signées depuis 1995 a diminué pour la majorité des pays de la région (à l exception de la Tunisie et de la Turquie). Ce déclin est dû à trois facteurs : Compte tenu des problèmes rencontrés par de nombreuses institutions financières publiques, le nombre d institutions répondant aux critères de sélection de la BEI a diminué, sans qu en contrepartie le portefeuille de prêts se diversifie au profit des banques privées ; Les banques privées n étaient pas en mesure de fournir des garanties suffisantes pour un coût qui préserve la compétitivité du prêt global au niveau de la rétrocession des fonds en faveur de PME ; Le recours de plus en plus fréquent aux structures pyramidales s est accompagné d une augmentation du nombre d institutions financières participantes (y compris des banques privées), mais pas nécessairement du nombre d opérations. Les prêts globaux ont été utilisés pour financer divers sous-secteurs dans le bassin méditerranéen : Financement des PME Les prêts globaux destinés au financement de PME représentent la fraction la plus importante du portefeuille de prêts globaux sur ressources propres de la BEI. Plusieurs opérations ont visé des PME tournées vers l exportation, à la fois parce qu elles constituent d importantes sources de devises pour le pays et parce qu en l absence de mécanisme de couverture du risque de change, elles sont à l évidence mieux placées pour rembourser un prêt libellé en devise étrangère. Les montants croissants alloués par prêt global en Tunisie et en Turquie depuis 2000 portent à croire qu il existe un marché non négligeable pour ce produit à condition qu ils soient bien conçus et adaptés aux besoins des PME et qu il existe sur place des institutions financières efficaces. Il est à noter que la 12 Avec, par exemple, le financement de fonds de capital-risque et de participation. 15

Tunisie et la Turquie sont deux des pays de la région où la réforme du secteur financier est la plus avancée. 16

Dans le contexte du financement des PME, il est légitime de se demander ce qui définit une PME. La référence utilisée pour les prêts globaux évalués était, dans la plupart des cas, la définition habituelle de l UE 13. Cependant, cette définition paraît surdimensionnée dans les pays à revenu faible ou moyen dont se compose la région du bassin méditerranéen, à l exception peut-être de la Turquie. Financement de petites infrastructures Certains prêts globaux ont servi à financer des infrastructures de petite dimension, généralement (mais pas toujours) construites à l initiative de municipalités, au départ dans les pays où une institution financière spécialisée avait été créée à cette fin. Développement du secteur agricole Parmi les premiers prêts globaux, plusieurs ont été accordés à des organismes de crédit agricole publics pour financer des investissements dans les exploitations agricoles. Étant spécialisés dans l octroi de crédits bonifiés, ces établissements ont cessé d être intéressés par les prêts de la BEI lorsqu en vertu du Troisième protocole financier, les bonifications d intérêt ont été supprimées. En outre, victimes de leurs piètres pratiques en matière de crédit, la plupart de ces organismes se sont trouvés confrontés à de graves difficultés financières au début des années 90, et il n était plus possible de les considérer comme étant des candidats acceptables pour bénéficier de prêts globaux. Projets relatifs à l environnement et aux économies d énergie Les prêts globaux sur ressources propres ont également servi à financer de petits projets liés à la lutte contre la pollution en Égypte, en Turquie et en Tunisie. Le degré de réalisation des objectifs spécifiques assignés aux projets environnementaux par les prêts globaux a été inhabituellement bas, ce qui soulève des interrogations quant au mode de sélection des institutions financières ou au montage des prêts. Une seule opération destinée au financement de petits projets favorisant les économies d énergie a été menée à bien dans la région (en Turquie). Ce résultat tient probablement au fait que, dans la plupart des pays partenaires méditerranéens, l utilisation rationnelle de l énergie n a pas été une priorité importante ces dernières années. 3 PERFORMANCES DES PRETS GLOBAUX ÉVALUÉS 3.1 Méthode d évaluation L évaluation ne concerne que les prêts globaux sur ressources propres, mais ceux-ci présentent, à des niveaux multiples, des relations étroites avec les autres instruments mis en œuvre dans la région, en particulier les capitaux à risques. Cet exercice s inscrit dans le cadre de l évaluation en cours des financements sur ressources propres effectués par la BEI au titre de ses mandats méditerranéens et vient compléter l évaluation de la Commission européenne, 14 qui portait sur l aide financière accordée aux pays partenaires méditerranéens sous la forme de bonifications d intérêt sur les prêts BEI et d opérations sur capitaux à risques. L évaluation se focalise sur les prêts globaux en tant qu instrument financier et non sur les investissements financés par les prêts globaux. Néanmoins un échantillon de sous-projets a été évalué pour s assurer que les procédures de sélection employées par les institutions financières permettaient bien d identifier des projets viables et «pertinents» et pour estimer la valeur ajoutée apportée par les prêts globaux aux bénéficiaires finals. 13 Entreprises employant 500 personnes au maximum et dont l actif total ne dépasse pas 75 millions d EUR. 14 Eva-EU Association, Evaluation of financial assistance for the Mediterranean countries managed by the EIB on behalf of the EC. Rapport final, mai 2001. Unité d évaluation des services Relex de la Commission européenne. 17