Congruences dans Z; anneaux Z/nZ.

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Transcription:

DOCUMENT 5 Congruences dans Z; anneaux Z/nZ. L anneau Z est infini et il existe donc des entiers dont l écriture en base 10 possède un nombre arbitrairement grand de chiffres. Cela suffit pour que des problèmes d apparence très élémentaire, tels que l entier N = (7 1980 ) 1990 (3 80 ) 90 est-il divisible par 10 1, soient difficiles à résoudre en utilisant uniquement les opérations de Z. Dans ce document, nous allons voir que l introduction de congruences convenables sur Z permet de résoudre facilement ce type de problème. Plus généralement, les congruences sont très utiles dans l étude de la divisibilité et les anneaux quotients associés ont aussi un grand intérêt en particulier pour la reprsentation des groupes cyclique et, plus généralement des groupes de type finis. 1. Relations de congruence modulo n 1.1. Définition. Soit n un entier naturel. On définit une relation binaire R n sur Z par ar n b il existe λ Z tel que a b = λn. Proposition 5.1. a) Pout tout entier n N, la relation binaire R n est une relation d équivalence sur Z, R 0 est la relation d égalité et R 1 est la relation toujours vraie. b) Pour tout (a, b) Z 2 et tout entier n > 0 on a ar n b si et seulement si le reste r n (a) de la division euclidienne de a par n est égal au reste r n (b) de celle de b par n. c) Si ar n a et br n b alors on a (a + b)r n (a + b ) et (ab)r n (a b ). Preuve. a) Evident. b) Supposons ar n b avec n > 0. Par division euclidienne on a a = nq + r n (a), 0 r n (a) < n, et b = nq + r n (b), 0 r n (b) < n. Si r n (a) = r n (b) alors a b = n(q q ) d où ar n b. Réciproquement si ar n b alors il existe λ Z tel que λn = a b = n(q q ) + r n (a) r n (b) et donc r n (a) r n (b) = (λ + q q)n. Or n < r n (a) r n (b) < n et donc on a r n (a) = r n (b) (car 0 est le seul multiple de n strictement compris entre n et n). c) Si ar n a et br n b alors il existe deux entiers λ et µ tels que a a = λn et b b = µn. Il en résulte que : (a + b) (a + b ) = (λ + µ)n et ab a b = (λb + µa + λµn)n d où (a + b)r n (a + b ) et (ab)r n (a b ). Notations. La classe d équivalence de l entier a pour la relation R n est notée a et éventuellement a [n] s il est nécessaire de préciser la valeur de n. On a donc a = {b Z ar n b}. L ensemble quotient de Z par R n, c est-à-dire l ensemble des classes d équivalence modulo n, est désigné par Z/nZ et on écrit a b (mod n) au lieu de ar n b. 1 Solution. Toutes les congruences sont modulo 10. On a 7 2 1 d où 7 4 1. Comme 1980 = 4.495, 7 1980 = (7 4 ) 495 1 495 = 1, d où (7 1980 ) 1990 1 1990 1. De même, 3 2 1, 3 4 1, 3 80 = 3 4.20 1 20 = 1 (3 80 ) 90 1 90 = 1 et donc N 0, N est divisible par 10. 41

42 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ. Définition 5.1. La relation R n est appelée relation de congruence modulo n. On traduit sa propriété c) de la proposition 5.1 en disant que la congruence modulo n est compatible avec l addition et la multiplication des entiers. Si R est une relation d équivalence sur Z compatible avec + et. alors il existe un idéal I de Z tel que prq p q I. Comme tout idéal de Z est de la forme nz avec n 0, on voit que les congruences modulo n fournissent toutes les équivalences compatibles sur Z. Dans la suite on ne considère plus que des congruences modulo un entier supérieur ou égal à 2. Lorsque différentes congruences interviennent, on peut utiliser la proposition suivante. Proposition 5.2. Soit n 1... n k des entiers naturels non nuls et a, b Z. Si a b (mod n i ), pour 1 i k, alors a b (mod ppcm(n 1,..., n k )). En particulier, si les entiers n i sont premiers entre eux deux à deux alors a b (mod n 1... n k ). Preuve. C est une conséquence immédiate de l une des propriétés caractéristiques du ppcm: si n i n pour 1 i k alors ppcm(n 1,..., n k ) n. Dans le cas où les n i sont premiers entre eux deux à deux on a ppcm(n 1,..., n k ) = n 1... n k. Exemple. 1. Montrons, en utilisant la proposition précédente, que 561 est un nombre de Carmichaël, c est-à-dire qu il vérifie le petit théorème de Fermat sans être premier. Il est particulièrement utile de remarquer que 561 = 3.11.17 et que 560 = 2.280 = 10.56 = 16.35. On a x 561 x = x(x 560 1). Si x 3Z alors x 0 (mod 3) d où x(x 560 1) 0 (mod 3). Maintenant si x 3Z alors, par le théorème d Euler, x 2 1 (mod 3) d où x 560 = (x 2 ) 280 1 (mod 3) et encore x(x 560 1) 0 (mod 3). On obtient le même résultat en remplaçant 3 par 11 et par 17 d où, par application de la proposition précédente, x(x 560 1) 0 (mod 561). Exemple. 2. L entier n 2 est dit pseudo-premier (en base 2) si 2 n 1 1 (mod n). Le théorème de Fermat montre que tout nombre premier est pseudo-premier. Les nombres de Carmichaël sont aussi des nombres pseudo-premiers. Montrons que 341 est pseudo-premier. Le théorème d Euler (ou de Fermat) entraine que 2 10 1 (mod 11) d où 2 340 = (2 10 ) 34 1 (mod 11). D autre part, 2 5 = 32 1 (mod 31) d où 2 340 = (2 5 ) 68 1 (mod 31) et la proposition précédente entraine 2 340 = 1 (mod 11.31 = 341). On peut montrer que 561 est le plus petit nombre de Carmichaël et 341 le plus petit pseudopremier, le suivant étant 561. 1.2. Description de Z/nZ, n 2. Désignons toujours par r n (a) le reste de la division euclidienne de a par n. Les n premiers entiers naturels ont des classes distinctes modulo n car, si k est l un d entre eux, k = r n (k). Il en résulte que Z/nZ possède au moins n éléments 0, 1,..., n 1. Soit a Z. Par division euclidienne par n, a = nq + r n (a) d où a r n (a) (mod n) et, comme 0 r n (a) < n, a {0, 1,..., n 1} et finalement Z/nZ = {0, 1,..., n 1}. Considérons maintenant un entier a premier avec n et n entiers m 1,..., m n ayant tous des classes différentes modulo n. Pour tout entier b si l on a am i + b am j + b (mod n) alors

2. LA STRUCTURE D ANNEAU DE Z/nZ. 43 n a(m i m j ) et, comme a et n sont premiers entre eux, le théorème de Gauss entraine n m i m j et donc m i = m j. Autrement dit, i j entraine am i + b am j + b. On peut, en particulier, prendre a = 1 et m i = i 1, 1 i n, ou b = 0 et m i = i 1, 1 i n. On a démontré : Proposition 5.3. Pour tout entier n 2, Z/nZ possède n éléments et Z/nZ = {0, 1,..., n 1}. Plus généralement, pour tout entier a premier avec n, tout entier b et toute suite m 1,... m n de n entiers ayant des classes distinctes modulo n, et, en particulier, Z/nZ = {am i + b 1 i n} Z/nZ = {b, b + 1,..., b + (n 1)}; Z/nZ = {0, a, 2a,..., (n 1)a}. 2. La structure d anneau de Z/nZ. 2.1. Définition de la structure d anneau. Soit A et B deux éléments de Z/nZ. La partie (3) de la proposition 5.1 signifie que si a, a A et b, b B alors a + b = a + b et ab = a b. Cela permet de définir deux lois de composition sur Z/nZ, l une notée additivement et l autre notée multiplicativement, par : A + B = a + b, AB = ab avec a A, b B. On a donc par définition a + b = a + b et ab = ab. Proposition 5.4. Le triplet (Z/nZ, +,.) est un anneau commutatif et unitaire. Preuve. La commutativité de l addition et de la multiplication dans Z entraine immédiatement que les deux opérations de Z/nZ sont aussi commutatives. Pour la vérification des autres propriétés, considérons trois entiers a,b, c ainsi que A = a, B = b, C = c. En utilisant les propriétés d anneau unitaire de Z on a : (A + B) + C = (a + b) + c = (a + b) + c = (a + b) + c = a + (b + c) = a + (b + c) = a + (b + c) = A + (B + C). L addition de Z/nZ est associative. A + 0 = a + 0 = a + 0 = a = A. L addition possède l élément neutre 0 souvent noté plus simplement 0. A + a = a + a = a a = 0 = 0. Tout élément A = a de Z/nZ possède un opposé a noté A. (AB)C = (ab)c = (ab)c = (ab)c = a(bc) = a(bc) = a(bc) = A(BC). La multiplication de Z/nZ est associative. (A + B)C = (a + b)c = (a + b)c = (a + b)c = ac + bc = ac + (bc) = a c + bc = AC + BC. La multiplication est distributive par rapport à l addition. A1 = a1 = a.1 = a = A. L élement 1, souvent noté 1, est neutre pour la multiplication. Remarque. Soit G un groupe noté additivement. Pour tout élément g de G et tout entier k on définit un élément noté kg de G. Pour k 0 cet élément est défini par récurrence : c est l élément neutre de G si k = 0 et c est la somme g +(k 1)g si k > 1. Pour k < 0, on pose kg = ( k)( g). Si m est un entier alors, dans Z/nZ, km = km = km. Seule la première égalité demande une preuve : si k 0 on a km = m +... + m = (1 +... + 1)m = (1 +... + 1)m = km = km et si k < 0 alors km = ( k)( m) = ( k)( m) = km.

44 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ. 2.2. Quelques propriétés de (Z/nZ, +,.). Plusieurs propriétés de Z/nZ sont liées à la notion d entiers premiers entre eux. Proposition 5.5. Soit n 2 et m Z. Les affirmations suivantes sont équivalentes : (1) Les entiers m et n sont premiers entre eux ; (2) L élément m engendre le groupe (Z/nZ, +) ; (3) L élément m est inversible dans (Z/nZ,.). Preuve. 1. 2. C est une conséquence immédiate de la proposition 5.3 (cas b = 0 et m i = i 1). 2. 3. Si m engendre le groupe Z/nZ alors il existe un entier k tel que km = 1 d où km = 1 et k est l inverse de m dans (Z/nZ,.). 3. 1. Si m est inversible soit k un entier tel que k = m 1. On a 1 = km = km et il existe un entier k tel que 1 km = k n ou encore 1 = k n + km. Le théorème de Bezout entraine que m et n sont premiers entre eux. Corollaire 5.1. Soit un entier n 2. (1) Le groupe (Z/nZ, +) est cyclique ; (2) L anneau (Z/nZ, +,.) est un corps si et seulement si n est premier. Preuve. 1. Pour tout entier n 2, n et 1 sont premiers entre eux et donc 1 engendre (Z/nZ, +) qui, étant fini, est donc cyclique. 2. L anneau (Z/nZ, +,.) est un corps si et seulement si tout élément non nul est inversible c est-à-dire si tout entier non multiple de n est premier avec n. Cela équivaut à n est premier. Remarques. 1). Tout groupe cyclique d ordre n est isomorphe à Z/nZ. En effet soit G un tel groupe, a l un de ses générateurs. On a G = {ka k Z} et comme l ensemble G est fini, l application k Z ka G n est pas injective : il existe deux entiers distincts k et k, k > k, tels que ka = k a et donc (k k )a = 0 avec k k > 0. Soit n 0 le plus petit entier strictement positif tel que n 0 a = 0 et m Z. Par division euclidienne, m = n 0 q + r avec 0 r < n 0. On a ma = q(n 0 a) + ra = ra d où G = {0, a, 2a,..., (n 0 1)a}. Soit i et j, i j, deux entiers de [0, n 0 1]. Si ia = ja alors (j i)a = 0 d où i = j pour ne pas contredire la définition de n 0. Le groupe G possède donc n 0 éléments et n 0 = n. Considérons la bijection f de G sur Z/nZ qui à ma G fait correspondre m Z/nZ. On a f(ma + m a) = f((m + m )a) = m + m = m + m = f(ma) + f(m a) ce qui montre que f est un isomorphisme de groupes. 2). Le groupe Z/nZ est isomorphe au groupe multiplicatif U n des racines n-èmes de l unité. En effet, les racines n-èmes de l unité sont les nombres complexes z k = e i2kπ n, k Z, et z k = z k 2kπ n = 2k π n + 2λπ, λ Z, k = k + λn, λ Z, k [n] = k [n] Considérons l application f de U n dans Z/nZ définie par f(z k ) = k. surjective et comme z k = z k équivaut à k [n] = k [n] elle est aussi injective. On a z k z k = e i2kπ π n e i2k n = e i2(k + k ) π n = z k+k Cette application est d où f(z k z k ) = k + k = k + k = f(z k ) + f(z k ) et f est donc un isomorphisme de groupes.

2. LA STRUCTURE D ANNEAU DE Z/nZ. 45 Proposition 5.6. (Théorème chinois des restes). Soit m et n deux entiers 2. Les entiers m et n sont premiers entre eux si et seulement si l anneau Z/mnZ est isomorphe à l anneau produit Z/mZ Z/nZ. Preuve. Supposons m et n premiers entre eux et soit x et y deux entiers. Le produit mn divise x y si et seulement si m (x y) et n (x y). Autrement dit, x [mn] = y [mn] si et seulement si x [m] = y [m] et x [n] = y [n]. On peut donc définir une application f de Z/mnZ dans Z/mZ Z/nZ par f(x [mn] ) = (x [m], x [n] ) et cette application est injective. Les ensembles finis Z/mnZ et Z/mZ Z/nZ ayant tous deux mn éléments, l application f est bijective. On vérifie facilement que c est un morphisme d anneaux. (Par exemple, f(x [mn] + y [mn] ) = f(x + y [mn] ) = (x + y [m], x + y [n] ) = (x [m] + y [m], x [n] + y [n] ) = (x [m], x [n] ) + (y [m], y [n] ) = f(x [mn] ) + f(y [mn] ).) Supposons maintenant que l anneau produit Z/mZ Z/nZ soit isomorphe à Z/mnZ. Le groupe additif de Z/mZ Z/nZ est en particulier cyclique et soit (a [m], b [n] ) l un de ses générateurs. Il existe un entier λ tel que (1, 1) = λ(a [m], b [n] ) = (λa [m], λb [n] ) d où l existence d un entier µ tel que 1 λa = µm ce qui montre que a et m sont premiers entre eux (b et n sont aussi premiers entre eux). Il existe aussi un entier γ tel que d où l existence de deux entiers u et v tels que (0, 1) = γ(a [m], b [n] ) = (γa [m], γb [n] ) 0 = γa + um, 1 = γb + vn donc m γa et, comme m et a sont premiers entre eux, le théorème de Gauss entraine que m γ, γ = δm, δ Z. Il en résulte que 1 = δmb + vn ce qui montre que m et n sont premiers entre eux. Remarques 1) L isomorphisme f de la preuve précédente est en particulier surjectif : étant donné deux entiers a et b il existe un entier c tel que f(c [mn] ) = (a [m], b [n] ), ou encore c [m] = a [m] et c [n] = b [n]. Autrement dit, si m et n sont premiers entre eux, le système de congruences simultanées x a (mod m), x b (mod n) possède au moins une solution. Un étude plus détaillée de ce type de système figure dans le document 3. 2) Le début de la preuve de la proposition montre que l application r de [0, mn 1] dans [0, m 1] [0, n 1], définie par r(k) = (r m (k), r n (k)), est une bijection si les entiers m et n sont premiers entre eux. Tout entier de [0, mn 1] est entièrement déterminé par le couple de ses restes modulo m et n. 3) Soit n = p k 1 1...pkr r un entier naturel 2 décomposé en facteurs premiers. Un récurrence simple Z... Z/pkr r Z montre que Z/nZ est isomorphe à l anneau produit Z/p k 1 1 2.3. Les théorèmes d Euler, de Fermat et de Wilson. Ces théorèmes sont démontrés dans le document 4. Proposition 5.7. (Théorème d Euler) Soit n 2 et a deux entiers premiers entre eux. On a a φ(n) 1 (mod n) En particulier, si n est premier, a n 1 1 (mod n). Proposition 5.8. (Petit théorème de Fermat). Soit p un nombre premier. Pour tout entier a, a p a (mod p).

46 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ. Proposition 5.9. (Théorème de Wilson) Un entier naturel p 2 est premier si et seulement si (p 1)! + 1 0 (mod p). 3. Applications 3.1. Conditions de divisibilité, preuve par 9. En utilisant les congruences on peut trouver des conditions simples permettant de conclure à la divisibilité d un entier n par un entier m en utilisant uniquement l écriture de n en base 10. Il existe des conditions analogues lorsque 10 est remplacé par une autre base. L idée générale est très simple et est connue sous le nom de théorème de Pascal. Soit n = a p 10 p + a p 1 10 p 1 +... + a 1 10 + a 0, 0 a i 9 et m > 0. Si pour tout k N, 10 k r k (mod m) alors n a p r p +... + a 1 r 1 + a 0 (mod m) et donc m n si et seulement si m a p r p +... + a 1 r 1 + a 0. En pratique, on choisit les entiers r k petits et souvent ce sont les restes de la division euclidienne de 10 k par m Divisibilité par 9 et 3, preuve par 9. De 10 1 (mod 9) on déduit, pour tout entier naturel k, 10 k 1 (mod 9). Soit n = a p 10 p + a p 1 10 p 1 +... + a 1 10 + a 0, 0 a i 9, un nombre entier positif décomposé en base 10. On a n a p + a p 1 +... + a 1 + a 0 d où le résultat : Proposition 5.10. Tout entier positif est congru modulo 9 à la somme de ses chiffres. (Dans cet énoncé, comme dans d autres qui vont suivre, on confond un entier de [0, 9] avec le chiffre qui le symbolise.) Plus généralement, tout entier 0 est congru modulo b 1, b 2, à la somme des chiffres de son écriture en base b. On déduit de la proposition 5.10 la condition de divisibilité par 9 : Un entier n 0 est divisible par 9 si et seulement si la somme des chiffres de son écriture décimale est divisible par 9. La proposition 5.10 est aussi à la base de la preuve par 9. Soit a et b deux entiers naturels, c = ab, et d l entier obtenu par l algorithme de la multiplication de a par b, ces deux entiers étant écrits en base 10. S il n y a pas eu d erreur dans la pratique de cet algorithme on a c = d et donc a [9] b [9] = d [9]. Si cette égalité est vérifiée on dit que la preuve par 9 a marché et la proposition 5.10 entraine que cette vérification est rapide (par exemple 314159856 = 3 + 1 + 4 + 1 + 5 + 9 + 8 + 5 + 6 = 42 = 4 + 2 = 6). Si la preuve ne marche pas, le résultat d est faux mais si la preuve marche cela signifie simplement que le résultat trouvé d est congru, modulo 9, au véritable résultat c. On a aussi 10 1 (mod 3) d où, pour tout entier naturel k, 10 k 1 (mod 3). Comme dans le cas de l entier 9, il en résulte que : Un entier n 0 est divisible par 3 si et seulement si la somme des chiffres de son écriture décimale est divisible par 3. Divisibilité par 11 On a 10 1 (mod 11) d où, pour tout entier naturel k, 10 k ( 1) k (mod 11). Si l entier naturel n se décompose en base 10 sous la forme n = a p 10 p +a p 1 10 p 1 +...+a 1 10+a 0, 0 a i 9, alors n (a 0 + a 2 + a 4 +...) (a 1 + a 3 + a 5 +...) (mod 11) et donc 11 n si et seulement

3. APPLICATIONS 47 si 11 (a 0 +a 2 +a 4 +...) (a 1 +a 3 +a 5 +...) ce qui s écrit de façon plus précise 11 ( 1) k a k. Divisibilité par 4, 8 et 16. On montre, en utilisant le théorème de Pascal, que 4 (resp. 8) divise n = a p 10 p + a p 1 10 p 1 +... + a 1 10 + a 0 si et seulement si 4 (resp. 8) divisent a 0 + 2a 1 (resp. a 0 + 2a 1 + 4a 2 ). De même, 16 divise n si et seulement si 16 divise a 0 + 10a 1 + 4a 2 + 8a 3. Par exemple 16 37 601 632 car 16 2 + 30 + 24 + 8 = 64. Divisibilité par 5 et 2 Il est clair que n est divisible par 2 si et seulement si son chiffre des unités est lui-même divisible par 2 et que n est divisible par 5 si et seulement si son chiffre des unités est 0 ou 5. 3.2. Le code UPC (Universal Product Code) ou code barre. Il est en général formé d une suite (a i ) de treize nombres entiers compris entre 0 et 9. Chacun de ces nombres est codé par une barre verticale, un espace, une barre verticale et un espace. La largeur des barres et des espaces varie de 1 à 4. Par exemple, 0 est symbolisé par une barre de largeur 3, un espace de largeur 2, une barre et un espace de largeur 1. Les douze premiers nombres caractérisent le produit, le treizième est une clé de contrôle qui permet de détecter certaines erreurs dans la lecture des douze premiers. Le nombre a 13 (la clé) est tel que k=6 a 2k + a 2k+1 0 (mod 10). k=6 3 k=1 k=0 Si 3a 2k 3a 2k (mod 10) alors 10 divise 3(a 2k a 2k ). En utilisant le théorème de Gauss et 9 a 2k a 2k 9, on a donc a 2k = a 2k. De même, si a 2k+1 a 2k+1 (mod 10) alors a 2k+1 = a 2k+1. Une erreur sur un seul des a k est donc toujours détecté. Supposons maintenant que 3a 2i + a 2j+1 a 2i + 3a 2j+1 (mod 10). L entier 10 divise 2(a 2i a 2j+1 ) et 5 divise (a 2i a 2j+1 ). La permutation d un a 2i et d un a 2j+1 est donc détecté quatre k=6 k=6 fois sur cinq. En revanche, aucune erreur laissant chacune des sommes 3 a 2k et inchangées n est détectable. 3.3. Congruences simultanées. Voir le document 3. k=1 k=p k=0 k=0 a 2k+1 3.4. Applications aux grands entiers. Les congruences permettent de résoudre des exercices amusants portant sur de grands entiers ( est-il entier,..) mais c est aussi 719801990 3 8090 1990 1980 un moyen efficace pour diminuer la taille des entiers intervenant dans les calculs sur ordinateur. Plus précisément, soit n 1,..., n k des entiers premiers entre eux deux à deux. Tout entier n n 1... n k est entièrement déterminé par le k-uple (r n1 (n),..., r nk (n)) et, pour tout i de [1, k], n r ni (mod n). Si l on doit faire de nombreuses multiplications de grands entiers on peut effectuer les calculs en remplaçant ces entiers par leurs restes. Par exemple, si l on prend k = 10 et si chaque entier n k a une dizaine de chiffres, la multiplication de deux entiers de cent chiffres est remplacée par dix multiplications d entiers ayant au plus dix chiffres et la complexité du calcul est divisée à peu près par dix. A la fin, il faut évidemment revenir aux entiers et la

48 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ. on ne peut pas éviter des calculs portant sur des grands nombres. Cette technique est appelée l arithmétique modulaire. 4. Compléments 4.1. Le groupe multiplicatif (Z/pZ,.), p premier. Proposition 5.11. Si p est un nombre premier alors le groupe multiplicatif (Z/pZ),.) est cyclique (et donc isomorphe à (Z/(p 1)Z), +)) La preuve va résulter du lemme suivant. Lemme 5.1. Soit G un groupe commutatif fini et n le ppcm des ordres des éléments de G. Il existe un élément de G d ordre n. (On rappelle que l ordre d un élément d un groupe est le cardinal du sous-groupe qu il engendre. Si a est d ordre fini m alors m est le plus petit entier > 0 tel que a m = 1. Dans le cas d un groupe fini, l ordre de tout élément est un diviseur de l ordre du groupe) Preuve. Remarquons d abord que si a est un élément d ordre m d un groupe et si a r = 1 alors m r. En effet, par division euclidienne, r = mq + s avec 0 s < m d où a r = (a m ) q a s = a s d où s = 0. Décomposons n en facteurs premiers : n = p α 1 1...pα k k. Il existe a 1 G tel que a n/p 1 1 1 car, si pour tout élément a G, a n/p 1 = 1 alors n/p 1 est un multiple de tous les ordres des éléments de G et donc aussi de leur ppcm n. Posons h 1 = p α 2 2...pα k k (h = 1 si k = 1) et soit b 1 = a h 1 1. On a b pα 1 1 1 ]pα 1 1 = a n 1 = 1 car n est un multiple de l ordre de a 1. L ordre de b 1 est donc un 1 = [a h 1 diviseur de p α 1 1. Mais b α 1 1 1 = [a h 1 1 1]pα1 1 = a n/p 1 1 1 L ordre de b 1 est donc p α 1 1. On détermine de la même façon des éléments b 2,..., b k d ordres p α 2 1,..., pα k k. Soit c = b 1...b k. La définition de n entraine c n = 1. Si c m = 1 alors, G étant commutatif, b m 1...bm k = 1 et donc bm 1 = b m 2...b m k d où b mh 1 1 = b mh 1 2...b mh 1 k = 1 car h 1 est un multiple de l ordre de b i pour i 2. L entier mh 1 est donc un multiple de p α 1 1. Comme pα 1 1 et h 1 sont premiers entre eux, le théorème de Gauss entraine que p α 1 1 m. On a le même résultat pour p α i i, i 2 et donc n m d où n m. L ordre de c est n. Preuve de la proposition. On considère G = (Z/pZ,.) = {1,..., p 1} et soit n le ppcm des éléments de G. Pour les (p 1) éléments a de G on a a n = 1 ce qui montre que a est un zéro du polynôme P (X) = X n 1 à coefficients dans le corps Z/pZ. Ce polynôme de degré n possède au plus n zéros et donc p 1 n. D autre part, l ordre de tout élément de G divise p 1 et il en est de même de leur ppcm n. Finalement, p 1 = n et l élément c d ordre n engendre G. Remarques 1) La preuve précédente utilise essentiellement l existence du polynôme P (X) et le résultat du lemme. On peut la généraliser aux sous-groupes multiplicatifs finis des corps : tout sous-groupe multiplicatif fini d un corps commutatif est cyclique. 2) La détermination d un générateur de (Z/pZ,.) n est pas très facile en général (voir la preuve du lemme). Si, par exemple, p = 13 alors on vérifie que 2 engendre (Z/13Z,.). Un isomorphisme de (Z/12Z, +) sur (Z/13Z,.) est donc l application f définie par f(k 1 [12] ) = (2 [13] ) k, 0 k 11. En utilisant cet isomorphisme, comparable à une fonction exponentielle, on peut, par exemple, résoudre dans N l équation x x 2 (mod 13) (Solutions : x = 156n 11, n > 0 ou

4. COMPLÉMENTS 49 x = 156n 7, n > 0 ou x = 156n 41, n > 0 ou x = 156n+59, n 0. ou x = 13[(a r)+12n]+r avec (a, r) {(1, 2), (5, 6), (7, 11), (11, 7)} et n tel que x 0) 4.2. Les groupes commutatifs de type fini. Les groupes engendrés par un seul élément, autrement dit les groupes monogènes, sont commutatifs, isomorphes à Z lorsqu ils sont infinis et à Z/nZ lorsqu ils sont finis et d ordre n. Une généralisation naturelle de ces groupes est constituée par les groupes engendrés par une partie finie. Ces groupes sont dits de type fini. Le groupe (Z, +) et les groupes (Z/nZ, +) permettent de les décrire entièrement dans le cas commutatif. Proposition 5.12. Soit G un groupe commutatif de type fini. Si G est infini alors soit G est isomorphe au groupe produit Z n, n > 0, soit il existe un suite finie d entiers naturels n 1,..., n k verifiant n i n i+1 pour 1 i k 1 et G est isomorphe au groupe produit Z n Z/n 1 Z... Z/n k Z, n > 0. Si G est fini alors il existe un suite finie d entiers naturels n 1,..., n k verifiant n i n i+1 pour 1 i k 1 et G est isomorphe au groupe produit Z/n 1 Z... Z/n k Z. La démonstration de cet important résultat dépasse le cadre de ce document.

50 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ.