REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE ------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN --------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN --------------- RG N 221/2016 ------------- JUGEMENT CONTRADICTOIRE DU 23/03/2016 Monsieur DAVID Marc Alain (Maître KOUADIO François) Contre Monsieur WAOUNWA Zita Robert (SCPA SARR et ALLARD) ----------------- DECISION CONTRADICTOIRE Déclare l action en résiliation de bail et en expulsion initiée par monsieur DAVID Marc Alain irrecevable pour défaut de mise en demeure préalable ; Déclare son action principale en paiement de dommages intérêts recevable et monsieur WAOUNWA Zita Robert recevable en sa demande reconventionnelle; Constate la non conciliation des parties ; Dit monsieur DAVID Marc mal fondé en son action; L en déboute ; Dit monsieur WAOUNWA Zita Robert mal fondé en sa demande reconventionnelle; L en déboute ; Fais masse des dépens et les met à la charge des deux parties, chacune pour moitié. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 23 MARS 2016 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du 23 mars 2016 tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Madame FIAN A. Rosine, Epouse MOTCHIAN Président; Mesdames TANO A. Isabelle, Epouse DIAPPONON, TRAORE née KOUAO Marthe, messieurs KOUAKOU KOUADJO LAMBERT et N GUESSAN K. Eugène; Avec l assistance de Maître BAH Stéphanie, Greffier ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Monsieur DAVID Marc Alain, né le 31 Août 1963 à Abidjan, en RCI, de nationalité ivoirienne, informaticien, bailleur, domicilié à Abidjan/ Marcory Zone 4C, Rue Flemming, Tél: 02 37 89 83; Lequel a élu domicile en l étude de Maître KOUADIO FRANCOIS, Avocat à la cour d appel d Abidjan, 01 BP 8035 Abidjan 01, téléphone : 20 21 41 93 ; Demandeur; Et d une part, Monsieur WAOUNWA Zita Robert, né le 30 décembre 1978 à M BATTO, en RCI, de nationalité ivoirienne, opérateur économique, locataire chez le requérant à Abidjan/ Marcory-Zone 4C, Tél: 07 73 15 20; Lequel a élu domicile en la SCPA SARR& ALLARD, Avocat près la cour d appel d Abidjan, 01 BP 6082 Abidjan 01, téléphone : 21 34 13 08 ; Défendeur; d autre part, Enrôlée pour l audience du 22/01/2016, l affaire a été appelée puis renvoyée 27 janvier 2016 pour attribution ; Le tribunal a procédé à la tentative de conciliation qui s est soldée par un échec. 1
Une mise en état a alors été ordonnée et confiée au Juge DIAPPONON née TANO A. Isabelle et la cause a été renvoyée à l audience publique du 02/03/2016; La mise en état a fait l objet d une ordonnance de clôture N 395/2016 ; A l audience du 02/03/ 2016, la cause a été mise en délibéré pour décision être rendue le 23/03/2016 2016; Advenue cette date, le tribunal a vidé son délibéré ; LE TRIBUNAL Vu les pièces du dossier ; Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Suivant exploit d huissier en date du 12 janvier 2016, monsieur DAVID Marc Alain a fait servir assignation à monsieur WAOUNWA Zita Robert, d avoir à comparaître devant le tribunal de commerce de ce siège, le 22 janvier 2016 aux fins d entendre : -Ordonner l expulsion du défendeur des lieux qu il occupe tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef ; -Le condamner à lui payer la somme de 3.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts; -Ordonner l exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours ; -Condamner le défendeur aux dépens; Au soutien de son action, monsieur DAVID Marc Alain expose que le 1er janvier 2013, suivant un contrat de bail à usage commercial de six(06) ans, expirant le 1er janvier 2019, il a donné en location au défendeur, ses locaux sis à Marcory-Zone 4C rue Flemming, comprenant une pièce principale servant de bar dancing et 4 pièces accessoires servant de chambre à coucher, moyennant un loyer mensuel de 375.000 FCFA; Il explique qu alors que ce bail est conclu «intuitu personne» au 2
sens des dispositions de l Acte Uniforme portant sur le droit commercial général, monsieur WAOUNWA Zita Robert fait de la sous-location, puisqu il a conclu le 1er juin 2014, un contrat de bail à usage professionnel avec madame KONE Maïmouna portant sur l espace connexe au bar, pour un loyer mensuel de 250.000 FCFA ; Il ajoute qu en juin 2015, il a conclu avec monsieur MAIGA Abdoul Kader, un contrat de bail à usage commercial portant sur le local dans lequel est exploité le bar, pour un loyer mensuel de 350.000 FCFA, les chambres connexes audit local ayant été données en location pour un loyer mensuel de 150.000 F CFA chacune, faisant ainsi de la spéculation à son détriment; Il fait observer qu interpellé à plusieurs reprises sur les irrégularités de ces sous-locations, monsieur WAOUNWA Zita Robert s est résolu à céder le bar, tout en continuant la sous-location sur les quatre chambres connexes et a cessé tout paiement des loyers et des charges afférentes à cette occupation illégale (CIE, SODECI, IMPOT) ; Selon lui, les actes de sous-location sont constitutifs d une faute contractuelle au sens du point 6 du contrat de bail les liant, laquelle faute lui cause un préjudice financier qui consiste en un manque à gagner du fait de l occupation illicite des quatre(04) chambres connexes au bar; Il précise qu en effet, monsieur WAOUNWA Zita Robert sous-loue les quatre(04) chambres à 600.000 F CFA par mois à raison de 150.000 F CFA chacune, alors qu il ne lui paie pas de loyer depuis août à décembre 2015; Il sollicite donc l expulsion de monsieur WAOUNWA Zita Robert des lieux qu il occupe et sa condamnation au paiement de la somme de 3.000.000 F CFA à titre de dommages et intérêts; Monsieur WAOUNWA Zita Robert s oppose à cette action et fait valoir que suivant contrat de bail en date du 19 Novembre 2012 avec effet au 1er Janvier 2013, monsieur DAVID Marc Alain lui a donné en location une villa constituée d une pièce principale, devant servir à l aménagement d un bar et quatre chambres ; Il ajoute que la villa étant dans un état de délabrement très avancé, la période du 19 Novembre 2012 au 31 décembre 2012, soit environ 3
45 jours, a servi à la remise en état des lieux et que c est environ 20.000.000 FCFA que son associé et lui ont dû investir pour obtenir un local fonctionnel; Il souligne qu un tel investissement devant être rentabilisé, c est avec l accord de monsieur DAVID Marc Alain qu il a été convenu qu un espace connexe au bar soit aménagé pour être mis en location; Il indique que c est ainsi qu après avoir effectué les travaux, qui ne pouvaient échapper au regard de son bailleur, qui demeure dans les environs des lieux loués, il a conclu avec madame KONE Maïmouna un contrat de bail ; Toutefois, poursuit-il, un mois après cette mise en location, monsieur DAVID Marc Alain a exigé que les loyers lui soient reversés, de sorte que depuis Août 2014, cette dernière reverse directement les loyers entre les mains de ce dernier ; Il fait observer qu en outre, courant mois de Juillet 2015, il a donné son fonds de commerce constitué du bar climatisé en gérance libre à monsieur MAÏGA TIEGOUE Ibrahim pour un loyer de 350.000 F CFA; Il relève que là encore, dès la conclusion du contrat de gérance libre, le bailleur s est interposé pour que les loyers lui soient reversés sans qu il n ait son mot à dire; Ainsi, poursuit-il, il a dû se résoudre à se cantonner aux quatre chambres libres qui ne lui rapportent pas grand-chose, puisque la seule locataire est une de ses employées à qui il n exige aucun loyer; Selon lui, contrairement à ce que prétend le demandeur, il ne fait pas de la spéculation puisqu aussi bien tous les contrats qu'il a pu conclure sur les lieux loués ne profitent qu à ce dernier, qui en perçoit les loyers; Estimant qu il est victime de troubles dans l occupation paisible des lieux loués, de la part de son bailleur, il sollicite reconventionnellement sa condamnation à lui rembourser la totalité de ses investissements, en lui payant la somme de 45.000.000F CFA à titre de dommages intérêts; En réaction à cette réplique, monsieur DAVID Marc Alain fait 4
valoir que contrairement à ce que le défendeur tente de faire croire, il n a jamais donné son accord pour une quelconque sous-location et que si c était le cas, un avenant au contrat les liant aurait été conclu pour modifier les termes de l article 6 du contrat initial qui interdit la sous location ; Il sollicite donc que le tribunal rejette sa demande reconventionnelle comme étant mal fondée et fasse droit à ses demandes principales ; Conformément à l article 52 du code de procédure civile, commerciale et administrative, le tribunal a invité les parties à faire connaître leurs observations sur l irrecevabilité de l action en résiliation et expulsion qu il soulève ; DES MOTIFS EN LA FORME Sur le caractère de la décision Monsieur WAOUNWA Zita Robert a comparu et a même fait valoir ses moyens de défense; Il y a lieu de statuer par décision contradictoire; Sur le taux du litige Aux termes de l article 8 de la loi organique n 424/2014 du 14 juillet 2014, «Les tribunaux de commerce statuent : -En premier ressort, sur toutes les demandes dont l intérêt du litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est indéterminé. -En premier et dernier ressort sur toutes les demandes dont l intérêt du litige n excède pas un milliard»; En l espèce, monsieur DAVID Marc Alain sollicite la résiliation du contrat de bail le liant au défendeur, son expulsion des lieux loués et sa condamnation à lui payer la somme de 3.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts ; Le défendeur sollicite reconventionnellement la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 45.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts; 5
Le taux du litige étant inférieur à 1.000.000.000 F CFA, il y a lieu de statuer en premier et dernier ressort ; Sur la recevabilité de l action Sur l action en résiliation de bail et en expulsion Aux termes de l article 133 de l acte uniforme portant sur le droit commercial général: «Le preneur et le bailleur sont tenus chacun en ce qui le concerne au respect de chacune des clauses et conditions du bail sous peine de résiliation. La demande en justice aux fins de résiliation du bail doit être précédée d une mise en demeure d avoir à respecter la ou les clauses ou conditions violées. La mise en demeure est faite par acte d huissier ou notifiée par tout moyen permettant d établir sa réception effective par le destinataire. A peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu à défaut de s exécuter dans un délai d un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef. Le contrat de bail peut prévoir une clause résolutoire de plein droit. La juridiction compétente statuant à bref délai constate la résiliation du bail et prononce, le cas échéant, l expulsion du preneur et de tout occupant de son chef, en cas d inexécution d une clause ou d une condition du bail après la mise en demeure visée aux alinéas précédents.» ; En l espèce, de l analyse des pièces du dossier, il ressort que le bailleur qui prétend que le preneur a violé le point 6 du contrat de bail les liant en faisant de la sous location, n a pas adressé à ce dernier une mise en demeure préalable d avoir à respecter les clauses et conditions du bail ; Il s ensuit que l action en résiliation de bail et en expulsion a été introduite sans une mise en demeure préalable ; Une telle exigence étant une condition préalable impérative prescrite par ledit texte pour ouvrir droit à l action en résiliation et expulsion, il y a lieu de déclarer ladite action initiée par monsieur 6
DAVID Marc Alain irrecevable pour défaut de mise en demeure préalable; Sur l action en paiement de dommages intérêts L action en paiement de dommages-intérêts de monsieur DAVID Marc Alain a été introduite dans les forme et délai légaux; Elle est donc recevable; AU FOND Sur le bienfondé de la demande principale Sur la demande en paiement de dommages intérêts Monsieur DAVID Marc Alain sollicite la condamnation du défendeur à lui payer la somme de 3.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice qu il subit du fait de la sous location; Aux termes de l article 1147 du code civil: «Le débiteur est condamné, s il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l inexécution de l obligation, soit à raison du retard dans l exécution, toutes les fois qu il ne justifie pas que l inexécution provient d une cause étrangère qui peut ne lui être imputée, encore qu il n y ait de mauvaise foi de sa part.» ; De ces dispositions, il s induit que la condamnation au paiement de dommages et intérêts est soumise à l existence d une faute, d un préjudice et d un lien de causalité ; En l espèce, de l analyse des pièces du dossier, il ressort que les parties sont liées par un contrat de bail du 19/11/2012 qui prescrit en son point 8 que toute cession de bail, sous location ou simple occupation des lieux par un tiers est interdite ; De ces mêmes pièces, il s établit que le défendeur a fait occuper par madame KONE Maïmouna, un des locaux objets du bail le liant au demandeur ; Il est également constant que le défendeur a conclu un contrat de gérance libre de son fonds de commerce consistant en un bar climatisé avec monsieur MAÏGA TIEGOUE Ibrahim KADER ; 7
Il s ensuit que le défendeur a fait occuper les lieux loués par un tiers alors que l article 6 du contrat de bail le liant au demandeur l interdit formellement; Cette attitude constitue donc une faute contractuelle ; Monsieur DAVID Marc Alain explique son préjudice matériel et financier résultant de cette faute, par le fait que monsieur WAOUNWA Zita Robert sous-loue les quatre(04) chambres connexes au bar à 600.000 F CFA par mois, à raison de 150.000 F CFA chacune, alors qu il ne lui paie pas de loyer depuis août 2015 à décembre 2015 ; Toutefois, des pièces du dossier, il ne ressort pas la preuve que lesdites chambres sont effectivement mises en location et que leurs occupants paient des loyers au défendeur ; D ailleurs, ce dernier conteste avoir sous loué les chambres et soutient qu une seule d entre elles est occupée par l un de ses employés, qui ne lui paie pas de loyers; En conséquence, à défaut de preuve du préjudice souffert, les conditions de la responsabilité contractuelle de monsieur WAOUNWA Zita Robert ne sont pas remplies, de sorte que ce chef de demande de monsieur DAVID Marc Alain est mal fondé et doit être rejeter; Sur la demande reconventionnelle Monsieur WAOUNWA Zita Robert sollicite reconventionnellement la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 45.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts ; En application de l article 1147 précité, el défendeur est tenue de rapporter la preuve d une faute du demandeur, d un préjudice et d un lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué ; En l espèce, le défendeur prétend que la faute du demandeur réside dans des troubles de jouissance dont il est victime de sa part ; Il explique que ce dernier se fait remettre directement les loyers par les personnes qui occupent certains locaux objets du bail; Or, comme ci-dessus indiqué, la sous location étant interdite par le 8
contrat liant les parties, le preneur ne peut valablement soutenir que le bailleur a porté atteinte à son droit de jouissance, surtout qu il ne rapporte pas la preuve de l accord écrit donné par ce dernier pour la conclusion de ces contrats ; Il s ensuit qu il ne rapporte pas la preuve de la faute du bailleur, de sorte que les conditions de la responsabilité contractuelle de ce dernier ne sont pas remplies ; En conséquence, il y a lieu de dire monsieur WAOUNWA Zita Robert mal fondé en sa demande reconventionnelle et de l en débouter ; Sur les dépens Les parties succombant en l instance, elles doivent en supporter les dépens, chacune pour moitié; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ; Déclare l action en résiliation de bail et en expulsion initiée par monsieur DAVID Marc Alain irrecevable pour défaut de mise en demeure préalable ; Déclare son action principale en paiement de dommages intérêts recevable et monsieur WAOUNWA Zita Robert recevable en sa demande reconventionnelle; Constate la non conciliation des parties ; Dit monsieur DAVID Marc Alain mal fondé en son action; L en déboute ; Dit monsieur WAOUNWA Zita Robert mal fondé en sa demande reconventionnelle; L en déboute ; Fait masse des dépens et les met à la charge des deux parties, chacune pour moitié ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. /. 9
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