DÉVELOPPEMENT DE MÉTHODES DE CHAMPS DE PHASE QUANTITATIVES ET APPLICATIONS À LA PRÉCIPITATION HOMOGÈNE DANS LES ALLIAGES BINAIRES



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THÈSE DE DOCTORAT de l Université de Cergy-Pontoise Spécialité : Sciences des Matériaux Présentée par Quentin Bronchart pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L UNIVERSITÉ DE CERGY-PONTOISE DÉVELOPPEMENT DE MÉTHODES DE CHAMPS DE PHASE QUANTITATIVES ET APPLICATIONS À LA PRÉCIPITATION HOMOGÈNE DANS LES ALLIAGES BINAIRES Soutenue le 20 octobre 2006 devant le jury composé de : H.T. DIEP Directeur de thèse D. BLAVETTE Rapporteur A. LEGRIS Rapporteur H. ZAPOLSKY Examinateur Y. LE BOUAR Examinateur A. FINEL Examinateur Thèse préparée au sein du Laboratoire d Études des Microstructures, unité mixte ONERA-CNRS

2 A mon grand-père

Table des matières Remerciements iii 1 Introduction 1 2 Le fondement mésoscopique des méthodes de Champ de Phase 5 2.1 L approche stochastique................................ 6 2.1.1 Définition et propriétés générales des variables et des processus stochastiques 6 2.1.2 L équation maîtresse et le bilan détaillé................... 7 2.1.3 L équation de Fokker-Planck......................... 8 2.2 Les équations de Langevin............................... 9 2.2.1 Equations de Langevin avec bruit multiplicatif : points de vue de Itô et de Stratonovich.................................. 10 2.2.2 Des équations de Langevin vers une équation de Fokker-Planck...... 11 2.2.3 Discussion sur le dilemme Itô/Stratonovich dans les équations de Langevin 16 2.2.4 Sur la nécessité de bruits gaussiens dans les équations de Langevin.... 17 2.3 Le problème inverse : d une équation de Fokker-Planck vers un système d équations de Langevin.................................... 19 2.4 Un exemple de mise en oeuvre d un système d équations de Langevin avec bruits multiplicatifs ; influence de la nature du bruit.................... 22 2.4.1 Génération des bruits multiplicatifs...................... 23 2.4.2 Influence de la nature du bruit........................ 25 2.5 Le théorème fluctuation-dissipation.......................... 28 2.6 La phénoménologie Ginzburg-Landau........................ 32 2.6.1 La densité d énergie libre........................... 33 2.6.2 Les équations d évolution déterministes................... 34 2.6.3 Le profil et l énergie de surface d une interface plane à l équilibre...... 36 2.7 Le traitement numérique dans le cas de l approche Champ de Phase standard.. 39 2.7.1 La discrétisation et l adimensionnement des équations d évolution..... 40 2.7.2 Le passage en concentration.......................... 43 2.7.3 Le passage dans l espace de Fourier...................... 44 2.7.4 La méthode d implémentation semi-implicite................ 47 3 Calibrages de l équation d Allen-Cahn sur un modèle atomique simple 49 3.1 Le modèle d Ising bidimensionnel........................... 49 3.1.1 Généralités sur le modèle d Ising....................... 49 3.1.2 Les différents mécanismes locaux de l évolution Monte Carlo....... 51 3.2 Le régime de relaxation des interfaces........................ 52 3.2.1 Du discret au continu : rôle des fluctuations et influence de la transition rugueuse..................................... 52 3.2.2 La procédure de coarse-graining....................... 53 i

Table des matières 3.2.3 Le calibrage de l échelle des temps par simulation de l effondrement d un précipité isolé.................................. 57 3.2.4 L évolution des microstructures hétérogènes................. 62 3.2.5 Conclusion................................... 65 3.3 Les fluctuations à l équilibre homogène........................ 67 3.3.1 L équation d Allen-Cahn stochastique via l intégration spatiale...... 67 3.3.2 L équation d évolution liée au paramètre d ordre moyen Φ(t)....... 77 3.3.3 Conclusion................................... 89 4 Calibrage de l équation de Cahn-Hilliard : De la nucléation à la coalescence 91 4.1 Le calibrage des échelles d énergie, d espace et de temps.............. 91 4.1.1 Les données expérimentales.......................... 91 4.1.2 L échelle d énergie............................... 93 4.1.3 L échelle d espace................................ 96 4.1.4 L échelle des temps............................... 97 4.2 La théorie classique de la germination........................ 98 4.2.1 Caractérisation d une configuration C.................... 98 4.2.2 L approximation de faible sursaturation et l approximation capillaire... 99 4.2.3 L entropie de mélange et l énergie libre de Gibbs.............. 102 4.2.4 L équation maîtresse et le bilan détaillé................... 104 4.2.5 Le flux de germination stationnaire et la période d incubation....... 106 4.2.6 Les équations d échelles............................ 108 4.3 Les résultats du modèle Champ de Phase et confrontation à la Théorie Classique de la Germination................................... 113 4.3.1 Les résultats Champ de phase......................... 113 4.3.2 L influence du pas de temps.......................... 116 4.3.3 Le choix d une définition des précipités.................... 118 4.3.4 Les résultats Champ de Phase pour c 0 = 14% at. B et comparaison avec la Théorie Classique de la Germination................... 119 4.3.5 En abaissant la sursaturation......................... 121 4.4 Conclusion....................................... 124 5 D une cinétique atomique à une méthode de champ de phase quantitative : procédure de moyenne locale 127 5.1 Introduction....................................... 127 5.2 Le résumé étendu et l article : Quantitative Phase Field Modeling......... 128 6 Conclusion générale et perspectives 131 ii

Remerciements Je remercie Alphonse Finel et Yann Le Bouar qui ont su me faire partager leurs connaissances scientifiques et leur enthousiasme pour la recherche. Je resterai pour longtemps leur obligé et tâcherai de m inspirer de leurs exemples tout au long de mon parcours professionnel. Je remercie le Professeur The Hung Diep, Directeur du LPTM, d avoir accepté la charge de directeur de thèse et de m avoir donné la possibilité d effectuer un monitorat à l Université de Cergy-Pontoise. Je remercie Didier Blavette, Professeur de l université de Rouen et Directeur du GPM, et le Docteur Héléna Zapolsky d avoir trouvé le temps de rédiger l un des rapports, malgrés toutes les activités qui leur incombent. Je remercie le professeur Alexandre Legris d avoir accepté d être membre de mon jury et l un des rapporteurs. Je remercie également la direction du LEM, Denis Gratias et François Ducastelle, de m avoir acceuilli au sein de leur laboratoire et ce jusqu à la fin de mon travail de rédaction. Je remercie Guillaume Boussinot pour l amitié qu il m a témoigné et les passionantes conversations scientifiques que nous avons partagées. J espère à l avenir conserver son amitié et nos rapports professionnels. Enfin, mes derniers remerciements iront aux membres du Laboratoire d Etudes des Microstructures de l ONERA dont l amitié et le soutien moral m ont été fort précieux. Quentin Bronchart, le 13 Septembre 2006 iii

Remerciements iv

1 Introduction Cette étude se situe dans le domaine de la métallurgie physique, plus précisément dans le domaine de l élaboration de matériaux à vocation structurale. Il s agit donc de mettre au point de nouveaux matériaux en essayant d optimiser certaines de leurs propriétés macroscopiques, en particulier mécaniques (limite élastique, dureté, résistance au fluage, à la fatigue,...) et thermiques. D une manière générale, ces différentes propriétés ne peuvent être obtenues que si nous utilisons des matériaux hétérogènes et dont la taille caractéristique des hétérogénéités est de l ordre de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres. C est en particulier à cette échelle que l on peut agir sur la dynamique des dislocations, responsable des propriétés mécaniques des matériaux. Dans le cadre de matériaux métalliques, ces structures hétérogènes sont très souvent liées à l existence d un état multiphasé, i.e. à une situation où l alliage peut présenter simultanément plusieurs phases en équilibre. Dans de nombreuses situations, cet état multiphasé est le résultat d une transition de phase entre une phase à haute température désordonnée et une phase basse température ordonnée. C est par exemple le cas des superalliages du type γ-γ à base de nickel, utilisés dans le domaine aéronautique, et qui tous dérivent de l alliage binaire N i-al. Dans cet alliage, la phase haute température γ est une solution solide désordonnée sur un réseau CFC (Cubique Face Centrée) alors que la phase basse température γ est la phase ordonnée L1 2. Dans un certain régime de concentration et de température, dit régime biphasé, ces deux phases coexistent. Si nous trempons donc un alliage initialement désordonné dans cette zone biphasée, on observe la précipitation du domaine ordonné γ dans une matrice γ. Cette structure va ensuite évoluer : la taille des domaines va croître et leur nombre diminuer. La force motrice de cette évolution est la diminution de l aire totale des interfaces entre les précipités γ et la matrice γ, car ces interfaces sont des lieux d excés d énergie libre. En fait, cette microstructure n est en réalité jamais à l équilibre thermodynamique car celui-ci ne peut être atteint que s il n existe plus qu un seul précipité, ce qui, pour un échantillon macroscopique, nécessite des temps géologiques! Quand bien même l équilibre thermodynamique serait atteint lors de l élaboration de l alliage, celui-ci sera utilisé dans des conditions de température et de pression différentes, ce qui rétablit un déséquilibre thermodynamique. La microstructure évolue donc inéluctablement : c est le vieillissement. On comprend donc qu il est crucial de comprendre qualitativement et quantitativement ce phénomène. Il s agit de mettre au point une théorie qui permet de prédire les caractéristiques de l évolution microstructurale d un alliage multiphasé : formes des précipités, longueurs caractéristiques, lois de croissance, corrélations spatiales. Bien entendu, il serait a priori souhaitable d aborder ce problème à l échelle atomique, car c est à ce niveau que se situent les lois fondamentales de la physique. Cependant, cette démarche se heurte très rapidement à plusieurs obstacles actuellement insurmontables et qui probablement le resteront longtemps encore. Il y a tout d abord un problème de dimension spatiale et d échelle de temps. Comme nous l avons dit plus haut, l échelle caractéristique des phénomènes physiques qui déterminent les propriétés macroscopiques est de l ordre de la centaine de nanomètres. De façon à avoir une bonne analyse statistique, il faudrait donc simuler des échantillons de l ordre du micron, ce qui correspond environ à 10 11-10 12 atomes, sur des temps macroscopiques. En utilisant des 1

1 Introduction modèles d interactions atomiques classiques (par opposition à quantique) et en utilisant des codes de dynamique moléculaire performants, les limites actuelles sont de l ordre de 10 6-10 7 atomes simulés pendant quelques nanosecondes! Nous pouvons augmenter très significativement l échelle des temps en utilisant les simulations du type Monte Carlo, mais pas l échelle d espace. En bref, les limites informatiques actuelles sont très en deçà (plusieurs ordres de grandeur) de ce qui serait nécessaire pour aborder le problème à l échelle atomique. Quand bien même cela serait possible, il ne serait pas très pertinent de suivre l évolution de milliards d atomes quand seules nous intéressent des quantités définies à l échelle de quelques dizaines de nanomètres, comme la taille des précipités, leurs formes et leurs corrélations spatiales. Il est donc naturel d essayer de mettre en oeuvre des théories, dites mésoscopiques, directement définies à cette échelle, et initialement popularisées, dans un autre contexte, par Ginzburg et Landau. Ainsi, l approche de Ginzburg-Landau, dont les utilisations sont regoupées sous le nom de méthodes de champs de phase, constitue un outil privilégié pour l étude et la compréhension des microstructures à l échelle mésoscopique. D une part, elles permettent de prendre en compte les interactions chimiques responsables des transitions de phases. D autre part, elles permettent de calculer les morphologies qui en résultent à l échelle du micron. Toutefois, de par leur nature mésoscopique, les méthodes de champs de phase ne reproduisent pas intrinséquement les processus microscopiques, c.-à-d. les fluctuations thermiques, responsables de l activation du processus d évolution. Il en résulte que, dans ces méthodes, l échelle des temps n est pas définie. En effet, les champs mésoscopiques sont issus d une procédure de moyenne locale (coarsegraining) qui, d une part, conduit à un modèle d interfaces diffuses et qui, d autre part, conduit à la perte des fluctuations de hautes fréquences. L existence d une telle procédure de moyenne locale est l hypothèse de base de toutes méthodes définies à l échelle mésoscopique, même si cette procédure n est pas explicitement définie. C est par exemple le cas dans l approche de Ginzburg- Landau, basée sur une étude phénoménologique de la fonctionnelle de densité d énergie libre et de ses symétries. Il est toutefois possible de réintroduire des fluctuations dans les méthodes de champ de phase phénoménologiques. Pour ce faire, l approche de Langevin propose d ajouter aux équations d évolution déterministes (équations du type Allen-Cahn ou du type Cahn-Hilliard) un terme stochastique, appelé bruit ou force de Langevin. Ce bruit doit donc permettre de reproduire les fluctuations responsables de l activation thermique de la séparation de phase. Dans le cas d une transition spontanée (décomposition spinodale), ces fluctuations, bien que théoriquement à prendre en compte, ne jouent pas de rôle essentiel sur l évolution microstructurale et les méthodes de champ de phase non-stochastiques suffisent à une observation semiquantitative de l évolution microstructurale. A contrario, dans le cas d une transition nonspontanée (nucléation), ces fluctuations sont nécessaires à l activation thermique du processus de séparation de phase. En effet, pour créer une structure de précipitation, le système doit franchir localement des barrières d énergie. Ces barrières d énergie sont entièrement définies par la forme et les paramètres de la fonctionnelle de densité d énergie libre utilisée et le bruit de Langevin doit alors permettre au champ de fluctuer de façon à franchir, par endroits, ces barrières d énergie. L activation du processus, dans les premiers instants de la transition, est donc liée à la compétition entre les aspects déterministe et stochastique de l évolution. Comme prévu par diverses théories, en particulier la théorie classique de la germination, cette compétition se manifeste sous la forme d une période d incubation durant laquelle les fluctuations, pilotées en Champ de Phase par le bruit de Langevin, s établissent jusqu à ce que localement les variations spatiales du champ soient suffisantes pour qu une structure de précipitation soit énergétiquement favorable. Pour une transition non-spontanée donnée, cette période d incubation augmente significativement à mesure que la sursaturation baisse et son temps caractéristique peut devenir très important (il diverge quand la sursaturation tend vers zéro). On comprend donc qu il est 2

nécessaire de reproduire quantitativement la période d incubation pour espérer reproduire quantitativement les étapes qui suivent et l ensemble de l échelle des temps. Le bruit de Langevin joue donc un rôle crucial dans les premiers instants d un phénomène de séparation de phase non-spontanée. Jusqu à présent, les études basées sur les méthodes de champs de phase ont surtout porté sur des développements phénoménologiques complexes des densités d énergie libre de façon à reproduire diverses morphologies structurales dues à des phénomènes hétérogènes. Ces phénomènes hétérogènes sont significatifs de l évolution microstructurale lorsque celle-ci a atteint le régime de relaxation des interfaces, i.e. les temps longs de l évolution. Tout d abord, il est impossible de ne pas citer la théorie des inclusions cohérentes [1], écrite par A.G. Khachaturyan et qui permet de reproduire l anisotropie des précipités due aux phénomènes d élasticité cohérente. L.Q. Chen, A.G. Khachaturyan et d autres travaillent entre autre sur les phénomènes d élasticité inhomogène [2, 3]. Des études récentes menées par D. Rodney et al [4] ont montré qu il est possible d inclure les dislocations dans un modèle d interfaces diffuses via une analyse multi-échelle ; ceci donne accès à l étude de la plasticité par les méthodes de champs de phase. Il est également possible de prendre en compte les différents arrangements atomiques possibles aux interfaces ou d étudier les structures bimodales apparaissant lors d un recuit [5, 6]. Des travaux sont en cours concernant l influence des joints de grains sur les déformations élastiques et la précipitation (A. Parisi). En bref, les méthodes de champ de phase ont prouvé leurs potentialités à reproduire les diverses morphologies microstructurales observées expérimentalement. Toutefois, quand ces études concernent des phénomènes de séparation de phase non-spontanée, les processus d activation sont souvent introduits de façon artificielle [7] : soit par l ajout d un terme stochastique d amplitude exagérément élevée ; soit par l ajout, à la main, de précipités de taille surcritique. Ces méthodes revêtent l intérêt de parvenir rapidement aux différents régimes de relaxation des interfaces, cités plus haut, mais ne permettent pas une définition pertinente de l échelle des temps. Toutefois, cette échelle peut être calibrée a posteriori en comparant les morphologies issues des simulations aux observations expérimentales ou en se rapportant à des théories analytiques. L approche présentée dans cette étude se veut plus prédictive. Nous développons des méthodes de Champ de Phase quantitatives sur les échelles de temps et d espace. Le but est de prédire à l échelle mésoscopique les évolutions microstructurales liées à la précipitation homogène dans un alliage binaire faiblement sursaturé. Dans un premier temps, nous présentons le fondement statistique des approches purement phénoménologiques. Nous rappelons le lien entre l équation maîtresse liée à un processus Markovien et l équation de Fokker-Planck, ainsi que l équivalence de cette dernière avec l équation de Langevin. Nous discutons à ce sujet des points de vue d Itô et de Stratonovich sur les différentes manières d interprêter l action des termes de bruit. L équivalence entre l équation de Fokker-Planck et un système d équations de Langevin est ensuite étendue au cas général où l aspect multiplicatif du bruit n apparaît pas simplement dans les équations de Langevin ellesmêmes, mais seulement au niveau des fonctions d autocorrélation des sources de bruit. Nous présentons également un algorithme simple pour générer les bruits multiplicatifs quand ceuxci obéissent à une règle de conservation locale. Ces deux derniers développements seront des étapes indispensables à la mise en œuvre de la démarche présentée dans le dernier chapitre, où nous développerons de nouvelles équations de Champ de Phase en utilisant une procédure de changement d échelle. Avant d aborder ce point de vue plus fondamental, nous avons tout d abord consacré nos efforts à une analyse approfondie des méthodes de Champ de Phase traditionnelles. Il s agit des méthodes simplement phénoménologiques, où l on postule l existence d une force motrice 3

1 Introduction d origine thermodynamique, directement abordée à l échelle mésoscopique et à laquelle nous ajoutons des termes de bruit pour reproduire des fluctuations. Ces sources de bruit sont alors le plus souvent simplement additives. Dans ce cadre purement phénoménologique, nous considérons deux cas distincts. Premièrement, nous calibrons l équation d Allen-Cahn stochastique (pour un paramètre d ordre non-conservé) sur une dynamique Monte Carlo bidimensionnelle. Nous traitons alors séparément deux aspects de l évolution microstructurale aux temps longs. Nous étudions, tout d abord, le régime de relaxation des interfaces : nous montrons qu il est possible de définir une procédure de moyenne locale permettant de calibrer les paramètres de l équation d Allen-Cahn de façon à ce qu elle reproduise la relaxation des interfaces observée par simulation Monte Carlo. Ensuite, nous étudions les fluctuations à l équilibre de quantités spatialement moyennées. Nous étudions alors un modèle d évolution stochastique indépendant des variables d espace et nous montrons qu il est possible de calibrer les propriétés moyennes des termes de bruit de façon à reproduire finement les fluctuations à l équilibre mesurées par simulation Monte Carlo. Deuxièmement, nous calibrons l équation de Cahn-Hilliard stochastique (pour un paramètre d ordre conservé) sur des données expérimentales définissant un alliage donné. Nous montrons qu il est possible de reproduire quantitativement le phénomène de séparation de phase en son entier par simulation Champ de Phase. Toutefois, cette reproduction quantitative du phénomène de séparation de phase est limitée à des sursaturations légèrement inférieures à la concentration spinodale uniquement. Nous observons donc que l approche purement phénoménologique échoue à reproduire quantitativement la séparation de phase d un alliage faiblement sursaturé. Dans une dernière partie, nous abandonnons l approche purement phénoménologique et développons une seconde approche, plus rigoureuse, qui consiste à partir d un modèle d évolution à l échelle atomique pour obtenir une équation de Fokker-Planck mésoscopique via une procédure de moyenne locale. Cette équation de Fokker-Planck, qui est une équation différentielle déterministe, régit l évolution de la densité de probabilité d un ensemble de systèmes. Elle est rigoureusement identique à une équation de Langevin, qui régit l évolution d un système donné. c est donc une équation du type Champ de Phase, mais dont la forme diffère de celle utilisée dans les approches purement phénoménologiques du type Ginzburg-Landau. La procédure de changement d échelle conduit en effet à définir explicitement les différents ingrédients qui subsistent dans l écriture finale, c.-à-d. la densité d énergie libre mésoscopique, les termes de mobilités et les termes de bruit. Toutes ces quantités dépendent en particulier du paramètre d qui caractérise le changement d échelle. Par ailleurs, nous verrons que les mobilités et le terme de raideur dépendent des valeurs locales des champs. Enfin, nous mettons en œuvre l ensemble de cette procédure pour différentes valeurs du changement d échelle d et nous comparons les résultats à ceux obtenus à l échelle atomique par simulation Monte Carlo de l équation maîtresse utilisée en amont de la procédure de changement d échelle. 4

2 Le fondement mésoscopique des méthodes de Champ de Phase Dans ce premier chapitre, nous présentons le fondement statistique des approches Champ de Phase en nous basant sur une cinétique exacte prenant la forme d une équation maîtresse directement définie à l échelle mésoscopique. Cette étude statistique est nécéssaire pour comprendre dans quelles limites les méthodes de Champ de Phase sont capables de reproduire l évolution microstructurale en un temps physique. Les systèmes étudiés ici peuvent être décrits par une variable stochastique dépendante de l espace et du temps. Cette variable stochastique, notée Φ, est munie d une distribution de probabilité, notée P (Φ, t). La façon la plus simple et la plus générale pour décrire l évolution de cette densité de probabilité est de supposer la connaissance de toutes les probabilités de transition par unité de temps d une configuration du système à une autre. Ainsi l évolution de la distribution de probabilité peut être décrite en termes de flux de probabilité ; l évolution obéit à une équation, appelée équation maîtresse. Nous montrons ci-dessous ( {2.1}) que, dans l hypothèse de faibles sauts de la variable Φ, l équation maîtresse peut être approximée par une équation maîtresse plus simple, appelée équation de Fokker-Planck. Ensuite, nous montrons que l équation de Fokker-Planck est équivalente à un système d équations de Langevin ( {2.2}). Ces dernières ne sont pas écrites en terme de l évolution d une distribution de probabilité, mais en terme de l évolution temporelle de la variable Φ elle-même. Cette formulation correspond à une méthode de Champ de Phase stochastique. Nous discutons alors des différentes manières d interprêter l action des termes de bruit. Ainsi, les parties {2.1} et {2.2} présentent le fondement statistique des méthodes de Champ de Phase, tel que traditonnellement présenté [8, 9]. Nous étudions également le problème inverse ( {2.3}), c.-à-d. le passage d une équation de Fokker-Planck à un système d équations de Langevin dans le cas le plus général, où l aspect multiplicatif du bruit n apparaît pas explicitement dans les équations de Langevin, mais apparaît au niveau des fonctions d autocorrélation des sources de bruit. La mise en œuvre des équations de Langevin dans le cadre d un bruit multiplicatif, obéissant par exemple à une règle de conservation locale, pose des problèmes spécifiques qui sont alors détaillés ( {2.4}). Les deux derniers paragraphes introduits ci-dessus ( {2.3} et {2.4}) seront des étapes indispensables à la mise en œuvre de la démarche présentée dans le dernier chapitre, où nous développerons de nouvelles équations de Champ de Phase en utilisant une procédure de changement d échelle. Avant d aborder ce point de vue plus fondamental, nous avons tout d abord consacré nos efforts à une analyse approfondie des méthodes de Champ de Phase traditionnelles (chapitres {3} et {4}). Il s agit des méthodes simplement phénoménologiques, où l on postule l existence d une force motrice d origine thermodynamique, directement abordée à l échelle mésoscopique et à laquelle nous ajoutons des termes de bruit pour reproduire des fluctuations. Ces sources de bruit sont alors le plus souvent simplement additives. Dans ce cadre phénoménologique, nous calibrons l amplitude des termes de bruit via le théorème 5

2 Le fondement mésoscopique des méthodes de Champ de Phase fluctuation-dissipation ( {2.5}). Dans la partie suivante ( {2.6}), nous nous focalisons sur un modèle Champ de Phase déterministe et nous relions les paramètres de ce modèle aux quantités physiques telles que la densité d énergie libre, l énergie d interface et les mobilités [10, 11]. Enfin, dans le cadre de l approche standard des méthodes de Champ de Phase et avant d étudier leur potentiel à reproduire quantitativement les phénomènes de séparation de phase, nous montrons comment préparer les équations d évolution, définies en milieu continu, pour leurs utilisations numériques ( {2.7}). 2.1 L approche stochastique Le rôle en physique de la probabilité et des méthodes stochastiques est le sujet d un grand nombre d études. Nous allons rapidement expliquer comment inclure les processus stochastiques dans la description du phénomène de séparation de phases. 2.1.1 Définition et propriétés générales des variables et des processus stochastiques Dans la nature, on rencontre beaucoup de phénomènes, dont le phénomène de séparation de phases, durant lesquels certaines quantités varient avec le temps de façon complexe et irrégulière. Comme expliqué en introduction, il n y a aucune chance de calculer ces variations en détails, mais il est vrai que l on peut définir certaines quantités moyennes variant de façon régulière. En effet, nous savons par expérience qu il existe un aspect macroscopique, c.-à-d. morphologique, pour lequel il n est pas nécéssaire de connaître le détail des fluctuations. Sachant que les détails sont insignifiants, on peut volontiers les remplacer par une moyenne convenable. Ainsi, un système physique isolé et fermé peut être décrit, en partie 1, par une fonction continue de l espace, ici un champ de phase φ( r), variant avec le temps de façon régulière. La valeur du champ en un point est inclue dans un intervalle I continu. Les réalisations de ce champ φ( r) définissent donc un espace des phases continu et infini. Toutefois, le traitement numérique impose la discrétisation spatiale de ce champ. Nous sommes donc amené à décrire le champ de phase par une variable Φ dont chaque réalisation est définie par l ensemble discret, {φ} = (φ 1, φ 2,..., φ N ) où φ k I et où N est le nombre de cellules du réseau discret, dont les sites sont numérotés hélicoïdalement. Une définition rigoureuse de φ k doit se faire à partir de l échelle atomique ce qui nécéssite une procédure de moyennage ( coarse-graining ) à l échelle de la cellule. La taille de la cellule est très importante : elle doit être suffisamment petite pour décrire le phénomène physique qui nous intéresse, mais suffisamment grande pour que les fluctuations de φ k soient petites. Les variables stochastiques φ k, définies à une échelle intermédiaire entre l échelle microscopique et l échelle macroscopique sont dites mésoscopiques. Nous montrerons dans la partie {5}, comment définir rigoureusement φ k à partir de l échelle atomique. Pour le moment, nous prenons comme point de départ une description du système par l ensemble discret {φ}, c.-à-d. une description à l échelle mésoscopique. Nous pouvons doter le processus stochastique Φ d une distribution de probabilité définie sur l espace des phases. Cette distribution de probabilité est donnée par la fonction P ({φ}, t), définie positivement : P ({φ}, t) 0 1 c.-à-d. sans se soucier du détail des fluctuations microscopiques 6

2.1 L approche stochastique et normalisée de sorte que : T r {φ} P ({φ}, t) = P ({φ}, t)d N φ = 1, I N où la trace T r court sur tout l espace des phases, dont l élément de volume est noté d N φ = dφ 1 dφ 2...dφ N. Ceci signifie simplement que la configuration {φ} a la probabilité P ({φ}, t) t d apparaître entre les instants t et t + t. 2.1.2 L équation maîtresse et le bilan détaillé La façon la plus générale d écrire une équation d évolution linéaire pour la densité de probabilité P ({φ}, t) est connue sous le nom d équation maîtresse. Pour le processus stochastique Φ présenté ci-dessus, on écrit : P ({φ}, t) t = I N [ ] W ({φ} {φ })P ({φ }, t) W ({φ } {φ})p ({φ}, t) d N φ (2.1) où W ({φ} {φ }) est la probabilité de transition par unité de temps vers l état {φ} sachant que le système est dans l état {φ }. Le processus stochastique décrit par (2.1) est un processus de Markov, c.-à-d. un processus dont l évolution ne dépend pas de l histoire antérieure. L équation (2.1) est obtenue en supposant que le processus est stationnaire, c.-à-d. que la transition entre la réalisation {φ} t1 et la réalisation {φ} t2 ne dépend que de l intervalle t 2 t 1 [9]. L équation maîtresse est une équation sur les flux entre les probabilités P ({φ}, t). Elle peut être interprétée comme suit : le premier terme est le gain en état {φ} dû aux transitions à partir des autres états {φ } de l espace des phases ; le second terme est une perte due aux transitions de l état {φ} dans les autres états. L équation maîtresse est déterministe : la probabilité qu une réalisation {φ} apparaisse à un temps lointain est entièrement déterminée par la probabilité au temps initial t = t 0. Pour une solution stationnaire, le nombre total de transitions par unité de temps dans l état {φ} t doit être compensé par le nombre total de transitions par unité de temps hors de l état {φ} t, c.-à-d. que nous avons pour un état stationnaire : W ({φ} {φ })P st ({φ })d N φ = W ({φ } {φ})p st ({φ})d N φ I N I N Si on suppose que chaque transition est compensée individuellement, c.-à-d. si chaque transition par unité de temps d un état {φ } t dans un état {φ} t+ t est compensé par une transition de l état {φ} t dans l état {φ } t+ t sur le même intervalle de temps ; alors on parle de bilan détaillé. Ce bilan s écrit : W ({φ} {φ })P st ({φ }) = W ({φ } {φ})p st ({φ}) (2.2) Si le bilan détaillé est respecté et si la matrice W est ergodique, le processus stochastique amène indubitablement, pour t, le système dans un état stationnaire défini par P st ({φ}). 7

2 Le fondement mésoscopique des méthodes de Champ de Phase 2.1.3 L équation de Fokker-Planck Nous considérons donc l équation maîtresse (2.1). En introduisant la variable { } = { 1,..., N } qui mesure la différence entre deux états, l équation (2.1) devient : P ({φ}, t) t = [ ] d N W ({φ} { }; { })P ({φ} { }, t) W ({φ}; { })P ({φ}, t) où W ({φ}; { }) est la probabilité de transition par unité de temps de l état {φ} vers l état {φ} + { }. Nous pouvons formellement développer le permier terme du membre de droite en série entière par rapport à ( 1, 2,..., N ), ce qui conduit à : P ({φ}, t) t = { d N ( 1) n n [ i1... in n! φ i1... φ in n=0 ] } W ({φ}; { })P ({φ}, t) (2.3) d N W ({φ}; { })P ({φ}, t) (2.4) où la sommation N i 1 =1... N i sur les indices répétés i n=1 1,..., i n est implicite. Le premier terme du développement en série s annule avec le dernier des membres de droite. L équation (2.4) peut donc s écrire sous la forme : P ({φ}, t) t = ( 1) n n [ ] D i1,...,i n! φ i1... φ n ({φ})p ({φ}, t) in n=1 où les quantités D i1,...,i n ({φ}) sont tout simplement les moments de la probabilité de transition W ({φ}; { }) : D i1,...,i n ({φ}) = d N i1... in W ({φ}; { }). (2.6) L équation (2.5) constitue le développement de Kramers-Moyal de l équation maîtresse (2.1). Ce dévéloppement est formellement identique à l équation maîtresse elle-même et a donc, tel quel, le même degré de complexité. Le développement de Kramers-Moyal suggère cependant une méthode pour approximer l équation maîtresse initial. Si les moments D i1,...,i n ({φ}) de la probabilité de transition décroissent suffisamment vite, on peut éventuellement limité le développemenent à un certain ordre n. L approximation de Fokker-Planck consiste précisément à limiter le développement à l ordre n = 2 : P ({φ}, t) t = [ ] D i1 ({φ})p ({φ}, t) φ i1 + 1 2 [ 2 φ i1 φ i2 ] D i1,i 2 ({φ})p ({φ}, t) où D i1 ({φ}) et D i1,i 2 ({φ}) sont les moments d ordre 1 et 2 de la probabilité de transition : D i1 ({φ}) = d N i1 W ({φ}; { }) D i1,i 2 ({φ}) = d N i1 i2 W ({φ}; { }). (2.8) En raison de leur rôle dans l équation (2.7), les coefficients D i1 et D i1,i 2 sont respectivement appelés coefficient de convection et coefficient de diffusion. Il est en effet évident que la matrice formée par les coefficients D i1,i 2 ({φ(t)}) est définie positive, c.-à-d. D i1,i 2 ({φ(t)})a i1 a i2 > 0 pour tout vecteur {a i } avec a i > 0. Le second terme de l équation (2.7) joue donc bien un rôle (2.5) (2.7) 8

2.2 Les équations de Langevin diffusif, c.-à-d. d étalement de la distribution P ({φ}, t) dans l espace {φ 1,..., φ N }. Le premier terme quant à lui a la forme d une divergence d un flux dans cet espace, avec une vitesse locale donnée par les coefficients D i1 ({φ(t)}), qui jouent donc bien le rôle de coefficients de convection. Notons, pour clore ce paragraphe, que l équation de Fokker-Planck est beaucoup plus simple que l équation maîtresse initiale, puisque c est une simple équation aux dérivées partielles du second ordre. Elle n a cependant de sens que si effectivement les moments de la probabilité de transition W ({φ}; { }) sont négligeables pour n 3, ce qui sera le cas si W ({φ}; { }) décroît suffisamment rapidement avec l amplitude des sauts { }. Dans les situations que nous considérons plus loin, les sauts consisterons à échanger deux particules entre deux cellules voisines, contenant chacune N cell particules. Nous verrons que les termes successifs du développement de 1 Kramers-Moyal de notre équation maîtresse sont d ordre avec n = 1, 2, etc. Il sera donc N (n 1) cell 1 justifié de tronquer le développement au plus bas ordre en N cell, c.-à-d. à l ordre n = 2. 2.2 Les équations de Langevin Au même titre que l équation maîtresse, l équation de Fokker-Planck régit l évolution d une distribution de probabilité P ({φ}, t). Cette dernière est complètement déterminée par une condition initiale P ({φ}, t 0 ) à l instant t 0 et par la donnée de la probabilité de transition W ({φ}, t), ou par les moments d ordre 1 et 2 de cette dernière dans le cadre de l approximation de Fokker- Planck. En d autres termes, l équation de Fokker-Planck ne permet pas de reproduire l évolution d un système donné, c.-à-d. d une distribution particulière de la dynamique stochastique du champ {φ}. C est précisément ce que permet l approche de Langevin. Cette approche est basée sur des équations d évolution des variables stochastiques φ i (t) elles-mêmes. En présence d une seule variable seulement, la forme la plus générale de l équation de Langevin est la suivante : φ(t) t = h[φ(t)] + g[φ(t)] Γ(t) (2.9) où les fonctions h(φ) et g(φ) sont des fonctions explicites de la variable φ, éventuellement nonlinéaires, et où Γ(t) est une fonction aléatoire dont nous précisons la définition mathématique plus loin. Le premier terme du membre de droite de l équation (2.9) correspond à la partie déterministe de la dynamique de φ(t) tandis que le second, piloté par la fonction aléatoire Γ(t), représente la partie stochastique. Plus précisément, le rôle de ce second terme est d induire un aspect probabiliste dans l évolution de la variable φ, car le terme de bruit générera des fluctuations sur φ. Notre but maintenant est d établir un lien formel entre l équation de Fokker-Planck et l équation de Langevin. Nous allons voir que ce lien dépend de façon cruciale de la manière dont nous traitons le terme de bruit. Dans le but d être assez général sans pour autant alourdir les calculs, nous allons considérer une situation où nous avons N variables φ i (t) dont les équations d évolution ont la forme suivante : φ i (t) t = h i [φ(t)] + g ij [φ(t)] Γ j (t). (2.10) Les fonctions h i (φ) et g ij (φ) sont des fonctions quelconques des variables φ 1,..., φ N, éventuellement non-linéaires, et les fonctions Γ j (t), appelées bruits de Langevin, sont des fonctions aléatoires indépendantes de valeurs moyennes nulles. De plus, puisque nous traitons ici de processus markovien, les fonctions de corrélation des termes de bruit doivent avoir une largeur temporelle 9

2 Le fondement mésoscopique des méthodes de Champ de Phase nulle. En d autres termes, les deux premiers moments de la fonction de distribution du bruit seront donnés par : Γ i (t) = 0 Γ i (t)γ j (t ) = 2δ ij δ(t t ). (2.11) Nous insistons sur le fait que, dans la mesure où l équation (2.10) est une équation différentielle du premier ordre seulement par rapport au temps, la présence d un pic de Dirac dans la fonction d autocorrélation du bruit Γ i (t) est une condition nécessaire et suffisante pour que la dynamique des variables φ i (t) soit strictement markovienne, c.-à-d. sans mémoire du passé. Les équations (2.11) ne sont cependant pas suffisantes pour décrire totalement les termes de bruit. Il faut également définir les termes d ordres plus élevés. Nous supposons ici que les fonctions Γ i (t) sont gaussiennes, c.-à-d. que leurs moments d ordres impairs sont nuls et que les moments pairs sont reliés au moment d ordre 2 : Γ i (t 1 )...Γ i (t 2n+1 ) = 0 Γ i (t 1 )...Γ i (t 2n ) = P 2 n δ(t i1 t i2 )δ(t i3 t i4 )...δ(t i2n 1 t i2n ) (2.12) où la notation P représente les différentes possibilités de permuter les (2n) instants t 1,..., t 2n, en ne comptant pas les permutations qui consistent à échanger les deux temps d une même fonction de corrélation δ(t i t j ) ou à échanger deux fonctions de corrélation (la somme P coure donc sur (2n)!/(2 n n!) termes). Par exemple, le moment d ordre 4 est donné par : Γ i (t 1 )...Γ i (t 4 ) = 4δ(t 1 t 2 )δ(t 3 t 4 ) + 4δ(t 1 t 3 )δ(t 2 t 4 ) + 4δ(t 1 t 4 )δ(t 2 t 4 ). Le principal intérêt de supposer que la distribution des termes de bruit est gaussienne est qu alors, comme nous le démontrerons plus bas, les équations de Langevin (2.10) sont strictement équivalentes à une équation de Fokker-Planck, quelque soit la forme des fonctions h i ({φ}) et g ij ({φ}). Lorsque les fonctions g ij sont constantes, on parle d équations de Langevin avec bruit additif, car l amplitude des termes stochastiques à l instant t ne dépend pas de l état des variables φ i à cet instant. Par contre, lorsque les fonctions g ij ({φ}) dépendent des variables φ i, on parle de bruit multiplicatif, car alors l amplitude de la partie stochastique dépend de la valeur instantanée des variables elles-mêmes. C est ce cas que nous considérons dans ce qui suit. 2.2.1 Equations de Langevin avec bruit multiplicatif : points de vue de Itô et de Stratonovich Nous considérons un système d équations de Langevin avec bruit multiplicatif (cf. éq. (2.10)). Les propriétés stochastiques des termes de bruit sont définis par les équations (2.11) et (2.12). Ce système d équations ne définit cependant pas entièrement le processus stochastique lorsque les fonctions g ij ({φ}) ne sont pas constantes. En effet, il reste un arbitraire dans les équations (2.10), dans la mesure où les termes de bruit Γ j (t) ont un temps d autocorrélation nul. Plus précisément, nous devons choisir quelle valeur de {φ} utiliser dans les préfacteurs g ij ({φ}) des termes de bruit. Ce problème peut être illustré de la façon suivante. Puisque leurs temps d autocorrélation sont nuls, les fonctions Γ j (t) peuvent être visualisées comme des séries de pics de Dirac. Les variables stochastiques φ i (t) présentent donc des discontinuités à chaque instant t, ce qui conduit à la question suivante : à un instant t donné, quelle valeur de {φ} doit-on utiliser dans les 10

2.2 Les équations de Langevin fonctions g ij ({φ})? Nous pouvons utiliser la valeur que {φ} a atteinte juste avant t, juste après, ou, d une certaine manière, une valeur intermédiaire. Ces différentes possibilités sont toutes mathématiquement valides et un choix doit être fait arbitrairement. Ce choix est référencé dans la littérature sous le nom de dilemme d Itô-Stratonovich. La méthode d Itô consiste à choisir la valeur de {φ} juste avant l arrivée des pics de Dirac. Plus précisément, dans la limite t 0, Itô interprète les équations de Langevin (2.10) sous la forme : Itô : t 0, φ i (t + t) φ i (t) = h i [{φ(t)}] t + g ij [{φ(t)}] t+ t t Γ j (t )dt. (2.13) La méthode de Stratonovich, quant à elle, consiste à choisir la valeur moyenne de {φ} entre les instants t et t + t : Stratonovich : t 0, φ i (t + t) φ i (t) = h i [{φ(t)}] t [ ] {φ(t + t)} + {φ(t)} t+ t +g ij Γ j (t )dt. (2.14) 2 t En d autres termes, ce choix revient à supposer que le bruit singulier Γ j (t) est en fait la limite t 0 d un bruit régulier de largeur t. De ce point de vue, le choix de Stratonovich peut également être formulé de la façon suivante : Stratonovich : t 0, φ i (t + t) φ i (t) = h i [{φ(t)}] t + t+ t t g ij [{φ(t )}] Γ 0 j dt (2.15) où les scalaires Γ 0 j sont des variables aléatoires gaussiennes indépendantes dont les deux premiers moments sont définis par : Γ 0 i = 0 Γ 0 i Γ 0 j = 1 2δ ij t, (2.16) de manière à retrouver les équations (2.11) dans la limite t 0, et les moments suivants par : (Γ 0 i ) 2n+1 = 0 (Γ 0 i ) 2n = (2n)! 1 n! ( t) n. (2.17) Enfin, par souci de cohérence avec cette formulation du choix de Stratonovich, nous pouvons présenter le choix d Itô de la façon suivante : Itô : t 0, φ i (t + t) φ i (t) = h i [{φ(t)}] t + g ij [{φ(t)}] t+ t t dt Γ 0 j (2.18) où les propriétés stochastiques des variables aléatoires Γ 0 j équations (2.16) et (2.17). sont également celles prescrites par les 2.2.2 Des équations de Langevin vers une équation de Fokker-Planck Nous allons maintenant montrer que les équations de Langevin sont équivalentes à une équation de Fokker-Planck.La présente dérivation est proche de celle proposée dans la référence [8]. 11

2 Le fondement mésoscopique des méthodes de Champ de Phase Dans la mesure où les équations de Langevin (2.10) avec les termes de bruit (2.11) correspondent à un processus de Markov, il existe nécessairement une équation maîtresse du type (2.1) ou (2.3) qui gère l évolution temporelle de la distribution de probabilité P ({φ}, t). Nous allons identifier cette équation maîtresse à la forme de son développement de Kramers-Moyal (2.5). Rappelons que ce développement est entièrement caractérisé par les moments D i1,...,i n ({φ}) de la probabilité de transition, et que ces coefficients peuvent être calculés par l expression suivante : 1 D i1,...,i n ({φ}) = lim [φ i1 (t + t) φ i1 (t)]...[φ in (t + t) φ in (t)] t 0 t (2.19) où la valeur moyenne est prise sur la distribution de probabilité de {φ} à l instant t + t, sachant qu à l instant t la variable {φ} est strictement égale à {φ 1 (t),..., φ N (t)}. En d autres termes, les variables φ i (t + t) ( t > 0) qui interviennent dans (2.19) sont les solutions des équations de Langevin (2.10) entre les instants t et t + t, quand la condition initiale à l instant t est parfaitement connue et égale à φ i (t), i = 1,..., N, et la valeur moyenne... associée à la distribution de probabilité correspond à une moyenne sur les différentes réalisations des termes de bruit. Pour mettre en œuvre (2.19), nous avons tout d abord besoin d exprimer φ i (t + t) φ i (t) en fonction de t. Nous devons pour cela utiliser les équations (2.15) ou (2.18), selon que l on opte pour le choix de Stratonovich ou de Itô. Nous allons examiner successivement ces deux options. Choix de Stratonovich Nous partons donc de l équation (2.15). En introduisant un développement en série des fonctions g ij ({φ(t )}) qui apparaissent dans l intégrale stochastique, nous avons : φ i (t + t) φ i (t) = h i [{φ(t)}] t (2.20) 1 t+ t [ + n! g(n) ij,k 1...k φk1 n (t ) φ k1 (t) ]... [ φ kn (t ) φ kn (t) ] Γ 0 j dt t n=0 où le terme g (n) ij,k 1...k n ({φ(t)}) est la dérivée d ordre n de la fonction g ij ({φ}) par rapport aux variables φ k1,..., φ kn, estimée au temps t : g (n) ij,k 1...k n ({φ(t)}) = n g ij ({φ}). (2.21) φ k1... φ kn t Dans l équation (2.20) apparaissent de nouveau des termes du type φ k (t ) φ k (t), pour lesquels nous pouvons réitérer un développement du type (2.20), en remplaçant (t + t) par t, et ainsi de suite. L écriture générale de ces développements successifs est très lourd, mais nous notons ici que, dans le but d utiliser l équation (2.19), nous n avons besoin d identifier que les termes, d ordre t au plus, car les termes d ordre supérieur disparaissent lorsque nous prenons la limite t 0 de l équation (2.19). L incorporation itérative du développement (2.20) dans l équation (2.20) elle-même conduit a des termes qui contiennent un certains nombres de fois une contribution stochastique, c.-à-d. une intégrale de la forme t t dt Γ 0 j, et un certain nombre de fois une contribution déterministe, c.-à-d. de la forme t h i [{φ(t )}] dt. t En notant n S et n D les nombres respectifs des contributions stochastiques et déterministes à 12

2.2 Les équations de Langevin un terme donné du développement, la dépendance en t de ce terme est donc : t+ t t dt 1 t1 t tns 1 dt 2... dt ns Γ 0 i 1...Γ 0 i ns t t+ t t dt 1 t1 t tnd 1 dt 2... dt nd ( t) ns/2 ( t) n D t car l amplitude des termes de bruit Γ 0 j sont d ordre ( t) 1/2 (voir (2.16)) tandis que les termes déterministes h i sont d ordre zéro en t. Puisque nous ne devons identifier, dans l équation (2.20), que les termes d ordre t au plus, nous n avons besoin de considérer que les termes avec une contribution stochastique seulement (n S = 1, n D = 0), deux contributions stochastiques seulement (n S = 2, n D = 0) et, finalement, une contribution déterministe seulement (n S = 0, n D = 1). Ceci conduit aux contributions suivantes : (n S = 1, n D = 0) : g ij ({φ(t)}) t+ t (n S = 2, n D = 0) : g (1) ij,k ({φ(t)})g kl({φ(t)}) (n S = 0, n D = 1) : t dt Γ 0 j = g ij ({φ(t)}) Γ 0 j t t+ t t dt Γ 0 j = g (1) ij,k ({φ(t)}) g kl({φ(t)}) Γ 0 j Γ 0 t 2 l 2 t+ t t t h i [{φ(t )}] dt = h i [{φ(t)}] t. t dt Γ 0 l Nous rappelons qu en raison des propriétés stochastiques les termes de bruit Γ 0 j (cf. éq. (2.16) et (2.17)), la première contribution ci-dessus est d ordre t, tandis que la seconde est d ordre t, c.-à-d. du même ordre que la contribution déterministe 2. En conclusion, le développement de φ i (t + t) φ i (t) jusqu à l ordre t est donc : φ i (t+ t) φ i (t) = g ij ({φ(t)})γ 0 j t+g kl ({φ(t)}) g ij ({φ(t)}) Γ 0 j Γ 0 t 2 l φ k 2 h i[{φ(t)}] t (2.22) où nous rappelons que les termes Γ 0 j sont d ordre 1 t et que la sommation sur les indices répétés est implicite. Il est maintenant très facile de calculer les coefficients D i1,...,i n ({φ(t)}) du développement de Kramers-Moyal. En injectant l équation (2.22) dans l équation (2.19), nous obtenons pour les coefficients D i ({φ(t)}) : 1 D i ({φ(t)}) = lim φ i (t + t) φ i (t) t 0 t = h i [{φ(t)}] + g kj ({φ(t)}) φ k g ij ({φ(t)}) (2.23) où nous avons utilisé les propriétés stochastiques des termes de bruit donnés par les équations (2.16). Calculons maintenant les coefficients d ordre 2, c.-à-d. les coefficients de diffusion, D ij ({φ(t)}). Nous avons besoin pour cela du développement à l ordre t du produit [φ i (t + t) φ i (t)][φ j (t + t) φ j (t)]. L analyse de l équation (2.22) montre immédiatement que ce développement ne contient que les termes du type g ik ({φ(t)}) g jl ({φ(t)}) Γ 0 k Γ0 l t2. On 2 C est cette particularité du choix de Stratonovich qui engendre ce que nous appelerons plus loin un terme convectif induit par le bruit. 13

2 Le fondement mésoscopique des méthodes de Champ de Phase obtient donc : 1 D ij ({φ(t)}) = lim [φ i (t + t) φ i (t)][φ j (t + t) φ j (t)] t 0 t = 2 g ik ({φ(t)}) g jk ({φ(t)}) (2.24) où nous avons utilisé les équations (2.16). Enfin, on montre facilement que les coefficients de Kramers-Moyal d ordre n 3 seront identiquement nuls. Considérons tout d abord les coefficients de Kramers-Moyal D i1,...,i n d ordre pair (n = 2k) avec k 2. L examen de l équation (2.22) montre que le produit {φ i1 (t + t) φ i1 (t)}...{φ i2k (t + t) φ i2k (t)} est piloté, au plus bas ordre en t, par des termes constitués du produit de 2k termes stochastiques Γ 0 j t. En raison des propriétés stochastiques des bruits de Langevin (cf. éq. (2.16) et (2.17)), ces termes sont d ordre ( 1 t )k t 2k t k. Leur contribution à l équation (2.19) est donc d ordre t k 1, dont la limite quand t 0 est nulle pour k 2. Le coefficients de Kramers-Moyal D i1,...,i 2k avec k 2 sont donc identiquement nuls. Considérons enfin le coefficients D i1,...,i 2k+1 d ordre impair. En remarquant qu un terme constitué d un nombre impair de coefficients Γ 0 j est en moyenne nul, on se convainc facilement que le produit {φ i1 (t + t) φ i1 (t)}...{φ i2k+1 (t + t) φ i2k+1 (t)} est dominé, au plus bas ordre en t, par deux types de termes : des termes constitués du produit de 2(k + 1) termes stochastiques Γ 0 j t, donc d ordre ( 1 t )k+1 t 2(k+1) t k+1, et les termes constitués du produit de 2k termes stochastiques et d un terme déterministe du type h j ({φ(t)}) t, donc d ordre ( 1 t )k t 2k t t k+1. La contribution de ces termes au coefficient de Kramers-Moyal D i1,...,i 2k+1 est donc d ordre t k, dont la limite quand t 0 est nulle pour k 1. Les coefficients D i1,...,i 2k+1 sont donc nuls. En conclusion, les coefficients de Kramers-Moyal d ordre n 3 sont identiquement nuls. Le développement de Kramers-Moyal de l équation maîtresse suivie par P ({φ}, t) s arrête donc strictement à l ordre 2. Lorsque les termes de bruits sont traitées suivant l approche de Stratonovich, les équations de Langevin (2.10) sont donc mathématiquement identiques à une équation de Fokker-Planck de la forme : P ({φ}, t) t = [ ] D i ({φ})p ({φ}, t) φ i + 1 2 [ 2 φ i φ j dont les coefficients de diffusion et de convection sont donnés par : ] D ij ({φ})p ({φ}, t) Stratonovich : D i ({φ}) = h i [{φ}] + g kj ({φ}) φ k g ij ({φ}) (2.25) D ij ({φ}) = 2 g ik ({φ}) g jk ({φ}). (2.26) Rappelons que ce résultat a été obtenu dans le cas général où les fonctions h i [{φ}] sont quelconques (équations de Langevin non-linéaires) et les fonctions g ij ({φ}) non-constantes (bruit multiplicatif). Choix de Itô Nous devons maintenant considérer le cas où les termes de bruit sont traités selon la description d Itô. Le calcul des coefficients de Kramers-Moyal est alors très simple. Le comportement de φ i (t + t) quand t 0 est donné par l équation (2.18) avec des termes de bruit Γ 0 j vérifiant (2.16). L analyse de l intégrale stochastique est alors beaucoup plus simple que dans le cas de la 14