«Barrières linguistiques et intégration des nouveaux immigrants francophones à Toronto»

Documents pareils
Compte rendu. Ouvrage recensé : par Robert Gagnon

ui sont les francophones? Analyse de définitions selon les variables du recensement

d évaluation Objectifs Processus d élaboration

«La stratégie de lutte contre la pauvreté : comparaison France-Québec»

L Université Laval lance, elle aussi, une consultation publique sur un programme de Master en anglais.

DU RAPATRIEMENT DE LA CONSTITUTION PRÉSENTÉE PAR CROP. de la vie aux idées

Frank Janssen, La croissance de l entreprise. Une obligation pour les PME?, Bruxelles, De Boeck, 2011, 152 p.

«La société mutuelle agricole de caluire et cuire : témoignage sur trente années de pratiques»

Téléfilm Canada. Du cinéma au téléphone cellulaire

notre système de consigne sur les boissons gazeuses est menacé d abolition?

Procédures relatives au dépôt ponctuel de certificats à la CDS

STAGE, VOLONTARIAT, BÉNÉVOLAT, TRAVAIL À L ÉTRANGER APPRENTISSAGE ET ENSEIGNEMENT D UNE LANGUE

AIX-MARSEILLE UNIVERSITE DIRECTION DES RELATIONS INTERNATIONALES

Étude comparative sur les salaires et les échelles salariales des professeurs d université. Version finale. Présentée au

Date de diffusion publique : lundi 15 décembre 2008, 6h00 heure normale de l Est

L ESP et l international

Le Québec, terre de traduction

Barème de frais des produits et services

Sondage d opinion auprès des Canadiens Perception à l égard des couples de même sexe PROJET

GARANTIES D ASSURANCE COLLECTIVE (ADMISSIBILITÉ)

L éducation au Québec : L état de la situation

PLAN DE PARTENARIAT. Présentés par. Faculté des arts et des sciences Département de linguistique et de traduction

Information et sensibilisation des consommateurs à l égard des risques importants liés aux produits hypothécaires

Consultations prébudgétaires

médicale canadienne, l Institut canadien d information sur la santé, Santé Canada et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.

CONCOURS «Du bonheur dans votre frigo!» RÈGLEMENTS

Pénuries de main-d oeuvre et mesures de transition professionnelle dans l industrie canadienne de l électricité

REGROUPEMENT DES PROPRIÉTAIRES DE TAXI DE MONTRÉAL. Att: M. ROBERT POÊTI- Ministre du transport du Québec.

Etudier Ailleurs. Présentation et réalisation: Caroline Gagnon. 19/02/2015 Etudier Ailleurs Canada par Caroline Gagnon

Observation statistique

Approbation temporaire

Prenons ces mesures une à une pour mieux saisir la portée de ces changements.

Le 8 mai Bonjour,

La transformation du travail au quotidien suite à l implantation d un nouveau logiciel de gestion

Sous réserve des lois applicables, ce règlement régit tous les aspects du concours Tremplin, et lie tous les participants.

Télé par satellite de Shaw Direct

Appel de mises en candidature et d inscriptions

Les bibliothèques et les centres de documentation de l'enseignement tertiaire

Phase 1 Entre le 16 janvier et le 4 mars 2012

Cahier de charge application cartographie (base de données des acteurs et des lieux culturels)


Date de diffusion publique : 4 septembre, 2012

«Les médecins diplômés du Québec inscrits à la Régie de l assurance-maladie du Québec (R.A.M.Q.) au 30 mars 1980»

Allocution de Monsieur Gérard Bibeau, président et chef de la direction de Loto Québec, à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Protégez votre dossier de crédit : comment faire corriger les erreurs et repérer les signes de fraude

Concours national 2015 Appelez, cliquez ou passez nous voir de Co-operators - Prix de $

Le M.B.A. professionnel

SERVICE DE TRANSPORT ADAPTÉ GUIDE DE L USAGER

LE GRAND ÉCART L INÉGALITÉ DE LA REDISTRIBUTION DES BÉNÉFICES PROVENANT DU FRACTIONNEMENT DU REVENU

Directeur de la communication Philippe DEBONDUE Presse - Marion WAYSENSON F

Conseiller implantation de logiciel Milieu de la santé Supérieur immédiat : Vice-président opérations

Les entreprises de 11 à 49 employés. Portrait de leur réalité linguistique. Rendez-vous des gens d affaires et des partenaires socioéconomiques

environics research group

CI INVESTMENTS INC. ÉNONCÉ DE POLITIQUES

La mission et les résultats en chiffres pour

Guide pratique à l usage des étudiants de Paris 1

VISA AFFAIRES, VISA AFFAIRES PERFORMANCE ET VISA AFFAIRES BANQUE LAURENTIENNE CREVIER

Définir et consolider son projet associatif

VISA PLATINE AFFAIRES VOYAGES RBC BANQUE ROYALE ASSURANCE ACHATS D ARTICLES DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ CERTIFICAT D ASSURANCE INTRODUCTION

Meilleur taux d intérêt. Économies supérieures.

SONDAGES RELATIFS AUX SERVICES D INFORMATION ET DE RÉFÉRENCE OFFERTS PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA DIFFUSION DE BANQ

10h-13h Tour de table / Accompagnement de projet Intervenants: Alaa Homsi (Club international des Jeunes à Paris)

Synthèse des réponses reçues du sondage du 8 février 2013

Les étudiants dans le rouge : l impact de l endettement étudiant

CERTIFICAT D ASSURANCE DES ACHATS ET PROLONGATION DE GARANTIE

«Le marché de l assurance responsabilité des municipalités québécoises est-il contestable?»

LE TABLEAU SYNTHÈSE DES BOURSES UNIVERSITAIRES

QUESTIONNAIRE SUR L ADMISSIBILITÉ AU SARPA

Allocution de Mme Françoise Bertrand Présidente directrice générale Fédération des chambres de commerce du Québec

Services gouvernementaux

Bourses de réussite de la Faculté des études supérieures et postdoctorales Maîtrise et doctorat Du 1 er septembre 2015 au 31 août

JOURNAL DE MONTRÉAL ET JOURNAL DE QUÉBEC CONCOURS «BOURSES D ÉTUDES JEUNES ATHLÈTES 2015» RÈGLEMENTS DE PARTICIPATION

Programme des candidats de la Nouvelle-Écosse PCNÉ 130 Secteur agroalimentaire Formulaire de demande

Tous les intéressés qui effectuent des opérations d assurance RC professionnelle (secteur des services financiers) au Québec

VOTRE ASSUREUR AU QUOTIDIEN. est un acteur majeur dans le MONDE ASSOCIATIF.

Connecticut Haitian Voice Mars 2009

Crédit : Comment vous êtes coté

Un service sans égal, partout dans le monde, 24 h/24

Déclin des groupes visés par l équité en matière d emploi lors du recrutement. Étude de la Commission de la fonction publique du Canada

2. Pour accéder au Prêt numérique, écrivez dans la barre d adresse de votre navigateur Web.

Le marché locatif de la RMR de Montréal

Fascicule 2. L Ontario français son essor, son devenir. Chapitre 1 : Des luttes pour nos droits

L obligation de déposer un rapport Guide à. l intention des employeurs, exploitants et infirmières

BUREAU DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DU CANADA

Emprunter un livre numérique sur un appareil Android

Politique d aménagement linguistique de l Ontario pour l éducation postsecondaire et la formation en langue française

PRÉPARER LA RELÈVE DANS LE MONDE DE L ÉVALUATION: LE CONCOURS DE SIMULATION DU POINT DE VUE DES COMMANDITAIRES

L'EXERCICE DU LEADERSHIP

Le moyen judicieux de payer

Volume 1 Numéro 2 Février 2009

CaRMS en ligne Guide d aide pour les candidats Connexion à la plateforme CaRMS en ligne et remplir votre candidature

Niveau de scolarité et emploi : le Canada dans un contexte international

«Pour une pleine participation des retraités et des ainés au développement régional le modèle coopératif»

Vous atteignez un total net de crédits de production ET un minimum de 25 unités de production. Les crédits et les unités de

Concours $ de prix en argent offerts par le Programme d assurance automobile et habitation CIBC (le «Concours»)

La loi du 1% au Québec et son impact sur la formation 1

Les médias en quelques statistiques

L impact de l immigration sur la dynamique économique du Québec

étude sur l incidence économique et sur la croissance d un secteur à forte valeur au Nouveau-Brunswick : les assurances

Transcription:

Article «Barrières linguistiques et intégration des nouveaux immigrants francophones à Toronto» Marie-Claude Muamba Reflets : revue d'intervention sociale et communautaire, vol. 4, n 1, 1998, p. 182-187. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/026205ar DOI: 10.7202/026205ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'uri https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'érudit : info@erudit.org Document téléchargé le 11 février 2017 07:05

Aux quatre coins de la province Reflets Vol. 4, n o 1, printemps 1998 Barrières linguistiques et intégration des nouveaux immigrants francophones à Toronto Marie-Claude Muamba Conseillère à l emploi, Toronto Introduction Cet article est tout simplement une narration et ne se veut pas une étude scientifique. La plupart des éléments mentionnés sont le résultat d observations et de réflexions personnelles. L expression «personne immigrante» est utilisée pour désigner aussi bien les immigrants (résidents permanents) que les demandeurs d asile et les réfugiés au sens de la convention. Même si le Canada est un pays bilingue, l usage de l anglais prédomine. J ai rencontré beaucoup de personnes venues du Québec pour apprendre l anglais à Toronto. Dans la plupart des cas, la perte d un emploi était la raison déterminante de leur déplacement. Cette perte était souvent le résultat du changement survenu dans la définition du poste qu elles occupaient, qui «d unilingue français» était devenu bilingue «français-anglais». La problématique de la langue se pose avec acuité pour la personne francophone, immigrante ou non immigrante. Pour la personne immigrante s installant à Toronto, l ampleur du problème est double (intégration sociale et emploi-formation). Être bilingue à Toronto est un très grand atout, toutefois l obtention et le maintien 182

Reflets Vol. 4, n o 1, printemps 1998 Aux quatre coins de la province d un emploi pour une personne francophone à Toronto dépendent, non pas de sa connaissance du français, mais surtout de sa maîtrise de la langue de Shakespeare. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que les personnes immigrantes francophones puissent jouir des mêmes privilèges que les anglophones. Barrières à l intégration de la personne immigrante francophone à Toronto Je vis en Ontario, à Toronto, depuis environ six ans. La diversité des peuples et des communautés y est vraiment frappante. On remarque très rapidement le quartier chinois, le quartier portuguais, Little Italy Étant francophone, je m attendais à voir aussi un «Little France». Eh bien, comme vous l avez probablement deviné, il n y en a pas. La diversité de la «communauté francophone» à Toronto mérite d être mentionnée aussi. Un coup d oeil rapide permet de constater qu en dépit de l usage d une langue commune, le français en l occurence, la communauté francophone est aussi hétérogène que la population torontoise. Parmi les francophones, on compte les francophones de souches (de l Ontario, du Québec, du Nouveau- Brunswick), ceux d origines africaine, asiatique, européenne, et antillaise. Cette diversité francophone en elle-même fait que le regroupement dans un quartier est plus difficile à réaliser. Certes, il existe une communauté francophone à Toronto, il y a des organismes francophones offrant des services en français à Toronto, les enfants peuvent aller dans des écoles francophones. Mais au quotidien, l anglais est indéniablement présent. Dans l exercice de mes fonctions de conseillère à l emploi, je rencontre beaucoup de personnes nouvellement arrivées à Toronto. Je suis tentée de croire que les personnes francophones, d où qu elles viennent, ont aussi le désir, comme toutes les autres communautés, d avoir un espace géographique et social qui, elles l espèrent, atténuerait les difficultés du processus d intégration. 183

Aux quatre coins de la province Reflets Vol. 4, n o 1, printemps 1998 Qu elle soit voulue ou forcée, il est aussi important de noter que l immigration entraîne toujours un choc culturel, psycho-social, au contact de la réalité dans le pays d accueil. Celui-ci revêt l aspect d un réveil brutal. C est la désillusion complète. Un rajustement est nécessaire, il faut réviser ses espérances et ses attentes, ce qui ne se fait pas facilement. Ajoutons à cela l isolement auquel font face ces personnes. Plusieurs n ont pas de famille (restreinte ou élargie) ou d amis. L impact du choc varie beaucoup selon la capacité de tout un chacun à gérer la situation et à s adapter. Parmi les causes responsables du choc, notons les barrières linguistiques, la nonreconnaissance des acquis et de l expérience acquise ailleurs, l isolement social, les difficultés financières et morales. La personne immigrante francophone qui arrive au «Canadapays bilingue» et s installe en Ontario est malheureusement surprise par le fait que le bilinguisme canadien ne correspond pas à son idée ou à sa notion de bilinguisme. La plupart des immigrants croient qu au Canada, le français et l anglais sont utilisés dans la même proportion et invariablement; du moment qu on parle l une des deux langues, l autre n est pas nécessaire. Je n ai pas l intention d engager un débat sur les langues officielles, néanmoins je pense qu il est nécessaire d examiner la question. L exemple suivant l illustre amplement. Pour un demandeur d asile francophone dont la demande a été rejetée, montrer qu il a appris l anglais est considéré comme une preuve de son intégration. Est-ce le cas pour la personne anglophone à Toronto? N a-t-elle pas aussi besoin de prouver son effort d intégration par l apprentissage de l autre langue officielle du Canada? Comme je l ai déjà dit, la maîtrise de l anglais est indispensable à l intégration de la personne immigrante. L obtention d un emploi joue aussi un rôle prépondérant dans l intégration d une personne dans le pays d accueil. Une fois l anglais maîtrisé, la personne immigrante se lance dans la recherche d un emploi pour découvrir qu elle n a pas suffisamment d expérience canadienne. Les diplômes et compétences acquises en dehors du Canada n étant pas ou très peu reconnus par les institutions, la personne immigrante se retrouve dans la plupart 184

Reflets Vol. 4, n o 1, printemps 1998 Aux quatre coins de la province des cas à la croisée des chemins. Faut-il aller à gauche ou à droite? Ou bien rester au centre? S il y a un centre. La question fondamentale devient : dois-je retourner aux études ou accepter n importe quel emploi précaire qui se présentera (circonstances obligent) ou me lamenter sur mon sort et finir par sombrer dans la déprime? C est ainsi que beaucoup décident de suivre une formation. Quel programme de formation faut-il suivre? Faut-il se lancer dans une nouvelle branche, un nouveau domaine? Ou faire une mise à jour des connaissances dans son domaine? Aussitôt prise la décision de retourner à l école, un autre problème se présente: la formation voulue n est peut-être pas disponible en français, langue que la personne maîtrise et dans laquelle elle peut mieux apprendre. Conséquemment, cette dernière accuse un retard dans la réalisation de ses projets. Il n y a pas beaucoup d alternatives : soit qu elle déménage pour suivre ailleurs la formation en français, soit qu elle améliore son niveau d anglais pour pouvoir étudier dans cette langue. Déménager n est pas aussi simple que ça. Il y a beaucoup de facteurs à considérer, surtout si on a de la famille. La deuxième alternative serait de suivre ladite formation en anglais, mais la performance aux examens ne sera probablement pas aussi bonne que si les tests étaient passés en français. Il lui faut une bonne dose de persévérance. Une des situations les plus déplorables est celle des gens de métiers. La plupart des métiers sont réglementés en Ontario comme partout ailleurs au Canada. Les personnes immigrants possédant un métier réglementé doivent obtenir un certificat de l Ontario. Dans certains cas, des heures d apprentissage chez un employeur et des cours théoriques sont nécessaires à l obtention de celui-ci. Beaucoup d immigrants francophones ont dû se décourager et abandonner leurs démarches parce qu ils n étaient pas en mesure de trouver un employeur (ni une école) qui fournirait la formation pratique en français. En ce qui concerne l emploi, la plupart de mes clients immigrants ont des idées erronnées sur ce qui constitue «un emploi bilingue». La plupart d entre eux pensent qu un travail bilingue 185

Aux quatre coins de la province Reflets Vol. 4, n o 1, printemps 1998 est un travail où l employé peut, au choix, utiliser la langue qu il maîtrise le mieux (dans ce cas le français plus que l anglais). Or ceci n est pas le cas. Il est souvent nécessaire de questionner les idées préconçues en expliquant qu un employeur à la recherche d un employé bilingue veut essentiellement une personne capable d oeuvrer dans les deux langues officielles du Canada. Les difficultés de ma clientèle en matière de formation et d emploi sont donc liées mais non limités à des facteurs tels que la maîtrise de la langue anglaise, la reconnaissance des acquis et les moyens financiers. Le service en français Parmi les institutions (privées ou publiques) offrant des services bilingues, il y en a qui font des efforts pour offrir un service de qualité. Dans d autres cas, la qualité ainsi que la rapidité du service ne sont pas garanties. Les intervenants des services communautaires francophones ne disposent pas toujours de tous les outils nécessaires. Il y a des circonstances où les intervenants doivent recourir à des ressources extérieures pour servir le client. Si ces ressources ne sont pas disponibles en français, les intervenants doivent faire appel à un service anglophone. On se bute alors au problème de communication. Le client n étant pas en mesure de communiquer avec l intervenant anglophone, il faut faire appel à un service d interprétation qui n est pas toujours disponible. Dans ce cas, l intervenant francophone doit se déplacer ou trouver quelqu un qui peut et veut aider. Faire appel à une tierce personne ne faisant pas partie du service pose un problème de confidentialité (selon les cas et la nature du problème). Un autre problème peut se poser au niveau de la rémunération de l interprète. Très peu d organismes disposent de fonds pour ces services. Souvent le client doit se débrouiller pour en trouver un à ses propres frais, ce qui n est pas toujours évident. Si l interprète est bénévole, le service qu il offre dépend de sa disponibilité. Tout ceci entraîne un retard dans le service fourni au client. 186

Reflets Vol. 4, n o 1, printemps 1998 Aux quatre coins de la province Un autre facteur concerne l accessibilité: les organismes offrant les services en français n étant pas nombreux, les clients doivent souvent se déplacer sur une longue distance pour y accéder. Le service d emploi du Centre francophone du Toronto Métropolitain reçoit des clients venus d aussi loin que Oakville, Brampton, Whitby, Ajax. Ceci représente parfois plus d une heure de voyage ou de transport en commun. Ce facteur joue un rôle prépondérant dans la fréquence d utilisation du service. Une fois l anglais maîtrisé, le client ne se sent plus obligé de voyager si loin pour obtenir un service en français alors qu il peut s en prévaloir juste à côté en anglais. Dès lors que le client commence à utiliser les services anglophones, la coupure du cordon qui le relie à la communauté francophone n est plus qu une question de temps. Le bilinguisme canadien est, si vous me permettez l expression, un «bilinguisme du dimanche». Nous n avons qu à observer ou plutôt écouter les «employés bilingues» (un échantillon pris au hasard) dans les secteurs publics et privés pour nous en rendre compte. Ma conclusion est la suivante : «anglais excellent, french so so, vous êtes bilingue». 187