PRISE EN CHARGE D UNE DOULEUR CANCÉREUSE. Dr H PEYRIERE 2016

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Transcription:

1 PRISE EN CHARGE D UNE DOULEUR CANCÉREUSE Dr H PEYRIERE 2016

Généralités 2 Evaluation de la douleur chez le patient cancéreux : Antécédents Histoire du cancer Histoire du syndrome douloureux Modalités thérapeutiques subies (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) Examen clinique et bilan d extension du cancer : Masse tumorale, extension leuco-régionale et à distance, compressions nerveuses Examen neurologique Examens complémentaires (biologiques, radiographiques) Evolution? Modification récente ou brutale de la symptomatologie? Pouvant être le signe évocateur de nouvelles localisations ou d une progression de l extension. Réapparition de la douleur = presque toujours récidive de cancer. Différents types de douleurs : douleur chronique 10% de douleur neuropathique, 38% de douleur nociceptive, et 52% de douleur mixte (composante neuropathique et nociceptive).

3 Généralités Le choix du traitement sera guidé par différents paramètres : Intensité et nature de la douleur Caractère aigu ou chronique Profil du patient (âge, terrain, traitements concomitants) CI, mises en garde et précautions d emploi des antalgiques. Deux objectifs majeurs : Mettre en place une prévention des effets indésirables et Réévaluation régulière du traitement et du choix thérapeutique.

4 Cas clinique Homme, 66 ans Cancer du poumon non à petites cellules Chirurgie + chimiothérapie + radiothérapie Pas de comorbidités Il consulte pour une nouvelle douleur dorsale pratiquement continue avec des pics douloureux qui ne cède pas à 6 comprimés /j de paracétamol (Doliprane ) 500 mg.

5 Commentaires Premier palier de l antalgie : Analgésique non-opioïde (paracétamol, aspirine, AINS ) ± un co-analgésique dit «adjuvant» (AD, antiépileptiques, corticoïdes (si compressions)). Si l antalgie est insuffisante, on passe aux opioïdes faibles (palier 2). Tenir compte des contre-indications, posologie maximale

6 Principes généraux de l OMS Privilégier la voie orale Intervalles régulier : Les analgésiques doivent être prescrits à intervalles de temps réguliers, et la dose suivante doit être administrée avant que l effet de la précédente se soit totalement estompé, permettant un soulagement continu de la douleur Respecter les paliers de l OMS Prescription personnalisée : posologie adaptée à chaque patient

Classification des antalgiques : les 3 paliers de l OMS 7 EVA < 30 30 < EVA < 70 EVA > 70

8 Évaluation de la douleur dans le cancer Mesurer la douleur avec des outils validés. Outils d auto-évaluation quantitative : échelles EVA, EVS, EN Outils d hétéro-évaluation qualitative : - QSDA (questionnaire douleur Saint-Antoine) - Echelles (ex : Dolopus) et questionnaires Recommandations : tout médecin qui prend en charge la douleur devrait disposer de trois outils, à utiliser systématiquement : un outil d auto-évaluation et deux outils d hétéro-évaluation.

9 Commentaires, les échelles d évaluation L'échelle verbale simple : EVS L'échelle verbale simple ou EVS permet d apprécier la douleur ressentie du patient par paliers. Chaque palier correspond à un score que le soignant demande au patient : L'échelle numérique : EN Absence de douleur : 0 Douleur faible : 1 Douleur modérée : 2 Douleur intense : 3 Douleur atroce : 4 L échelle numérique consiste à demander au patient de donner une note allant de 0 à 10 à sa douleur ressentie. La note 0 correspond à «pas de douleur» tandis que la note 10 à «douleur insupportable».

10

11 Cas clinique Le médecin mesure le niveau de douleur et relève un fond continu aux environs de 50/100 sur EVA. Le traitement est alors modifié : Paracétamol-codéine : 6 comprimés/j (tous les 4h).

12 Commentaires Douleur d intensité moyenne (30 à 70 sur EVA) => antalgique opioïde faible Codéine : métabolisme hépatique et élimination rénale, en association au paracétamol (pas assez efficace en monothérapie) délai d action = 30 min (1h max) et durée d action de 4h. Rapport optimal entre codéine paracétamol est 30/500 par prise Bien respecter intervalle de 4h entre chaque prise.

13 Commentaires Effets indésirables : somnolence, vertiges, N, V, constipation, confusion (EI des opioïdes ou apparentés). CI Paracétamol : insuffisance hépatocellulaire Codéine : insuffisance respiratoire, asthme Précaution chez la personne âgée et en cas d IR car élimination rénale. Interactions médicamenteuses Codéine : antagonistes ou agonistes-antagonistes opioïdes : risque de perte de l efficacité Codéine : agonistes opioïdes, sédatifs SNC : majoration dépression centrale et respiratoire

14 Commentaires Le Comité pour l'evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) s'est prononcé en faveur d'une utilisation restreinte des médicaments à base de codéine dans le traitement de la toux sèche chez les enfants. Il recommande que ces médicaments soient contre-indiqués : chez les enfants de moins de 12 ans, au lieu de moins de 30 mois actuellement, au cours de l'allaitement pour éviter le risque d'exposition de l'enfant à la codéine, chez les sujets connus pour être des "métaboliseurs ultra-rapides CYP2D6". Le PRAC préconise également que ces médicaments ne soient pas recommandés chez les enfants et les adolescents entre 12 et 18 ans présentant des troubles respiratoires.

15 Commentaires Autre palier 2, le tramadol Mécanisme d action? Interactions? Métabolisme CYP3A4 et 2D6 Effets indésirables : Sueur, fatigue, Nausées, constipation, sécheresse buccale, Vertiges, céphalées, somnolence, convulsions, hypoglycémie Dépendance Syndrome de sevrage

16 Cas clinique Quelques semaines plus tard, Mr B consulte suite à l apparition d une douleur dorsale aigue limitant son activité et perturbant son sommeil. A l échelle EVA, la cotation de la douleur est de 70/100 en fond continu et de 90/100 au moindre mouvement. Il précise qu il prend bien les comprimés de paracétamol-codéine mais qu il prend également des comprimés de doliprane car la douleur n est pas calmée. Le médecin fait hospitaliser Mr B pour un bilan radiologique. Une métastase osseuse en D10 est diagnostiquée, cause possible de la douleur.

Stratégie de prise en charge? 17 Douleur non-soulagée par antalgique de palier 2 (inutile d augmenter la dose) antalgique de palier 3 : prescription d emblée d une dose de palier 3 supérieure à la dose antalgique précédente. Evaluation de la douleur Troisième palier de l antalgie : opioïdes forts (morphine, hydromorphone, Fentanyl, oxycodone) ± co-analgésique ± analgésique non-opioïde.

18 Stratégie de prise en charge Première étape : choix de la dose Dose quotidienne de départ est une dose équi-analgésique à l opioïde de palier 2 augmentée de 30 à 50% à répartir en 6 prises toutes les 4 heures. 60 mg de codéine, 30 mg de dihydrocodéine, 50 mg de tramadol sont équivalents à 10 mg de morphine. Les antalgiques de palier 3 sont classés en groupe : Groupe 1 : agonistes-antagonistes, agonistes partiels (buprénorphine, nalbuphine, nalorphine etc.) Groupe 2 : agonistes, méthadone et les tanil (dérivés du fentanyl, pour les anesthésies) Groupe «3» : naloxone, naltrexone.

Récepteurs aux opioïdes et effets 19

20 Cas clinique Sulfate de morphine (Actiskenan ) 10mg, 1 gélule toutes les 4h, avec la possibilité de prendre une gélule une heure après si douleur intolérable. Macrogol (Forlax ), 1 sachet par jour. Metoclopramide (Primpéran ), 1 comprimé trois fois par jour avant les repas, pendant une semaine.

21

22 Introduction d un opioïde fort : titration initiale Choisir : morphine orale à libération immédiate (LP possible, mais moins souple en matière d adaptation posologique). La dose de départ est de 10 mg par prise toutes les 4 heures. Cette dose est également recommandée en cas de recours d emblée au niveau 3 OMS pour des douleurs très intenses. Cela correspond à une dose totale de 60 mg par jour de morphine. Pratiquer l administration régulière et augmenter progressivement les doses jusqu au contrôle de la douleur. A priori, on ne connait pas la dose efficace (dépend du profil de patient, du type de douleur etc.). Douleur soulagée Après 2 à 3 jours, si les malades sont équilibrés sous morphine LI, il est recommandé de prescrire une morphine LP. La dose quotidienne totale doit être répartie en une prise toutes les 12 heures (MOSCONTIN, SKENAN ). Douleur mal soulagée Le malade peut prendre une dose de 5 à 10 mg (environ 10 % de la dose journalière) toutes les heures sans dépasser 4 prises successives en 4 heures avant d en référer au médecin.

23 Commentaires / information du patient Titration : dose efficace de morphine non-connue à l avance (dépend du profil du patient et des caractéristiques de la douleur) Expliquer au patient le traitement de fond et l interdose : l intérêt est d accélérer le soulagement et la stabilité antalgique, et ne pas hésiter à prendre une interdose si la douleur est intolérable (au bout d une heure) Bien préciser la posologie, le nombre maximum et l intervalle minimum entre deux interdoses. Au-delà de 4 interdoses quotidiennes, il faut re-consulter ou réévaluer le traitement (si hospitalisé). Si le patient a un effort à faire (accès douloureux prévisibles), il faut traiter ceci de manière préventive. Nécessité d évaluer la douleur par le patient : EVA toutes les heures par exemple, avec un carnet et un suivi au cours du temps

Surveillance du traitement 24 Normalement une prescription correcte ne doit pas entrainer : De dépression respiratoire De dépendance De sédation prolongée D occlusion digestive Si EI : surveillance de la fonction rénale, surdosage, aggravation de la maladie. Surveiller la fonction respiratoire : patient obèse, patient à fonction respiratoire altérée (patient BPCO = patient à risque). Suivi du patient : questions à poser lors de la délivrance d un morphinique Compréhension et acceptation du traitement? Hydratation suffisante? Somnolence? Efficacité? Transit régulier? Bien expliquer que l on est dans une zone thérapeutique, avec une concentration minimale et maximale qui va être la zone d analgésie : en-deçà, on aura de la douleur, au-delà, le patient manifestera des signes de sédation voire d hallucination.

25 Pharmacocinétique Résorption digestive différente entre une forme à libération immédiate et une forme LP (1h vs 3h) Métabolisme hépatique / glucuronidation en morphine3-glucuronide (inactif) et morphine-6-glucuronide (actif) et normorphine (actif) Clairance dépend du flux sanguin hépatique Elimination rénale à 75% : précaution d emploi chez personne âgée, IR (+ NN et nourrisson) Accumulation de métabolites +++ en cas d IR

26 Effets indésirables opioïdes forts SNC Sédation ou agitation psychomotrice Action psychoaffective : un état d euphorie avec une impression de bien-être, une dépression de l émotivité, et de l agressivité ou un état de dysphorie avec une impression de mal-être, une angoisse et, plus rarement, des hallucinations ; Confusion, hallucinations, cauchemars : signe de surdosage Cutané : prurit Système respiratoire Dépression respiratoire, bronchoconstriction, histaminolibération Système CV : bradycardie, hypotension / vasodilation /histaminolibération Système GI : N, V, ralentissement de la vidange gastrique, constipation, hyperpression voies biliaires Appareil urinaire : rétention urinaire Action sur l œil : myosis (surdosage +++) Système endocrinien : liberation favorisee de prolactine et diminution de la secretion d adrenocorticotrophine (ACTH), d hormone thyreostimulante (TSH), d hormone folliculostimulante (FSH) et d hormone luteinisante (LH).

27 Cas clinique : suivi et adaptation du traitement Evaluation à 24h ou au-delà de 2 interdoses sur 4h. Le médecin fait le bilan de la dose totale prise par Mr B. T0 : 10mg. 3 interdoses toutes les heures. T4h : 10mg. 3 interdoses toutes les heures. T8h : 10mg Soit à 8h, dose totale de 80mg soit 40mg toutes les 4h, avec une douleur cotée à 60 sur EVA, pas d effet secondaire. Le traitement est adapté ainsi : Actiskenan 20 mg, 2 gélules toutes les 4h soit 40x6=240 mg/j Suivi : douleur à l EVA reste aux environs de 40-50. Augmentation de la dose toutes les 4h par palier de 50%, soit 60mg : 360 mg/j. 48h après, la douleur est < 20 sur l EVA Pas de limite de dose avec la morphine

28 Commentaires Le traitement est stabilisé avec une analgésie efficace, sans EI et sans interdoses. Le médecin, à partir de ce stade, propose au patient de simplifier le traitement et de remplacer la morphine LI par une forme LP, 2 fois par jour. Il ajoute la prescription éventuelle d interdoses (1/6ème à 1/10ème de la dose totale quotidienne) pour traiter les accès douloureux transitoires si besoin. Les pics douloureux transitoires sont traités par morphine LI. Ainsi, toute prescription de LP suppose une prescription de LI à la demande

29 Cas clinique Au troisième jour, l ordonnance de Mr B est la suivante : Skenan LP, 180 mg matin et soir Actiskenan 30 mg si pic douloureux Forlax 1 à 2 sachets par jour Un mois plus tard, Mr B prend 360 mg de Skenan par jour en ayant peu recours aux interdoses, mais il présente des symptômes de confusion, de la somnolence et des nausées. Le traitement antalgique est efficace Étiologie? Quelles sont les questions à se poser? Conduite à tenir?

30 Commentaires Signes d intolérance à la morphine Questions à poser : Insuffisance rénale? risque d accumulation des métabolites. Un bilan biologique se révèle normal. Augmentation trop importante des doses de morphine? Le médecin hésite à diminuer une dose efficace avec peu d interdoses Utilisation d autres médicaments? Psychotropes? Le patient interrogé ne prend pas de BZD. Conclusion : cas d intolérance à la morphine, impliquant une nouvelle attitude thérapeutique et une rotation des opioïdes.

Rotation des opioïdes 31 Hydromorphone : Sophidone LP de 4 à 24 mg toutes les 12h. Anecdotique, Oxycodone, plus simple d emploi et plus efficace. Oxycontin LP de 5 à 80mg toutes les 12h Oxynorm LI de 5 à 20 mg toutes les 4h OxynormORO de 5 à 20 mg, orodispersible Oxycodone, positionné en 1ère intention en face du sulfate de morphine dans de nombreuses recommandations. NB : aux Etats-Unis, détournement de son utilisation. Lors d une rotation des opioïdes, on veille toujours à l équianalgésie. 60 mg de morphine = 30 mg d oxycodone et 8 mg hydromorphone. On s assure de garder la voie orale. Hydromorphone : dose équianalgésique, les interdoses sont composées de morphine LI, équivalente aux 1/10ème de dose quotidienne de morphine équianalgésique Oxycodone : dose équianalgésique, avec des interdoses à base d oxycodone à LI équivalente au 1/10ème de la dose quotidienne d oxycodone.

Oxycodone 32

33

34 Cas clinique Nouveau traitement Le premier jour Skenan 180 mg le matin Oxycontin LP 90 mg le soir à 8h Le lendemain Oxycontin LP 90 mg matin et soir Oxynorm 15 mg par prise si pic douloureux. Au-delà de 5 prises d Oxynorm, réévaluation de la douleur et du traitement. Plus un laxatif!

Cas clinique 35 Le nouveau traitement est apparemment efficace : cotation de la douleur stabilisée à 10/20 sur EVA et Mr B a peu recours à des interdoses. Diminution des signes de somnolence et hallucinations, seules persistent les nausées. Le médecin lui propose de remplacer les formes orales par un patch (dispositif transdermique).

Fentanyl transdermique 36 Dosages : 12µg/h, 25µg/h, 50µg/h, 75µg/h et 100 µg/h Indications : Chez l'adulte : traitement des douleurs chroniques sévères qui ne peuvent être correctement traitées que par des analgésiques opioïdes Douleurs non cancéreuses : non remboursé Démarche d équianalgésie. 60 mg de morphine = 30 mg d oxycodone = Patch de Fentanyl 25μg/h. Nouvelle prescription Durogésic (150 μg/h) Actiq 400 μg si pic douloureux

37 Fentanyl transdermique Métabolisme /CYP3A4 : interactions Fentanyl : effet sérotoninergique Effets indésirables : N, V, constipation, asthénie, somnolence, confusion, céphalées, vertiges, hallucinations. Intérêt de la forme transdermique : diminuer les risques de constipation, mais vigilance et règles HD, diminution des nausées et somnolences diurnes. Une survenue de somnolence est un signe d appel précoce de surdosage, particulièrement si diurne ou répétée.

Fentanyl transdermique 38 Utilisation du patch de Durogésic : Délai d action de 12h : Poser le premier patch lors de la dernière prise de morphinique oral. Durée d action : 72h 17h après le retrait, les concentrations de fentanyl diminuent de 50%, impliquant une surveillance du patient pendant 24h lors d un remplacement. Modalité d utilisation du dispositif transdermique : nécessité d information lors de la délivrance. Conseil de pose et retrait : peau saine et propre, ne pas raser etc. Haut du corps : thorax, dos, partie supérieure du bras Situations à risque : élévation de la température cutanée ( absorption du Fentanyl), ex fièvre ou sources de chaleur ; oubli de retrait du dispositif ; applications multiples ; découpage ; automédication ; ingestion.

39 Fentanyl transmuqueux Actiq est indiqué pour le traitement des accès douloureux paroxystiques chez des patients recevant déjà un traitement de fond morphinique pour des douleurs chroniques d'origine cancéreuse. Un accès douloureux paroxystique (ADP, 64% patients cancéreux) est une exacerbation passagère d'une douleur chronique par ailleurs contrôlée par un traitement de fond. Les patients recevant un traitement de fond morphinique sont ceux prenant au moins 60 mg de morphine par voie orale par jour, au moins 25 microgrammes de fentanyl transdermique par heure, au moins 30 mg d'oxycodone par jour, au moins 8 mg d'hydromorphone par voie orale par jour ou une dose équianalgésique d'un autre opioïde pendant une durée d'au moins une semaine.

Indications des formes transmuqueuses de fentanyl 40

41 Formes galéniques du fentanyl transmuqueux à libération immédiate V Gibaja, courrier des addictions, 2015;3: 18-20

42 Fentanyl transmuqueux Abstral, Fentanyl comprimé sublinguaux. Dose initiale : 100 μg, mais posologie individuelle à déterminer par titration pour chaque patient EI du Fentanyl risques de surdosage en cas de mucite Effentora : Fentanyl comprimé gingivaux effervescents Plaquette thermoformée à placer immédiatement dans la cavité buccale (près d une molaire, entre joue et gencive. Ne pas sucer, mâcher ou avaler le comprimé. Temps de désintégration : 15 à 25 minutes long! Risques de douleurs, ulcères, brûlures au site d application Instanyl : Fentanyl en spray nasal Dosage de 50 à 200 μg/dose Dose initiale de 50μg dans une narine. Si insuffisant, même dose au bout de 10 min

43 Fentanyl transmuqueux Pecfent : Fentanyl en solution pour pulvésirastion nasale 100 à 400μg, 100μg initial, 4h avant nouvelle dose, max 4 doses /j Un flacon entamé se conserve 60j Précaution chez la personne âgée (mésusage ++) Breakyl : film orodispersible de Fentanyl Soluble, rectangulaire, plat à deux faces : roses (contient le fentanyl) et blanche (minimise la libération dans la salive) en sachet individuel De 200 à 1200 μg (tailles différentes), 200μg initial Appliquer la face rose sur la muqueuse buccale de la joue. Ne pas manger, ne pas mâcher, attention si mucite. Dissolution en 15 à 30 min. Mésusages +++, beaucoup de prescriptions

V Gibaja, courrier des addictions, 2015;3: 18-20 44

V Gibaja, courrier des addictions, 2015;3: 18-20 45

46 Médicaments utilisés dans les douleurs neuropathiques

47 RECOMMANDATIONS DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D EVALUATION ET DE TRAITEMENT DE LA DOULEUR Douleur chronique non cancéreuse

48 Recommandations sur les opioïdes forts (SFETD) (1) Certaines douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC) peuvent justifier l utilisation d opioïdes forts au long cours, après échec des thérapeutiques de première intention notamment : l arthrose des membres inférieurs les lombalgies chroniques les douleurs neuropathiques Il est recommandé de ne pas utiliser d opioïdes forts dans le traitement des maladies dites dysfonctionnelles et notamment dans la fibromyalgie Il est recommandé de ne pas utiliser d opioïdes forts dans le traitement des céphalées primaires et notamment de la migraine Il n est pas recommandé de poursuivre un opioïde fort au-delà de 3 mois en l absence de bénéfice sur au moins un des aspects suivants: Soulagement de la douleur Amélioration de la fonction Amélioration de la qualité de vie

Recommandations sur les opioïdes forts (SFETD) (2) Il est recommandé de prévenir les effets secondaires les plus fréquents (constipations, nausées, vomissements) par un traitement symptomatique anticipé et en suivant des règles hygiéno-diététiques, systématiquement proposé sur l ordonnance. 49 Il est fortement recommandé de rechercher des facteurs de risque de mésusage des opioïdes avant toute prescription d opioïdes forts (outil ORT) Lors du suivi d un patient sous traitement opioïde fort au long cours, il est recommandé de rechercher un mésusage lors de chaque renouvellement d ordonnance (outil POMI) et demander un avis spécialisé le cas échéant Il est recommandé de privilégier les formes à libération prolongée dans les DCNC Il est recommandé de ne pas utiliser les formes de fentanyl transmuqueux à libération rapide dans la prise en charge des DCNC