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Transcription:

Le médecin généraliste et le rétinologue en 2011: nouveautés Drs Véronique Pagot-Mathis, Sylvain Auriol, Laurence Mahieu INTRODUCTION L allongement de l espérance de vie dans nos pays industrialisés a fait augmenter la fréquence de deux maculopathies acquises, la maculopathie diabétique et la DMLA dont la prise en charge s est considérablement modifiée avec l avènement des anti-vegf. De nouveaux corticoïdes intra-vitréens permettent le traitement d autre maculopathie secondaire aux thromboses veineuses. Ces traitements invasifs sont répétitifs et non dénués de risque que le médecin généraliste doit connaitre. LA DMLA Les formes tardives correspondent aux complications atrophiques (forme «sèche») et néovasculaires (forme «humide»). La forme atrophique «sèche» est une atrophie progressive des différentes couches cellulaires (épithélium pigmentaire, photorécepteurs et choriocapillaire). La forme exsudative «humide» est une prolifération anormale de vaisseaux néoformés sous la rétine à partir de la vascularisation choroïdienne. Ces néovaisseaux choroïdiens (NVC) laissent diffuser sous et dans la rétine du sang et des fluides qui sont à l origine des troubles visuels. Cette accumulation de fluides explique la terminologie de forme «humide». Ces 2 formes (atrophique et exsudative) conduisent

inéluctablement à la destruction des photorécepteurs maculaires et la perte de la vision centrale. La forme atrophique n a pas de traitement efficace. Le traitement des complications néovasculaires caractérisant la forme dite humide a été révolutionné par les injections intra-vitréennes d anti-vegf, tel que le Lucentis. Le protocole de base consiste en 3 injections à 1 mois d intervalle, avec un contrôle au quatrième mois de l acuité visuelle et par OCT (optical cohérence tomography). Les IVT sont continuées jusqu à amélioration de l acuité visuelle (AV) et normalité de l OCT. L OEDÈME MACULAIRE DIABÉTIQUE La rétinopathie diabétique (RD) est actuellement la première cause de cécité avant 50 ans dans les pays industrialisés et la troisième cause après 50 ans derrière la DMLA et le glaucome. Après 15 ans d évolution, 2% des diabétiques sont en état de cécité légale (acuité visuelle < 1/20) et 10% sont malvoyants (acuité visuelle < 3/10), essentiellement par les complications de la rétinopathie diabétique proliférante pour les diabétiques de type 1 et un œdème maculaire (OM) pour les diabétiques de type 2. L OCT et l angiographie à la fluoroscéine sont les 2 examens complémentaires de référence de diagnostic et de suivi de l OM.

Les IVT de corticoides font partie du traitement de base de l OM avec la photocoagulation au laser. La triamcinolone (Kénacort) en IVT permet de réduire les oedèmes maculaires résistants au traitement habituels par photocoagulation laser. Le Kénacort peut entrainer des endophtalmies et un glaucome (douleurs oculaires). Ce produit n'a jamais reçu l'amm en ophtalmologie pour son utilisation intravitréenne. L OEDÈME MACULAIRE DES THROMBOSES VEINEUSES L oedème maculaire est une complication des thromboses veineuses de branche ou des occlusions de la veine centrale de la rétine. Le traitement classique repose sur les IVT de Kénacort (hors AMM) et la photocoagulation au laser. LES ANTI-VEGF ET LES CORTICOIDES L oedème maculaire, quelque soit son étiologie, DMLA, diabète ou thrombose veineuse, est du à un problème complexe dans lequel plusieurs facteurs entrent en jeu, au premier rang desquels, l inflammation et des facteurs angiogéniques. Les anti-vegf par leur action antiangiogénique, les corticoides par leur action antiangiogénique et anti-inflammatoire ont montré leur efficacité en administration intra-vitréenne dans ces pathologies. Le Lucentis est aujourd hui couramment ultilisé dans le traitement des complications néovasculaires

de la DMLA en IVT et sur ordonnance de produit d exception, il est remboursé à 100% par la SECU. L Avastin, utilisé également dans la DMLA est utilisé off label avec la même efficacité. Le Lucentis va obtenir à la fin de l année son remboursement dans le traitement de l OM diabétique et a déjà son AMM. Trois injections seront pratiquées à 1 mois d intervalle, et les réinjections dépendront de l amélioration de l acuité visuelle. Le Kénacort est utilisé off label dans le traitement de l OM diabétique et des thromboses veineuses. Le seul corticoide qui aujourd hui a obtenu l AMM et son remboursement à 100% par la SECU est l Ozurdex, qui est un dispositif intra-vitréen à injecter par IVT dans le traitement des thromboses veineuses prescrit sur une ordonnance de médicament d exception comme dispositif intra-oculaire. Des réinjections d Ozurdex sont prévues au bout de 6 mois en cas de récidives. PLACE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE Les anti-vegf type Lucentis ont peu de complications et de contre-indications si l on en croit la notice officielle. Cependant nous contre-indiquons le Lucentis chez les sujets ayants présentés: un syndrome coronarien aigu récent (< 3 mois), un accident vasculaire cérébral récent (< 3 mois), une artériopathie des membres inférieures stade III et IV,

des modifications électriques de l'électrocardiogramme (ECG) ou des anomalies cliniques évocatrices de pathologie vasculaire non stabilisée. Dans ces cas, un anti-vegf plus sélectif (anti-vegf-a, Macugen) peut être injecté si cela est capital sur le pla fonctionnel (monophtalme). Des accidents généraux post-ivt ont été recensés dans le service aprés IVT d anti-vegf: 11 patients sur 84 (lors d une thèse 2010) (13,1%) ont présenté les complications suivantes : 7 complications cardiaques (8,3%) : une coronaropathie chez cinq patients, une tachycardie sinusale chez un patient et une aggravation d une HTA puis décès chez une patiente. 2 complications vasculaires (2,4%) : un accident vasculaire cérébral (AVC) chez un patient porteur d une polykystose rénale et une démence d origine vasculaire chez un autre patient. 2 patients (2,4%) ont présenté des troubles cognitifs dont l un a eu en plus une thrombopénie sévère. Le risque d effets secondaires après IVT de Lucentis ne doit pas être ignoré. Les IVT de corticoides n ont pas d effets délétères généraux, mais peuvent augmenter le

risque d endophtalmies post-ivt et le médecin généraliste doit savoir reconnaître les signes oculaires évoquant une complication infectieuse post-ivt : œil rouge et douloureux, associé ou non à des sécrétions purulentes. Par ailleurs, le médecin généraliste participe à la prévention primaire et secondaire de la DMLA. Il participe également à la recherche des facteurs de risque d œdème maculaire dans la rétinopathie daibétique (recherche du syndrome d apnée du sommeil, d HTA nocturne ). On sait également que le risque d AVC ou d infarctus du myocarde est mulitiplié par 2 chez les patients atteints de thromboses veineuses entre 43 et 69 ans. CONCLUSION Le rythme des IVT chez les patients atteints de DMLA, de complications oculaires liées au diabète, de thromboses veineuses va croitre dans les mois à venir et devient le quotidien de ces patients. Les complications générales cardio-vasculaires en particulier, chez des patients diabétiques fragiles ne doivent pas être ignorées et le médecin généraliste reste au premier plan dans la surveillance médicale post- IVT qui ne doivent pas être banalisées par l ophtalmologiste.

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