Que faire en cas d antécédent ou d apparition de réactions à l administration IV de rituximab : intolérance immédiate et retardée?

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Transcription:

8 Prise en charge pratique des patients sous rituximab Que faire en cas d antécédent ou d apparition de réactions à l administration IV de rituximab : intolérance immédiate et retardée? Evidence Based Medicine Recommandations officielles Avis des experts Les perfusions intraveineuses IV de rituximab sont susceptibles d induire des réactions d intensité variable, mais qui sont le plus souvent bénignes. Ces réactions ont été largement étudiées et font l objet de mesures préventives efficaces, notamment une prémédication par administration intraveineuse de glucocorticoïdes. L administration sous-cutanée du rituximab 1400 mg n est autorisée qu en hématologie et ne sera donc pas traitée dans cette fiche. Description des réactions cutanées lors de l administration de rituximab L incidence globale des réactions liées à la perfusion dans les essais cliniques a été d environ 20% lors de la 1 ère perfusion et a diminué lors des perfusions ultérieures. Les réactions graves liées à la perfusion sont peu fréquentes (0,5% des patients) et ont été observées principalement lors du 1 er cycle. Ces réactions justifient une surveillance médicale au cours de l administration du produit et des mesures préventives qui seront décrites plus loin. Elles peuvent comporter en cas de perfusion IV : Fièvre, frissons et tremblements Fatigue, céphalées Erythème, rash urticarien, angio-œdème Nausées, vomissements Irritation laryngée, rhinite, toux, bronchospasme Hypo ou hypertension Une prémédication par glucocorticoïdes est conseillée de façon systématique, en association avec un antipyrétique (par exemple paracétamol) et un antihistaminique avant chaque injection de rituximab, et plus particulièrement avant la 1 ère perfusion IV de chaque cycle. La posologie conseillée est de 100 mg de méthyl-prednisolone par voie IV 30 minutes avant la perfusion de rituximab. La prémédication par corticothérapie n est pas prescrite pour améliorer l efficacité du traitement, mais seulement sa tolérance (hypersensibilité). L intérêt de la corticothérapie pour diminuer les réactions aiguës à la 1 ère perfusion est démontré alors que celui des antipyrétiques et antihistaminiques est simple-

ment justifié par le fait que toutes les études les ont utilisés, mais sans preuve scientifique de leur apport (1). En effet, l étude DANCER (2) a comparé la tolérance du rituximab selon que 100 mg de méthyl-prednisolone ont été ou non administrés par voie IV 30 minutes avant la perfusion de rituximab : 37% des patients non prémédiqués ont présenté une réaction aiguë liée à la 1 ère perfusion contre 29% de ceux ayant reçu une prémédication par glucocorticoïde IV (Tableau 1). Cette différence est suffisamment significative pour que la prémédication intraveineuse soit conseillée. Les réactions cutanées ont principalement été d intensité légère à modérée (grade 1 ou 2). Tableau 1. Réaction à la 1 ère perfusion selon la posologie de rituximab et la prémédication par glucocorticoïdes IV (2) Réaction à la perfusion Placebo Rituximab 2 x 500 mg Rituximab 2 x 1 g Sans corticoïde 14% 32% 37% Avec corticoïde 14% 19% 29% Au cours ou après la 2 ème perfusion, les réactions sont moins fréquentes (Tableau 2). Tableau 2. Incidence des réactions à la perfusion selon le nombre de traitements (2) 1 er Traitement (n = 1053) 2 ème Traitement (n = 684) 3 ème Traitement (n = 400) 4 ème Traitement (n = 142) 5 ème Traitement (n = 41) 1 ère perfusion 2 ème perfusion 26% dont 5 ES* 9% dont 5 ES 14% dont 1 ES 5% dont 1 ES ES : événements sérieux ; * une seule réaction anaphylactoïde 10% 11% 10% 2% 2% 2% En cas de pathologie associée (par exemple diabète mal équilibré) pour laquelle une injection de 100 mg de méthyl-prednisolone représenterait un risque thérapeutique, le rituximab peut être injecté sans corticoïdes, même pour une 1 ère injection. Mécanisme des réactions à l administration Ces réactions à la perfusion ont été attribuées à deux phénomènes : Un relargage cytokinique induit par la lyse cellulaire des lymphocytes B. Au cours des maladies inflammatoires, comme la PR, le phénomène de lyse cellulaire est moins

massif que dans un lymphome mais suffisant pour pouvoir entraîner des réactions. Ce syndrome de relargage cytokinique apparaît fréquemment pendant la première ou la deuxième heure qui suit le début de la 1 ère perfusion. L administration intraveineuse de protéines peut provoquer des réactions anaphylactoïdes ou d autres réactions d hypersensibilité. En opposition au syndrome de relargage, une réelle hypersensibilité apparaît habituellement dans les minutes qui suivent le début de la perfusion. Le rôle du développement d anticorps anti-anticorps chimériques (HACA) a été discuté. Aucune relation n a cependant été trouvée entre ces réactions et la présence d anticorps humains anti-chimériques (HACA), observés chez 10% des patients. S il est peu vraisemblable que de tels anticorps interviennent dans la grande majorité des réactions, qui surviennent, rappelons le, majoritairement lors de la 1 ère administration du produit, ces anticorps ont plus probablement un rôle dans les phénomènes allergiques ultérieurs survenant plusieurs jours après les perfusions suivantes (réactions de type maladie sérique). Prévention des réactions à la perfusion Les réactions à la perfusion IV peuvent dans une large mesure être prévenues ou atténuées par les mesures suivantes : Administration 1 heure avant la perfusion d une prémédication qui comporte : Antihistaminiques IV : par exemple, 5 mg IV de maléate de dexchlorphéniramine Paracétamol : 1g IV Méthyl-prednisolone : 100 mg IV Paracétamol et antihistaminiques peuvent être donnés per os Débit de perfusion IV très progressif : Le RCP du rituximab précise qu il est recommandé de débuter la 1 ère perfusion à une vitesse de 50 mg/h ; après les 30 premières minutes, la vitesse de la perfusion peut être augmentée par paliers de 50 mg/h toutes les 30 minutes, jusqu à un maximum de 400 mg/h. Pour la deuxième perfusion de chaque traitement, la vitesse initiale peut être de 100 mg/h, puis augmentée par paliers de 100 mg/h toutes les 30 minutes, jusqu à un maximum de 400 mg/h. On peut proposer un débit de perfusion plus lent pour la 1 ère perfusion, par exemple 25 ml/h pendant 30 minutes, puis multiplier par deux le débit de perfusion toutes les 30 minutes en l absence de réaction allergique, jusqu à un maximum de 400 mg/h. Dans le cas d une administration par voie IV, il est nécessaire d instaurer une surveillance médicale rapprochée, avec mesure du pouls et de la pression artérielle toutes les 30 minutes (ou dynamap).

Que faire devant une réaction au cours d une administration de rituximab? La conduite à tenir dépend de la nature et de l importance de la réaction : Devant des réactions mineures ou modérées : Les réactions sont le plus souvent réversibles à la simple diminution de vitesse de la perfusion. On proposera donc successivement : Diminution par 2 du débit de perfusion (par exemple : diminution de 100 ml/h à 50 ml/h) Avec éventuellement administration d un antipyrétique IV (paracétamol) ou d un antihistaminique Arrêt de la perfusion si la diminution ne suffit pas à faire céder les symptômes Reprise de la perfusion à un débit inférieur après sédation complète de la symptomatologie. Devant des réactions sévères, (choc, réaction anaphylactique, bronchospasme), on proposera : Arrêt immédiat et définitif de la perfusion Mesures de réanimation appropriées Adrénaline, antihistaminiques et glucocorticoïdes en cas de réaction anaphylactique Pas de reprise ultérieure du produit. Les réactions d hypersensibilité retardée Des réactions d hypersensibilité retardée à type de maladie sérique ont été décrites au cours de traitements par rituximab. Ces réactions, exceptionnelles après la 1 ère perfusion, surviennent entre le 3 ème et le 12 ème jour après une perfusion ultérieure, et associent une fièvre, un rash urticarien, des arthralgies et parfois des arthrites. Ces réactions cèdent le plus souvent spontanément en quelques jours. Elles ont essentiellement été décrites dans le traitement de maladies systémiques : lupus, syndrome de Sjögren, cytopénies auto-immunes (3, 4).

Références 1. Smolen JS, Keystone EC, Emery P et al. Group on the Rituximab Consensus Statement. Consensus statement on the use of rituximab in patients with rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2007;66:143-50. 2. Emery P, Fleischmann R, Filipowicz-Sosnowska A et al. DANCER Study Group. The efficacy and safety of rituximab in patients with active rheumatoid arthritis despite methotrexate treatment: results of a phase IIB randomized, double-blind, placebo-controlled, dose-ranging trial. Arthritis Rheum 2006;54:1390-400. 3. Todd DJ, Helfgott SM. Serum Sickness Following Treatment with Rituximab. J Rheumatol 2007;34:430-3. 4. Seror R, Sordet C, Guillevin L, et al. Tolerance and efficacy of rituximab and changes in serum B cell biomarkers in patients with systemic complications of primary Sjogren s syndrome. Ann Rheum Dis 2007;66:351-7.