1 5 avril 2012 ARTISANS ET AUTO-ENTREPRENEURS I. Les statuts des artisans L appartenance au secteur de l artisanat est déterminée par trois critères : la nature de l activité, l immatriculation au Répertoire des métiers et la taille de l entreprise. La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l artisanat donne la définition suivante : «Exploite une entreprise artisanale et doit être immatriculée au Répertoire des métiers, toute personne physique ou morale, qui n'emploie pas plus de dix salariés, qui exerce une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service et figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'etat». Le critère de la taille doit être relativisé puisque une entreprise créée avec moins de 11 salariés peut conserver son caractère artisanal si le chef d entreprise ou son conjoint dispose de la qualité d artisan ou de maître artisan. Cependant, les entreprises de plus de 10 salariés représentent seulement 5% des entreprises artisanales. Selon l Insee, au 1 er janvier 2010, la France comptait 997 000 entreprises artisanales 1. L activité artisanale peut être exercée à titre principal ou secondaire. Elle peut être exercée en entreprise individuelle ou sous forme sociétaire. Le chef d entreprise qui choisit le mode de l entreprise individuelle pour exercer son activité est considéré en tant que personne physique, ses bénéfices sont soumis à l impôt sur le revenu et sa couverture sociale dépend du régime des travailleurs indépendants 2. Plus de la moitié des entreprises artisanales sont des entreprises individuelles. Le régime de l Entrepreneur individuel à Responsabilité Limitée (EIRL) 3, entré en vigueur le 1 er janvier 2011, répond partiellement aux demandes des artisans, représentés par l Union Professionnelle Artisanale (UPA). Il permet notamment de mieux protéger les biens personnels du chef d entreprise individuelle. Il est possible de créer une EIRL sans apport. En outre, les formalités de création ont été grandement simplifiées, même si l UPA souhaiterait davantage de simplifications. L UPA souligne cependant que la réussite de ce nouveau régime dépendra de l ampleur du plan de communication qui sera déployé ainsi que du comportement des banquiers. Actuellement, 57% des entreprises artisanales sont des entreprises individuelles. 1 Hors auto-entreprises. 2 Le Régime Social des Indépendants (RSI), né en 2006 de la fusion des caisses de protection sociale des chefs d entreprise, est un régime de sécurité sociale, administré par des représentants de ses assurés, artisans, commerçants et professions libérales. Il s agit du 2 e régime de protection sociale français, il gère la protection sociale obligatoire de plus de 4 millions de chefs d entreprise indépendants et de leurs ayants-droit. 3 Introduit par la loi n 2010-658 du 15 juin 2010.
2 43% des artisans ont choisi d exercer sous la forme sociétaire (40% sous la forme d une SARL et 3% sous la forme d une autre personne morale). II. Le régime de l auto-entrepreneur Créé par la loi de modernisation de l économie (LME) du 4 août 2008 et entré en vigueur le 1 er janvier 2009, le régime de l auto-entrepreneur est un régime dérogatoire de l entreprise individuelle. Il s adresse à toute personne physique (étudiant, salarié, demandeur d emploi, retraité, entrepreneur) qui souhaite créer une entreprise individuelle pour exercer une activité artisanale, commerciale, ou indépendante, à titre principal ou accessoire, à condition que son chiffre d affaire ne dépasse pas 81 500 euros pour une activité commerciale et 32 600 euros pour les prestations de services et les activités libérales. Ce régime permet notamment de bénéficier d une procédure simplifiée de déclaration d activité et d un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l impôt sur le revenu (régime micro-social et micro-fiscal). Les auto-entrepreneurs doivent être franchisés de taxe sur la valeur ajoutée. Ils ne s acquittent donc pas de la TVA sur leurs prestations et livraisons de biens et ne déduisent pas non plus la TVA sur leurs propres achats. Le dirigeant de l auto-entreprise est un travailleur non salarié (indépendant), imposé au titre de l impôt sur le revenu. Les auto-entrepreneurs doivent opter pour le régime micro-social, c est-àdire le paiement de leurs charges sociales de manière forfaitaire, proportionnellement à leur chiffre d affaires. Les taux qui s appliquent au chiffre d affaires sont de : 12% pour une activité commerciale, 18,3% pour une activité libérale et 21,3% pour une activité de services. Si son chiffre d affaires est nul, l auto-entrepreneur ne paie pas de cotisations sociales minimales. Franchisé de TVA, ayant opté pour le régime micro-social, il peut opter pour le régime fiscal des auto-entrepreneurs- régime micro-fiscal - qui permet de s acquitter une fois pour toutes de l impôt sur le revenu dû en tant qu entrepreneur individuel en versant un pourcentage de chiffre d affaires aux organismes de sécurité sociale. Le taux est de 1% pour les commerçants, 1,7% pour les prestataires de services et 2,2% pour les activités libérales. Pour pouvoir bénéficier de ce régime, il faut que le revenu imposable du foyer fiscal de l avant-dernière année correspondant au revenu fiscal de référence soit inférieur à 26 420 euros (limite supérieure de la troisième tranche de l impôt sur le revenu). Au 31 janvier 2011, l Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) décomptait environ 660 000 comptes d auto-entrepreneurs ouverts. Cependant, seulement 225 000 ont généré un chiffre d affaires positif au 1 er trimestre 2011. Dans le domaine de l artisanat, l Insee décomptait environ 73 000 auto-entreprises en 2010. III. La concurrence entre les auto-entrepreneurs et les artisans L Union professionnelle artisanale (UPA) considère que le régime d auto-entrepreneur institue pour plusieurs raisons une «concurrence déloyale» vis-à-vis des artisans. Selon elle : «les conditions fiscales et réglementaires avantageuses, ainsi que l exemption de TVA octroyées aux auto-
3 entrepreneurs induisent des inégalités de traitement évidentes vis-à-vis des entreprises de droit commun, qu elles soient individuelles ou SARL. Et les possibilités d abus sont légion : de nombreux cas de salariat déguisé ont été amenés devant les tribunaux prud homaux» 4. 1) Absence de charge avant de réaliser un chiffre d affaires Tout d abord l UPA demande que les chefs d entreprise de l artisanat et du commerce de proximité (travailleurs indépendants) puissent, tout comme les auto-entrepreneurs, ne payer aucune charge tant qu ils ne réalisent pas de chiffre d affaires. En effet, contrairement aux autoentrepreneurs, les travailleurs indépendants qui relèvent du régime de droit commun, acquittent lors de leurs deux premières années d activité leurs cotisations sociales sur une base forfaitaire indépendamment de leurs revenus. Nicolas SARKOZY a proposé, dans le cadre de son programme pour l élection présidentielle de 2012, d aligner sur ce point («zéro chiffre d affaires, zéro charge») le régime de droit commun des travailleurs indépendants sur celui des auto-entrepreneurs. 5 2) La limitation dans le temps du régime d auto-entrepreneur L UPA demande en outre, que la possibilité de bénéficier des avantages du régime d autoentrepreneur soit limitée à un an. Pour l UPA : «Ce régime assorti de facilités fiscales et sociales doit en effet servir de rampe de lancement pour tous ceux qui portent un projet d entreprise et non pas de régime dérogatoire imposant une concurrence déloyale aux autres entreprises» 6. 3) La restriction du régime d auto-entrepreneur à l activité principale Pour la même raison, l UPA souhaite que la possibilité d utiliser le régime dérogatoire d auto-entrepreneur pour une activité accessoire soit supprimée. 4) Le renforcement des contrôles pour lutter contre la concurrence déloyale L UPA est favorable au renforcement des contrôles URSSAF et DGCCRF pour lutter contre la concurrence déloyale, la dissimulation de chiffre d affaires et le salariat déguisé 4 Extraits du livre «Penser autrement», UPA, Octobre 2011, p29. 5 Lors de l émission «Parole de candidat» sur TF1 le 12 mars 2012, Nicolas SARKOZY a déclaré «Les artisans ressentent comme une injustice que l auto-entrepreneur ne paye pas de charges quand il n a pas de chiffre d affaires. Les artisans seront traités exactement comme les auto-entrepreneurs. Vous ne paierez des charges qu à la minute où vous aurez un chiffre d affaires. C est 250 millions d euros que nous allons financer par l impôt minimum sur les grandes sociétés.». 6 Communiqué de presse de l UPA du 13 mars 2012.
4 5) Le problème de la qualification Les revendications de l UPA concernant la qualification, ont déjà été partiellement satisfaites par le décret du 11 mars 2010 relatif à la qualification artisanal qui oblige les auto-entrepreneurs au même titre que les artisans, à attester qu ils ont le niveau de qualification ou d expérience requis pour exercer l une des activités artisanales réglementées. La loi de finances rectificative pour 2009 7 a rendu obligatoire, à compter du 1 er avril 2010, l immatriculation au Répertoire des métiers des autoentrepreneurs qui exercent à titre principal une activité artisanale, tout en les exonérant pendant les trois premières années du paiement de la taxe pour frais de chambres de métiers. L UPA souhaiterait également que les auto-entrepreneurs qui exercent une activité artisanale à titre complémentaire soient inscrits au Répertoire des métiers (proposition émise par des députés du groupe UMP à l Assemblée nationale dans un rapport 8 ). L UPA a également proposé que les activités artisanales réglementées soient exclues du régime d auto-entrepreneur. 6) Les autres demandes de l UPA et les préoccupations des chefs d entreprise de l artisanat et du commerce de proximité Une ou des propositions de loi allant dans le sens des différentes demandes présentées pourraient être envisagées à la demande des membres du groupe. L UPA demande plus généralement une simplification accrue des démarches et des règles qui s appliquent aux entreprises de l artisanat et du commerce de proximité. L abaissement généralisé des cotisations sociales patronales constitue l une des priorités de l UPA. Réservée sur une compensation de la baisse des charges sociales par une hausse de TVA (principe de la TVA sociale), qu elle souhaite relativement modérée pour ne pas affecter la consommation des ménages, elle est davantage favorable à une augmentation de la CSG pour contribuer au financement de la protection sociale. Elle considère que la loi de finance rectificative pour 2012 (adoptée par le Parlement le 29 février) instaurant la «TVA sociale» a injustement lésé les travailleurs indépendants qui ne sont pas concernés par les allégements de cotisations familiales patronales. Pour l UPA les travailleurs non salariés, artisans, commerçants, agriculteurs, professionnels libéraux, seront pénalisés puisqu à revenu égal ils devront s acquitter d un niveau de charges plus important. Lors de sa rencontre avec Nicolas SARKOZY le 8 mars dernier, le président de l UPA, Jean LARDIN, a souligné cette demande des travailleurs indépendants de bénéficier de la baisse des cotisations familiales. Nicolas SARKOZY a repoussé cette mesure, la jugeant trop coûteuse. A la place, Nicolas SARKOZY a répondu, dans son programme, à une autre demande de l UPA : que les cotisations sociales des artisans et commerçants de proximité ne soient plus exigées a priori et forfaitairement mais en fonction du revenu dégagé, c est-à-dire du chiffre d affaires (cf.1.). En outre, l UPA s oppose à la remise en question de la réglementation limitant l ouverture des commerces le dimanche. 7 Loi n 2009-1674 du 30 décembre 2009, article 67. 8 Groupe UMP, Assemblée nationale, Pierre Morel-à-l Huissier, Isabelle Vasseur, Bernard Depierre :«L évaluation du régime de l auto-entrepreneur», Décembre 2010.
5 Selon une enquête de l UPA et de l institut I+C d octobre 2011, réalisée auprès d un échantillon représentatif de 3 150 entreprises de l artisanat et du commerce de proximité, les priorités de la prochaine mandature selon les chefs d entreprise de l artisanat et du commerce de proximité sont les suivantes : 1) Maîtrise des dépenses publiques et des dépenses sociales (63% estiment que c est une mesure prioritaire) 2) Baisse du coût du travail (58%) 3) Adaptation de toute loi ou réglementation à la spécificité des entreprises de l artisanat et du commerce de proximité. (32%) 4) Soutien financier pour la création, la reprise ou la modernisation d entreprises (31%)