Les tumeurs osseuses à la hanche

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Dossier Les tumeurs osseuses à la hanche Pierre Mary 1, Hubert Ducou Le Pointe 2 1 Service d orthopédie et de chirurgie réparatrice de l enfant, Hôpital d enfants Armand Trousseau, 26, avenue du Dr A. Netter, 75571 Paris Cedex 12 <pierre.mary@trs.aphp.fr> 2 Service de radiologie et imagerie médicale, Hôpital d enfants Armand Trousseau, 26, avenue du Dr A. Netter, 75571 Paris Cedex 12 Les douleurs de hanche, les boiteries sont des motifs fréquents de consultation chez l enfant et l adolescent. La découverte d une tumeur à ce niveau reste néanmoins assez rare, mais le diagnostic en est souvent retardé. Dans la grande majorité des cas, l examen clinique oriente d emblée vers cette articulation. La radiographie standard est suffisante pour avoir au moins une forte présomption diagnostique. Lorsque ce n est pas le cas, la scintigraphie et l IRM sont des aides importantes. En cas de doute sur l origine de la lésion, une biopsie sera faite en ayant toujours l idée que cette tumeur peut être maligne. Cette biopsie doit donc être faite au sien d équipes spécialisées, et seulement après avoir fait faire une IRM de l ensemble du segment osseux atteint. Mots clés : boiterie, tumeur bénigne, ostéosarcome, sarcome d Ewing, IRM, biopsie mtp Tirésàpart:P.Mary Introduction La découverte d une lésion osseuse quelle qu en soit la localisation est toujours source d angoisse pour le médecin qui en fait le diagnostic et pour la famille (crainte du «cancer des os»). Au niveau de la hanche, il est possible de découvrir différents types de tumeurs bénignes ou malignes, qui nécessitent très souvent des traitements chirurgicaux, car la fragilisation, par exemple, du col fémoral risque d aboutir à une fracture étant donné les contraintes importantes subies. Nous verrons successivement les circonstances de découverte, la démarche diagnostique à mettre en place, et enfin quelques tumeurs bénignes et malignes les plus fréquentes à la hanche, avec les grandes lignes des traitements, à titre d exemple. Les circonstances de découverte Lorsqu un enfant ou un adolescent se plaint de la hanche, il faut être très méfiant. L interrogatoire reste essentiel, même si on sait très bien que de toute façon, une radiographie est dans pratiquement tous les cas indispensable. La douleur osseuse peut se produire uniquement lors des efforts, être augmentée par les activités sportives, et cesser au repos : c est la description classique de la douleur mécanique. Elle peut tout à fait être le premier signe d une tumeur, certes plus fréquemment bénigne, car lorsqu un processus expansif fragilise l épiphyse fémorale supérieure ou le col, il se produit des microfractures invisibles sur la radiographie à l origine des épisodes douloureux. doi: 10.1684/mtp.2007.0057 138

Lorsque la douleur survient aussi la nuit, est peu influencée par les activités sportives, mal calmée par les antalgiques classiques, la suspicion de tumeur agressive est beaucoup plus importante. Trop souvent, des enfants consultent pour une douleur de hanche après un traumatisme sportif. On évoque un claquage, une tendinite. Il faut retenir que ces diagnostics n existent pas chez l enfant. Toute douleur de hanche d allure banale après un traumatisme doit être revue en consultation une dizaine de jours après l épisode initial, et si tout n est pas rentré dans l ordre, la réalisation d une radiographie est obligatoire. La boiterie d esquive est également un signe de souffrance de la hanche, imposant un examen clinique et un bilan radiographique. L examen clinique s intéresse à l ensemble des membres inférieurs (des orteils au rachis!). On examine la mobilité passive et active de la hanche en comparant par rapport au côté supposé sain. Le plus souvent, ce sont l abduction et la rotation interne qui sont limitées précocement. Un examen clinique strictement normal est compatible avec une tumeur de hanche. Dans tous les cas, la réalisation d une radiographie de bassin de face et profil de la hanche correspondante est obligatoire. Les fractures pathologiques ne sont pas exceptionnelles au niveau de la hanche. C est le problème de l urgentiste ou du chirurgien qui prendra en charge l enfant ou l adolescent. L essentiel est de voir que la fracture s est produite sur une zone pathologique. Les circonstances de l accident sont importantes. Une fracture diaphysaire du fémur chez un adolescent pour un traumatisme minime est hautement suspecte. En cas de doute, le traitement d urgence doit rester purement orthopédique (réduction orthopédique en cas de déplacement majeur et immobilisation plâtrée) avant de transférer l enfant dans un centre spécialisé. Il ne faut surtout pas aborder la lésion sans avoir de diagnostic, car s il s agit d une lésion maligne, l abord disséminera les cellules anormales à l ensemble de la zone abordée, ce qui obligera ensuite à une résection beaucoup plus importante. La découverte d une tuméfaction est une circonstance habituelle de découverte d une tumeur. C est rarement le cas au niveau de la hanche, car c est une articulation profonde, difficilement palpable. d une lésion lentement ou rapidement évolutive. Les éléments qui aident sont multiples. L âge est une donnée fondamentale, car certaines tumeurs n existent pas chez l enfant. C est le cas par exemple des tumeurs à cellules géantes qu on ne rencontre qu après fermeture des cartilages de croissance. De même, les chondrosarcomes sont rares chez l enfant. La localisation est aussi à prendre en compte. Certains segments osseux sont plus ou moins atteints par un type de tumeur. Une lésion d aspect malin au niveau du bassin est très probablement un sarcome d Ewing ; les ostéosarcomes y sont beaucoup moins fréquents. De plus, sur un même os, certaines tumeurs seront plus volontiers métaphysaires, ou diaphyso-métaphysaires, ou plus rarement épiphysaires. Une lésion ostéolytique de l épiphyse fémorale supérieure a toutes les chances d être un chondroblastome ou une infection. L aspect des appositions périostées est essentiel. Elles sont le témoin de la réaction du périoste lorsque l os subit une agression. Si le processus expansif évolue lentement, le périoste a le temps de réagir et essaye de limiter au maximum l évolution de la lésion en fabriquant des appositions périostées qui seront alors régulières, unilamellaires ou multilamellaires, en bulbe d oignon. Si l agression est rapide, le périoste est débordé ; les appositions ne peuvent se faire de manière harmonieuse. C est la classique image en feu d herbes. Un aspect particulier à bien connaître est celui de l éperon de Codman (figure 1). Enfin, s il existe des signes d envahissement des tissus mous avoisinants, il s agit très certainement d un processus agressif, rapidement évolutif. Les autres examens complémentaires La scintigraphie osseuse est utile dans deux circonstances différentes. Lors d une boiterie, il est parfois impossible de reconnaître la zone responsable, surtout chez le petit enfant. Cet Démarche diagnostique La radiographie standard de face du bassin et de profil des deux hanches est l examen de première intention. Très souvent, elle montre une zone d ostéolyse ou d ostéocondensation. Son interprétation n est pas un jeu de devinette et le but n est pas de faire un diagnostic anatomo-pathologique sur une radiographie. Il est de savoir si on est en présence Figure 1. La présence d un éperon de Codman est un témoin de la rapidité évolutive de la lésion expansive. 139

Les tumeurs osseuses à la hanche examen a alors l avantage de localiser précisément la zone atteinte s il existe un processus pathologique ostéoarticulaire. Inversement, si elle est strictement normale, on peut pratiquement éliminer un problème ostéoarticulaire. Elle a alors un rôle de dépistage. La radiographie standard montre une lésion ostéolytique par exemple localisée à la hanche. La réalisation de la scintigraphie est alors utile pour reconnaître d autres localisations osseuses, ce qui peut aider au diagnostic (métastases osseuses, lésions multiples de l histiocytose X). L IRM est l examen clé en matière de tumeur de l appareil locomoteur. Elle est indispensable avant d envisager toute biopsie osseuse d une lésion suspecte de malignité. Elle doit être faite selon des règles précises, incluant l ensemble du segment osseux intéressé afin de détecter d éventuelles métastases en saut de puce (skip metastase). Pour la hanche, si la lésion est fémorale, l ensemble du fémur est étudié ; si elle est cotyloïdienne, tout le bassin est analysé. Elle montre les limites de l atteinte corticale, de l éventuelle extension dans les tissus mous. Elle est capable de donner des renseignements sur la nature de la lésion (liquide, solide...), et de voir l extension intramédullaire. Elle doit comporter au moins une étude dans deux plans orthogonaux. Les séquences pondérées en T1 et en T2 sont réalisées comme dans tout examen IRM. L adjonction de séquences supprimant le signal de la graisse et notamment la séquence STIR est largement utilisée car elle réduit le signal de la graisse et augmente le signal tumoral. La tomodensitométrie garde néanmoins des indications lorsqu on cherche à préciser la localisation exacte d une lésion de petite taille purement osseuse comme un ostéome ostéoïde. Une fois ces différents examens réalisés, deux solutions se présentent : Il s agit manifestement d une lésion bénigne qui peut être soit surveillée simplement, soit traitée. Il s agit d une lésion qui paraît suspecte. La réalisation d une biopsie est indispensable. Elle ne peut être faite qu après l IRM qui reste l examen de référence. Cette biopsie doit être faite selon des règles précises, en ayant à l esprit qu en cas de malignité, le trajet de la biopsie devra être excisé en totalité. Cela impose donc de connaître la chirurgie de résection et de reconstruction de ces tumeurs. Les prélèvements seront systématiquement adressés pour analyse bactériologique, anatomo-pathologique et de plus en plus cytogénétique (impose une congélation rapide d un fragment tumoral). avec des recrudescences nocturnes, survenant souvent à la même heure, et bien calmée par les antalgiques classiques. Le diagnostic radiologique dans sa forme typique est celui d appositions périostées multiples, bien régulières, en bulbe d oignon. Au centre de ses appositions qui ne sont que réactionnelles, existe une petite zone lytique qui est la tumeur proprement dite (figure 2). C est cette zone qui devra être réséquée, soit chirurgicalement, soit par radiologie interventionnelle. Dès que la lésion est enlevée, les douleurs cessent. Parfois, la localisation n est pas évidente à la radiographie (par exemple, lors des ostéomes ostéoïdes de l arrière-fond cotyloïdien). La scintigraphie montre alors une fixation précise et intense. La TDM permettra de faire un repérage très précis. Le kyste osseux essentiel n est pas une tumeur à proprement parler. Il s agit d une lésion lytique, qui débute proche du cartilage de croissance, en zone métaphysaire, à point de départ plutôt central. Au niveau du col fémoral, le kyste osseux essentiel est souvent source de douleur plutôt mécanique par des microfractures, car la lésion fragilise le col. Parfois, c est une véritable fracture qui est révélatrice. La radiographie est assez typique (figure 3). La nidus Les tumeurs bénignes au niveau de la hanche : quelques exemples L ostéome ostéoïde est une lésion fréquente à ce niveau, tout à fait bénigne. La symptomatologie est marquée par des douleurs toujours localisées au même endroit, Figure 2. Ostéome ostéoïde du fémur. La TDM montre les appositions périostées régulières et la lésion tumorale (nidus). 140

Figure 4. Métastases osseuses multiples d un neuroblastome. Figure 3. Kyste osseux essentiel du col fémoral. absolument indispensable avant tout geste de biopsie, qu il soit chirurgical ou par radiologie interventionnelle. Le type de biopsie est toujours discuté avec le chirurgien qui prendra en charge l enfant s il se confirme que cette lésion est maligne. Lors de la biopsie, des prélèvements sont adressés en bactériologie, en anatomo-pathologie et d autres sont congelés pour analyse cytogénétique (recherche de la translocation 11/22 spécifique des sarcomes lésion est lytique, intra-osseuse, amincit la corticale sans la souffler. Il existe très souvent un petit liseré de condensation. Il n y a jamais d envahissement des tissus mous. L IRM prouvera le caractère liquidien de la lésion, avec parfois un niveau liquide bien visible. Lorsque le doute subsiste, une simple ponction à l aiguille retrouve un liquide citrin. Étant donné le risque fracturaire important, une ostéosynthèse est souvent indispensable, à laquelle on associe le curetage du kyste. Les tumeurs malignes Deux types de tumeurs osseuses malignes existent chez l enfant et l adolescent : l ostéosarcome et le sarcome d Ewing. Les lésions osseuses secondaires à une tumeur d un autre organe sont rares chez l enfant, en dehors des métastases du neuroblastome chez le petit enfant (figure 4). Même si leur traitement diffère, ainsi que leur pronostic, les grandes lignes de la prise en charge diagnostique et thérapeutique sont équivalentes. Le plus souvent, elles se révèlent par des douleurs osseuses intenses, qui ont tendance à s aggraver avec le temps, réveillent l enfant ou l adolescent pendant son sommeil. La radiographie standard laisse très souvent suspecter le diagnostic de processus expansif rapidement évolutif : association de zone d ostéolyse et d ostécondensation, rupture de la corticale, appositions périostées en feu d herbe, anarchique, envahissement des tissus mous (figure 5). L IRM est Figure 5. Ostéosarcome de l extrémité supérieure du fémur chez un adolescent. 141

Les tumeurs osseuses à la hanche d Ewing). Un bilan d extension comprenant une TDM thoracique à la recherche de métastases pulmonaires, une scintigraphie osseuse corps entier à la recherche de métastases osseuses, et dans certains cas, des biopsies médullaires doit être fait. Le traitement est lourd. Il comprend une chimiothérapie préopératoire, d une durée de 3 mois minimum, avec les complications habituelles de ces traitements (alopécie, vomissements, aplasie). Cette chimiothérapie préopératoire a pour but de faire diminuer le volume de la tumeur et d en nécroser la plus grande partie. Il est aussi de détruire les métastases détectées, ainsi que celles qui sont trop petites pour l être. Le traitement chirurgical vient ensuite. Le but est d ôter la tumeur dans son intégralité, avec une marge de sécurité suffisante. La reconstruction est un temps secondaire, même s il est essentiel. Au niveau de la hanche, il faut essayer de reconstruire la hanche en évitant si possible la mise en place d une prothèse. Malheureusement, c est souvent la seule solution raisonnable (figure 6). Les impératifs, bien difficiles à concilier, sont les suivants : Faire un montage stable qui permet à l enfant de reprendre une activité la plus normale possible rapidement, sachant qu il se trouve alors en chimiothérapie. On souhaite donc le contraindre le moins possible pendant cette difficile période. Faire une reconstruction qui soit la plus proche possible de l anatomie normale et qui n entrave pas la croissance, la fonction à long terme (figure 7). Les complications sont nombreuses dans ce type de chirurgie, car les temps opératoires sont importants, l état immunitaire de l enfant déficient. Cela explique la fréquence élevée des infections. De même, les chimiothérapies retardent la consolidation. Figure 7. Ostéosarcome de l aile iliaque droite reconstruit par ostéosynthèse et péroné vascularisé. La pièce de résection est ensuite analysée. Le pourcentage de cellules tumorales après la chimiothérapie préopératoire est un facteur pronostique très important. S il reste très élevé, la chimiothérapie postopératoire sera modifiée. La conservation du membre est maintenant la règle en chirurgie cancérologique. Elle a été rendue possible par les progrès de la chimiothérapie et de l imagerie médicale qui nous ont permis de limiter la tumeur, et de mieux la visualiser. Il est nécessaire de posséder toutes les techniques de reconstruction pour traiter ces enfants. Mais le choix est souvent difficile. Il dépend des caractéristiques de la tumeur et des possibilités techniques mais aussi de l enfant et de son entourage. Cela impose de discuter chaque cas avec l ensemble des intervenants médicaux (oncologues, radiologues, radiothérapeutes, anatomopathologistes) pour pouvoir proposer à l enfant et à sa famille les possibilités raisonnables. Le choix définitif ne peut se faire qu avec leur participation, après leur avoir expliqué les différentes options réalisables. Conclusion Figure 6. Sarcome d Ewing épiphyso-métaphysaire. Mise en place d une prothèse de hanche avec cupule à double mobilité. Les tumeurs au niveau de la hanche sont plus fréquemment bénignes que malignes. Néanmoins, le diagnostic dans les deux cas ne doit pas être retardé. Pour ce qui est des tumeurs bénignes, le risque de fracture du col fémoral est réel dans de nombreux cas. Pour les tumeurs malignes, en faire le diagnostic tardivement expose au risque d augmentation de volume de la tumeur et surtout à l évolution de localisations secondaires. Les circonstances de découverte les plus fréquentes sont l apparition de douleurs osseuses ou la survenue d une fracture pathologique. Un examen radiologique 142

standard est toujours la première étape nécessaire, et suffisante dans de nombreux cas pour avoir une idée pronostique. L examen clé par la suite est l IRM. Sa réalisation répond à des règles très précises. En cas de doute, une biopsie est faite, soit chirurgicalement, soit par radiologie interventionnelle. Dans tous les cas, elle ne peut être faite qu après l IRM, par des équipes rompues à cette pathologie. Pour en savoir plus 1. Conduite à tenir devant une image osseuse ou des parties molles d allure tumorale. Monographie du GETROA. Montpellier : Sauramps médical, 2004. 2. Les tumeurs osseuses de l enfant «De la prise en charge au vécu». Séminaire paramédical d orthopédie pédiatrique. Montpellier : Sauramps médical, 2001. 3. Les tumeurs malignes de l enfant. Monographie du GEOP. Montpellier : Sauramps médical, 2004. 143