Recommandation. Disponible en ligne sur Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008)

Documents pareils
Service d Urologie - Hôpital de la Conception - APHM. 2. Service de Gynécologie Obstétrique - Hôpital de la Conception - APHM. 3

DIU DE REEDUCATION PELVI-PERINEALE. Responsables de l enseignement :

Incontinence urinaire. DR.L.PEYRAT C.H.U. Tenon, Paris

INCONTINENCE URINAIRE

le bilan urodynamique Dr René Yiou, CHU Henri Mondor

L Incontinence Urinaire au FEMININ. Examen paraclinique. Résidu Post Mictionnel. Examen pelvien

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE

Traitements néoadjuvants des cancers du rectum. Pr. G. Portier CHU Purpan - Toulouse

Sommeil et sport Dr. Arnaud PRIGENT (Pneumologue à St LAURENT) sport et sommeil 01/06/2010

La déchirure. Les risques. Troubles périnéaux du post-partum. La déchirure

Le dropéridol n est pas un traitement à considérer pour le traitement de la migraine à l urgence

Prise en charge des déchirures périnéales obstétricales sévères. Courjon M, Ramanah R, Eckman A, Toubin C, Riethmuller D.

INCONTINENCE URINAIRE

La vessie neurogène (VN)

Ordonnance collective

Qui et quand opérer. au cours du traitement de l EI?

Avis 29 mai XYZALL 5 mg, comprimé B/14 (CIP : ) B/28 (CIP : ) Laboratoire UCB PHARMA SA.

Vaccination contre la grippe : enjeux pour les infirmières et les infirmiers

INTERFERON Traitement adjuvant du mélanome à haut risque de récidive. Dr Ingrid KUPFER-BESSAGUET Dermatologue CH de quimper

Chapitre 1 : Introduction à la rééducation périnéale

La réadaptation professionnelle des travailleurs lombalgiques : Présentation d'un modèle canadien

Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la

Evidence-based medicine en français

Incontinence anale du post-partum

Orthèse Narval O.R.M. L orthèse innovante et confortable dans le traitement du SAOS

LA RÉTENTION URINAIRE DU POST-PARTUM

L analyse documentaire : Comment faire des recherches, évaluer, synthétiser et présenter les preuves

Quoi de neuf dans la prise en charge du psoriasis?

Essais précoces non comparatifs : principes et calcul du nombre de sujets nécessaire

Objectifs pédagogiques Lecture critique d article

Présenté par Mélanie Dessureault, inf. clin. et Caroline Fortin, AIC radio-oncologie

Journées de cardiologie Jeudi 31 mai 2012 Dr JM DUPUIS Service de cardiologie CHU ANGERS

Incontinence urinaire en gériatrie. DR Depireux urologue DR Noël l interniste

Recommandations pour le traitement de l incontinence urinaire féminine par hyperactivité vésicale idiopathique réfractaire par neuromodulation sacrée

PRISE EN CHARGE DES LESIONS SPINCTERIENNES ANALES DU POST-PARTUM : DU CURATIF AU PREVENTIF

«Quelle information aux patients en recherche biomédicale? Quels enseignements en retirer pour la pratique quotidienne?»

Qu avez-vous appris pendant cet exposé?

TRAITEMENT DE L INCONTINENCE URINAIRE. Dr B Pogu Urologue FMC Sud Marne

Session Diagnostic. organisme gestionnaire du développement professionnel continu.

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Migraine et Abus de Médicaments

ÉVALUATION ET AMÉLIORATION DES PRATIQUES. Développement professionnel continu. Simulation en santé. Fiche technique méthode

Les nouveaux anticoagulants oraux, FA et AVC. Docteur Thalie TRAISSAC Hôpital Saint André CAPCV 15 février 2014

Le RIVAROXABAN (XARELTO ) dans l embolie pulmonaire

Prise en charge de l embolie pulmonaire

LA LOMBALGIE CHRONIQUE : Facteurs de risque, diagnostic, prise en charge thérapeutique

PRISE EN CHARGE DES PRE ECLAMPSIES. Jérôme KOUTSOULIS. IADE DAR CHU Kremlin-Bicêtre. 94 Gérard CORSIA. PH DAR CHU Pitié-Salpétrière.

Comprendre. son Psoriasis du Cuir Chevelu

Rapport sur les nouveaux médicaments brevetés Iressa

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 1 er octobre 2008

Incontinence urinaire : trop souvent taboue

Traitement médical de l incontinence SIFUD PP FMC

Carte de soins et d urgence

Les grandes études de télémédecine en France

urinaire féminine à l effort de la femme

Isabelle GONZALEZ Orthophoniste - Mérignac

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 23 mai 2007

ECHOGRAPHIE EN GYNECOLOGIE ET EN OBSTETRIQUE

Méthodologie documentaire spécifique au repérage d actions de terrain

Rééducation de la rééducation de l Incontinence Urinaire de l homme : Résultats. Guy Valancogne

2. Rechercher les études

Incontinence urinaire de la femme: quelle est la marche à suivre au cabinet du médecin de famille?

Essais cliniques de phase 0 : état de la littérature

PEUT ON PRESCRIRE HORS AMM? LE POINT DE VUE DU CLINICIEN

TRAUMATISME CRANIEN DE L ENFANT : conduite à tenir?

INFORMATION & PRÉVENTION. Le cancer de la vessie

23/01/2015. Les nouvelles structures (IHU et autres) Les petites dernières : les CRC. STRUCTURES de RECHERCHE CLINIQUE RECONNUES

ALTO : des outils d information sur les pathologies thromboemboliques veineuses ou artérielles et leur traitement

Troubles de la vigilance au travail. Tests d aide à la décision d aptitude et structures de dépistage du syndrome d apnées du sommeil à Grenoble

FUITES URINAIRES CHEZ LA FEMME

Parcours du patient cardiaque

Marseille 25 octobre 2012 Accompagnement du traitement chez les co-infectés VHC-VIH en pratique

S. Kernéis, T. Ancelle, V. Naneix-Laroche, N. Amrane, JP. Leroy, T. Hanslik, O. Launay

Contrôle difficile non prévu des voies aériennes: photographie des pratiques

Marie Curie Individual Fellowships. Jean Provost Marie Curie Postdoctoral Fellow, Institut Langevin, ESCPI, INSERM, France

Révision des descriptions génériques Comment monter un dossier?

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

Nouveaux Anticoagulants. Dr JF Lambert Service d hématologie CHUV

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

Bonne lecture!! et si vous souhaitez consulter le document de l AFEF dans son intégralité, c est ici

Introduction : Essais de phase I

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

Cas clinique 2. Florence JOLY, Caen François IBORRA, Montpellier

La rééducation périnéale en physiothérapie. Johanne Parisien pht

Contact SCD Nancy 1 : theses.sante@scd.uhp-nancy.fr

Greffe de moelle osseuse: Guérir ou se soigner?

Traitement de la cystalgie à urines claires de la femme

Les définitions des saignements ACS/PCI

Responsabilité du promoteur et obligations des soustraitants. cliniques : conformité aux Bonnes Pratiques Cliniques et point de vue de l inspection

E x t rait des Mises à jour en Gynécologie et Obstétri q u e

Supplément du BDK 24 : Aide à la recherche bibliographique

L usage du questionnaire ÖMPQ afin de réduire le risque d invalidité prolongée chez les travailleurs blessés

KEAT : premier électrostimulateur sans fil d auto-rééducation périnéale à domicile

InfoPOEMs. CHAQUE MOIS, Le Médecin du Québec publie une sélection de résumés d articles de recherche provenant de la banque

Carlo Diederich Directeur Santé&Spa. Tél / c.diederich@mondorf.lu

Définition, finalités et organisation

Liste des titres de formation autorisés par le CNOSF

PRISE EN CHARGE DE L INCONTINENCE URINAIRE DE LA FEMME EN MÉDECINE GÉNÉRALE

Transcription:

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008) 315 321 Recommandation Suivi des patients après injection de toxine botulique intradétrusorienne Recommandations de bonne pratique clinique chez le patient neurologique Patient follow-up after botulinum toxin intradetrusor injection Proposal for management in neurogenic patient M. de Sèze a,b, *, A. Ruffion c, F. Haab d, E. Chartier-Kastler e, P. Denys f, X. Game g, G. Karsenty h, J. Kerdraon i, B. Perrouin-Verbe j, C. Saussine k, J.-M. Soler l, G. Amarenco m a Service de médecine physique et de réadaptation, CHU Pellegrin, 33076 Bordeaux cedex, France b EA 4136 handicap et système nerveux, université Bordeaux-2, 33076 Bordeaux cedex, France c Service d urologie, hôpital Henry-Gabrielle, Saint-Genis-Laval, France d Service d urologie, Hôpital Tenon, Paris, France e Service d urologie, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie Paris-6, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France f Service de rééducation neurologique, hôpital Raymond-Poincaré, Garches, France g Service d urologie, hôpital Rangueil, Toulouse, France h Service d urologie, hôpital Sainte-Marguerite, Marseille, France i Centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles de Kerpape, Ploemeur, France j Service de médecine physique et de réadaptation, hôpital St-Jacques, Nantes, France k Service d urologie, hôpital Civil, Strasbourg, France l Centre de médecine physique et de réadaptation Bouffard-Vercelli, Cerbère, France m Service de rééducation neurologique et d explorations périnéales. hôpital Rothschild, Paris, France Reçu le 17 mars 2008 ; accepté le 20 mars 2008 http://france.elsevier.com/direct/annrmp/ Résumé Les injections intradétrusoriennes de toxine botulique A (TBA) constituent une révolution dans l arsenal thérapeutique de l hyperactivité neurogène du détrusor et sont aujourd hui considérées comme une alternative efficace à moyen terme, sure, simple et conservatrice après échec d un traitement anticholinergique bien conduit de l incontinence par hyperactivité neurogène du détrusor et de son retentissement clinique chez les patients en cathétérismes intermittents. En dépit de leur utilisation croissante dans cette indication, il n existe pas aujourd hui de recommandations standardisées pour le suivi neuro-urologique des patients après injection de toxine intradétrusorienne. Il n existe pas non plus de schéma thérapeutique distinguant dans cette population les patients chez lesquels le traitement était indiqué pour des indications fonctionnelles (troubles mictionnels irritatifs neurogènes) de ceux relevant d une indication organique (préjudice uronéphrologique et général de l hyperactivité neurogène du détrusor). L hétérogénéité des modalités de suivi post-thérapeutique grève l identification des paramètres optimums de modalités d injections intradétrusoriennes de TBA et de leur répétition. Nous proposons ici un guide de recommandations établi par un comité francophone multidisciplinaire expert en neuro-urologie pour le suivi neuro-urologique des patients traités par TBA intradétrusorienne, basé sur une analyse critique des données de la littérature. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Unité d évaluation et de traitement du handicap urinaire, service de médecine physique et de réadaptation, hôpital Tastet-Girard, CHU Pellegrin, 33076 Bordeaux cedex, France. Adresse e-mail : marianne.de-seze@chu-bordeaux.fr (M. de Sèze). 0168-6054/$ see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annrmp.2008.03.003

316 M. de Sèze et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008) 315 321 Abstract Injections of botulinum toxin into the detrusor is a major evolution for treatment of neurogenic bladder. They are now considered as a treatment of choice, safe and efficient, in refractory neurogenic overactivity in catheterized patient. To date, there are no consensual practical guidelines for the follow-up of patients having been treated by intradetrusor botulinum toxin, whatever the indication of the treatment, functional, that is, for improving continence and overactive bladder syndrome or organic, that is, for treatment of high-detrusor pressure and their deleterious impact of urinary tract. This lack of guidelines leads to heterogeneity of treatment management and limit the definition of optimal modalities of intradetrusor botulinum toxin treatment in neurogenic patients. The aim of your work, prepared jointly with the International Francophone Neuro-Urological expert study group (GENULF), aimed at putting forward well-informed specific recommendations for the follow-up of patients having been treated by intradetrusor botulinum toxin for functional or organic indication of neurogenic detrusor overactivity. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Vessies neurologiques ; Hyperactivité du détrusor ; Toxine botulique ; Injection intradétrusorienne ; Incontinence urinaire Keywords: Neurogenic bladder; Neurogenic detrusor overactivity; Botulinum toxin; Intradetrusor injection; Urinary incontinence 1. Introduction Les injections de toxine botulique A (TBA) intradétrusorienne se dessinent aujourd hui comme un traitement de choix de l hyperactivité vésicale et de l hyperactivité du détrusor d origine neurogène [4,7 9,13,16,22,23]. En dépit de leur large utilisation et de leur place croissante dans l arsenal thérapeutique des troubles vésicosphinctériens neurogènes, il n existe pas aujourd hui de recommandations consensuelles pour le suivi neuro-urologique des patients après injection de toxine intradétrusorienne [9,16,17]. Cette absence d évaluation thérapeutique standardisée grève l identification des modalités pratiques optimales de réalisation des injections de toxine botulique intradétrusorienne et de leur répétition [8,9]. Le premier temps de ce travail, réalisé conjointement avec le comité expert de neuro-urologie du groupe d étude neurourologique de langue française (GENULF) fut de réaliser une revue exhaustive de la littérature médicale consacrée aux données d efficacité et de tolérance des injections de toxine botulique dans le détrusor neurogène [13] et d en conduire une analyse critique selon la méthodologie basée sur les preuves préconisée par la Haute Autorité de santé [1] et le groupe d Evidence-Based Medicine d Oxford [11]. La seconde partie, réalisée au vu des données de cette analyse critique, est de proposer un guide de recommandations pour le suivi neurourologique des patients neurologiques après injection de toxine dans le détrusor adapté aux objectifs thérapeutiques préinjection. Ces recommandations ont été établies en distinguant deux sous-populations de patients neurologiques : ceux pour lesquels le traitement par TBA intradétrusorien était dicté par un objectif fonctionnel visant à réduire le syndrome d hyperactivité vésicale par hyperactivité neurogène du détrusor réfractaire aux thérapeutiques usuelles (incontinence notamment) et ceux pour lesquels l indication était organique (préservation uronéphrologique) visant à supprimer les facteurs de risque uronéphrologiques et généraux secondaires aux hautes pressions du détrusor. Ces recommandations ont obtenu l aval des sociétés savantes francophones d urologie et de médecine physique et de réadaptation (Association française d urologie, Société française de médecine physique et de réadaptation, Société interdisciplinaire francophone d urodynamique et de pelvipérinéologie). Elles ont pour objectif d harmoniser les modalités de suivi neuro-urologique après injection intradétrusorienne de toxine botulique chez le patient neurologique et d identifier les paramètre optimums de leur réalisation, en terme d indication, de modalités temporelles et spatiales d administration. Cette démarche vise à l amélioration de la qualité de soins et de vie des patients affectés de troubles vésicosphinctériens neurogènes en proposant un référentiel d experts. 2. Recommandations pour le suivi des injections de toxine botulique intradétrusorienne relevant d une indication neurogène fonctionnelle «Sont considérées comme indications fonctionnelles» les injections intradétrusoriennes de toxine botulique destinées à traiter (Fig. 1) l incontinence urinaire par hyperactivité neurogène du détrusor réfractaire aux traitements symptomatiques usuels et les troubles mictionnels irritatifs (pollakiurie, urgenturie) avec hyperactivité neurogène du détrusor réfractaire aux traitements symptomatiques usuels survenant chez un patient en cathétérisme intermittent ou apte à l être, réfractaire aux anticholinergiques et traitements symptomatiques usuels. 2.1. Évaluation préthérapeutique Réalisée préalablement à toute administration de toxine intradétrusorienne, il est recommandé qu elle comprenne cinq éléments cliniques et une cystomanométrie : l analyse d un calendrier mictionnel sur 72 heures renseignant sur le mode mictionnel, le nombre et volume moyen des mictions et sondages, le nombre de fuites, le nombre et le type de garniture ; un score de symptômes urinaires (type Urinary Symptom Profile [5]) ; une évaluation de la qualité de vie (questionnaire Qualiveen [2], échelle visuelle analogique) ; une analyse du nombre d épisodes d infections urinaires (définies par la présence contemporaine de symptômes cliniques évocateurs [modification du statut mictionnel ou neurologique, fièvre, urines sales ou mal odorantes] plus uroculture positive) ;

M. de Sèze et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008) 315 321 317 Fig. 1. Recommandations pour le suivi des injections de toxine botulique intradétrusorienne relevant d une indication neurogène fonctionnelle. le recueil des traitements en cours ; une exploration urodynamique incluant une cystomanométrie. Avant la première injection, il est également recommandé de s assurer de l absence de lithiase, de corps étranger intravésical et d anomalie endoscopique vésicale (échographie vésicorénale, abdomen sans préparation, cystoscopie) et d évaluer la fonction rénale (créatininémie, à compléter par clairance de la créatinine des urines de 24 heures et examens fonctionnels si anomalie). Avant toute administration de TBA intradétrusorienne, il conviendra de pratiquer une étude cytobactériologique des urines la semaine préalable à l injection de manière à réaliser une décontamination des urines par antibiothérapie adaptée au moins 48 heures avant l injection [3,20]. Il sera nécessaire de s assurer de l absence de pathologies ou de traitement perturbant l hémostase et de l absence d injection de toxine botulique intramusculaire (autre indication neurologique ou cosmétique) ou détrusorienne durant les trois mois précédents. 2.2. Évaluation post-thérapeutique après la première injection de toxine botulique détrusorienne Réalisée quatre à six semaines après l injection, elle comprendra les cinq éléments cliniques de l évaluation préthérapeutique, une évaluation de la tolérance avec recueil des effets secondaire et une cystomanométrie. La réalisation systématique d une cystomanométrie aprèsla première injection de toxine botulique chez un patient neurologique, dont l indication est fonctionnelle, est critiquable dans la mesure où l indication est précisément fonctionnelle sans facteurs urodynamiques péjoratifs pour le pronostic uronéphrologique et que l amélioration des paramètres cystomanométrique semble peu corrélée avec l amélioration de la qualité de vie [12]. Elle peut, en revanche, se justifier pour préciser le profil de réponse thérapeutique chez un patient naïf de TBA détrusorienne et favoriser ainsi l ajustement des modalités thérapeutiques ultérieures (rythmicité, posologie, modalités des réinjections). Cette seconde option de réalisation systématique d une cystomanométrie après première injection a été retenue par notre panel d expert et pourra être révisée dans le futur en fonction de la pertinence thérapeutique et pronostique des informations qu elle apporte au fil de l expérience de chacun. L évaluation de la tolérance s attachera, notamment, à préciser toute modification de l état clinique neurologique et général (capacités fonctionnelles, fonction respiratoire, fatigue, dysphagie...), l existence de complications urologiques (hématurie, infection urinaire, recrudescence des troubles irritatifs...) consécutive à l administration de toxine botulique intradétrusoriennne [6,13] et évaluera le confort de l injection,

318 M. de Sèze et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008) 315 321 afin de préciser les conditions anesthésiques optimales des éventuelles réinjections ultérieures. Au terme de cette première évaluation post-thérapeutique, s il existe une amélioration fonctionnelle significative du critère préthérapeutique (disparition des fuites urinaires et/ou des troubles mictionnels irritatifs), ces phases suivantes sont recommandées : de prévoir un suivi immédiat de l injection par contact téléphonique ou de consultation recherchant des effets secondaires immédiats de l injection ou de sa tolérance (sept à 14 jours postinjection) ; d instaurer une réduction progressive des thérapeutiques combinées pouvant aller jusqu à leur arrêt complet (anticholinergiques, alphabloquants...) [19,21] ; de programmer à six mois une consultation systématique basée sur l évaluation des paramètres cliniques d efficacité et de tolérance, qui sera complétée d une cystomanométrie en cas de réapparition des symptômes ayant justifié l indication ; les consultations ultérieures seront guidées par la réponse thérapeutique et seront recommandées lors de la réapparition des symptômes préthérapeutiques. Au terme de cette première évaluation post-thérapeutique, si le bénéfice fonctionnel sur les symptômes ayant motivé l indication est modéré (moins de 50 % d amélioration du critère principal), ces étapes suivantes sont recommandées : d instaurer un traitement combiné (anticholinergique, stimulation électrique fonctionnelle...); de programmer une réinjection de toxine botulique intradétrusorienne au troisième mois postinjection ; l évaluation de cette seconde injection chez le patient neurologique, initialement non répondeur comprendra au moins une évaluation des paramètres cliniques d efficacité et de tolérance à six semaines et six mois. Si l efficacité est inférieure à six mois, il est recommandé de réaliser une réunion de concertation pluridisciplinaire neuro-urologique, afin d envisager les alternatives thérapeutiques à la TBA intradétrusorienne (modification du type, des doses ou des modalités d injection de la TBA, alternatives médicochirurgicales...), la réalisation d explorations complémentaires ou la recherche de phénomènes d immunisation anti-tba. Si le bénéfice est significatif et supérieur à six mois, le suivi rejoindra alors celui des injections répétées de toxine botulique intradétrusorienne du patient répondeur. 2.3. Évaluation post-thérapeutique après injection répétée de toxine botulique intradétrusorienne du patient initialement répondeur Il est proposé que le rythme des consultations de suivi soit dicté par la réponse clinique du patient, en raison du caractère fonctionnel de l indication n exposant pas ce patient neurologique à un préjudice uronéphrologique ou général, de l absence d argument en faveur de l épuisement de l efficacité thérapeutique au fil des réinjections [14] et de la rareté des phénomènes d immunisation anti-tba [10,18]. Il est ainsi recommandé que le patient consulte lors de la réapparition des symptômes ayant motivé le traitement par toxine botulique ou face à tout changement du statut mictionnel ou neurologique susceptible de justifier un rééquilibre diagnostique ou thérapeutique. Un espacement progressif des injections de TBA intradétrusoriennes pourra être discuté. 3. Recommandations pour le suivi des injections de toxine botulique intradétrusorienne relevant d une indication neurogène organique «Sont considérées comme indications neurogènes organiques», les injections intradétrusoriennes de toxine botulique destinées à traiter les hyperactivités neurogènes du détrusor présentant des facteurs de risque uronéphrologique ou généraux représentés par Fig. 2 : l existence d hautes pressions du détrusor, permanentes ou phasiques (> 40 cm d eau) ; l existence d un reflux vésico-urétéral ; l existence de phénomènes d hyperréflexie autonome à point de départ vésical ; l existence de bactériuries symptomatiques ou d infections urinaires itératives secondaires à une hyperactivité neurogène du détrusor mal contrôlée par les traitements usuels (adaptation mode mictionnel et diurèse, antibiothérapie cyclique) ; survenant chez un patient en cathétérisme intermittent ou apte à l être, réfractaire aux anticholinergiques et traitements symptomatiques usuels. L existence d un trouble sévère de la compliance du détrusor (compliance inférieure à 15 ml/cm 3 d eau) ne sera pas considéré comme une contre-indication initiale à la réalisation d une première injection de toxine botulique, en raison de la possible efficacité de la TBA chez des patients ayant un détrusor hypocompliant [15], mais sa persistance après une à deux injections de TBA devra conduire à la remise en cause de la pertinence de cette thérapeutique en concertation pluridisciplinaire (cf. infra). 3.1. Évaluation préthérapeutique Réalisée préalablement à toute administration de TBA intradétrusorienne, l évaluation préthérapeutique préconisée comprend six éléments : un calendrier mictionnel sur 72 heures renseignant le mode mictionnel, le nombre et volume moyen des mictions et sondages, le nombre de fuites, le nombre et le type de garniture ; un score de symptômes (type Urinary Symptom Profile [5]); une évaluation de la qualité de vie (questionnaire Qualiveen [2], échelle visuelle analogique) ; une analyse du nombre d épisodes d infections urinaires (définies par la présence contemporaine de symptômes

M. de Sèze et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008) 315 321 319 Fig. 2. Recommandations pour le suivi des injections de toxine botulique intradétrusorienne relevant d une indication neurogène organique. cliniques évocateurs [modification du statut mictionnel ou neurologique, fièvre, urines sales ou malodorantes] plus uroculture positive) ; le recueil des traitements en cours ; une exploration urodynamique incluant une cystomanométrie ; Avant la première injection, il est également recommandé de s assurer de l absence de lithiase, de corps étranger intravésical et d anomalie endoscopique vésicale (échographie vésicorénale, abdomen sans préparation, cystoscopie) et d évaluer la fonction rénale (créatininémie, à compléter par clairance de la créatinine des urines de 24 heures et/ou examens fonctionnels si anomalie). Avant toute administration de TBA intradétrusorienne, il conviendra de pratiquer une étude cytobactériologique des urines la semaine préalable à l injection de manière à réaliser une décontamination des urines par antibiothérapie adaptée au moins 48 heures avant l injection [3,20]. Il sera nécessaire de s assurer de l absence de pathologies ou de traitement perturbant l hémostase et de l absence d injection de toxine botulique intramusculaire (autre indication neurologique ou cosmétique) ou détrusorienne durant les trois mois précédents. 3.2. Évaluation post-thérapeutique après la première injection de toxine botulique détrusorienne Réalisée quatre à six semaines après l injection, elle comprendra les cinq éléments cliniques de l évaluation préthérapeutique, une évaluation de la tolérance avec recueil des effets secondaire et une cystomanométrie. Les critères d amélioration seront définis par : la disparition des contractions amples du détrusor avec absence de trouble de compliance et pressions du détrusor inférieure à 40 cmh 2 0 jusqu au volume de sondage (compris entre 250 à 400 ml) ; ou l absence de contractions amples du détrusor (> 40 cmh 2 0) jusqu à 400 ml de remplissage sans trouble de compliance du détrusor ; ou la disparition/réduction supérieure à 50 % des phénomènes d HRA et d infections urinaires symptomatiques ; ou la disparition du reflux vésico-urétéral conséquent d hautes pressions du détrusor. Comme pour les indications neurogènes fonctionnelles, l évaluation de la tolérance précisera toute modification de l état clinique général, neurologique, urologique et des capacités fonctionnelles consécutive à l administration intradétrusoriennne de TBA et évaluera le confort de l injection en fonction du mode anesthésique. «Si ses critères d amélioration sont satisfaits à la quatrième ou sixième semaine après la première injection (patients répondeurs)» : une consultation de suivi à trois mois postinjection est recommandée basée sur l évaluation clinique des données du calendrier mictionnel, des HRA et de la fréquence des infections urinaires symptomatiques ainsi qu une

320 M. de Sèze et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008) 315 321 cystographie rétrograde (ou vidéo-urodynamique) s il existait un reflux vésico-urétéral prétoxine. Si cette visite du troisième mois confirme la satisfaction des critères d amélioration, une consultation ou un suivi clinique par le médecin traitant est préconisée au sixième mois, puis au neuvième mois, puis tous les trois mois jusqu à réapparition des troubles après la première injection. Si l efficacité de cette première injection est inférieure à trois mois, une seconde injection de toxine intradétrusorienne pourra être proposée avec contrôle clinique et cystomanométrique de son efficacité entre la quatrième et la sixième semaine postinjection. L échec de cette seconde injection devra conduire une réunion de concertation pluridisciplinaire pour envisager des alternatives thérapeutiques médicochirurgicales (modification des modalités d administration [nature, dose, sites d injections] de TBA, moyens médicochirurgicaux...). «Si les critères d amélioration ne sont pas satisfaits à la quatrième et sixième semaine après la première injection (patients non-répondeurs)», une consultation pluridisciplinaire est recommandée pour peser l indication d une réinjection précoce au troisième mois [15], qui en cas de réalisation devra être suivie d une évaluation cystomanométrique (plus cystographie rétrograde en présence d une reflux vésico-urétéral) quatre à six semaines postinjection. «Le suivi des injections répétées du patient répondeur» comprendra une visite clinique entre la sixième et la douzième semaine, puis sera guidé par la réponse thérapeutique (consultation si modification du statut mictionnel ou réapparition des troubles). Lors de la réapparition des troubles, une cystomanométrie sera préconisée avant une nouvelle administration de toxine botulique intradétrusorienne pour s assurer de l absence de non indication à une réinjection (trouble sévère de la compliance du détrusor). 4. Conclusion La toxine botulique intradétrusorienne apparaît aujourd hui un traitement efficace et sûr de l hyperactivité neurogène du détrusor et de ses conséquences fonctionnelles. Elle représente également un atout thérapeutique considérable pour réduire à court et moyen terme les hautes pressions du détrusor, principal facteur de risque uronéphrologique des neurovessies. Ses capacités à prévenir au long cours les complications uronéphrologiques et générales de l hyperactivité neurogène du détrusor restent à déterminer. La simplicité apparente de la thérapie ne doit pas faire perdre de vue le premier critère de prise en charge des vessies neurogène qui est la protection du haut appareil, elle-même associée à des objectifs de continence et de qualité de vie. La standardisation de nos méthodes d évaluation de l efficacité et de la tolérance des injections de TBA aidera à préciser leur place dans l algorithme thérapeutique des neurovessies et facilitera la définition des procédures optimales de leur administration en fonction des enjeux de l indication thérapeutique. En favorisant la détermination des doses, nombres de sites et délai de réinjection, elle participera également à l amélioration de la qualité de soins et de vie des patients neurologiques et aura un impact socioéconomique favorable pour la santé publique. Le référentiel de suivi proposé par notre groupe multidisciplinaire d experts en neuro-urologie, labellisé par les sociétés savantes nationales de médecine physique et de réadaptation, d urologie et de pelvipérinéologie, est un pas important d une démarche scientifique et médicale visant au développement des stratégies transdisciplinaires communes de réflexions et de prise en charge des patients, au niveau national comme international. Références [1] Anaes. Guide d analyse de la littérature et gradation des recommandations. Janvier 2000. http://www.anaes.fr. [2] Bonniaud V, Bryant D, Parratte B, Gallien P, Guyatt G. Qualiveen: a urinary disorder-specific instrument for use in clinical trials in multiple sclerosis. Arch Phys Med Rehabil 2006;87:1661 3. [3] Botto H. Infections urinaires nosocomiales de l adulte : conférence de consensus 2002, texte court. Med Mal Inf 2003;33:370 5. [4] Chapple C, Patel A. Botulinum toxin new mechanisms, new therapeutic directions? Eur Urol 2006;49:606 8. [5] Chartier-Kastler E, Ruffion A. Prise en charge urologique des vessies neurogènes. Rapport du 11 e congrès (2006) de l Association française d urologie. Prog Urol 2007;17(3):662 7. [6] De Laet K, Wyndaele JJ. Adverse events after botulinum A toxin injection for neurogenic voiding disorders. Spinal Cord 2005;43:397 9. [7] Denys P, Corcos J, Everaert K, Chartier-Kastler E, Fowler C, Kalsi V, et al. Improving the global management of the neurogenic bladder patient: part II. Future treatment strategies. Curr Med Res Opin 2006;22:851 60. [8] Dmochowski R, Sand PK. Botulinum toxin A in the overactive bladder: current status and future directions. BJU Int 2007;99:247 62. [9] Duthie J, Wilson DI, Herbison GP, Wilson D. Botulinum toxin injections for adults with overactive bladder syndrome. Cochrane Database Syst Rev 2007, Issue 3. Art. No.: CD005493. DOI: 10.1002/14651858.CD005493. pub2. [10] Frenkl TL, Rackley RR. Injectable neuromodulatory agents: botulinum toxin therapy. Urol Clin North Am 2005;32:89 99. [11] Guyatt GH, Sacket DL, Sinclair JC, et al., for the Evidence-Based Medicine Working Group. IX. A method for grading health care recommendations. JAMA 1995;22:1800 4. [12] Kalsi V, Apostolidis A, Popat R, Gonzales G, Fowler CJ, Dasgupta P. Quality of life changes in patients with neurogenic versus idiopathic detrusor overactivity after intradetrusor injections of botulinum neurotoxin type A and correlations with lower urinary tract symptoms and urodynamic changes. Eur Urol 2006;49:528 35. [13] Karsenty G, Denys P, Amarenco G, de Sèze M, Gamé X, Haab F, et al. Botulinum toxin A intradetrusor injections in adults with neurogenic detrusor overactivity/overactive bladder: a systematic literature review. Eur Urol 2008;53:275 87. [14] Karsenty G, Reitz A, Lindemann G, Boy S, Schurch B. Persistence of therapeutic effect after repeated injections of botulinum toxin type A to treat incontinence due to neurogenic detrusor overactivity. Urology 2006;68:1193 7. [15] Klaphajone J, Kitisomprayoonkul W, Sriplakit S. Botulinum toxin type A injections for treating neurogenic detrusor overactivity combined with low-compliance bladder in patients with spinal cord lesions. Arch Phys Med Rehabil 2005;86:2114 8. [16] Nitti VW. Botulinum toxin for the treatment of idiopathic and neurogenic overactive bladder: state of the art. Rev Urol 2006;8:198 208. [17] Patel AK, Patterson JM, Chapple CR. Botulinum toxin injections for neurogenic and idiopathic detrusor overactivity: a critical analysis of results. Eur Urol 2006;50:684 709. [18] Pistolesi D, Selli C, Rossi B, Stampacchia G. Botulinum toxin type B for type A resistant bladder spasticity. J Urol 2004;171:802 3.

M. de Sèze et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 51 (2008) 315 321 321 [19] Reitz A, Stohrer M, Kramer G, Del Popolo G, Chartier-Kastler E, Pannek J, et al. European experience of 200 cases treated with botulinum-a toxin injections into the detrusor muscle for urinary incontinence due to neurogenic detrusor overactivity. Eur Urol 2004;45:510 5. [20] Salomon J, Gory A, Bernard L, Ruffion A, Denys P, Chartier-Kastler E. Urinary tract infection and neurogenic bladder. Prog Urol 2007;17:448 53. [21] Schurch B, Stohrer M, Kramer G, Schmid DM, Gaul G, Hauri D. Botulinum-A toxin for treating detrusor hyperreflexia in spinal cord injured patients: a new alternative to anticholinergic drugs? Preliminary results. J Urol 2000;164:692 7. [22] Schurch B, de Sèze M, Denys P, Chartier-Kastler E, Haab F, Everaert K, et al. Botulinum toxin type a is a safe and effective treatment for neurogenic urinary incontinence: results of a single treatment, randomized, placebo controlled 6-month study. J Urol 2005;174:196 200. [23] Schurch B. Botulinum toxin for the management of bladder dysfunction. Drugs 2006;66:1301 18.