CHAPITRE 1 HICKS ET LA NAISSANCE DE LA SYNTHÈSE



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CHAPITRE 1 HICKS ET LA NAISSANCE DE LA SYNTHÈSE L idée centrale de Hicks 1 est que l apport théorique essentiel de Keynes réside dans sa théorie de la préférence pour la liquidité donc dans l idée que la demande de monnaie dépend du taux d intérêt. La conclusion principale est que, dans le système keynésien, une augmentation de l efficacité marginale du capital accroît l emploi alors qu une augmentation de la propension à épargner le diminue. Par opposition, dans le modèle classique, l effet sur l emploi de telles variations est douteux. Si l on suit l interprétation de Hicks, un accroissement de la masse monétaire accroît l emploi aussi bien chez les classiques que chez Keynes. Hicks soutient que la présentation que fait Keynes des thèses classiques est plutôt déroutante. Très souvent, il présente l analyse de Pigou 2 comme typique de la pensée classique alors Hicks considère l ouvrage de Pigou comme une contribution nouvelle et originale que l on peut difficilement considérer comme l expression de la tradition classique en particulier parce que Pigou raisonne en termes réels alors que les économistes classiques préféraient s appuyer sur une analyse conduite en termes monétaires. Pour comparer les thèses de Keynes et celles des classiques, Hicks construit un modèle simple dont il présentera plusieurs variantes. Le modèle proposé par Hicks est un modèle monétaire qui, sur des points importants, s écarte de ce que nous appelons le modèle IS-LM. C est un modèle bi-sectoriel qui oppose les biens de consommation aux biens d investissement. Les prix sont parfaitement flexibles et le taux de salaire monétaire est fixe. Hicks présente et oppose trois versions de ce modèle : la version classique, la version keynésienne et la version générale. 1. Le modèle classique Le modèle classique repose sur l idée que la demande de monnaie ne dépend pas du taux d intérêt. La première partie du modèle détermine le revenu monétaire et le taux d intérêt. La première équation est l équation de Cambridge qui présente la demande d encaisses comme une fonction du revenu nominal, Y. M s = ky (1) Si on tient k comme constant, le revenu monétaire ne dépend que de la quantité de monnaie. L investissement et le taux d intérêt sont déterminés par trois relations : I = S I = I( r, ξ ) I' < r 0 I' > ξ 0 S = S( Y, r, v) S' Y ] 0,1 [ S' r < 0 S' ν > 0 (2) La valeur de l investissement, I, dépend du taux d intérêt, r, et d un paramètre, ξ, qui représentera les variations de l efficacité marginale du capital. L épargne monétaire, S, 1 J. R. Hicks, «Mr. Keynes and the classics : a suggested interpretation», Econometrica, vol. 5, avril 1937 : 147-159. 2 A. C. Pigou, The Theory of Unemployment, Londres : Macmillan, 1933.

2 dépend du revenu monétaire, du taux d intérêt et d un paramètre, ν, qui représente des chocs qui, pour un revenu et un taux d intérêt donnés, accroissent l épargne. La propension marginale à épargner est comprise entre 0 et 1. Dans le modèle constitué de l équation (1) et du système (2), les inconnues sont le revenu monétaire Y, le taux d intérêt r, l investissement I et l épargne S. On considère comme données l offre de monnaie M s et les paramètres ξ et ν. Dès lors, le modèle est récursif. L équilibre sur le marché de la monnaie (1) détermine le revenu monétaire. Connaissant ce revenu, l équilibre sur le marché des biens (2) détermine le taux d intérêt 1. Le trait caractéristique de ce modèle est que le revenu monétaire est proportionnel à la masse monétaire et ne dépend pas des chocs qui pourraient affecter l efficacité marginale du capital et la propension à épargner. Le taux d intérêt est une fonction décroissante de la masse monétaire. Le mécanisme d ajustement est cependant surprenant. Une augmentation de la masse monétaire accroît le revenu monétaire et l épargne. Cette hausse de l épargne diminue le taux d intérêt et accroît l investissement. Comme la consommation est une fonction croissante du revenu et décroissante du taux d'intérêt, elle augmente quand la masse monétaire augmente. Figure 1 : le cas classique Taux d'intérêt LL r E IS Y Produit nominal Une augmentation de l efficacité marginale du capital augmente le taux d intérêt et affecte ainsi l épargne. Si l épargne augmente, l investissement augmentera aussi. Mais, comme le revenu monétaire restera inchangé, la consommation diminuera. Ainsi, 1 Hicks n explicite pas le marché des titres. Pour bien interpréter son modèle, il n est pas sans intérêt d expliciter, en utilisant la loi de Walras, ce marché.

3 une augmentation de l efficacité marginale du capital accroît l emploi dans l industrie des biens d équipement mais le diminue dans l industrie des biens de consommation. L évolution de l emploi global est indéterminée. Une augmentation de l épargne diminue le taux d intérêt et accroît l investissement. Elle réduit la consommation. Elle se traduit par une augmentation de l emploi dans le secteur des biens d équipement et une diminution dans le secteur des biens de consommation. La seconde partie du modèle repose sur l idée que les prix des biens de consommations et d investissement sont égaux à leur coût marginal. Elle s écrit sous la forme suivante : ( i) ( c) i ' i( i) ' ( i = fi N c = fc N W = p f N W = pcf c Nc) (3) N = Ni + Nc C = pcc I = pi i Y = pi i + pcc On a noté c la consommation réelle, i l investissement réel, N i l emploi dans l industrie des biens d équipement, N l emploi dans l industrie des biens de c consommation, N l emploi total, W le taux de salaire monétaire, p les prix des biens de consommation, p i les prix des biens d investissement. Les inconnues sont i, c, pi, p c, N i, N c, N et C. W est exogène. Y et I ont été déterminés par les équations 1 et 2. L important est que Hicks considère que le taux de salaire monétaire est exogène. Autrement dit, Hicks interprète la théorie classique comme une analyse où le taux de salaire monétaire est une variable exogène. Ainsi, selon lui, le marché du travail n est pas nécessairement en équilibre dans l analyse classique et une variation de la masse monétaire est susceptible d affecter l emploi. On tire du système (3) les deux équations qui donnent l évolution de l emploi : c c( c) ' c( c) i( i) ' ( ) f N C C = W Nc = Nc N' c > 0 f N W f N I I = W Ni = Ni N' i > 0 f i Ni W (4) L emploi dans le secteur qui produit les biens de consommation est une fonction croissante de la valeur des biens de consommation demandés et une fonction décroissante du taux de salaire. On obtient un résultat similaire pour l emploi dans le secteur des biens d investissement. Pour fixer les idées admettons que

4 c= AN i = B N α c β i (5) On aura C I α C + β I Nc = α Ni = β N = (6) W W W p i W β I 1 β W α C 1 α = p β c = (7) α B β A On doit conclure qu une augmentation de l offre de monnaie accroît le niveau de l emploi dans les deux secteurs, qu elle augmente la consommation et l investissement et les prix des deux biens. La monnaie n est donc pas neutre. Une hausse du taux de salaire monétaire diminue l emploi, la consommation et l investissement. Elle augmente le prix des deux biens. Une diminution du taux de salaire monétaire n affecte pas le revenu monétaire. Elle laisse inchangées les dépenses de consommation et d investissement. Elle diminue les prix des biens de production et de consommation ; elle accroît ainsi, dans les deux secteurs, l emploi. Les effets sur l emploi d une augmentation de l efficacité marginale du capital sont complexes. L emploi augmente dans le secteur qui produit les biens capitaux et il diminue dans le secteur des biens de consommation. L investissement réel augmente alors que la consommation réelle diminue. Les prix des biens d investissement augmentent et les prix des biens de consommation diminuent. Le sens des effets globaux est indéterminé. 2. Le cas spécial keynésien et le modèle général keynésien A ce modèle, Hicks oppose la théorie spéciale de Keynes. Elle repose sur l idée que la demande de monnaie ne dépend pas du revenu monétaire mais du seul taux d intérêt 1 : M ( ) = L r (8) Le taux d intérêt est fixé par l offre de monnaie. L investissement dépend du taux d intérêt et l épargne dépend du revenu : I = S I = I r (, ξ ) (, ν ) S = S Y (9) Le taux d intérêt détermine l investissement et, par le jeu du multiplicateur, le revenu nominal. 1 On notera que la formulation de Hicks est très curieuse et ne correspond nullement à l idée que l on se fait de la trappe à liquidités.

5 Figure 2 : le modèle keynésien simplifié Taux d'intérêt IS r LL Y Revenu nominal L augmentation de la masse monétaire accroît l investissement, la consommation et le produit en valeur. Pour un niveau donné du taux de salaire monétaire, l emploi augmente dans les deux secteurs, les prix des deux biens augmentent tandis que l emploi, le volume de l investissement et celui de la consommation augmentent. Bien sûr, le trait caractéristique de ce modèle est qu une hausse de l efficacité marginale du capital ou une hausse de la propension à consommer n affectent pas le taux d intérêt mais augmentent le revenu monétaire, l investissement et la consommation. L emploi et les prix augmentent. Autrement dit, la différence entre le modèle classique et le modèle spécial keynésien est qu une hausse de l efficacité marginale du capital accroît, dans ce dernier cas, la consommation et n a pas d effet ambigu sur l emploi : il croît dans les deux secteurs. Cependant, le modèle général de Keynes est différent : il admet que la demande de monnaie dépend du revenu monétaire et du taux d intérêt. On obtient alors le système suivant qui détermine le revenu monétaire et le taux d intérêt : M = I = I r S = S Y I = S LYr (, ) (, ξ ) (, ν ) (10)

6 Figure 3 : Hicks et le modèle IS-LL Taux d'intérêt IS LL r E Y Revenu monétaire Avec cette réécriture, Keynes revient, selon Hicks, à une formulation très proche des thèses de Marshall. C est à partir de ce schéma que Hicks développe son interprétation qui fera date de la courbe LL. Si la courbe IS se positionne très à droite soit parce que la propension à consommer est très forte, soit parce que l efficacité marginale du capital est très grande, l équilibre E apparaîtra dans la fraction presque verticale de LL. Une augmentation de la propension à consommer ou une augmentation de l efficacité marginale du capital accroît le taux d intérêt et n a guère d effet sur le revenu monétaire. Cependant, si l efficacité marginale du capital est faible ou si la propension à épargner est forte, l équilibre se situe dans la partie gauche de LL. Une variation de l efficacité marginale du capital laisse le taux d intérêt presque inchangé mais provoque une variation sensible du revenu monétaire. Hicks développe, alors, l idée qu il existe un niveau minimum au-dessous duquel le taux d intérêt ne peut guère tomber en soulignant que son interprétation est un peu différente de celle de Keynes 1. Si on peut négliger le coût de détention de la monnaie, il est toujours préférable de détenir de la monnaie plutôt que de la prêter si le taux d intérêt nominal est voisin de zéro. Le taux d intérêt court doit donc toujours être positif. Mais, s il en est ainsi, le taux long qui est une moyenne des taux d intérêt courts anticipés doit être supérieur au taux court en raison du risque d une hausse du taux d intérêt court alors que de toute évidence le taux d intérêt court ne peut baisser. Ainsi, le taux d intérêt long ne peut descendre à un niveau très proche de zéro. Dans une telle situation, si la masse monétaire augmente, la courbe LL se déplace vers la droite mais la partie horizontale de cette courbe reste la même. 1 John Maynard Keynes, The General Theory of Employment, Interest and Money, Londres : Macmillan, 1936 : 201-2.

7 Figure 4 : Hicks et la trappe à liquidité Taux d'intérêt LL( M 0 ) LL( M 1 ) Revenu monétaire 3. La synthèse Hicks propose, alors, pour élucider les rapports entre Keynes et les classiques un modèle plus général. Il introduit le revenu monétaire comme argument de la fonction d investissement 1 et le taux d intérêt comme argument de la fonction d épargne. On a le système d équations suivant qui détermine le revenu monétaire, le taux d intérêt, la consommation et l investissement : LYr (, ) (,, ξ ) (,, ν ) M = I = I Y r S = S Y r I = S (11) Cette généralisation du modèle keynésien pose, toutefois, un problème : la courbe IS peut, selon les cas, être croissante ou décroissante. 1 «Il y a toute raison de penser qu une augmentation de la demande de biens de consommation, résultant d une augmentation de l emploi, stimulera souvent directement l investissement du moins tant que persistera l anticipation d un nouvel accroissement de la demande», Hicks, o. c. : 170.

8 Figure 5 : Le problème de la pente de IS Taux d'intérêt I( Y 0 ) I( Y 1 ) S( Y 0 ) S( Y 1 ) r 0 E 0 E 1 r 1 I 0 I 1 Investissement Une augmentation du revenu monétaire augmente, à la fois, l investissement et l épargne et provoque un déplacement des deux courbes vers la droite. Si l effet de l augmentation du revenu est plus fort sur l épargne que sur l investissement, alors la courbe IS est décroissante. Il en est ainsi, soutient curieusement Hicks, dans les périodes de récession. On peut, aussi, généraliser la courbe LL. Au lieu de supposer comme précédemment que l offre de monnaie est donnée, on peut penser que les autorités préfèrent créer de la monnaie plutôt que de modifier leur taux d intérêt. La courbe LL généralisée ne s élève que progressivement. Son élasticité dépend de l élasticité du système monétaire. Le revenu monétaire et le taux d intérêt sont déterminés par l intersection des courbes IS et LL. Tout changement dans l efficacité marginale du capital ou dans la propension à consommer induit un déplacement de IS. Toute variation dans la préférence pour la liquidité et tout changement dans la politique monétaire affecte la position de LL. Si, à la suite d un changement quelconque, l efficacité marginale du capital excède le taux d intérêt monétaire, le revenu augmentera ; dans le cas opposé, le revenu diminuera 1 Quand elle est, ainsi, généralisée la théorie de Keynes ressemble à celle de Wicksell. Il est même un cas où elle s adapte parfaitement à la construction de Wicksell. Sil y a plein emploi, une hausse du revenu provoque immédiatement une hausse du taux de salaire monétaire. Il est alors possible que l épargne et l investissement augmentent également dans le revenu monétaire s accroît. Les deux courbes se déplacent alors également vers la droite et la courbe IS est horizontale. Si IS est horizontal, on retrouve la construction de Wicksell. Le taux d intérêt pour lequel l épargne est égale à l investissement est le taux d intérêt naturel car il est déterminé par les facteurs réels. Si le système monétaire est parfaitement flexible et si le taux 1 Hicks suppose dans son raisonnement que la courbe IS est décroissante. Il ajoute que s il n en était pas ainsi le marché des fonds prêtables ne serait pas stable.

9 d intérêt monétaire est fixé en dessous du taux d intérêt naturel, alors il n existe pas d équilibre et une inflation cumulative se développe. Figure 6 : IS-LL et Wicksell Taux d'intérêt r* r Conclusion Y* Revenu nominal La correspondance entre Hicks et Keynes 1 permet de comprendre la réaction de Keynes à l interprétation que faisait Hicks de La Théorie Générale. Bien qu il prétende n avoir presque rien à dire en matière de critique, il met l accent sur plusieurs points importants. Hicks prête aux économistes classiques l idée qu une augmentation de la masse monétaire peut accroître l emploi. Un économiste classique, au sens strict du terme, admettrait difficilement cette idée qui apparaît comme contradictoire avec les prémisses de la théorie classique. Hicks considère l épargne comme une fonction du revenu monétaire. Keynes admet cette solution tant que le taux de salaire monétaire est constant mais la rejette quand le taux de salaire est variable. Hicks souligne que, dans la Théorie Générale, Keynes considère qu une augmentation de l efficacité marginale du capital n accroît pas nécessairement le taux d intérêt et il souligne qu il ne peut en être ainsi que si l élasticité de la demande de monnaie vis-à-vis du taux d intérêt tend vers l infini. Keynes lui répond qu il a simplement voulu souligner qu une augmentation de l efficacité marginale du capital n accroît pas nécessairement le taux d intérêt. Tout dépend de la politique monétaire. Keynes réitère l idée que la différence entre lui et les classiques tient à ceci : les classiques considèrent que le taux d intérêt n est pas un phénomène monétaire si bien qu une hausse de l efficacité marginale du capital accroît nécessairement le taux d intérêt alors même qu une 1 Lettre de Keynes à Hicks, 31 mars 1937, in The Collected Writings of John Maynard Keynes, Londres: Macmillan, vol. XIV : 79-81.

10 politique monétaire adéquate est susceptible d empêcher une telle hausse. Keynes rejette l idée qu il faut introduire comme argument de la fonction d investissement le revenu monétaire courant alors même que la variable pertinente est le revenu anticipé et non le revenu courant. Les deux premiers points posent les questions essentielles. Certainement, nombreux sont les classiques, on pourrait citer Smith, Thornton, Malthus, Marshall et Pigou, qui considéraient les salaires monétaires comme visqueux. Mais, les plus orthodoxes parmi les classiques, Ricardo par exemple, rejettent cette proposition qui conduit nécessairement à écarter la thèse de la neutralité de la monnaie. Considérer, comme le fait Hicks, que les salaires monétaires sont rigides dans le modèle classique est une proposition discutable. Hicks écrit que la valeur de l épargne est une fonction du revenu monétaire. Cette proposition est incorrecte, même dans le cas où le salaire monétaire est fixe. Plus précisément, il faut, soigneusement distinguer l effet sur la valeur de l épargne d une variation des prix et d une variation du revenu réel. Il n y a aucune raison de penser les deux effets sont identiques. Une écriture correcte du modèle doit présenter l épargne réelle comme une fonction du revenu réel. La même remarque doit être faite à propos de la demande de monnaie. En d autres termes, le modèle de Hicks ne respecte pas les propriétés d homogénéité des fonctions de demande. Les conséquences sont importantes car on ne peut prétendre, comme le fait Hicks, que le revenu monétaire est déterminé par l équilibre sur le marché des biens et le marché de la monnaie. Il est clair, par exemple, qu un changement des techniques qui modifie les fonctions de production affecte le revenu monétaire global. D autre part, le modèle de Hicks suggère que la fonction de demande globale est une branche d hyperbole équilatère. S il en est ainsi il existe nécessairement un équilibre temporaire puisque la demande globale de biens tend vers l infini quand le prix tend zéro. En fait, il n y aucune raison de penser que la demande globale de biens est inversement proportionnelle au niveau général des prix. Il n y a, non plus, aucune raison de penser que la demande globale de biens tend nécessairement vers l infini quand le niveau général des prix tend vers zéro. L existence d un équilibre temporaire n est pas nécessairement établie.