Congrès «Sport et Appareil Locomoteur» Paris 28 Janvier 2005. Diagnostic et traitement des lésions du labrum acétabulaire : concepts actuels.



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Transcription:

Diagnostic et traitement des lésions du labrum acétabulaire : concepts actuels. Auteurs : Dr Alexis Nogier (Hôpital Pitié-Salpêtrière Paris. Service de Chirurgie Orthopédique du Pr Saillant) Dr Thierry Boyer Dr Henri Dorfmann INTRODUCTION Les premières lésions labrales décrites à la hanche ont été les lésions traumatiques accompagnant les luxations postérieures de hanche (1). Secondairement, les auteurs ont décrit des lésions dégénératives sur des hanches arthrosiques : l'hypothèse controversée selon laquelle les lésions labrales seraient une cause de coxarthrose a alors été émise (2). Ce n'est qu'avec les premières arthroscopies de hanche que des lésions labrales isolées en dehors de tout contexte traumatique ou dégénératif ont été décrites (3). Ces lésions restent probablement, à l'heure actuelle, largement méconnues, à commencer par leur épidémiologie. Récemment, Mc Carthy étudiait 54 acétabulum de spécimen anatomiques âgés de 48 à 102 ans et retrouvait 113 lésions du labrum soit plus de deux lésions par acétabulum tandis que 7 % seulement des acétabulum avaient un labrum intact (4). Leur mécanisme également est discuté : l'hypothèse récente d'une pathologie micro-traumatique s'intégrant dans une anomalie du mouvement extrême de la hanche a été soulevée par Ganz (5). Leur histoire naturelle est méconnue, mais semble étroitement intriquée avec la coxarthrose. Enfin, si leur traitement repose habituellement sur l'arthroscopie, certaines équipes proposent des traitements plus agressifs avec gestes osseux conservateurs. I Physiologie du labrum : le système hydraulique Le labrum est un fibro-cartilage triangulaire à la coupe s'insérant sur le pourtour de l'acétabulum au niveau de son sourcil, se prolongeant au niveau de l'échancrure ischio-pubienne par le ligament transverse de l'acétabulum. Le labrum délimite dans la hanche deux compartiments articulaires distincts : la hanche périphérique et la hanche profonde. Sa hauteur varie de 6 à 10 mm selon les anatomistes. En plus de sa face d'insertion, il possède une face articulaire au contact du cartilage de la tête fémorale et une face externe convexe sur laquelle on peut observer un fin réseau vasculaire et qui donne insertion à la capsule articulaire. Il existe fréquemment chez l'adulte un petit sillon physiologique entre la face endo-articulaire du labrum et le cartilage acétabulaire. L'innervation du labrum est riche et complexe à l'origine d'informations transmettant la douleur, le tact, la température (6). Des corpuscules de Vater-Pacini et Golgi-Mazzoni spécialisés dans la barro-réception et des corpulscules de Ruffini transmettant le tact profond et la température y sont présents. Le labrum forme avec le ligament transverse un joint circulaire autour de la tête fémorale à l'origine d'un système hydraulique. Des études ont montré qu'il existait une différence de pression dans la hanche périphérique et dans la hanche profonde : le labrum acétabulaire permet l'économie des contraintes articulaires en retenant quelques instants une mince couche de liquide articulaire lors de la mise en charge de la hanche. Les échanges liquidiens pourraient être comparés à ceux existant dans un amortisseur : après ablation simulée du labrum, les contraintes augmentent au niveau de la tête fémorale. Chiron considère que le labrum a une fonction de centreur, pendant la face motrice du pas, 1

hanche en extension lorsque la capsule se vrille et se resserre autour du labrum (7). La tête serait ainsi stabilisée et recentrée. Des expériences réalisées sur le chien ont montré que l'ablation précoce du labrum sur une hanche en croissance provoquait une dysplasie cotyloïdienne et une arthrose précoce. Enfin, dans la hanche dysplasique, le labrum s'hypertrophie et assume directement une part des contraintes articulaires, de façon pathologique. En dehors de ce cas, il ne semble pas que l'on peut lui attribuer un rôle de couverture de la hanche. II Mécanismes physiopathologiques des lésions labrales 1 - Lésions sur dysplasie acétabulaire L'insuffisance de couverture acétabulaire entraîne un excès de contrainte sur le labrum. L'anatomie du labrum est modifiée avec une hypertrophie compensatrice classique. La lésion labrale s'intègre dans l'histoire naturelle de la dysplasie sous forme d'une large désinsertion pouvant être interprétée soit comme la conséquence d'une hyperpression statique soit d'une instabilité dynamique. 2 - Lésions traumatiques Les mouvements extrêmes de la hanche peuvent mettre en compression l'élément périphérique que représente le labrum acétabulaire. La lésion peut être franche avec désinsertion à la base. La luxation postérieure de hanche représente le cas extrême de lésion du labrum. 3 - Lésions "primitives" Il existe des lésions labrales sur hanche couverte en dehors de tout contexte traumatique. L'hypothèse la plus récemment invoquée pour expliquer de telles lésions est celle du conflit fémoroacétabulaire. Des contraintes répétées et excessives sur le labrum acétébulaire interviendraient lors des mouvements extrêmes de la hanche, favorisées soit par une rétroversion anormale de l'acétabulum, soit par une morphologie anormale de la tête fémorale (tête non sphérique, épiphysiolyse, cal vicieux épiphysaire ). Un tel mécanisme physio-pathologique est également invoqué pour expliquer les lésions articulaires fémorales et acétabulaires fréquemment associées aux lésions labrales. III Difficultés diagnostiques Le diagnostic d'une lésion du labrum acétabulaire est celui d'une pathologie intra-articulaire de la hanche. Un traumatisme franc n'est retrouvé que dans un tiers des cas. Souvent il s'agit d'une pratique sportive évocatrice telle que la danse, les sports de combat de pied, les arts martiaux Les antécédents de pathologies infantiles sont à rechercher (épiphysiolyse, ostéochondrite) de même que les antécédents traumatiques. Classiquement, la douleur est inguinale mais parfois trochantérienne voire fessière. L'irradiation crurale est classique, comme l'aggravation des douleurs dans certaines positions, provoquant alors craquements et pseudo-blocages de la hanche. Le blocage vrai de hanche est rare mais évoque fortement le diagnostic d'anse de seau du labrum. L'examen de la hanche est pauvre. La douleur provoquée en flexion-adduction-rotation interne est un signe très sensible de pathologie articulaire de hanche, mais les auteurs s'accordent sur l'absence de spécificité de ce signe. On peut donc considérer avec Newberg que le diagnostic clinique de lésion labrale est "insaisissable" (8). L'évaluation de la hanche à l'aide des scores classiques utilisés pour évaluer les coxarthroses n'est pas adaptée. Christensen a récemment proposé un score d'interrogatoire adapté à ses hanches non arthrosiques de jeunes sportifs (9). L'évocation clinique d'une lésion du labrum acétabulaire entraîne la prescription d'un bilan d'imagerie complémentaire qui a pour objectif : - la mise en évidence de la lésion labrale sur une imagerie intra-articulaire, - la détection d'une éventuelle anomalie prédisposant à la lésion (insuffisance de couverture cotyloïdienne, conflit fémoro-acétabulaire, ). L'imagerie avec injection de produit de contraste peut être mise à profit pour effectuer un test anesthésique qui confirmera le diagnostic de pathologie articulaire. L'arthroscanner et l'arthro-irm 2

sont sensibles et spécifiques pour le diagnostic de lésion labrale, à condition de respecter certaines règles, par contre, ces examens réalisés sans injection de produit de contraste contribuent très peu au diagnostic positif de labrum. Enfin, il est important d'obtenir du radiologue des reconstructions perpendiculaires au plan de l'acétabulum ce qui n'est pas simple compte tenu de son orientation. Les simples coupes horizontales étant tangentes au labrum supérieur, elles en montrent mal les éventuelles lésions pourtant fréquentes à ce niveau. Si l'arthrographie est la seule imagerie accessible, il est important de réaliser différentes incidences en faisant tourner le rayon autour du bassin. Richardi a défini des incidences adaptées à la recherche des lésions des cadrans antéro-supérieurs et postérosupérieurs (10). Prendre différents clichés en se contentant de mobiliser la hanche serait insuffisant, le labrum étant solidaire du bassin. En arthroscanner ou en arthro-irm, il faut ne pas confondre une petite fente basale (souvent présente à la face endo-articulaire du labrum, à sa jonction avec l'os souschondral) avec une lésion. Cette fente est normale lorsqu'elle n'intéresse pas toute la profondeur du labrum, elle se démasque avec l'âge sous le nom de "sillon de Tanabé". Les auteurs ont décrit les signes de lésions dégénératives et traumatiques du labrum acétabulaire (tableau n 1). Czerny a proposé une classification de ces lésions. Les performances de l'arthro-irm approchent dans la littérature les 90 % de spécificité et de sensibilité (11). La recherche d'une anomalie morphologique responsable de la lésion labrale doit comprendre en premier lieu une coxométrie. La dysplasie cotyloïdienne avec insuffisance de couverture est en effet une des causes décrite de lésion du labrum. Sur les radiographies simples, voire sur le scanner, une fracture articulaire sera recherchée. Enfin, les signes décrits par Ganz faisant partie du syndrome fémoro-acétabulaire antérieur sont également à rechercher : signes du croisement, tête fémorale phallique, séquelle d'épiphysiolyse,. Si l'ensemble du bilan d'imagerie reste négatif, l'arthroscopie diagnostique reste le dernier recourt accepté par les auteurs pour éliminer une pathologie du labrum acétabulaire. Baber et Villar ont publié une série de 154 arthroscopies de hanche sans diagnostic pré opératoire (12). L'arthroscopie a permis de démembrer ces 154 hanches de la façon suivante : 17 lésions du labrum acétabulaire, 48 arthroses infra-radiologiques, 26 défect ostéochondraux, 30 restant sans diagnostic et 33 divers. IV Anatomopathologie : contribution de l'arthroscopie de hanche Le labrum étant formé de fibres collagènes circulaires, la lésion principale est toujours longitudinale, jamais radiaire. Lage et Villar ont proposé une classification opératoire des lésions du labrum (13) : - la languette est une fissure longitunale dont l'une des extrémités a fini par céder formant un petit lambeau pédiculé à la face articulaire du labrum ou à son bord libre (figure n 1). - Les lésions fibrillaires sont comme de multiples micro-languettes formées à la face articulaire du labrum donnant un aspect chevelu au bord libre du labrum. - Les lésions longitudinales périphériques sont des lésions de désinsertion du labrum à sa base. Elles intéressent la face endo-articulaire du labrum et peuvent s'étendre sur toute son épaisseur. - Le labrum instable n'est pas une lésion morphologique mais est individualisé par Lage et Villar comme un gros labrum se subluxant sous la traction du crochet. - La lésion en anse de seau est une fissure large et profonde qui mobilise une anse pouvant se bloquer dans l'interligne coxo-fémoral (figure 2). Chiron a décrit des lésions du labrum avec invagination de son bord libre entre la tête et l'acétabulum. La localisation des lésions labrales est typique. Le cadran antéro-supérieur est principalement concerné par ces lésions. Seuls les auteurs japonais mettent en évidence une prépondérance des lésions postérieures (14). Tous les auteurs s'accordent pour affirmer que les secteurs portant de l'acétabulum sont les seuls concernés par les lésions labrales à l'exclusion des extrémités inférieures du labrum. Il est cependant difficile, lors d'une arthroscopie de la hanche, de localiser précisément les différents 3

secteurs du labrum acétabulaire. En pratique, il semblerait qu'une lésion est toujours plus antérieure que ne le pense l'opérateur. V Quel traitement proposer? Le traitement arthroscopique d'une lésion du labrum est possible, consistant à exciser la languette, l'anse de seau, les fibrillations ou la portion fissurée du labrum. Ce geste nécessite habituellement une arthroscopie de la hanche profonde avec traction et contrôle radioscopique (figure 3). Différents outils spécifiques ont été décrits aussi bien pour l'abord de la hanche que pour les gestes de résection (canules multi-axiale, outils rotatifs, laser, radiofréquence, etc). Il est également possible par un petit abord antérieur de type Hueter d'aborder la hanche : l'exposition est limitée mais concerne généralement le secteur intéressé par la lésion. Enfin, il faut mettre à part les gestes plus invasifs d'exploration de la coxo-fémorale par une grande voie d'abord comprenant la luxation de l'articulation telle qu'elle est décrite par Ganz. Lors de gestes chirurgicaux conservateurs tels que l'ostéotomie péri-acétabulaire utilisés pour réorienter un cotyle, il est possible d'explorer le labrum et de réinsérer une éventuelle désinsertion à l'aide d'ancres. La majorité des auteurs traitent par arthroscopie et par résection les lésions labrales. La constatation d'une désinsertion du labrum à sa base pose la question de sa réinsertion éventuelle. Ferguson a souligné, à l'aide d'un modèle par élément fini, l'augmentation des contraintes articulaires résultant de l'ablation du labrum : il plaide pour une réparation de ces lésions afin de restaurer, si possible, la biomécanique articulaire (15). Le traitement d'une lésion labrale associée à une insuffisance de couverture cotyloïdienne est d'abord celui de l'insuffisance de couverture. Certains auteurs associent à des gestes de couverture une réparation d'une lésion labrale. L'excision isolée de la lésion labrale aggrave la symptomatologie. Pour certains auteurs, la lésion labrale n'est qu'un élément s'intégrant dans un syndrome plus global de conflit fémoro-acétabulaire antérieur (syndrome de Ganz). Pour ces auteurs, lorsqu'un ensemble de signes radio-cliniques cohérents convergent vers le diagnostic de conflit fémoroacétabulaire, une indication d'arthroplastie conservatrice de hanche est à discuter. Une arthroplastie modelante de l'extrémité supérieure du fémur peut être proposée, une plastie de la paroi antérieure voire une réorientation du bassin a également été décrite (5). En pratique, Mc Carty résume ainsi les éléments nécessaires à une indication d'arthroscopie de hanche : symptômes mécaniques douloureux (blocages, craquements, ressauts), localisation de la douleur à l'aine, échec de six mois de traitement médical, douleurs en flexion-adduction-rotation interne (ou douleurs à la flexion de hanche contre pesanteur), imagerie intra-articulaire montrant une lésion labrale ou un corps étranger articulaire sans autre anomalie. VI Eléments pronostics Pêle-mêle, les séries des lésions labrales opérées affichent des résultats mitigés. Farjo et Glick obtiennent 54 % de mauvais résultats (16). A trois ans et demi de recul, un tiers des 58 patients de Villar n'est pas satisfait de l'opération. En fait, ces résultats sont fortement influencés par l'état du cartilage au moment du geste. Pour Farjo et Glick, 71 % des patients ont un bon résultat si le cartilage est normal au moment de l'arthroscopie, Fitzgerald obtient 89 % de guérisons dans le même cas (17). Bonnomet confirme que tous les patients sont améliorés en post opératoire et que le résultat se maintient à quatre ans lorsque la lésion labrale est isolée (sans arthrose ni dysplasie) (18). Mc Carty a corrélé les résultats des lésions labrales opérées à l'état du cartilage. Il a proposé une classification des lésions cartilagineuses (Tableau n 2). Il définit un groupe de hanches susceptible d'évoluer vers l'arthrose : les cotyles dysplasiques, les fissures évoluant depuis plus de cinq ans et les atteintes de toute l'épaisseur du cartilage (19). 4

CONCLUSION La persistance d'une symptomatologie douloureuse et mécanique au niveau de la hanche, quelque soit l'âge du patient, doit faire rechercher de façon approfondie une lésion du labrum acétabulaire. Cette recherche passe essentiellement par une imagerie intra-articulaire avec une technique de reconstruction rigoureuse (arthroscanner ou arthro-irm). En dernier recours, l'arthroscopie de hanche garde une indication diagnostic : elle est souvent le moyen de détecter une lésion labrale méconnue par l'imagerie, une arthrose infra-radiologique, des corps étrangers ou une autre pathologie. Si la physiopathologie des lésions labrales dites "primitives" reste actuellement discutée, il est certain que des conditions de fonctionnement de la hanche dans les positions extrêmes peuvent être à l'origine de sollicitation excessive de l'élément périphérique et vulnérable que constitue le labrum acétabulaire (20). Dans tous les cas, une hanche présentant une lésion labrale devra bénéficier d'un bilan radiologique évaluant son fonctionnement mécanique. Les insuffisances de couverture seront dépistées et traitées comme telles. Un éventuel conflit fémoro-acétabulaire est également à détecter. Dans le cas de lésion labrale isolée ou associée à des dégâts cartilagineux modérés, la résection arthroscopique de la lésion est un geste techniquement pointu mais peu invasif et habituellement sans complication suivie d'excellents résultats se maintenant dans le temps (21). 5

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Tableau n 1 : Aspects normal et pathologique du labrum à l arthro-irm selon Petersilge Signes arthro-irm de lésion labrale (Petersilge 1996) Bourrelet dégénératif Bourrelet déchiré Aspect normal - Élargissement du bourrelet - Signal intralabral d intensité intermédiaire - Marges irrégulières - Bourrelet émoussé - Bourrelet absent - Bourrelet déplacé - Contraste intra-labral* - Contraste linéaire à la jonction bourrelet sourcil cotyloïdien * chez l enfant ce signal peut être physiologique - Labrum triangulaire à la coupe - Plus mince dans sa portion antéro-inférieure - Plus épais dans sa portion postéro-supérieure - Confondu dans sa portion inférieure avec le ligament transverse - Sillon labro-capsulaire plus profond au quadrant supérieur 7

Figure 1: languette du labrum. Congrès «Sport et Appareil Locomoteur» Figure 2: Anse de seau du labrum. Figure 3 : arthroscopie de la hanche profonde avec traction (contrôle scopique) 8

Tableau n 2 : classification arthroscopique des lésions chondrales associées aux lésions labrales, selon McCarthy. Nbre de lésions Proportion de bons et très bons résultats Stade 0 Contusion du labrum avec synovite adjacente 1 Stade 1 Discrète fissure du bord libre du labrum, sans lésion 10 91 % des cartilages de la hanche Stade 2 Fissure du bourrelet, avec atteinte du cartilage de 11 82 % la tête fémorale en regard, sans lésion du cartilage acétabulaire Stade 3A Lésion du bourrelet avec lésion en regard 21 71 % du cartilage acétabulaire, avec ou sans lésion fémorale cartilagineuse : - Défect cartilagineux cotyloïdien inférieure à 1 cm Stade 3B Idem : 10 40 % - Défect supérieur à 1 cm Stade 4 Lésion extensive du bourrelet associée à une arthrose diffuse de la hanche 9 22 % 9