L innovation dans l entreprise numérique Toutes les entreprises ne sont pas à l aise avec les nouvelles configurations en matière d innovation, notamment avec le concept d innovation ouverte. L idée de diffuser des idées dans le domaine public, plutôt que de les protéger en interne, dérange. Ne faut-il pas être prêt à décentraliser les mécanismes de coordination? A ouvrir le capital humain à des compétences externes? C est le prix à payer pour rester dans la course, enrichir son offre, renforcer ses liens avec toutes les parties prenantes, gagner en rapidité, en dynamisme, en réactivité. Tout cela suppose des investissements complémentaires en termes de connaissances, de réorganisation, de changement de processus, de changement de culture. 112
L innovation devient ouverte L innovation ouverte et l innovation «hors mur» émergent comme pratiques stratégiques des entreprises et la plupart de ces pratiques sont fortement portées par les systèmes d information. Pendant très longtemps, les modèles d innovation étaient fermés. La propriété intellectuelle était contrôlée. Selon un schéma classique, le brevet était enregistré, puis commercialisé. Aujourd'hui, l agilité et la rapidité sont des facteurs déterminants de création de valeur. Pour les organisations, cela signifie qu elles vont devoir fonctionner avec des communautés externes, des employés qui ont plusieurs appartenances. En effet, dans un monde extrêmement concurrentiel, confrontées à une croissance du coût de la R&D, les entreprises ne peuvent plus survivre en comptant sur leurs seuls efforts, elles doivent rechercher des modes nouveaux et plus ouverts d innovation. Par ailleurs, les mécanismes de coordination sont décentralisés. Les organisations doivent se servir des technologies pour aller chercher l intelligence de tous les partenaires, bien souvent à l'extérieur de l organisation. Les innovations sont plus difficiles à breveter. La vitesse d obtention des brevets est souvent trop lente par rapport au timing du modèle d affaires. Dans un monde numérique, le degré d ouverture à l environnement externe est, par nature, élevé. 113
L information surgit de partout, les systèmes deviennent instables et les modèles organisationnels combinent le capital humain, qui n appartient pas entièrement à l entreprise, et le capital technologique. «L expression «innovation ouverte» ne désigne pas un savoir ou une technologie libre. Si l expression «en source libre» désigne des technologies accessibles sans redevance, l innovation ouverte fait référence aux méthodes de collaboration utilisées», nous explique l OCDE dans son étude sur l innovation ouverte dans les réseaux mondiaux publiée en 2008. Selon l OCDE, en 2009, 40 % des entreprises françaises pratiqueraient l innovation ouverte. 65 % déclarent avoir des relations avec leurs fournisseurs, 50 % avec leurs clients, 36 % avec leurs concurrents, 26 % avec des établissements d enseignement supérieur et 18 % avec la recherche du secteur public. L OCDE a parfaitement résumé les enjeux de l innovation ouverte : «L intérêt majeur de l innovation ouverte pour les entreprises, c est qu elle offre une assise plus large pour les idées et les technologies. Les entreprises voient l innovation ouverte comme une collaboration étroite avec des partenaires extérieurs clients, fournisseurs, chercheurs ou autres acteurs à même d apporter une contribution à l avenir de l entreprise. Cette union des forces entre entreprises est avant tout motivée par la volonté d exploiter de nouveaux débouchés commerciaux, de partager des risques, de mettre en commun des ressources 114
complémentaires ou encore de créer des synergies. Les entreprises reconnaissent l innovation ouverte comme un outil stratégique pour exploiter de nouvelles possibilités de croissance à moindre risque». Dès lors, on peut discerner dans la problématique de l innovation ouverte des questions fondamentales, qui font d ailleurs l objet de recherches dans le cadre de la Fondation CIGREF : l association des modèles d innovation ouverte à des modes d organisation spécifiques, le passage de l état de concurrence à l état de «coopétition» (qui mêle la concurrence et la coopération entre deux ou plusieurs acteurs), les risques liés à la protection de la propriété intellectuelle et industrielle, ou encore les modalités spécifiques de coordination et de pilotage de l innovation ouverte dans un contexte international. On le voit, l innovation repose sur une fertilisation croisée entre les acteurs, liés par des partenariats tout au long de la chaîne de l innovation. Le rôle des startup est essentiel dans cette chaîne, en tant que catalyseur de technologies innovantes. C est notamment l ambition du Pacte PME, lancé en 2005, dans lequel les grands groupes privés et les établissements publics s engagent à faire des efforts en faveur des PME innovantes. Ils reconnaissent ainsi que ces entreprises peuvent leur apporter un réel gain de compétitivité. Si, en amont, l innovation ouverte stimule l innovation, celle-ci est également soutenue par les clients. 115
Les clients deviennent coproducteurs Les consommateurs constituent en effet une source précieuse d idées et d innovation. On ne compte plus les exemples de groupes qui font appel à l intelligence collective de leurs clients pour améliorer leurs produits et services. Et l on sait qu une communauté suffisamment structurée, on l a vu avec l Open Source, peut créer ses propres produits. L idée est de renverser la chaîne classique qui part du fabricant vers le consommateur. Les utilisateurs deviennent les producteurs. C est le principe du crowdsourcing, intimement lié au Web 2.0, dans lequel des passerelles sont établies entre les entreprises et les consommateurs, les premières utilisant l intelligence, l expérience, la créativité et les compétences des seconds pour améliorer leurs offres ou en imaginer de nouvelles. Tester plutôt qu étudier La dynamique des services numériques repose sur l innovation, avec la même dynamique d ouverture. Il ne s agit pas uniquement de l introduction de nouveaux supports techniques qui améliorent les processus, les infrastructures ou les terminaux : il s agit également du développement de nouveaux modèles économiques, de systèmes industriels cognitifs et d applications efficaces pour les utilisateurs. 116
De ce point de vue, les théories actuelles de gestion de l innovation affirment que les développeurs doivent travailler de concert avec les utilisateurs, les chefs de projet et les divisions métiers stratégiques. La recherche actuelle dans le domaine des systèmes d information démontre également la nécessité de reconnaître, d un côté, la dimension non déterministe, progressive et multicouches de la technologie (infrastructures, logiciels, réseaux) et, de l autre, les interactions et les boucles de retour permanentes entre les évolutions technologiques et les usages. La gestion efficace de ces interactions (suivi des pratiques émergentes, expérimentation de nouvelles applications, relation étroite entre développeurs et utilisateurs), offre un potentiel d évolution et d innovation rapides. Sur ce terrain, les DSI figurent en première ligne. Selon l étude menée par le CIGREF en décembre 2009 avec Capgemini Consulting, sur l information comme prochain défi pour les entreprises, les fonctions SI progressent en matière d innovation. Ainsi, près de 60 % des entreprises intègrent le potentiel SI dans le processus d innovation des métiers. De même, 48 % des fonctions SI ont mis en place un suivi des innovations technologiques et 41 % des équipes SI organisent des rencontres avec les utilisateurs des métiers pour leur présenter les dernières avancées technologiques. 117
De nombreuses entreprises tirent pleinement parti des innovations venant de l extérieur. Par exemple, 41 % des équipes SI organisent des visites dans d autres entreprises afin de démontrer la valeur des nouvelles technologies pour les utilisateurs métiers, 48 % des fonctions SI suivent l innovation technologique et 26 % des entreprises ont un département dédié de R&D SI. La fonction SI s organise pour trouver des innovations technologiques capables de créer plus de valeur pour les métiers. 118