COUVERTURE Jean David MOREAU Eliette DAMBES

Transcription

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2 COUVERTURE Jean David MOREAU Eliette DAMBES

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4 LA MORT-FENDUE

5 Publié avec l'aide du Centre National des Lettres by L'Ether Vague, Patrice THIERRY 37, rue Jean Sizabuire Toulouse ISBN

6 Christine François La Mort-fendue PATRICE THIERRY / L'ETHER VAGUE

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8 Silence... La rue, les maisons serrées, la brique envahit tout... couleur de sang faisandé. La rue monte, elle la descend. Son pas est rapide, léger, son pas danse comme à l'habitude. Il est quinze heures. Au bout de son bras se balance un sac de croissants : la journée commence. Elle passe. Les yeux se baissent. Elle est jolie, elle sourit presque. La petite maison attend. Elle saute par la fenêtre. Elle a encore dû oublier la clé. Les yeux baissés ont vu qu'elle rentrait comme ça, en douce. Les yeux le diront. Dedans, on ne sait pas. On n'a pas su. Rien ne se passait depuis longtemps. La maison sommeillait. Elle a dû manger... aimer encore le goût du thé... mourir d'angoisse, d'hésitation... être calme... étonnament. Elle a dû attendre... la pensée lourde... en demi-songe et laisser mûrir l'idée d'en finir... tuer le temps... longtemps. Elle bouge soudain. Les gestes continuent à se faire, faciles. Elle prépare le rasoir, le bain tiède. Elle prépare une multitude de petites choses. Elle ordonne... étrangement attentive à ce qu'elle fait... La vie, partout, dans les gestes.

9 Et puis... bientôt... la mort. Un autre geste... sans suite, sans appel... anodin, fantastique... Un dénouement. Elle est encore là. Elle écrit au rouge à lèvres, rose-citron, sur la glace de la salle : «A mon tour»... exhubérance. Elle a écrit autre chose aussi sur un coin de papier, depuis longtemps, un billet. Trois jours plus tard, retrouvée. Moulée dans son sang... prise, au creux de la baignoire. Au creux de son ventre... pris, un rasoir. Retrouvée, salement.

10 Elle m'avait dit un jour : «J'arrive à ne plus avoir mal des hommes». Elle s'est saccagé le sexe. Violemment et minutieusement. Elle se l'est torturé. Elle s'est épilée. Elle a creusé de profondes entailles dans la douceur des chairs. La tendre rondeur s'est ouverte, gémissante, crevée, éclatée, ensanglantée... le mont de Vénus en lambeaux. De la blancheur perlait, miel et sang mêlés. Elle s'est écorchée feuille à feuille, lèvre à lèvre. Elle a tranché d'un coup l'amande. A l'ultime soupir, elle s'est glissé la lame au dedans. Son sexe de femme est déchiqueté, son sexe n'est plus qu'une plaie atroce engorgée de peaux, de sang et d'eaux blanchâtres. Jamais plus la musique la nuit ne me réveillera...

11 LE PRESQUE RIEN Une femme part. Une femme ne bouge plus. Elle voit maintenant trop fort ce ciel toujours sombre et à ras de terre. Tout est si bas. Une femme regarde dans l'éternel miroir son front crispé et ses mains qui se tordent et son corps qui suit toutes ces lignes saillantes, qui sursaute, se met en boule et s'écoule. Elle est paralysée, pauvre et douloureuse. Elle est crucifiée de faiblesse. Elle sait la vie. Il n'y a plus de temps. Il y en a trop... un temps trop long, trop lent. Une femme creuse sur son ventre une fleur de sang, de peaux. Elle se délabre. Elle n'a plus mal. Ce n'est que l'ombre qui gagne. Elle est folle. Elle est seule... vraiment... sur son fil ténu... menu. Elle est légère, enfin, elle meurt.

12 Il m'a réveillé au milieu de la nuit pour me dire que j'avais parlé dans mon sommeil. D'une voix lasse j'avais avoué... le crime et la mutilation et la préméditation... C'était devenu intenable, elle voulait tout sceller, pour toujours, faire la mort, nous n'avions pas le même désert, elle voulait épuiser sa vie, ma vie, dans ses manipulations de cartes, dans ses réussites qui répétaient inlassablement l'échec, l'impossibilité, elle vidait de solutions un avenir déjà vidé, elle lisait que tout était derrière, tout, il lui fallait l'œuf ou rien, c'était sa seule imagination, elle ne voulait plus de fêlures, d'évasions, d'invasions, je l'ai tuée... par intérêt... mes histoires de petits pas... Je suis secouée de sanglots... je n'en peux plus de me vider, lui... de me serrer, de me caresser la tête, les cheveux, les joues... de me lécher le visage... Mes larmes sont tièdes et douces... réconfortantes. Il me dit que je peux oublier, qu'il portera cela pour moi désormais... il me dit que tout est déposé... que... le temps des vagabonds du lit est passé.

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