LA NAISSANCE DE L ISLAM, CONFLITS ET ECHANGES ENTRE

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1 LA NAISSANCE DE L ISLAM, CONFLITS ET ECHANGES ENTRE CHRETIENS ET MUSULMANS L Islam apparaît en Arabie au VII ème siècle de l ère chrétienne. Son berceau se situe entre deux villes distantes de 400 Kms et relativement proches de la Mer Rouge : La Mekke (La Mecque, en arabe Maka) et Médine (Al-Madina). La première est une cité caravanière, dans une vallée aride, qui vit du transport et du trafic de marchandises de l Inde vers l Occident par l Océan Indien. Elle possède le sanctuaire du temple cubique (Kaaba), panthéon du pèlerinage des arabes païens. Ses habitants sont de la tribu des Quraysh. C est une société de commerce, mat érielle où se retrouvent également abyssins et persans. La seconde est au contraire au milieu d un vaste oasis. Sa population rurale est composée d Arabes païens et d Arabes judaïsés (qui seront plus tard éliminés). Médine (LA Ville, sous-entendu du Prophète) est ancienne, appelée Yathrib par les babyloniens. Au moment où apparaît l Islam, un conflit entre Byzance et la Perse se déroule aux portes de l Arabie et se répercute sur les transactions commerciales entre l Inde et la Méditerranée. Certaines routes sont alors bloquées et détournées vers des régions épargnées par la guerre. Il existe également un paganisme arabe, polythéiste, qui associait un dieu créateur supérieur à d autres divinités. Personne ne défendit cette foi païenne contre les musulmans (contrairement aux Juifs et aux chrétiens) ce qui semble signifier que cette religion était agonisante. I. Le Prophète et l Empire En 570, naît à la Mecque Muhammad ibn Abd Allah (Mahomet). A la mort de sa mèr e, il est recueilli par son oncle pat ernel, Abu Talib, le père l Ali. Il est gardien de mouton. A 25 ans, il est caravanier au service d une riche veuve, Khadija, qu il épouse ; elle lui donnera plusieurs enfants dont Fati ma qui épousera Ali. a. La révélation Vers 610, il a une quarantaine d années au moment où il a ses premières visions alors qu il fait une retraite dans le désert. Il se lance dans la récitation d un texte que sa vision lui enseigne. A partir de 612, la vision reprend de manière r égulière et il se met à transmettre ces messages à ses concitoyens, au nom de Dieu. Il tient le rôle du Prophète, le dernier venu, le sceau apr ès 1

2 Abraham et Moïse. Ces messages sont rassembl és dans un r ecueil appelée Coran (al-qur an), la «récitation», le «texte sacré que l on récite». Dès le début, quelques Mekkois y croient (des amis fi dèles puis d humbles marginaux) et se conforment aux enseignements du Coran. Ils vécurent 10 ans à la Mecque et atteignirent peut-être les 200 vers 622. Mais ils durent s expatrier pour fuir les persécutions. b. L hégire Ils partent pour Médine. Cette année d exode, l hégire, est tenue pour l an I d une nouvelle ère, musulmane celle-ci. Durant dix ans Mahomet s est rattaché à la tradition biblique (prière, résurrection ; unité, bont é de Dieu ; protection, châti ments). Il se place aussi dans la lignée des patriarches et des prophètes, tels Noé ou Moïse, que Dieu protégeait. Pour autant il commence à prendr e quelques «libertés» avec la tradition. Le Coran ayant été révélé aux Arabes pour les Arabes, la prière ne doit plus s effectuer vers Jérusalem mais La Mecque. C est là également qu il rompt avec les Juifs qui critiquent vertement ses défor mations de la Bible. Au départ, les deux communautés jeûnent ensemble (fêt e de l expiation) puis Mahomet fixa un mois de jeune (Ramadan), pour célébrer la victoire de Badi contre les Mekkois (624). A Médine, la communaut é devient le noyau d un véritable État, politique, militaire et religieux ; un régime t héocratique dont la vie est guidée par le Coran. A cette date apparaissent les versets législatifs et politiques. Outre l élimination des tribus juives de Médine, les partisans de Mahomet pratiquent des razzias sur les communautés païennes idolâtres puis en 630, ils s attaquent à la Mecque et soumettent la ville. C est le début d un pèlerinage d où furent exclus les nonmusulmans ; la ville devient cité sainte de l Islam. c. La crise de succession et la conquête En 632, Mahomet meurt sans héritier mâle et sans avoir clairement désigné son successeur. Les musulmans entrent alors dans une grave crise politique et religieuse opposant : Les sunnites, pour lesquels le successeur ne doit être qu un remplaçant du prophète chargé de per pétuer et d appliquer sa pensée fidèlement, en toute orthodoxie (sunna) Les chiites, qui s en remettent au gendre de Mahomet, Ali, et à ses descendants. 2

3 Source : Manuel de 5 ème, Hatier, Au-delà de cela, l Islam naissant connaît une expansion foudroyante et triomphale : après le contrôle de l Arabie, vient la Syrie, la Mésopotamie, la Perse, l Egypte et la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Maghreb. En Orient, l Afghanistan, le Turkestan Chinois et le Pendjab. C est sous les successeurs (califes) de Mahomet que l Islam prend une di mension universelle et s arrache à ses origines arabiques. Bien que tous Mecquois, tous familiers du prophète, les 4 califes (inspirés) qui se succèdent jusqu en 661 soumettent l Egypte et la Syrie, arrachées à l empire byzantin, et la Perse sassanide, dont la langue et la culture sont étrangères au monde arabe. Puis de graves dissensions sur la succession aboutissent à la première guerr e civile de l Islam et au schisme entre la minorité chiite (partisans d Ali, cousin et gendr e du Prophète) et la majorité «orthodoxe» sunnite. Les chiites attribuent la légitimité de la succession aux descendants de Mahomet, les imams, leur reconnaissant en outre le droit d interpréter le Coran. Pour les sunnites, le message du Coran est clos à la mort du Prophète. 3

4 Source : cyberatlas hi stori que d Alai n Houot ; perso.numeri cable. fr/~al houot/alai n.houot/ C est la dynastie sunnite des Ommeyades héréditaire qui l emporte et s installe à Damas, en Syrie. Elle soumet difficilement le Maghreb ber bère, l Espagne entre 711 et 725 (Al-Andalus est fondé en 755), mais échoue devant les Francs chr étiens de Charles Martel (Poitiers, 732) et les Byzantins (Constantinople, 718). Ils ravagent tout de même la Septimanie (Narbonnaise) entre 719 et 752 avant d être chassés par Pépin le Bref. L hostilité anti-arabe se développant, une nouvelle dynastie les Abbassides appuyés par des Persans usurpe le califat et fonde une nouvelle capitale à Bagdad, sur les rives du Tigr e. L empire s étend alors de l Atlantique jusqu à l Indus. Quelques centaines de milliers de combattants, ani més de l esprit du jihad, ont soumis un sixième de l humanité. Les conquérants s appuient sur une foi missionnaire, une langue commune, les «fonctionnaires» des empires perses et byzantins et leur tolérance des peuples soumis (juifs et chrétiens obtiennent le statut de dhimmis, qui leur per met de conserver leur r eligion et leurs coutumes moyennant un tribut). Toutefois, l immensité de l empire, la diversité ethnique et linguistique des populations face à la minorité arabe des vainqueurs provoquent le morcellement du territoire et l apparition de califats indépendants (le califat ommeyade de Cordoue) ou de dynasties locales hér éditaires (dans l actuelle 4

5 Tunisie notamment). Le pouvoir tempor el des califes ne cesse de décliner, jusqu à la destruction de Bagdad par les Mongols en 1258, entraînant dans sa chute la domination de la langue et de la culture arabes. «A la fin du XV siècle, les deux tiers au moins des populations de l islam vivaient sous des rois qui parlaient persan et ignoraient l arabe» (Gabriel Martinez-Gros, L Histoire, janvier 2003). Tout l est de l aire musulmane, à partir de l Anatolie conquise par les Turcs ottomans, est indifférente au califat, à l arabe et à la descendance du prophèt e. L ouest de cette aire, devenue «le monde arabe», reste attachée aux origines arabes de l islam et aux privilèges des descendants du Prophète (c est le cas de la monarchie chérifienne du Maroc). II. Le Coran et l Islam L Islam signifie la «soumission» à un Dieu unique exigeant et omnipotent, Allah (c était le nom de la principale divinité du panthéon polythéiste du sudouest de la péninsule arabique). Le prophète Mahomet annonce une nouvelle Alliance entre les Arabes et Dieu pour accomplir la Loi du Dieu unique, dans l attente du Jugement dernier et de la résurrection des cor ps pour les fidèles, au paradis ou en enfer. a. La récitation Cet enseignement est oral (il semble que Mahomet ne savait ni lire ni écrire). Il revient au troisième calife Othman de fixer par écrit, une vingtaine d années plus tard, la Révélation divine : c est le Coran (d après le mot arabe, Qr, qui signifie récitation). Il comprend 114 sourates (chapitres) divisées en 6226 versets, classées par or dre décroissant de longueur (à part la premièr e, dite liminaire, Fâtiha). Le Coran est rédigé en arabe et fixe dès les VIII ème - IX ème siècles l excellence littéraire (à l origine de l arabe classique par rapport à l arabe dialectal). Langue de la Révélation choisie par Dieu pour parler aux hommes, l arabe fait du Coran, pour ses fidèles, un livre intraduisible et la langue sacrée des rites et des prières (même dans les pays musulmans non arabophones). Le Coran est l un des 3 piliers de la religion et de la civilisation islamique, avec les hadith (les dits et les faits du prophète) et la Sira (exemples de la vie de Mahomet) : l ensemble constitue la sunna, la Tradition (au moins pour la majorité, dite sunnite, des musulmans). Cette sunna d inspiration religieuse réglemente aussi toute la société (l e culte, mais aussi le droit, les rapports familiaux, sociaux et internationaux). Cette loi coranique, qui réglemente le droit civil, commercial, pénal, c est la charia. Beaucoup d Etats musul mans modernes ont abandonné, depuis le milieu du XIX ème siècle, certaines de ces règles pénales. 5

6 b. Une religion du Livre Il semble qu au début, Mahomet se soit considéré comme le continuateur du prophétisme juif (l Islam, c est la religion d Abraham, qui s est détour né des idoles) et chr étien, et les premiers fidèles tournent leurs prières vers Jérusalem (en échange de la reddition de la Mecque à la nouvelle religion, c est vers cette dernière que se tourneront ensuite les musulmans.) Le Coran abonde de référ ences à la Torah et à l Ancien Testament, et Mahomet n est que le dernier des prophètes Adam, Noé, Abraham, Moïse et Jésus (Abraham et son fils Ismail auraient même fondé le sanctuaire de la Kaaba). L Islam distingue de la masse des infidèles les «gens du Livre», c est à dire les Juifs et les Chr étiens. Il ne prétend pas s opposer mais dépasser les r eligions juive et chrétienne. Il leur reproche seulement de ne pas avoir reconnu son message, celui de Dieu. Tout comme les chrétiens à la même époque, les musulmans estimaient légitime de combattre pour soumettre le monde à leur autorité. A la différ ence pr ès que dans leurs conquêtes, les autochtones sont libres de pratiquer leur religion en échange d un impôt. c. Les cinq piliers de l Islam L interprétation des sourates et de la sunna est confiée aux i mams, qui dirigent par ailleurs les prières dans les mosquées. Les 5 obligations du croyant sont les suivantes : la profession de foi en un dieu unique annoncé par son prophète, transcendance et unicité : un seul dieu Allah et Mahomet son prophèt e la prière 5 fois par jour (aube, midi, après-midi, coucher du soleil et nuit) tourné vers la Mecque, précédée d ablutions rituelles, sur un tapis qui sépare du monde extérieur ; en tous lieux sauf celle du vendredi qui doit se faire à la mosquée l aumône ou l impôt rituel (le zakat), dîme prélevée sur les riches au profit des pauvres le jeûne du ramadan continuation de la loi juive et chrétienne le pèlerinage à la Mecque, au moins une fois dans sa vie pour les musulmans en état de le faire A cela s ajoutent, la tolérance de la polygamie (4 femmes), des interdits alimentaires (porc, bêtes non égorgées, alcool). III. La Méditerranée, une frontière politique, militaire et religieuse A la fin du XI ème, au moment même où les moines de Cîteaux rénovaient la vieille règle bénédictine, l Occident médiéval s enflamma, en un vaste élan mystique et chevaleresque, pour la délivrance des Lieux saints de Palestine 6

7 occupés par les «infidèles». De cette aventure militaire éphémère, bientôt pervertie par les rivalités d États et par le goût des ors de Byzance, le Moyen Âge devait extraire un idéal chr étien qui, transmis par la littérature épique («le Cycle de la croisade»), influença durablement la société occidentale. Les croisades furent donc les expéditions militaires organisées par l Europe chrétienne entre 1096 et 1291 pour soustraire Jérusalem, ainsi que tous les lieux associés à des événements de la vie terrestre du Christ, à la domination musulmane ; les historiens dénombrent traditionnellement huit grandes croisades, mais des opérations de moindre enver gure eurent lieu tout au long des XII ème et XIII ème siècles. a. L offensive d un Occident en expansion : les Croisades et la mise en place des Etats latins d Orient La première croisade, : À la demande de l empereur byzantin Alexis Comnène, le pape Urbain II prêche la croisade au cours du concile de Clermont (novembre 1095). Cette guerre défensive fut perçue comme une guerre sainte et toutes les classes de la sociét é répondirent avec enthousiasme à cet appel à l aide. Un pr emier contingent composé d hommes du peuple, conduit par Pierre l Ermite et Gautier Sans Avoir, se fit massacrer par les Turcs à Nicée en L armée des chevaliers (Godefroy de Bouillon, Duc de Basse-Lorraine et son frère Baudouin, Raymond de Saint-Gilles, Comt e de Toulouse, de nombreux autres grands seigneurs ainsi que quelques normands de Sicile conduit par Bohémond de Haut eville) assiégea Nicée, qui fut rendue aux Byzantins en juin 1097, fit la conquêt e d Antioche (1098) puis celle de Jérusalem (1099), dont la population fut massacrée. Avec Édesse et Tripoli, ces territoires constituèrent ce qu on appelle les États latins du Levant. Le royaume de Jérusalem eut pour chef Godefroi de Bouillon. La deuxième croisade, : La prise d Édesse par les musulmans en 1145 et le désir du roi de France Louis VII de se rendre à Jérusalem en pèlerinage débouchèrent sur la deuxième croisade. Celle-ci fut déci dée par le pape Eugène III et prêchée par Bernard de Clairvaux, qui convainquit l empereur ger manique Conrad III de joindre ses forces à celles de Louis VII. Divisés et incapables de s entendr e avec l empereur byzantin Manuel Comnène, les croisés échouèr ent face à l atabeg d Alep, Nūr ad- Dīn. La troisième croisade, : La reconquête de Jérusalem par Saladin (Salah ad-dīn), successeur de Nūr ad-dīn, 7

8 en 1187, déclencha la troisième croisade, conduite par les grands souverains occidentaux : l empereur Frédéric I er Barberousse, le roi de France Philippe II Auguste et le roi d Angleterre Richard I er Cœur de Lion. Les croisés conquirent Chypre et Acre et reconstituèrent le royaume de Jérusalem, réduit à une frange côtière, puis négocièr ent une trêve avec Saladin. La quatrième croisade, : Le pape Innocent III, pour asseoir l autorité pontificale, prit l initiative d une nouvelle croisade, prêchée par Foulques de Neuilly et dirigée par Thi baut III de Champagne puis par Boniface de Montferrat. La quatrième croisade était initialement dirigée contre l Égypte. Mais, à la demande d Alexis Ange, fils de l emper eur byzantin Isaac II Ange, qui avait été renversé par son frère, l armée se dirigea sur Constantinople, où elle rétablit Isaac II en juillet Après une révolte de la population grecque, les croisés et les Vénitiens s empar èrent du pouvoir à Constantinople et se partagèrent l Empire byzantin. Ce fut donc la premi ère des croisades «déviées» du XIII ème siècle, aux buts plus politiques que r eligieux. L idéal de la croisade demeura cependant vivace dans les mentalités, surtout parmi les classes populaires. Cet idéal s exprima lors d expéditions vouées à l échec comme la croisade des enfants en Des milliers de pèlerins français et allemands, qui étaient pour la plupart des bergers, mourur ent en se rendant en Palestine. La cinquième croisade, : Innocent III promulgua de nouveau la croisade en 1213 en raison de la menace que faisait peser sur Acre la forteresse construite sur le mont Thabor par al-malīk al- Adil, frère de Saladin, en Cette croisade, animée par Andr é II de Hongrie et par le duc d Autriche Léopol d VI qui débarquèrent à Acr e, n eut aucun r ésultat concret, excepté la prise éphémèr e de Damiette par Jean de Brienne, roi de Jérusalem. Mais l armée des croisés, encerclée, dut rendre la ville au sultan. La sixième croisade, : Bien qu excommunié, l emper eur ger manique Fr édéric II, qui avait épousé l héritière du royaume de Jérusalem, prit la tête d une nouvelle croisade, et conclut avec le sultan al-malīk al-kamil le traité de Jaffa (11 février 1229), par lequel la ville de Jérusalem était restituée aux Latins, à l exception de l emplacement du Temple et des mosquées d Omar et d Al-Aqsa. 8

9 La septième croisade, : La ville sainte de Jérusalem ayant été reprise par les musulmans en 1244, le pape Innocent IV lança une nouvelle croisade, dont le roi de France Louis IX (Saint Louis) prit la direction. L armée ne put partir qu en 1248, reprit Damiette en 1249 et tenta vainement de s empar er de la place forte d Al-Mansūrah en La famine et l épidémi e obligèrent Louis IX à capituler et le roi fut emprisonné. Ayant dû restituer Damiette en échange de sa libération, il gagna la Syrie, où il resta quatre ans avant de rentrer en France en La huitième croisade, 1270 : Menacés par le sultan mamelouk Baybars I er, les États latins ne cessèrent d appeler l Occident à l aide. Louis IX, voulant effacer l échec de sa premièr e expédition, organisa la dernière grande croisade. Mais, ayant à peine débarqué à Tunis en 1270, il mourut et l armée française, conduite par son frère Charles d Anjou, roi de Sicile, se retira aussitôt. Le prince Édouard d Angleterre obtint de Baybars I er le renouvellement des trêves. Les Mamelouks d Égypte grignotèr ent cependant les t erritoires latins. La chute d Acr e en 1291 marqua la fin de l époque des croisades et des États latins. Source : Manuel de 2 nd, Bréal. Organisation matérielle de la croisade La croisade ne s est dotée que progr essivement d institutions codifiées. L e croisé s est d abor d équipé à ses propres frais, comme n importe quel pèlerin. 9

10 Mais, au cours du XII ème siècle, les règles de la féodalité ont inclus la croisade dans l «aide aux quatre cas», c est-à-dire les quatre circonstances pour lesquelles un seigneur pouvait exiger de ses vassaux une contribution financièr e. De même, les souverains prélevèr ent des dî mes (notamment la «dîme saladine» de 1188). Par ailleurs, les croisades ont favorisé le développement des pratiques bancaires, particulièrement dans les villes italiennes. Le commandement militaire fut assuré par des conseils de barons, même lorsqu un chef était désigné. Les ar mées se débarrassèrent rapidement des éléments populaires qui avaient caractérisé la première croisade et compromis sa réussite, pour n être plus constituées que de chevaliers et d une infanterie de plus en plus importante au XIII ème siècle. Dès la fin du XII ème siècle, on préféra traverser la mer Méditerranée en bateau plutôt que de la contourner par voie terrestre ; aussi des progrès furent-ils accomplis dans la construction navale. Le statut juridique des croisés fut défini en 1145 par la bulle Quantum praedecessores, qui les plaça sous la protection de l Église ; ils relevaient donc des tribunaux ecclésiastiques et ne devaient plus rien à leur seigneur ni au roi tant qu ils étaient à la croisade. Le pape fut toujours le chef spirituel de la croisade, mais il en confia souvent la prédication à autrui, notamment à des légats pontificaux. Tout croisé était réputé être «soldat du Christ» : la croix cousue sur ses vêtements était le signe par lequel Dieu le chargeait de représenter le royaume des cieux. Conséquences historiques des croisades Les États issus de la conquêt e se dot èrent d une législation de type occidental et féodal, avec tout efois quelques emprunts au substrat musulman et quelques influences byzantines. Aux atrocités de la pr emière croisade succéda une relative tolérance envers les non-chrétiens. Les croisades donnèrent naissance à trois grands or dres militaires et religieux, qui, par la suite, contribuèrent beaucoup à la défense et à l expansion de la chrétienté : Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, Templiers, chevaliers Teutoniques. Les Hospitaliers existaient en fait depuis 1050, et ils eurent uniquement, à l origine, un rôle d accueil et de prot ection des pèlerins. Les Templiers se dotèr ent d une règle en 1128 ; leur rôle, d abor d militaire, devint rapidement financier. La population franque se concentra dans les villes et ne se mêla que peu à la population locale ; les Latins nés en Orient reçurent le nom de «poulains». On ne peut pas dire qu il y ait eu brassage de civilisations, mais plutôt juxtaposition. Les Occidentaux s adaptèrent à un monde plus ur banisé que le leur et à un nouveau milieu naturel, mais il y eut peu d influences réciproques. C est par l Espagne que l Occident acquit une meilleure connaissance de l islam, plutôt que 10

11 par le biais des croisés, même si certains d entre eux furent amenés à parler couramment l arabe. Les Latins introduisirent tels quels les styles artistiques et architecturaux qui prévalaient chez eux (krak des Chevaliers, dans le comté de Tripoli), ne faisant que des emprunts de détail à Byzance et à l islam. L influence sur la civilisation occidentale fut très faible, si ce n est que la croisade devint un thème littéraire fréquemment traité dans les chroniques et les chansons, qui exhortaient au départ ou exposaient le dilemme entre l amour terrestre et le devoir de chrétien. Cependant, la croisade, qui justifiait dans des circonstances bien précises l activité guerrière, i mprégna durablement la mentalité occidentale, en dépit des vives critiques que suscita au XIII ème siècle la «déviation» des croisades vers des buts plus politiques que religieux (croisade des albigeois, expéditions papales dirigées contre l emper eur). Aujour d hui encore, le ter me même de croisade est employé pour désigner une action d envergure qui vise un but élevé, voire humanitaire. L histoire des croisades ne s est étendue que sur deux siècles et a surtout abouti à des massacres et à l érection de quelques monuments architecturaux ; mais l idéal de cr oisade est resté vivace jusqu à l époque moderne, et les croisades demeurent le témoignage du développement économique et culturel de l Europe des XII ème et XIII ème siècles. b. La Reconquista dans la péninsule ibérique Le terme espagnol «Reconquista» désigne la reconquêt e des territoires ibériques par les chrétiens contre les Maures (Arabes de la Péninsule) au Moyen Âge. L historiographie classique fait commencer cette grande et longue épopée à la bataille de Covadonga (datée de 718 ou, plus probablement, de 722) ; elle se termina en 1492 par la prise de Gr enade, capitale du dernier royaume musul man. Nourrie de mythes (les apparitions de l apôtre saint Jacques au secours des chrétiens), d exploits (al-mansur au X ème siècle ou le Cid Campeador) et de l émerveillement que suscita la découverte progressive de la brillante civilisation hispano-musulmane par les conquérants, elle a profondément marqué l identité de l Espagne et du Portugal : esprit de croisade, repeuplement des terres gagnées, tendance à l expansion territoriale dont l aventure américaine fut peut-être un prolongement. L histoire de cette grande geste médiévale, écrite par les vainqueurs et fondatrice des nations de la péninsule Ibérique, fut un enjeu idéologique considérable. La conquêt e de la péninsule ibérique par les Arabes n est au départ qu une série de razzias destinées à engranger du butin. Puis le dernier O meyade d orient, Abd-al-Rahman, crée l émirat indépendant d Al- Andalous et de Cor doue en Huit émirs se succèdent jusqu en 929, année où Abd-al-Rahman III émir depuis 913, se proclame calife ; le califat dura un siècle. 11

12 Source : Manuel de 2 nd, Bréal. Les étapes de la Reconquête La Reconquête débuta dans les Asturies, onze ans après l anéantissement en 711 par les Maures du royaume wisigothique d Espagne. Ses premièr es victoires correspondaient plus à l affirmation de l indépendance des populations du nor d-est qu à une guerre de religion et encor e moins à un vaste projet stratégique. Les États chrétiens qui se constituèrent ensuite (Asturies : VIII ème siècle ; Navarre : IX ème siècle) amenèrent la ligne de reconquête sur le Duero au début du X ème siècle. Après les victoires d al-mansur, vers l an mille, les royaumes d Aragon et de Castille naquirent au XI ème siècle. La progression se fit alors à l est (prise de Saragosse, 1118). Ce fut la menace de l Empire almohade qui poussa les forces chrétiennes à s unir : la victoire de Las Navas de Tolosa (1212) remportée par Alphonse VIII de Castille, Pierre II d Aragon et Sanche VII de Navarre sur les troupes al mohades fut une étape décisive de la Reconquête. L es prises de Cor doue (1236), de Valence (1238) et de Séville (1248) ne laissèrent bientôt subsister que le petit royaume musulman de Grenade, conquit par les Rois Catholiques Ferdinand d Aragon et Isabelle de Castille en

13 c. Un exemple de cohabitation pacifique : la Sicile au XII ème siècle Au XII ème siècle, les souverains normands de Sicile assoient leur autorité sur une mosaïque de peuples : Italiens, Normands, Grecs, Arabes. Les mariages mixtes sont fréquents, les ministres sont de toutes les confessions. La tolérance de ces souverains, qui vivent à l orientale, entourés d un harem et d eunuques, fait de la Sicile un foyer de civilisation. Roger II accueille à sa Cour Al Idrisi. Son «Livre du roi Roger» donne à l Europe son premi er livre des routes de la terre, de l Oural au cap Nord, de l Islande à l Inde, à la Chine, du Mali à l Océan Indien. Guillaume I er a comme son père des discussions philosophiques et littéraires avec des hommes de culture, gr ecs et musulmans. Il passe de longs moments cloîtré dans son harem, navigue sur des bateaux richement décorés, s entoure de musiciens arabes. Guillaume II parle aussi l arabe, comme ses père et grand-père. Il faillit partir à la troisième croisade. Apr ès sa mort, une révolte des Musul mans éclate, réprimée dans le sang. Les survivants se réfugient dans les montagnes de l intérieur. La hiérarchie féodale s associe avec l Eglise catholique, qui enten d convertir les «infidèles». Les Musulmans émigrent vers l Orient, l Afrique du Nord. Vers 1225, l emper eur ger manique Frédéric II, devenu maître de la Sicile, fait déporter des rebelles musulmans vers l Italie du Sud. A nouveau en 1243 : c est la fin de la présence musulmane en Sicile, la fin d un siècle de relative tolérance. IV. La Méditerranée, une aire d échanges culturels et commerciaux Les Arabes jouissent d une indéniable supériorité culturelle, artistique et scientifique. Ils ont hérité science, savoir et culture des peuples d Orient depuis l Antiquité : l héritage des voisins perses, indiens et même chinois (maths, techniques, astronomie) l héritage des civilisations de Mésopotamie (Sumériens, Assyriens, Babyloniens) l héritage grec (art, littérature, théâtre, architecture, médecine, mat hématiques) l héritage du droit romain, des techniques commerciales et agricoles de l Antiquité l héritage de la culture juive, notamment pour les moeurs (beaucoup de communautés juives en Orient) 13

14 Littérature (ex : 1000 et 1 nuits) Maison de la Sagesse fondée à Bagdad en 832 par Calife Al-Ma mun où sont traduites les œuvres grecques Diffusion de la langue sacrée du Coran (arabe) et calligraphie Architecture monumentale (monde musulman est une civilisation urbaine) Pourquoi? monde de marchands au contact de l Orient (Inde pour les épices, Chine pour la soie) Richesse économique et commerciale qui permettent un essor de la civilisation Bonne diffusion du savoir grâce aux écoles coraniques (madrasas) et la langue arabe Source : Manuel de 2 nd, Bréal. 14

15 a. Une civilisation féconde : urbaine et savante La ville est une composante essentielle de la civilisation arabo-islamique, qui fut l une des plus bâtisseuses. Les villes arabes, autour de l an Mil, sont les plus grandes du monde : à habitants pour Cordoue, pour Bagdad, qui seule peut rivaliser avec Constantinople. Base arrière pour les nouvelles vagues de conquête, la ville est insérée dans le r éseau de circulation des soldats, des marchandises et des ordres. La ville (médina) est protégée par une muraille, parfois dominée par une citadelle, avec au cœur la grande mosquée, les médersas (écoles coraniques) autour desquelles s organisent les souks, zones d artisanat (orfèvres, relieurs, armuriers ) et de commerce (les marchands musul mans font connaître au monde chrétien les produits orientaux comme le riz, la pêche, l abricot, le coton, le citron, l orange, les épices, la porcelaine et le papier chinois). Les quartiers se développent spontanément selon des critères ethniques, religieux ou socio-professionnels. Des hammams (les bains) per pétuent la tradition des ther mes romains, au centre de la sociabilité publique. L es habitations, sans ouverture sur la rue, préservent l intimité des familles élargies, autour d un patio central. A l extérieur des murailles sont reléguées les activités polluantes ou danger euses (teintureries, fours des potiers ) Les grands commerçants (et parmi eux beaucoup de Juifs), les lettrés et les représentants du calife ne constituent pas une «bourgeoisie» urbaine. L es villes n ont pas d institutions spécifiques, et sans aucune autonomie, elles continuent de verser l impôt à l État, dans un monde islamique qui ne connaît pas la féodalisation. Les Ommeyades les premiers développent lieux d enseignement et bi bliothèques. Leur entreprise est poursuivie par les Abbassides, qui s estiment dépositaires de la science antique, qu ils essaient de mettre au service de la nouvelle religion. Ainsi, ils s intéressent plus à l astronomie qu aux ouvrages de droit (contenu dans le Coran). Fils d'haroun el-rachi d, le calife abbasside Al- Mamun ( ) crée à Bagdad un observatoire et la Maison de la Sagesse, acquiert ou confisque textes grecs, syriaques, arabes, invite traducteurs et savants, dont il privilégie l approche rationaliste, proclamant même que le Coran est une création humaine! C est le début d un «âge d or» de la pensée islamique, du IX ème au XIII ème siècle. Les avancées scientifiques se multiplient lors de ces contacts : découverte de l inclinaison de l axe de la terre, mise au point de l astrolabe, introduction du zéro en arithmétique, diffusion de l algèbre... D es esprits scientifiques, comme le grand mat hématicien et astronome persan du XII ème siècle Omar Khayyam, sont aussi des poètes. 15

16 Par l intermédiaire du monde arabo-islamique, l Occident chrétien redécouvre l héritage philosophique et scientifique gréco-latin, pr éservé, approprié et enrichi par les plus grands savants musulmans, dès le IX ème siècle. Liste des auteurs grecs traduits de l arabe au latin ARISTOTE PLATON PTOLEMEE GALIEN HIPPOCRATE EUCLIDE Phi losophi e Phi losophi e Géographi e, opti que, astronomi e Médeci ne Médeci ne Mathémati ques, géométri e D autre part, ils ont aussi traduit les scientifiques et intellectuels arabes qui avaient prolongé la science antique des Gr ecs. C est ainsi que la culture européenne prend don véritable essor avec une renaissance culturelle au XII ème siècle, issue de ces contacts et qui fait naître les Universités en Europe. La théologie et la philosophie s enseignent à la Sor bonne (Paris) grâce aux livres de Platon et d Aristote pour les Grecs mais aussi grâce à la philosophie arabe d Averroès, le plus grand intellectuel du XII ème siècle. Les mathématiques modernes naissent grâce à la redécouverte de Ptolémée et Euclide mais aussi grâce à Al-Khwarizmi (adoption des chiffres arabes et du zéro dès l an Mil, définitif au XIV ème s.). Enfin, la médecine, enseignée en France à Montpellier profite des ouvrages grecs de Galien mais aussi de la médecine d Avicenne. Liste des auteurs arabes traduits de l arabe au latin AL-KINDI AL-FARABI AVERROES (IBN RUSHD) AVICENNE (IBN S INA) AL-RAZI (RHAZES) AL-KHWARIZMI CORAN Phi losophi e Phi losophi e Philosophie Médeci ne Médeci ne Mathémati ques Reli gi on Cet «âge d or» est cependant traversé par l offensive des Croisés en Palestine et les invasions mongoles du XIII ème siècle : Bagdad est rasée en Alors que les commentaires d Aristote par Averroès irriguent le renouveau de la pensée universitaire en Occident, la falsafa (philosophie) est de plus en plus critiquée, sinon condamnée, par les théologiens musulmans. La connaissance des êtres et du monde par la raison, au lieu de s en remettre exclusivement à la Révélation, sa contestation de l immortalité de l âme valent à Averroès la condamnation des autorités. Il est emprisonné, contraint de s enfuir et de se cacher, finissant sa vie dans la pauvreté. Au XIV ème siècle, le grand historien Ibn Khaldun regrette l affadissement de la pensée intellectuelle : «Lorsque le vent de la civilisation eut cessé de 16

17 souffler sur le Maghr eb et sur al-andalus, et que le dépérissement des connaissances scientifiques eut suivi celui de la civilisation, les sciences disparurent On en trouve seulement quelques notions, chez de rares individus, qui doivent se dérober à la surveillance des docteurs de la foi orthodoxe». Débarrassé des Croisés, refusant un instrument de diffusion du savoir et de la modernité aussi important que l impri merie, le Dâr al-islam («demeur e ou territoire de l islam») va se replier sur lui-même au XV ème siècle, sur la rive Sud d une Méditerranée marginalisée par rapport à l Atlantique. Après l influence perse, c est la suprématie des Turcs Ottomans (qui s emparent également de Byzance en 1453) qui s impose sur les territoires arabo-musul mans jusqu au XIX ème siècle, jusqu à la colonisation européenne b. Les échanges commerciaux Source : Manuel de 2 nd, Bréal. Si les échanges culturels se font au grand profit de l Occident, les échanges économiques sont davantage équilibrés : les musulmans achètent bois et métaux qui leur font défaut et surtout les épées occidentales partout réputées, ce malgré l hostilité du Pape. 17

18 Les Carolingiens exportent également des esclaves jusqu à la fin de la christianisation. les chrétiens importent des épices poivre, gingembre, girofle, muscade, camphr e, myrr he divers colorants, des verreries, des pierres précieuses, des faïences, également de l alun (fixateur), du cuir, des soieries. les chrétiens importent également de nouvelles plantes et des techniques agricoles : dattes, oranges, citrons, pamplemousses, grenades, abricots, safran, riz, coton, canne à sucr e, banane, artichauts, aubergines cultivés grâce à l irrigation norias permettant la culture des huertas, jardins irrigués très fertiles. Au total, des affrontements militaires répétés croisades, jihad au XII ème siècle et Reconquista entre les VIII ème et le XV ème siècles, mais également des contacts pacifiques, ce dont témoigne l essor du commerce méditerranéen : l impulsion vient des républiques italiennes Venise, Gênes qui intensifient les échanges entre l Occident, l Empire Byzantin et les Etats musul mans. Ces conditions économiques favorables stimulent les relations entre les différent es régions de la Méditerranée et per mettent le développement des techniques commerciales et industrielles. Favorisés par les échanges commer ciaux, les contacts culturels dans les régions où les civilisations se côtoient plus longuement : en Italie (byzantin), en Espagne (arabe), en Syrie-Palestine (églises), en Sicile (les trois). Les échanges culturels sont ainsi fructueux sciences et littérature notamment dans l héritage transmis par les Arabes à la chrétienté (grands centres de pensée (Palerme, Tolède, Cordoue). 18