Trauernacht. Johann Sebastian Bach

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1 Trauernacht Johann Sebastian Bach 1

2 Le meilleur festival d opéra Le Festival d Aix-en-Provence porte au plus haut les couleurs de l art lyrique, monde de passion, depuis sa création en Il réunit les plus grandes voix et parmi les meilleurs chefs d orchestre de notre temps, assure le rayonnement d un répertoire incomparable, et favorise tout autant, par des créations, le renouveau d une discipline riche d histoire et de légendes. Cette édition 2014 nous apporte encore une fois l illustration de la très grande qualité de cette manifestation en programmant, en ouverture, en fidélité à sa tradition mozartienne, La Flûte enchantée, mise en scène par Simon McBurney, sous la direction musicale de Pablo Heras-Casado, suivie d Ariodante de Haendel, sous la direction d Andrea Marcon, de l opéra bouffe Il Turco in Italia de Rossini, des Lieder pour voix et piano Winterreise de Schubert et des cantates de Bach Trauernacht. Ces œuvres, non seulement conduites par des chefs d orchestre et des metteurs en scène d exception, seront magistralement interprétées, entre autres, par de grandes artistes lyriques : Waltraud Meier, Patricia Petibon, Sandrine Piau, Olga Peretyatko, Sarah Connolly. Pour la deuxième année consécutive, un prélude, le Festival d Aix EN JUIN, proposera au public de nombreux spectacles et événements donnés par les jeunes artistes de l Académie européenne de musique, les artistes des productions du mois de juillet et les participants aux ateliers de pratique artistique créés par le Festival. Je suis particulièrement sensible à la vocation européenne du Festival, illustrée par des co-productions avec de grandes structures lyriques européennes, et par le dynamisme des activités de l Académie européenne de musique, si importantes pour l insertion des jeunes artistes qui y sont associés. Je suis très attachée à cette forme d expression musicale et dramatique et très confiante dans la place qu elle ne doit cesser de développer au cœur de notre vie artistique et culturelle. À Bernard Foccroulle, l artisan passionné de la réussite du Festival, à celles et ceux qui y travaillent à ses côtés, ainsi qu à l ensemble des partenaires, je renouvelle l assurance du soutien du ministère de la Culture et de la Communication, et l expression de mes chaleureux vœux de succès. Aurélie Filippetti Ministre de la Culture et de la Communication En emportant le prix du «meilleur festival d opéra», à l occasion des International Opera Awards en avril dernier, le Festival d Aix a reçu plus qu une distinction. C est à la fois un hommage à une institution née il y a plus de 65 ans autour de Gabriel Dussurget, mais aussi la reconnaissance de la politique menée depuis une dizaine d années. Cette politique, dont Bernard Foccroulle est depuis 2007 un formidable ambassadeur, a fait le pari d emprunter plusieurs chemins : celui de l excellence, d une part, avec la venue d interprètes parmi les plus prestigieux, ou la création d opéras audacieux, comme l a d ailleurs prouvé le prix reçu l an passé par Written on Skin, composé à l occasion de l édition Mais aussi celui de l ouverture d autre part, avec l élaboration d événements adaptés à un large public. A ce titre, le lancement l an passé d Aix EN JUIN, en prélude au Festival, est emblématique. A l aide d une tarification adaptée, il s adresse au plus grand nombre. En programmant des opéras, des concerts, des récitals ou des master classes donnés par de jeunes artistes et des interprètes confirmés, il ne transige pas sur la qualité. Parade[s], ce grand concert gratuit qui attire des milliers de personnes sur le Cours Mirabeau, le confirme magnifiquement. En 2013, plus de personnes ont assisté gratuitement à des représentations du Festival, soit plus du quart de la fréquentation globale. Parallèlement, le taux de remplissage des concerts frôle les 90 % quand celui des opéras affiche 99,5 %. C est une immense réussite. Le Festival voit sa notoriété internationale, nourrie par le succès, sans cesse s étendre. Pourtant il n a jamais été aussi proche de son territoire. C est sans conteste le plus beau des paradoxes. Je veux saluer ici le travail de l ensemble des équipes, dont la qualité est un honneur pour la ville et l ensemble des Aixois. Cette année encore, la programmation augure de grands moments d émotions, ceux-là mêmes qui font la légende du Festival. Qu il s agisse du chant ou du théâtre, des subtilités de l écriture ou de la beauté des décors, chacun y trouvera beaucoup de plaisir et de bonheur, autant de sensations plus que jamais universelles. Très bonne édition 2014 à tous. Maryse Joissains Masini Maire d Aix-en-Provence Président de la Communauté du Pays d Aix 2 3

3 La poésie est à la fois parole et provocation silencieuse, désespérée de notre être-exigeant pour la venue d une réalité qui sera sans concurrente. (René Char, Dans la marche) Ce 66 ème Festival d Aix-en-Provence invite au voyage et à la découverte de l opéra et de la musique dans toute sa diversité : cinq productions d opéra de Mozart, Haendel, Rossini, Schubert et Bach, vingt concerts couvrant la musique symphonique, la musique de chambre, le récital ou encore les musiques de la Méditerranée, ainsi que de nombreuses manifestations publiques de l Académie européenne de musique. Le Festival d Aix a poursuivi sa politique d ouverture au public le plus large. En 2013 Aix EN JUIN a réuni, avant le festival de juillet, spectateurs dans plus de 50 manifestations qui se sont déroulées dans Aix et sa région. En 2014 Aix EN JUIN commencera dès le 31 mai pour se terminer par une manifestation publique sur le Cours Mirabeau, le dimanche 29 juin, qui devrait réunir plus de personnes pour écouter un certain nombre d airs du Turc en Italie de Rossini, interprétés par des chanteurs de la production dirigés par Marc Minkowski. Parallèlement à Aix EN JUIN le Festival a développé des actions éducatives avec l Académie européenne de musique réunissant 250 participants de 30 nationalités pendant 3 mois et les ateliers créatifs du programme «Passerelles» des services éducatif et socio-artistique complètent ces actions. Enfin, un accord conclu il y a plusieurs années avec le rectorat permet à plus de élèves d être initiés à l opéra. Le Festival est également largement diffusé grâce aux retransmissions radios et télévisuelles de nos partenaires Arte et arteconcert, Radio Classique, France Musique et France Télévision. Ces retransmissions sont complétées par des projections gratuites, en direct et en plein air, avec cette année deux opéras, La Flûte enchantée de Mozart et Ariodante de Haendel, projetés sur grand écran à Aix-en-Provence et Marseille, dans 19 autres villes de la région et 20 villes en France et dans le monde. Tout cela a été rendu possible grâce aux partenaires publics, Etat et collectivités territoriales, et aux mécènes privés particulièrement nombreux qui nous soutiennent fidèlement depuis plusieurs années. Je souhaite à chacun d entre vous d avoir un très bon séjour à Aix-en-Provence. Bruno Roger Président du Festival d Aix-en-Provence Musique, poésie, théâtre, arts visuels, toutes ces disciplines concourent au charme de l opéra et se retrouvent au cœur de cette édition du Festival d Aix, de la fable merveilleuse de La Flûte enchantée à la route du voyageur solitaire de Winterreise, des personnages émouvants de l Ariodante de Haendel au comique débridé du Turco in Italia de Rossini, de la création de Manfred Trojahn sur des poèmes de René Char à la méditation sur la vie et la mort qui traverse les cantates de Bach choisies par Katie Mitchell et Raphaël Pichon Quels que soient les chemins empruntés pour parcourir cette programmation d opéra et de concert, nous percevons les échos de l humanité réelle, fantasmée, imaginée, rêvée, et ce qui nous touche, c est tout autant le plaisir du chant que celui du théâtre, ce sont les subtilités de l écriture polyphonique, les voix du chœur dialoguant avec les solistes, les recherches sonores et visuelles les plus audacieuses. Les interprètes de cette édition comptent parmi les plus prestigieux du monde de l opéra ; ils seront rejoints par quelque 250 jeunes artistes provenant de tous les continents. Ces échanges au cœur de notre Académie contribuent ainsi à cette atmosphère chaleureuse qui est celle du Festival d Aix. Dès les premiers jours de juin, le Festival d Aix EN JUIN aura offert plusieurs dizaines de manifestations qui culminent dans le désormais traditionnel concert Parade[s] sur le Cours Mirabeau le 29 juin. Les projets artistiques, menés dans le cadre scolaire et associatif tout au long de l année, aboutissent à la fin du printemps et rythment les mois de juin et juillet. Par ailleurs, les rencontres professionnelles nationales et internationales seront plus nombreuses que jamais. Elles démontrent qu Aix est devenue une véritable plaque-tournante de la vie musicale à l échelle régionale, nationale, européenne et méditerranéenne. Puisse l édition 2014 combler un très large public et lui permettre, grâce à la voix des artistes, de déchiffrer le monde en devenir. Bernard Foccroulle Directeur général du Festival d Aix-en-Provence 4 5

4 Johann Sebastian Bach ( ) TRAUERNACHT NUIT DE DEUIL Cantates de Bach Direction musicale Raphaël Pichon * Mise en scène Katie Mitchell Costumes et scénographie Vicki Mortimer Lumière James Farncombe Assistant musical et répétiteur Répétiteur de langue Assistant à la mise en scène Le Père Les autres membres de la famille : Soprano Alto Ténor Basse Orchestre Continuo clavecin Sébastien Daucé Stephan Rehm Robin Tebbutt Frode Olsen Aoife Miskelly* Eve-Maud Hubeaux* Rupert Charlesworth* Andri Björn Robertsson Ensemble baroque de l Académie européenne de musique Olivier Fortin Nouvelle production du Festival d Aix-en-Provence et de l Académie européenne de musique en coproduction avec le Dutch National Opera, Amstedam, l Opéra national de Bordeaux et les Wiener Festwochen Avec le soutien de (enoa reçoit le soutien du Programme Culture de l Union Européenne) Spectacle en allemand surtitré en français - 1h30 sans entracte Théâtre du Jeu de Paume 11, 14, 16, 19, 21 juillet 20h / 13 juillet 17h Retransmis en direct sur le 13 juillet et en direct sur Culturebox de France Télévisions le 16 juillet *anciens artistes de l Académie européenne de musique 7

5 TRAUERNACHT / Nuit de deuil Vue d ensemble numéros musicaux du spectacle (tous composés par Johann Sebastian Bach, sauf indication contraire) Motet : «Mit Weinen hebt s sich an» de Johann Christoph Bach Sinfonia de la Cantate BWV 146 Chœur de la Cantate BWV 146 : «Wir müssen durch viel Trübsal» Air pour soprano de la Cantate BWV 127 : «Die Seele ruht in Jesu Händen» Récitatif pour alto et ténor de la Cantate BWV 60 : «O schwerer Gang» Air pour ténor de la Cantate BWV 90 : «Es reißet euch ein schrecklich Ende» Récitatif pour alto de la Cantate BWV 8 : «Zwar fühlt mein schwaches Herz» Air pour alto de la Cantate BWV 169 : «Stirb in mir» Chœur de la Cantate BWV 71: «Du wollest dem Feinde nicht geben» Récitatif pour basse de la Cantate BWV 105 : «Wohl aber dem» Air pour basse de la Cantate BWV 159 : «Es ist vollbracht» Chœur de la Cantate BWV 46 : «Schauet doch und sehet» Air pour basse de la Cantate BWV 82 : «Ich habe genug» Choral BWV 668 : «Vor deinen Thron» (arrangé pour quatre voix et consort de flûtes à bec par Raphaël Pichon) Au cœur de l œuvre prolifique de Johann Sebastian Bach ( ), les cantates occupent une place de choix. Bach en a composé plus de deux-cents, dont une grande majorité pour la paroisse de Leipzig où sa fonction de Cantor exigeait qu il écrive chaque semaine une nouvelle cantate dont le texte était choisi en fonction du moment de l année liturgique. Il a composé aussi des cantates sacrées pour des enterrements ou des mariages, et quelques cantates profanes pour des anniversaires ou des occasions particulières. Ces œuvres pour instruments et chanteurs solistes (lesquels interprétaient aussi les parties de chœur) reposent sur des textes inspirés de la Bible comme de la poésie piétiste. Elles mettent en œuvre une véritable dramaturgie spirituelle, par exemple en faisant dialoguer l Âme avec Jésus. L alternance d airs, de récitatifs, de duos, de chœurs et de chorals forme une structure généralement bâtie sur un cheminement qui va du doute angoissé jusqu à l apaisement apporté par la foi. Pour cette raison, la mise en scène de ces cantates peut avoir beaucoup de sens, car elle met en évidence la théâtralité constante de la musique de Bach. Telle est du moins la conviction de Katie Mitchell, artiste britannique fascinée par l univers de Bach, dont elle a déjà mis en scène la Passion selon saint Mathieu au Festival de Glyndebourne en Avec la complicité du chef d orchestre Raphaël Pichon, grand spécialiste de la musique du Cantor, Katie Mitchell revisite ainsi le monde des cantates de Bach pour en exalter l énergie dramatique et vitale, laquelle ne cesse de dialoguer avec la mort. Katie Mitchell et Raphaël Pichon ont choisi avec grand soin des airs, récitatifs accompagnés et chœurs puisés dans diverses cantates écrites pour Leipzig, et ils les ont inscrits dans une forme d environ 75 minutes, reprenant la structure d une (longue) cantate liturgique tournant autour de l idée de la mort l angoisse et les interrogations que cette dernière peut provoquer, puis finalement son acceptation. Ce montage, choisi aussi en fonction d un effectif instrumental resserré (11 instrumentistes) et de cinq chanteurs, permet de porter en scène les différents membres d une famille aux prises avec la mort inéluctable : dans un intérieur familial, quatre jeunes adultes sont confrontés à la figure du père et aux questions béantes que pose la fin de vie. 8 9

6 expérience de Bach à la scène, après une production scénique de La Passion selon saint Jean à l Opéra d Amsterdam, en J en ai retiré un enseignement majeur : tout projet de Bach à la scène doit être pensé d abord par le metteur en scène lui-même, comme une projection évidente de son imagination à partir de ces musiques. Et voici que je découvre quelques temps plus tard le travail fabuleux de Katie Mitchell et que, dans la foulée, elle manifeste l envie profonde de faire quelque chose autour des cantates! C était presque un signe, pour moi. Plus sérieusement, si je ne crois pas vraiment à un travail d illustration scénique des cantates, le travail tout en profondeur de Katie Mitchell et cette direction d acteur intime me paraissent évidemment propice à ce projet particulier. C est elle qui en a témoigné l envie et j ai ainsi pu lui servir de «bibliothèque» dans un premier temps, lui livrant mes propositions de musiques de Bach sur ses premières idées dramatiques. Ce fut une belle expérience qui nous a ensuite permis de construire ensemble, pas à pas, notre spectacle. Photo Jean-Baptiste Millot Une pensée musicale emplie de théâtre Entretien avec Raphaël Pichon Vous revenez au Festival d Aix-en-Provence diriger une production de son Académie, quelques années après en avoir été membre comme contre-ténor. Cela doit avoir une connotation toute particulière pour vous Oui, d autant plus en y faisant mes débuts de chef avec ce projet si particulier autour de Bach! Jeune chanteur, j ai été membre de l Académie en 2007, dans une production elle aussi particulière puisqu il s agissait de madrigaux de Monteverdi chorégraphiés, dans ce même théâtre du Jeu de Paume Plus personnellement, ma vie musicale et celle de mon ensemble Pygmalion est reliée de façon fondatrice à l œuvre de Bach, et cela fait totalement sens pour moi que je commence mon aventure lyrique aixoise avec ce projet. Qui en a eu l idée? C est Katie Mitchell. Mais ce projet a aussi une signification particulière pour moi, car j ai déjà eu une Si l on met en scène les Passions de Bach depuis déjà de nombreuses années, cela arrive plus rarement pour les cantates. En quoi consiste la théâtralité de ces pièces? Beaucoup de projets portant la musique de Bach à la scène naissent d un constat clair : il n a pas composé d opéra, mais l héritage laissé par sa musique vocale sacrée représente malgré tout l un des sommets de la musique dramatique. En effet, toute sa pensée musicale est emplie de théâtre, faisant pour ainsi dire de lui l un des plus grands compositeurs dramatiques. Ici, pas d amour charnel, pas de canevas opératique ou de rebondissement construit, mais un théâtre de l homme face au monde et sa finitude, face à la mort, et confiant en un Dieu consolateur. Les cantates de Bach utilisent magnifiquement les ressorts dramatiques : récitatifs et airs bien sûr, mais aussi les chorals et les grands chœurs utilisés comme parties intégrantes d un cheminement, d un drame sous-jacent tendu par une grande exigence de continuité théâtrale. Les Passions selon saint Jean et selon saint Matthieu, mais à sa façon également la Messe en si mineur, restent les plus incroyables testaments de ce talent théâtral à part. Les cantates ne sont pas en reste, développant des modèles dramatiques divers : cantate allégorique, cantate-choral, cantate-lied, cantate mixte, etc. Mais tous ces modèles de construction ou de personnification tendent vers la même efficacité dramatique, au service de l évangile du jour et de l épisode ou du message qu il cherche à véhiculer. Comment ce cheminement musical est-il structuré dans Trauernacht? Les différents modèles de construction des œuvres sacrées de Bach se sont imposés à nous comme une référence obligatoire, en même temps que la nécessité de conserver une liberté totale dans notre propre construction pour épouser au mieux la situation dramatique imaginée par Katie Mitchell. C est pour trouver cet équilibre que nous avons décidé d extraire des numéros de certaines cantates, en écartant l idée de ne traiter que des cantates entières. Après cela, tout s est construit dans une structure en miroir où les formes employées se devaient d être complémentaires : chœurs, arias, récitatifs. Tout cela en se soumettant à l exigence d une dramaturgie interne passant par beaucoup de contraintes purement musicales : tonalités et enchaînements, instrumentarium utilisé, caractères, contrastes, sentiments illustrés, équilibre émotionnel. Nous voulions que cet enchaînement d extraits forme un tout, que sa structure puisse ressembler à celle d une longue cantate. Ce processus est d ailleurs celui utilisé par Bach lui-même auquel, bien sûr, nous ne nous comparons pas pour sa si célèbre Messe en si mineur, elle-même composée de parodies regroupant des œuvres balayant presque quarante années d écriture. De plus, le besoin de créer un climat très particulier et intimiste dans le théâtre du Jeu de Paume a rapidement éveillé en moi l envie d y intégrer deux pages extérieures aux cantates qui pourraient ouvrir et refermer notre spectacle, en écho direct à la rhétorique générale de celui-ci. C est pourquoi nous avons tout d abord intégré en préambule ce court mais incroyable motet de Johann Christoph Bach, 10 11

7 oncle du grand Jean-Sébastien, décrit par ce dernier comme «un compositeur profond», et qui, tout en relatant idéalement les difficultés des trois âges de la vie face à la mort, représente symboliquement pour notre spectacle la filiation de la famille Bach. Comme en écho, nous avons utilisé pour clore notre cycle une transcription vocale du choral pour orgue de Jean-Sébastien Bach «Vor deinen Thron» BWV 668 qui, selon certaines légendes urbaines, serait la dernière pièce achevée écrite par Bach! Enfin, ajouter un point de tension non musicale mais rhétorique nous a paru important pour figurer au centre de notre spectacle, à la façon du «Herzpunkt», sorte de point central névralgique des Passions de Bach, ou encore du «dictum», élément-pivot de certaines cantates qui font place à un extrait de l Ancien Testament. Moment de pause dans la narration, le dictum est le plus souvent l occasion de méditer ou de se remémorer un commandement. L extrait de la Cantate BWV 71 choisi ici, placé au centre de notre drame, tentera de jouer ce rôle par un moment privilégié réunissant les quatre voix, et laissant s exprimer un texte aux abords assez opaques : «Tu ne voudrais livrer à l ennemi l âme de tes tourterelles.» Ce texte issu du Psaume 74 et sa traduction musicale exceptionnelle évoquent le sentiment d abandon du chrétien se sentant presque indigne du secours qu il implore. Par son orchestration hors du commun, approchant un langage presque «romantique», et par l utilisation archaïsante d une mélodie recto tono rappelant le chant grégorien, cette pièce semble faire la synthèse d un désespoir profondément humain, avant la consolation finale. Trauernacht ressemble au fond à une passion profane... Je n irais pas jusque là Mais les thèmes abordés dans Trauernacht sont universels, nous rappelant que chacun peut trouver dans la musique de Bach des questions et des réponses sur l homme, qui ne sont pas tributaires d une «foi» personnelle. La question de la mort, bien sûr abordée ici à travers la perte d un être proche et le choix de Katie Mitchell de porter notre attention notamment sur la relation entre un père et un fils, peut laisser imaginer l empreinte que lui a laissée sa mise en scène de La Passion selon saint Matthieu, il y a quelques années. Rappelons-nous aussi à quel point la vie tout entière était organisée autour du sacré à l époque de Bach, et que la notion de frontière entre profane et sacré était presque inexistante. Le meilleur exemple en est le nombre de cantates d abord «profanes» (pour l inauguration d une mairie par exemple) qui seront ensuite réutilisées par Bach lui-même sur un texte sacré. Comment se manifeste musicalement la thématique funèbre de Trauernacht? Bach est issu d une longue tradition de compositeurs de musique liturgique pour laquelle les musiques funèbres sont un genre à part entière, avec leurs coloris et leurs timbres particuliers. Trois instruments sont notamment clairement associés à la mort dans la musique germanique du XVII e siècle, et Bach en fait perdurer l utilisation : la flûte à bec, la viole de gambe et le hautbois. J ai donc voulu conserver cette signature dans le choix des œuvres abordées. Tout au long de notre spectacle, tantôt de façon individuelle, tantôt associés, ces instruments dialoguent avec les chanteurs, colorant notre spectacle de bout en bout. De plus, la musique funèbre de Jean-Sébastien Bach se concentre essentiellement sur cette idée d une «douce heure de la mort», si propre à la spiritualité luthérienne. La mort est au pas de chaque porte à cette époque, durant laquelle près de deux enfants sur trois décédaient dans leurs premières années. Profondément humaine et tout à la fois témoignant d une foi inébranlable, la musique funèbre de Bach est la plus à même d évoquer la consolation. Transposer cette musique à la scène en 2014 doit nous en démontrer sa force encore si vive aujourd hui! Bach n est-il pas un peu oublié, ces dernières années? On redonne et on explore surtout Haendel, Cavalli et les italiens du début du XVIII e siècle, y compris dans le répertoire sacré. Les années 1970 à 2000 ont été une période dorée pour l œuvre sacrée de Bach, où tout une génération, notamment emmenée par les musiciens belges, hollandais et anglais, a beaucoup étudié, joué et enregistré Bach. Une culture plus proche de la spiritualité luthérienne, mais aussi une tradition du chant choral qui a perduré, les ont peut-être naturellement transformés en chefs de file du répertoire sacré de Bach. Une certaine frilosité s est alors installée chez nous, en France, où les ensembles ne jouent Bach que depuis quelques années. Mais ces nouvelles approches enrichissent notre connaissance de Bach, tantôt abordé au prisme de l opéra ou de la musique d église. Mais si nous connaissons de mieux en mieux les grands chefs-d œuvre de Bach, le fait qu une vingtaine de titres seulement ont eu les faveurs de la majorité des concerts et des disques nous a laissé, à nous jeunes musiciens, une part encore énorme de cantates et d œuvres plus discrètes de Bach à explorer! Bach a cette particularité unique de ne nous avoir laissé que des chefs-d œuvre. L un des desseins de ce spectacle est donc aussi de mettre en lumière des pages incroyables et trop peu jouées de l œuvre du Cantor. Comme le Winterreise de Schubert, Bach n est-il pas réservé à la maturité, dans une vie d interprète? Non, je ne suis pas du tout d accord. Avant d aborder le Winterreise en concert, un interprète de Lieder se doit de connaître et de dompter le reste du corpus des mélodies de Schubert, qui est lui aussi d une immense qualité. Nous avons la chance de posséder encore quelque 220 cantates de Bach. Avant d aborder La Passion selon saint Matthieu ou la Messe en si, tous ces autres chefs-d œuvre tendent les bras aux jeunes musiciens. Ne nous privons pas, par timidité, de la plus grande des musiques, mais apprenons à la découvrir en respectant les bonnes étapes. Et n oublions pas que Bach a écrit la quasitotalité de sa musique sacrée pour être chantée par des enfants et pré-adolescents, étant le Cantor d une maîtrise de jeunes garçons de Leipzig! Quelles qualités doit avoir un interprète de Bach? La musique vocale de Bach partage avec celle des opéras de Mozart une spécificité unique : son immense difficulté technique, avec laquelle il est impossible de tricher. Donc tout d abord une technique irréprochable qui vous permette de dompter les exigences du langage. Ensuite, je dirais qu il faut un équilibre entre personnalité musicale et humilité : comprendre et défendre le contenu rhétorique de la musique tel un prêcheur, tout en ne se mettant jamais plus en avant que la musique elle-même. Cela demande une grande maturité musicale. Enfin, dans le cas de notre spectacle, les qualités d écoute, d intonation et de timbre sont également primordiales pour construire avec ses partenaires un son d ensemble transparent et lisible. Passer du groupe à l individualité est aussi une des vraies exigences de ce répertoire. Le constat est à mon sens le même pour les instrumentistes : le premier enjeu est de réussir à dompter les difficultés techniques de la partition, très souvent d une très grande difficulté. En effet, la musique de Bach utilise la voix comme un instrument, et tend à faire chanter l instrument comme la voix. Cette façon unique d imbriquer écriture vocale et instrumentale représente un défi unique pour l interprète de Bach : faire parler la musique tout en chantant, faire chanter la musique tout en parlant. Cet équilibre présent chez Bach, qui pourrait être celui de la consonne et de la voyelle, est peut-être inégalé. Mais au-delà, la musique de Bach offre à mon sens malgré tout une place immense à notre liberté d interprète, place que nous devons prendre et saisir. La musique de Bach, aussi géniale soit-elle, se doit d être défendue à bras-le-corps comme toute autre, avec une énergie encore décuplée! C est par cette appropriation que nous pouvons la faire nôtre, pour nous et pour le public. Propos recueillis par Jérémie Leroy-Ringuet, le 15 avril

8 Vous semblez passionnée par la musique de Bach Elle est au cœur de ma vie. Il ne se passe quasiment pas un jour sans que j écoute cette musique et je la joue régulièrement au piano. Comment le projet de Trauernacht est-il né? J ai suggéré le projet de Trauernacht à Bernard Foccroulle en raison de notre intérêt commun pour la musique de Bach. Fascinée depuis toujours par le rapport si particulier qu entretiennent le texte et la musique dans ces cantates, j ai fini par rêver de monter un spectacle autour de cette musique. Bernard Foccroulle m a ensuite proposé une collaboration avec le jeune et talentueux chef d orchestre Raphaël Pichon. Photo Stephen Cummiskey Une méditation sur la mort Entretien avec Katie Mitchell Que représente pour vous le Festival d Aix-en-Provence? Le Festival d Aix-en-Provence est un endroit où musique et théâtre sont placés sur un même pied d égalité. C est une manifestation qui se nourrit d expérimentation, de radicalité, et s investit dans la formation des jeunes générations. Pour y avoir mis en scène Written on Skin de George Benjamin en 2012 et The House Taken Over de Vasco Mendonça en 2013, je dirais que les artistes invités au Festival sont amenés à se dépasser, à se montrer plus ambitieux dans leurs choix, qu ils ne le seraient naturellement. Quelle place l opéra occupe-t-il au sein de votre carrière? L opéra occupe une place centrale dans mon parcours. Il me permet d assouvir la passion que j ai pour la musique. Œuvrer à la fois au théâtre et à l opéra est très stimulant sur le plan intellectuel. En quoi consiste le programme? Bâti autour de cinq airs clés, le programme se compose de douze numéros combinant chorals a cappella, récitatifs, airs et chœurs issus de cantates de Bach, interprétés par cinq chanteurs. Sur quels critères les cantates ont-elles été choisies? Avec Raphaël Pichon, nous avons procédé à un long processus de sélection. Nous étions soucieux d obtenir un florilège efficace, tant sur le plan musical que dramatique. S est ensuite posé la question du contenu du programme : soit deux ou trois cantates, jouées dans leur ensemble, soit une sélection d extraits. Après réflexion, nous avons finalement retenu la deuxième option, la plus risquée, à savoir présenter des extraits issus de différentes cantates, ordonnés selon leurs spécificités rhétoriques et musicales. Mis à part le célèbre Ich habe genug, nous avons privilégié des pièces rarement données et différents trésors cachés! Raphaël Pichon a aussi souhaité ajouter quelques pièces extérieures aux cantates comme le motet qui ouvre le drame et est dû à l oncle de Johann Sebastian, Johann Christoph Bach. Ces échos tissent des relations parfois étonnantes avec les cantates. Ces dernières présentent-elles une dimension dramatique suffisante pour faire l objet d une mise en scène? Les cantates de Bach balaient une immense palette d émotions : de la quiétude apaisée aux tourments les plus dévastateurs, de la résignation face à la condition humaine à la ferveur suscitée par l union du corps et de l esprit. Bien entendu, aucune de ces cantates n a de ligne narrative comparable à celle d une pièce de théâtre ou d un livret d opéra, mais j ai toutefois été surprise de voir que, très vite, la musique parvient à créer sa propre narration théâtrale. Votre travail sur Trauernacht s inspire-t-il de ce que vous aviez pu faire en 2007 sur La Passion selon saint Matthieu de Bach au Festival de Glyndebourne? Le spectacle ne s inspire pas directement de mon travail sur La Passion selon saint Matthieu même si, bien sûr, il en reprend certains aspects et tire profit de l expérience acquise. Dans Trauernacht, l idée la plus difficile à faire passer sur le plan dramatique est celle d une mort bienfaisante, accueillie à bras ouverts. De nos jours, la plupart des personnes athées soutiennent généralement le contraire et agitent le spectre d une mort effrayante voire repoussante. Trouver une solution théâtrale adéquate, susceptible de faire prendre vie, dans la musique, à cette dimension métaphysique était l un des enjeux majeurs de la production

9 En quoi le travail sur une œuvre sacrée se distingue-t-il d une mise en scène d opéra? Je ne vois pas de réelles différences dans le fait de mettre en scène une œuvre sacrée ou un opéra profane. Chaque genre obéit à des règles musicales qui lui sont propres et requiert un travail de mise en scène aussi précis que dynamique. Qu y a-t-il sur scène? Sur scène, le public voit une famille, un père et ses enfants. L objet du spectacle aborde la manière dont ces personnages affrontent et comprennent la mort. Quant au décor, il est constitué de petits objets du quotidien disposés sur le plateau nu du Théâtre du Jeu de Paume. Parlez-nous de l équipe de création. La scénographie et les costumes ont été confiés à Vicky Mortimer qui a également participé, en 2012, à la création de George Benjamin, Written on Skin. Il s agit de ma plus ancienne collaboratrice : depuis bientôt vingt ans, nous travaillons à bâtir, ensemble, notre propre esthétique. Le concepteur lumières, James Farncombe, était, pour sa part, déjà présent l année dernière sur The House Taken Over de Vasco Mendoça. Nous coopérons depuis maintenant deux ans. Son univers, tout de délicatesse et de lyrisme, apporte une dynamique nouvelle à mon travail. Comment la rencontre avec Raphaël Pichon a-t-elle eu lieu? Bernard Foccroulle est à l origine de cette rencontre. Raphaël Pichon s est révélé être un collaborateur doté d une grande ouverture d esprit, aussi souple que créatif. Sa connaissance des cantates de Bach est impressionnante et ce fut un immense privilège de pouvoir les écouter à ses côtés. J ai ainsi énormément appris sur la genèse, la structure et la fonction de ces pièces. Il semblerait que les œuvres que vous abordiez aient souvent trait aux thèmes de la mort, de la guerre ou de la violence, à l instar de Reise durch die Nacht d après Friederike Mayröcker l année passée au Festival d Avignon. En effet, les thèmes de la mort et de la violence m attirent, mais les notions d amour et de famille m intéressent tout autant, jusque dans leurs acceptions les plus noires. Lors d une interview accordée au Time Out London du 12 novembre 2007, vous aviez dit que «choisir un acteur était un acte d interprétation». Avez-vous participé au recrutement des chanteurs pour Trauernacht? Raphaël Pichon et moi-même avons auditionné l ensemble des chanteurs, accompagnés du dramaturge et conseiller artistique du Festival, Alain Perroux. Il était capital à nos yeux de trouver des artistes capables de se fondre dans les contraintes dramatiques et musicales inhérentes à ce projet si particulier. S il fallait résumer le projet en quelques mots Je parlerais d une méditation sur la mort. Propos recueillis le 14 avril 2014 par Anne Le Nabour J. John Priola Two Holes, 1998 Gelatin-silver print 102cm x 82cm Courtesy Gallery Paule Anglim 16 17

10 J. John Priola Dish Towel, 1995 Gelatin-silver print 61cm x 50cm Courtesy Gallery Paule Anglim J. John Priola Candelabrum, 1995 Gelatin-silver print 61cm x 50cm Courtesy Gallery Paule Anglim 18 19

11 Trauernacht Gilles Cantagrel Quel dommage que Bach n ait pas composé d opéra! s écrie-t-on souvent. Non, en effet, il n a pas écrit d opéra à l image de tous ceux de ses contemporains, en quantités impressionnantes. Et pourtant, tout porte à croire qu il aimait l opéra. Dans sa jeunesse, lorsqu il allait à Hambourg, il ne pouvait manquer les soirées à l opéra, de même que plus tard, à Dresde, on sait qu il fréquentait l opéra royal, qu il y vit et entendit la Cleofide de Hasse en Ne disait-il pas à son fils aîné, qui l accompagnait dans ses voyages : «Friedemann, irons-nous écouter les chansonnettes de Dresde?» Ami de Telemann, alors directeur de l Oper am Gänsemarkt de Hambourg, ami de Hasse, directeur de l Oper am Zwinger de Dresde, les deux plus grandes scènes d Allemagne, il lui eût été bien facile de se faire commander des ouvrages lyriques. des Passions est celle de l opera seria à l italienne de l époque, avec son alternance de récitatifs et d airs, outre quelques chœurs. À cette différence essentielle près que l enchaînement des «scènes» est balisé par des chorals de la tradition liturgique luthérienne, connus de tous, qui en appellent à la méditation collective des auditeurs présents et de l Église de tous les temps. Il suffit d écouter les cantates aux mille trésors pour rencontrer de toutes parts des morceaux de musique dramatique, de véritables airs d opéras parfois autrement plus profonds que ceux de l opera seria de consommation courante de ce temps, des scènes d un lyrisme éperdu. Aveux amoureux, dialogues entre la crainte et l espérance, airs de bravoure, du sommeil, de la tempête, de la révolte, de la souffrance la plus intense, où la caractérisation des affects de l âme humaine atteint au paroxysme. la gérer? Bach répond, avec les livrets qu il choisit, qu il commande ou qu il réalise lui-même, et beaucoup plus encore par sa musique. Son attitude face à la mort ne résulte pas de quelque tranquille foi du charbonnier. Elle est assurément conquise, et de haute lutte, sur le drame des derniers moments qu il décrit parfois avec une terrible intensité. Le musicien a trop connu la mort auprès de lui pour ne pas savoir de quoi il parle, et avec quelle intensité. Mais qu elle soit considérée avec effroi ou avec sérénité, la mort est toujours envisagée comme délivrance des tribulations d ici-bas et prélude à la félicité éternelle dans l audelà. Cette constante de la pensée spirituelle de Bach trouve un parfait résumé dans un bouleversant choral qu il a composé sur le poème d un auteur anonyme : «Viens, douce mort, viens, conduis-moi dans la paix parce que je suis las du monde, ah! viens, je t attends, viens vite et conduis-moi, ferme-moi les yeux. Viens, bienheureux repos!» d introduction de la Cantate BWV 146 (Il nous faut traverser bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu) traduit l expression d une profonde affliction mêlée au courage de l homme qui souffre. Quant à l admirable chœur qui suit dans la Cantate BWV 146, il reprend à son tour le deuxième mouvement du concerto, pour manifester les souffrances de l homme accablé par le fardeau de son existence terrestre. Après une évocation dramatique de la mort, l unique air de la Cantate BWV 127 (Seigneur Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu), est une tendre berceuse funèbre. Comme le Christ a annoncé sa Passion et sa résurrection à ses disciples, le fidèle doit lui garder sa confiance : «Mon âme reposera dans les mains de Jésus». Il peut même invoquer la mort «Appelez-moi bientôt, cloches des trépassés!», dans la conscience que le Christ le réveillera pour la vie éternelle. Il n en fit rien. Mais à quoi bon se poser la question? Imagine-t-on Bach se passionner pour les machineries, les trompe-l œil de la décoration, les divinités descendant du ciel sur de petits nuages roses? L imagine-t-on s intéresser aux amours tumultueuses de Cléopâtre, aux maléfices d Alcina transformant les êtres humains ou à la mort d Hercule, mettant en musique des chœurs de nymphes ou de furies? Imagine-t-on rechercher les suffrages du public celui qui écrivait en marge de sa Bible : «Dieu et sa grâce sont toujours présents quand la musique est recueillie»? Si l opéra est un poème d amour et de mort, la cantate telle que l entend Bach l est tout autant. L amour divin, cela va de soi, amour de Dieu pour les hommes et des hommes pour Dieu, mais aussi de l âme chrétienne pour son Rédempteur, que le musicien traite sur des mots d amour charnel imités du Cantique des cantiques et d un parfait réalisme : comment sinon faire comprendre à une assemblée la puissante réalité, très tangible, de cet amour passionnel? On entend, on voit, littéralement, la Cette omniprésence de la pensée de la mort se trouve au centre du montage effectué par Raphaël Pichon et Katie Mitchell pour Trauernacht. Une évocation dans le genre de l opéra, nourrie d extraits de cantates de Bach, airs, chœurs, récitatifs et sinfonia. En guise de prologue, la longue déploration du motet «Mit Weinen hebt sich s an» (Cette vie de chagrin commence dans les larmes) chante tour à tour les chagrins de la condition humaine, de l enfant, de l adulte et du vieillard. Son auteur est Mais c est là un combat à mener de haute lutte. En témoigne la Cantate BWV 60 (Ô, éternité, toi, parole foudroyante!), discours intérieur sur la mort : faut-il l espérer, faut-il la redouter? Un récitatif entre alto et ténor fait entendre ce dialogue entre la Crainte et l Espérance. «Ô! dur chemin vers l ultime combat!», chante la Crainte dans la voix de l alto, à quoi répond le ténor de l Espérance : «Mon secours est déjà là». Dans cet extraordinaire morceau, le dernier mot doit revenir à l Espérance, Il faut cependant y regarder de plus près. Et si Bach avait écrit des opéras? Ces opéras sacrés que sont La Passion selon saint Jean et La Passion selon saint Matthieu, reposent sur le plus beau, le plus fort, de tous les livrets possibles, livret universel, l évangile retraçant les souffrances et la mort du Christ. Si elles ne sont pas destinées à la représentation, ce que leur langage réfute totalement puisque la musique se charge, ô combien, de «représenter», la structure fiancée se pâmer d extase et tomber aux pieds du fiancé, on voit les amoureux se perdre dans les bras l un de l autre. Mais plus encore que l amour, le grand motif récurrent des cantates est celui de la mort. N estce pas la question fondementale que se pose tout être humain? Puisque je dois mourir, qu est-ce que la vie, quel est son sens et comment me faut-il Johann Christoph Bach, ce cousin de son père que Jean-Sébastien admirait tant, le «profond compositeur». Sous l apparente simplicité des enchaînements d accords, la grande diversité du traitement rythmique et de l harmonie engendre un sentiment d anxiété. Adaptée du premier mouvement du concerto pour clavecin et cordes en ré mineur, la sinfonia et la progression menant de l angoisse mortelle à l espoir du salut culmine en deux moments intenses, le chromatisme douloureux de l alto, puis, à la fin, un long jubilus du ténor, vocalise qui semble ne jamais devoir finir. Commencé dans la tonalité de l affliction de si mineur, le récitatif se conclut dans la sereine lumière de sol majeur. Mais la lutte intérieure se poursuit. Sur un ton 20 21

12 véhément et emporté, l air «Il vous arrivera une fin terrible» de la Cantate BWV 90 établit une atmosphère inquiétante, et la prophétie adressée aux pécheurs s exprime dans une déclamation violente, hachée, presque aboyée, parfois. D où l éternelle question : «Dieu bien-aimé, quand vais-je mourir?», titre et thème de la Cantate BWV 8. C est le sort des humains que d être voués à une existence terrestre éphémère et douloureuse. La vieillesse arrive et mène l homme vers sa fin, et cette perspective emplit le cœur de l homme de crainte. «Certes, mon faible cœur ressent la crainte, les tourments, la douleur : où mon corps trouvera-t-il le repos?» Questions sans réponse : «Où s en iront les miens, divisés et éloignés, dans leur affliction?» Devant la mort, autant, pour trouver la sérénité, pratiquer le renoncement à tout ce qui a attaché la vie humaine aux biens de la terre : «Mourez en moi, monde et toutes tes amours», chante l alto dans la Cantate BWV 169 (Dieu seul doit posséder mon cœur). C est une tendre sicilienne en si mineur, cette tonalité si propre à caractériser le renoncement aux séductions et aux plaisirs de la vie terrestre, à l orgueil, à la richesse et bien sûr aux tentations de la chair, tandis que les syncopes du continuo figurent les battements d un cœur au moment où le chrétien souhaite mourir au monde. Mourir en paix, serein mieux que résigné. C est ce que chante l un des chœurs de la Cantate BWV 71 (Dieu est mon roi), en paraphrasant le Psaume 74, «Tu ne voudras pas livrer à l ennemi l âme de ta tourterelle.» Vient la mort. Après tant d inquiétudes, de craintes, de frayeurs, même, voici dans la Cantate BWV 105 (Seigneur, n entre pas en jugement avec ton serviteur) un récitatif qui témoigne de l apaisement. «Bienheureux celui qui connaît son garant, celui qui remet tous les péchés», et pour conclure : «On pourra porter ta dépouille au tombeau, la recouvrir de sable et de poussière, ton Sauveur t ouvrira les demeures éternelles.» En cette berceuse retentit au loin, stylisé, le glas des trépassés. plus. Es ist vollbracht, ce n est pas le célèbre air d alto dans La Passion selon saint Jean, reprenant les dernières paroles du Christ en croix, mais, dans la Cantate BWV 159 (Voyez, nous montons à Jérusalem), simplement le chant de l homme quittant la terre. La souffrance s est évanouie dans l accomplissement de la Rédemption, tout se place désormais sous le signe d une grande sérénité. Il est temps de redire son adieu au monde, «Welt, gute Nacht!» à nouveau, ces mots si souvent entendus, si simples et si profonds de «bonne nuit», la nuit de la mort dans la paix comme départ de la terre en attendant le réveil du dernier jour. L air s achève dans un endormissement général. Mais que de peine pour ceux qui restent «Voyez donc, et regardez s il est une douleur comparable à la mienne!» Ce chœur d ouverture de la Cantate BWV 46 reprend les mots de la première Lamentation de Jérémie : Jérusalem pleure sur ses malheurs, car elle a été frappée par Dieu. Ainsi, l homme est voué à la mort et doit craindre la colère divine. Bach a organisé le chœur comme un prélude et fugue choral, exaltant l antithèse entre la douleur présente et la perspective de la colère divine. «Je suis rassasié de la vie» : ce sont, dans l évangile, les paroles du vieillard Siméon reconnaissant le Rédempteur dans le nourrisson que Marie vient présenter au temple. Comblé, il sait maintenant sa fin prochaine et peut ardemment l appeler de ses vœux : «Je ne veux, dans la joie, que partir d icibas.» Langoureuse mélopée du hautbois, dans un élan qui lentement retombe Dans la Cantate pour basse soliste BWV 82, on entend le désir presque sensuel du long sommeil de la mort qui reposera l homme des tribulations de la vie terrestre. Il reste à conclure en musique par un choral, celuilà même qui aurait été, dit-on, sinon dicté, du moins retouché par Bach sur son lit de mourant, quelques jours avant sa fin. En lui apposant ces mots ultimes et essentiels : «Devant ton trône, je vais comparaître, ô Dieu.» Testament musical de l homme au moment d entrer dans son éternité, ultime prière. Destiné à l orgue, il est ici chanté par les quatre voix soutenues par les flûtes à bec, que Bach associe toujours aux évocations funèbres. Le musicien parachève son témoignage de la divine perfection qu il a entrevue, avant de se présenter à la face de son créateur. Musicologue et écrivain, enseignant et conférencier, Gilles Cantagrel est un spécialiste reconnu de J. S. Bach et de ses contemporains, auxquels il a consacré de nombreux ouvrages et articles. J. John Priola Candle, 1997, Gelatin-silver print, À présent, tout est accompli, la souffrance n est 61cm x 47cm 22 Courtesy Gallery Paule Anglim 23

13 J. John Priola 14th Street, 2002 Gelatin-silver print 70cm x 54cm Courtesy Gallery Paule Anglim J. John Priola Dorland Street, 2002 Gelatin-silver print 70cm x 54cm Courtesy Gallery Paule Anglim 24 25

14 Les Testaments trahis Milan Kundera J. John Priola Pillow, 1997, Gelatin-silver print 132cm x 102cm Courtesy Gallery Paule Anglim Au lieu de parler de l oubli de Bach, je pourrais retourner mon idée et dire : Bach est le premier grand compositeur qui, par l immense poids de son œuvre, a obligé le public à prendre en considération sa musique bien qu elle appartînt déjà au passé. Événement sans précédent car, jusqu au 19 e siècle, la société vivait presque exclusivement avec la seule musique contemporaine. Elle n avait pas de contact vivant avec le passé musical : même si les musiciens avaient étudié (rarement) la musique des époques précédentes, ils n avaient pas l habitude de l exécuter publiquement. C est durant le XIX e siècle que la musique du passé commence à revivre à côté de la musique contemporaine et à prendre progressivement de plus en plus de place, si bien qu au XX e siècle le rapport entre le présent et le passé se renverse : on écoute la musique des époques anciennes beaucoup plus qu on n écoute la musique contemporaine qui, aujourd hui, a fini par quitter presque complètement les salles de concert. Bach fut donc le premier compositeur qui s imposa à la mémoire de la postérité ; avec lui, l Europe du 19 e siècle a alors découvert non seulement une partie importante du passé de la musique, elle a découvert l histoire de la musique. Car Bach n était pas pour elle un passé quelconque, mais un passé radicalement distinct du présent ; ainsi le temps de la musique s est-il révélé d emblée (et pour la première fois) non pas comme une simple succession d œuvres, mais comme une succession de changements, d époques, d esthétiques différentes. Je l imagine souvent, l année de sa mort, exactement au milieu du 18 e siècle, penché, sa vue s opacifiant, sur L Art de la fugue, une musique dont l orientation esthétique représente dans son œuvre (qui comporte des orientations multiples) la tendance la plus archaïque, étrangère à son époque laquelle s est déjà complètement détournée de la polyphonie vers un style simple, voire simpliste, qui frise souvent la frivolité ou l indigence. La situation historique de l œuvre de Bach révèle donc ce que les générations venues après étaient en train d oublier, à savoir que l Histoire n est pas nécessairement un chemin qui monte (vers le plus riche, le plus cultivé), que les exigences de l art peuvent être en contradiction avec les exigences du jour (de telle ou telle modernité) et que le nouveau (l unique, l inimitable, le jamais dit) peut se trouver dans une autre direction que celle tracée par ce que tout le monde ressent comme étant le progrès. En effet, l avenir que Bach a pu lire dans l art de ses contemporains et de ses cadets devait ressembler, à ses yeux, à une chute. Quand, vers la fin de sa vie, il se concentra exclusivement sur la polyphonie pure, il tourna le dos aux goûts du temps et à ses propres fils-compositeurs ; ce fut un geste de défiance envers l Histoire, un refus tacite de l avenir. Bach : extraordinaire carrefour des tendances et des problèmes historiques de la musique. Milan Kundera, Les Testaments trahis, 1993, Gallimard 26 27

15 La Raison des sortilèges Michel Onfray Bach [... ] quintessencie la musique parce qu il parvient à exprimer son essence dionysiaque dans l excellence apollinienne de la forme que chacun sait. D après Editions Autrement «La raison des sortilèges» Michel Onfray 2013 Pages André Suarès Immortelle présence et nécessité de J.-S. Bach : on ne peut parler de sa jeunesse ni de la force : il est de tous les âges, et toutes les puissances de la musique sont en lui. Jean-Sébastien Bach est notre Père Éternel. Il est le Fiat Musice du monde sonore. En tout art, de hauts génies dominent sur les autres, et semblent l emporter sur toute beauté rivale : ainsi Shakespeare et Racine, Aristophane et Virgile, Goethe et Stendhal, Rembrandt ou Goya. Mais Bach me donne l idée qu il est plus grand, plus puissant, plus beau, plus étendu en musique, plus musical enfin qu aucun autre artiste souverain dans son art propre. Et même la vertu de Bach est telle qu il domine sur tous les artistes, en quelque art que ce soit, et non pas seulement dans le sien. Ni en poésie, ni en peinture, ni dans le statuaire, aucun homme n égale Bach par la puissance et la beauté, la grâce de l âme et la profondeur de l esprit. L équilibre de l œuvre et du sentiment est sans exemple. Bach révèle l intelligence au cœur et pénètre d amour toute l intelligence. Il est plus parfait dans son propos que tous les autres artistes dans le leur. Bach est la vie rachetée du néant par l harmonie et la sérénité pensante. Tout ordre et toute émotion en lui : dans cet art incomparable, le cœur et l esprit s accomplissent l un par l autre. Éditions du Pavois, 1948 J. John Priola Decoration, 1997, Gelatin silver print 49 1/4 x 37 1/2 Courtesy Gallery Paule Anglim 28 29

16 Henri Dutilleux Bach est un maître d équilibre parfait. Il enseigne ce qu est la pensée musicale. C est immédiat, c est évident, c est intelligible à la fois universel et populaire. Le Coq et l Arlequin Jean Cocteau Beethoven est fastidieux lorsqu il développe, Bach pas, parce que Beethoven fait du développement de forme, et Bach du développement d idée. La plupart des gens croient le contraire. Beethoven dit : «Ce porte-plume a une plume neuve il y a une plume neuve à ce porte-plume neuve est la plume de ce porte-plume» ou «Madame, vos beaux yeux». Bach dit : «Ce porte-plume a une plume neuve pour que je la trempe dans l encre et que j écrive, etc» ou «Marquise, vos beaux yeux me font mourir d amour, et cet amour, etc». Voilà toute la différence. La Pochothèque, 1918 J. John Priola Puff of Smoke, 1997 Gelatin-silver print 112cm x 92cm Courtesy Gallery Paule Anglim 30 31

17 Trauernacht 3. Chœur de la Cantate BWV 146 : Wir müssen durch viel Trübsal 1. Motet de Johann Christoph Bach : Mit Weinen hebt s sich an Wir müssen durch viel Trübsal in das Reich Gottes eingehen. Il nous faut traverser bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu. Mit Weinen hebt sich s an, dies jammervolle Leben, es muß das kleinste Kind der bitten Tränen Schar sich weinend untergeben, eh es sich noch besinnt. Wenn s kaum geboren ist so höret man doch schon, daß sich bei ihm erhebt der schmerzenvolle Ton. Das Mittel unser Zeit ist überschwemmet mit Sorgen, wir sind des Glückes Spiel. Der weinet durch die Nacht bis an den lieben Morgen und hilft ihm doch nicht viel. Der Furcht und Hoffnungsstreit zerquälet unsern Sinn, und nimmt, eh man es denkt, die besten Jahre hin. Das Alter kömmt herbei, die kummervollen Jahre, die uns gefallen nicht, und fühlen uns den Weg zur trüben Totenbahre. Wann dieses dann geschieht, so ist es aus mit uns ; der tränenvolle Lauf har nun das Ziel erreicht, und hört mit Weinen auf. Dans les pleurs commence cette vie de chagrin, l enfant le plus petit l éprouve déjà, lui qui pleure amèrement avant même d en être conscient. À peine est-il né, que l on entend déjà comme il élève de douloureux accents. Le mitan de notre vie est submergé de soucis, nous sommes les jouets du destin. Celui qui pleure toute la nuit jusqu au matin, ne trouve pas pour autant le réconfort. La lutte entre crainte et espérance nous brise le cœur, et nos meilleures années s enfuient sans qu on y prenne garde. Viennent enfin la vieillesse, les années d affliction avec leurs déplaisirs, qui nous mènent sur le chemin du triste tombeau. Quand nous y arrivons, c en est fini pour nous ; notre vie de larmes a atteint son terme, et nos pleurs ont cessé. 4. Air pour soprano de la Cantate BWV 127 : Die Seele ruht in Jesu Händen Die Seele ruht in Jesu Händen, Wenn Erde diesen Leib bedeckt. Ach ruft mich bald, ihr Sterbeglocken, Ich bin zum Sterben unerschrocken, Weil mich mein Jesus wieder weckt. 5. Récitatif pour alto et ténor de la Cantate BWV 60 : O schwerer Gang Die Furcht (alto) O schwerer Gang zum letzten Kampf und Streite! Die Hoffnung (ténor) Mein Beistand ist schon da, Mein Heiland steht mir ja Mit Trost zur Seite. Die Furcht (alto) Die Todesangst, der letzte Schmerz Ereilt und überfällt mein Herz Und martert diese Glieder. Die Hoffnung (ténor) Ich lege diesen Leib vor Gott zum Opfer nieder. Ist gleich der Trübsal Feuer heiß, Genung, es reinigt mich zu Gottes Preis. Die Furcht (alto) Doch nun wird sich der Sünden große Schuld vor mein Gesichte stellen. Mon âme reposera dans les mains de Jésus quand la terre recouvrira mon corps. Ah, appelez-moi bientôt, cloches des trépassés, je suis courageux devant la mort, parce que mon Jésus me réveillera. La Crainte (alto) Ô! dur chemin vers l ultime combat! L Espérance (ténor) Mon secours est déjà là, mon Sauveur se tient ici, à mon côté, avec son réconfort. La Crainte (alto) L angoisse de la mort, l ultime douleur étreignent et surprennent mon cœur, et martyrisent mon corps. L Espérance (ténor) Je donne ce corps en sacrifice à Dieu. Même si le feu de l affliction est brûlant, je suis comblé, car il me purifie à la gloire de Dieu. La Crainte (alto) Mais maintenant, toute l étendue de mes péchés est devant ma face. Die Hoffnung (ténor) Gott wird deswegen doch kein Todesurteil fällen. Er gibt ein Ende den Versuchungsplagen, Dass man sie kann ertragen. L Espérance (ténor) Dieu n en fera pas pour autant un jugement fatal. Il met fin aux tourments de la tentation, pour qu on puisse les supporter

18 6. Air pour ténor de la Cantate BWV 90 : Es reißet euch ein schrecklich Ende Es reißet euch ein schrecklich Ende, Ihr sündlichen Verächter, hin. Der Sünden Maß ist voll gemessen, Doch euer ganz verstockter Sinn Hat seines Richters ganz vergessen. 7. Récitatif pour alto de la Cantate BWV 8 : Zwar fühlt mein schwaches Herz Zwar fühlt mein schwaches Herz Furcht, Sorge, Schmerz: Wo wird mein Leib die Ruhe finden? Wer wird die Seele doch Vom aufgelegten Sündenjoch Befreien und entbinden? Das Meine wird zerstreut, Und wohin werden meine Lieben In ihrer Traurigkeit Zertrennt vertrieben? 8. Air pour alto de la Cantate BWV 169 : Stirb in mir Stirb in mir, Welt und alle deine Liebe, Dass die Brust Sich auf Erden für und für In der Liebe Gottes übe; Stirb in mir, Hoffart, Reichtum, Augenlust, Ihr verworfnen Fleischestriebe! 9. Chœur de la Cantate BWV 71 : Du wollest dem Feinde nicht geben Il vous arrivera une fin terrible, à vous, contempteurs pleins de péché. La mesure de vos péchés est à son comble, et vos sens complètement obstinés ont complètement oublié votre juge. Certes, mon faible cœur ressent la crainte, les tourments, la douleur : où mon corps trouvera-t-il le repos? Qui donc libérera et déliera mon âme du joug des péchés qui l accable? Mes biens seront dispersés, et où s en iront les miens, divisés et éloignés dans leur affliction? Mourez en moi, monde et toutes tes amours, pour que mon cœur puisse sur terre sans cesse pratiquer l amour de Dieu ; mourez en moi, orgueil, richesse, plaisir des yeux, et vous, abjects désirs de la chair! 10. Récitatif pour basse de la Cantate BWV 105 : Wohl aber dem Wohl aber dem, der seinen Bürgen weiß, Der alle Schuld ersetzet, So wird die Handschrift ausgetan, Wenn Jesus sie mit Blute netzet. Er heftet sie ans Kreuze selber an, Er wird von deinen Gütern, Leib und Leben, Wenn deine Sterbestunde schlägt, Dem Vater selbst die Rechnung übergeben. So mag man deinen Leib, den man zum Grabe trägt, Mit Sand und Staub beschütten, Dein Heiland öffnet dir die ewgen Hütten. 11. Air pour basse de la Cantate BWV 159 : Es ist vollbracht Es ist vollbracht, Das Leid ist alle, Wir sind von unserm Sündenfalle In Gott gerecht gemacht. Nun will ich eilen Und meinem Jesu Dank erteilen, Welt, gute Nacht! Es ist vollbracht! 12. Chœur de la Cantate BWV 46 : Schauet doch und sehet Mais bienheureux celui qui connaît son garant, celui qui remet tous les péchés. Ainsi ce qui est écrit contre nous, Jésus l efface de son sang. Il fixe lui-même nos péchés à la croix ; de tes bonnes actions, de ton corps et de ta vie, il rendra compte lui-même au Père quand sonnera l heure de ta mort. On pourra donc porter ta dépouille au tombeau, la recouvrir de sable et de poussière, ton Sauveur t ouvrira les demeures éternelles. Tout est accompli, la souffrance n est plus ; de notre péché originel, nous sommes déliés en Dieu. À présent, je veux me hâter pour rendre grâce à mon Jésus, monde, bonne nuit! Tout est accompli! Schauet doch und sehet, Voyez donc, et regardez ob irgendein Schmerz sei wie mein Schmerz, s il est une douleur comparable à ma douleur, der mich troffen hat. celle dont j ai été frappée. Denn der Herr hat mich voll Jammers gemacht Car le Seigneur m a empli de détresse am Tage seines grimmigen Zorns. au jour de sa terrible. colère. Du wollest dem Feinde nicht geben die Seele deiner Turteltauben. Tu ne voudras pas livrer à l ennemi l âme de ta tourterelle

19 13. Air pour basse de la Cantate BWV 82 : Ich habe genung Ich habe genung. Ich habe den Heiland, das Hoffen der Frommen, Auf meine begierigen Arme genommen; Ich habe genung. Ich hab ihn erblickt, Mein Glaube hat Jesum ans Herze gedrückt; Nun wünsch ich, noch heute mit Freuden Von hinnen zu scheiden. Ich habe genung. 14. Choral BWV 668 : Vor deinen Thron Vor deinen Thron tret ich hiermit O Gott, und dich demütig bitt Wend dein genädig Angesicht Von mir, dem armen Sünder nicht Je suis comblé! Le Seigneur, l espoir des croyants, je l ai pris dans mes bras avides ; je suis comblé! Je l ai contemplé, ma foi a pressé Jésus sur son cœur ; à présent, je ne veux, dans la joie, que partir d ici-bas. Je suis comblé! Devant ton trône, je vais comparaître, Ô Dieu, et je te prie humblement, ne détourne pas ta face pleine de grâce de moi, le pauvre pécheur. soutenir la création / support creation Engagées dans une réflexion commune sur l avenir de l opéra, les 11 institutions culturelles européennes du réseau soutiennent la formation, la mobilité et l accompagnement professionnel d artistes émergents et encouragent la création et la diffusion de nouvelles œuvres opératiques à travers l Europe. Depuis 2011, enoa a coproduit cinq opéras, dont Trauernacht en Traductions : Gilles Cantagrel extraites de son ouvrage : Les Cantates de Bach Éditions Fayard, Paris, Sharing the same vision of tomorrow s opera, the 11 European cultural institutions of the network support the professional development and mobility of emerging artists and encourage the production and touring of new opera works throughout Europe. Trauernacht is the fifth enoa co-production since Aldeburgh Music / ALDEBURGH / ROYAUME-UNI Bayerische Theaterakademie August Everding / MUNICH / ALLEMAGNE Calouste Gulbenkian Foundation / LISBONNE / PORTUGAL Queen Elisabeth Music Chapel / WATERLOO / BELGIQUE Dutch National Opera / AMSTERDAM / PAYS-BAS Festival d Aix-en- Provence / AIX-EN-PROVENCE / FRANCE Fundación Albéniz - Escuela Superior de Música Reina Sofía / MADRID / ESPAGNE Latvian National Opera / RIGA / LETTONIE LOD music theatre / GAND / BELGIQUE Teatr Wielki - Polish National Opera / VARSOVIE / POLOGNE Verona Opera Academy / VÉRONE / ITALIE PHOTO / LES MAMELLES DE TIRÉSIAS VINCENT BEAUME enoa reçoit le soutien du Programme Culture de l Union européenne. Ce projet a été financé avec le soutien de la Commission européenne. Cette communication n engage que son auteur et la Commission n est pas responsable de l usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.

20 L 14 e R É A - -P «Inves r pour inventer demain» 4, 5 et 6 juillet 2014 Ouvertes et gratuites, les Rencontres Économiques d Aix-en-Provence sont organisées par le Cercle des économistes dans le cadre de l Université d Aix-Marseille, de Sciences Po Aix et du Festival d Aix-en-Provence. Événement de portée internationale, ces trois jours de réflexion rassemblent universitaires, chefs d entreprise, politiques et étudiants sur un thème de l actualité économique. Le Cercle des économistes 30 universitaires et une conviction : l importance d un débat ouvert et accessible. w w w. l e s r e n c o n t r e s e c o n o m i q u e s.f r