'XFDGDYUHjODGLVSDULWLRQGXUHOLJLHX[HWGXPpWDSK\VLTXH

Transcription

1 '8&$'$95($ /,17(//,*(1&( $57,),&,(//( -RsO9(77,(5 3KLORVRSKH Partir du cadavre, sans doute est-ce l un des moyens les plus assurés, pour parler du corps et de ce qui ne l anime plus. Les grecs appelaient psyché ce qui rend le vivant vivant et qui le transforme en cadavre en s en retirant. Le cadavre du corps d où s est retirée l âme qui l animait et que ses frères humains ne traitent pas en chose, contrairement à ses frères animaux, suggère au moins une étrangeté à propos de leur union vitale, de leur désunion mortelle. Il est, sans conteste, que le type de rapport à la mort doit induire un discours particulier sur l âme et le corps et que jusqu à hier les sociétés étaient réellement composées de plus de morts que de vivants. Partir des progrès de l intelligence artificielle sans doute est-ce le moyen de s induire dans la modernité et de faire comme si les débats métaphysiques sur l existence de l âme et sur ses attributs immatérialité éternité relevaient d un autre temps. Dès l antiquité, des philosophes tels que Démocrite, Epicure, Lucrèce affirment que rien ne peut exister en dehors du corps et que le spirituel est réductible au matériel. Mais il faudra le XVII e et le XVIII e siècles après JC pour que reviennent en force les discours matérialistes avec Onfray de la Mettrie, d Holbach. Depuis l homme-machine, nous connaissons l homme neuronal de Jean- Pierre Changeux c est à dire l homme ordinateur, mais aussi l homme autopoièse. 'XFDGDYUHjODGLVSDULWLRQGXUHOLJLHX[HWGXPpWDSK\VLTXH Partir du cadavre, c est vouloir partir des premières expériences de l humanité face à cette étrangeté du corps devenu inanimé, non pas pour une description phénoménologique d une expérience commune, mais pour tenter de comprendre ce qui nous est arrivé dans notre histoire séculaire. Le concept d âme a pratiquement disparu du champ philosophique en même temps que la mort est devenue obscène, alors qu il était d autant plus vivant, comme en témoigne l histoire de la philosophie, que la mort était mise en scène. Le rapport est sans nul doute inverse pour ce qui est du corps et du sexe. Que l on s intéresse à l univers des choses, ou à celui des mots, la question de l âme et du corps a partie liée à celle de la mort : garantir la paix des morts et des vivants dans leur royaume respectif, permettre le dialogue des vivants entre eux parlant de leurs morts, et le dialogue des vivants et des morts, ce qui suppose évidemment que l âme survive au corps. Sarcophages aux grands yeux peints d Egypte, tombes royales de Mycènes, fresques des nécropoles étrusques, bas reliefs des sépultures romaines, catacombes chrétiennes, nécropoles mérovingiennes, gisants de bronze, statues tombales du Moyen-âge nous font comprendre la

2 tragédie d Antigone dont le frère Polynice coupable de trahison est condamné par le roi Créon non seulement à être exécuté mais à voir son cadavre se décomposer à même le sol. Seules les funérailles et la sépulture transforment le cadavre en un mort avec une place dans l espace et dans le temps. Pour avoir été habité par une âme, le corps mort ne se traite pas n importe comment. Dans nos sociétés où l on enterre les enterrements, y a t il place encore pour le scandale d Antigone qui va se sacrifier pour obtenir ce à quoi a droit son frère? Les mots, même si l étymologie ne vaut pas preuve, racontent une étrange histoire. Le simulacre est une représentation figurée qui n a pas l apparence de ce qu il prétend être, mais la représentation, en langage liturgique est le cercueil vide sur lequel on étend un drap mortuaire et la figure est le fantôme qui a l apparence d un corps. Le signe vient du grec «sèma» qui signifie la pierre tombale à laquelle on reconnaît la sépulture et l idole ou l idée, du grec «eidolon», qui dans son sens le plus ancien désigne l âme du mort qui s envole du cadavre sous la forme d une ombre insaisissable pour rejoindre le domaine des ombres qui sont des doubles. Les discours mythologiques, religieux, philosophiques, au moins jusqu à la fin de la Renaissance racontent également des histoires de doubles où l un survit à l autre après qu ils soient séparés. Empruntons deux extraits, l un à Platon dans le livre X de la République et l autre à Dante dans la Divine Comédie pour indiquer la permanence de l idée d âme avant qu elle ne devienne sujet dans la philosophie moderne. Au livre X, on découvre le récit d Er le Pamphylien, ce soldat que l on croyait mort et qui revenant à la vie raconte ce qu il a vu là-bas : «sitôt que son âme était sortie de son corps, elle chemina avec beaucoup d autres avant d arriver à un lieu divin où se voyaient deux ouvertures. Au milieu étaient des juges qui ordonnaient au juste d aller à droite vers le ciel.» Lorsque Virgile se désigne comme guide de Béatrice, voilà ce que l on peut lire : «Pour ton mieux, je serai ton guide et je te tirerai d ici vers un lieu éternel où tu entendras des cris désespérés. Tu verras les antiques esprits dolents, qui chacun croient à la seconde mort et tu verras ceux qui sont contents dans le feu parce qu ils espèrent venir un jour aux gens heureux. Et si tu veux ensuite monter vers eux, une âme se trouvera bien plus digne que moi ; à elle je te laisserai à mon départ.» Les héritages mythologiques, religieux, philosophiques en provenance de Jérusalem et d Athènes se sont parfaitement mêlés, et entendus sur cette évidence que l homme est une créature à part, double et dont la part immortelle doit se préoccuper de la qualité de son séjour post-mortem. Faut-il rappeler que la crise cardiaque était une des morts les plus redoutées puisqu elle pouvait surprendre en pleine impréparation alors qu aujourd hui elle est plutôt souhaitée? Les écarts ont porté sur les façons qui peuvent être mises en œuvre pour gagner un séjour de bonheur éternel : grâce de Dieu et/ou actions des hommes. Cette histoire a commencé de cesser lorsque la philosophie à travers Kant a dit que, des idées de Dieu et de l âme, il était impossible d inférer leur existence ; que ces idées soient requises comme condition de possibilité de compréhension de ce qui est, n autorise pas à affirmer leur existence, telle est la leçon des fameux paralogismes de la «Critique de la raison pure». Cette histoire cesse définitivement lorsque sont proclamées par Nietzsche la mort de Dieu et la mort de l homme, même s il convient d ajouter qu il s agit de la mort d une certaine idée de Dieu et d une certaine idée de l homme. Les idées philosophiques ne transforment pas nécessairement les sociétés mais le spectacle des haines au nom de Dieu a bien accéléré la haine contre Dieu et cent ans de laïcité, pour ce qui est de notre univers franco-français, découragent de vouloir discourir sur l âme. Certains sont prêts à penser que seuls les vrais croyants islamistes peuvent sacrifier leur vie terrestre en

3 tuant des infidèles pour la félicité éternelle de leur âme. Tout cela pour dire que globalement les esprits éclairés se félicitent de la faillite du discours religieux. Soyons donc branchés et allons voir du côté de la modernité. 'HO LQWHOOLJHQFHDUWLILFLHOOHDXGpVHQFKDQWHPHQW La tentation de réduire le spirituel au matériel est aussi ancienne que la philosophie sans pour cela réduire la spiritualité à un matérialisme au sens vulgaire d un idéal manquant d idéal, celui fait de petits plaisirs matériels, d une vie sans âme! Sans doute, cette tentation s origine-t-elle chez Epicure et Lucrèce dans le caractère insupportable des craintes et terreurs religieuses qui tiennent les hommes dans des vies sacrifiées de sacrifices. Si tout est matière alors la vie est l exception et la mort est la règle, au contraire de l idéalisme religieux, et alors, à partir de là, il faut élaborer un art de vivre ici et maintenant, une éthique du bonheur. Il reste que, si l intuition matérialiste se laisse aisément deviner, il n est pas simple d élaborer un système matérialiste capable de rendre compte de la totalité de ce qui est de, l inanimé au vivant, au pensant, au culturel. Cette tentative longtemps silencieuse après Lucrèce renaît avec le XVIIe et le XVIIIe siècles et sera, à partir de là, indexée sur l état de sciences et celui de la philosophie. Nous nous contenterons dans un premier temps de caractériser la geste matérialiste comme démarche cherchant à expliquer le supérieur par l inférieur selon la définition d Auguste Comte. La descente théorique vise à expliquer un réel qui monte : de la superstructure à l infrastructure chez Marx ; de la conscience au sexe chez Freud ; de la pensée au neurone chez Changeux. Que dit Pierre Changeux dans «l homme neuronal»? Qu il réalise l ambition à laquelle avait dû renoncer Freud, à savoir expliquer biologiquement le psychisme, rapporter l activité mentale au seul cerveau et non plus à une entité autonome et immatérielle telle que l âme. «Au fil des chapitres le lecteur se sera rendu à l évidence que le cerveau de l homme se compose de milliards de neurones reliés entre eux par un immense réseau de câbles et de connexions, que dans ces «fils» circulent des impulsions électriques ou chimiques intégralement descriptibles en termes moléculaires ou physico-chimiques et que tout comportement s explique par la mobilisation interne d un ensemble topologiquement défini de cellules nerveuses.» Ou encore, «l homme n a plus rien à faire de l Esprit, il lui suffit d être un homme neuronal.» Les partisans de l Intelligence Artificielle, héritiers des récents développements de la biologie du système nerveux et de la cybernétique sont solidaires, au moins à la naissance de cette discipline, du projet positiviste d en finir avec la métaphysique, avec la mythification spiritualiste des fonctions dites supérieures de l homme. A travers le projet de recréer artificiellement l intelligence, l objectif est triple : psychologique, il s agit d obtenir une compréhension plus fine puisqu on connaît d autant mieux un objet qu on l a produit ; pragmatique, il s agit de fabriquer des machines adaptées à des fins proprement humaines ; philosophique, il s agit d élucider le mystère métaphysique de l intelligence humaine. Le frisson naît avec la conception d ordinateurs capables d initiatives, c est à dire de se déterminer intelligemment et non plus d imiter servilement l intelligence humaine. Même si les premières réalisations sont modestes, telle que cette machine joueuse de dames qui intègre des capacités de s améliorer en apprenant ce que l on appelle des heuristiques réflexives il n empêche que s ouvrent des perspectives absolument nouvelles. Faute d une maîtrise correcte des données scientifiques de l I.A., laissons-nous enseigner par cette fable proposée par le philosophe américain Daniel Dennett et destinée à montrer que l âme n est rien de plus

4 qu un simple logiciel. Celui-ci est chargé par la NASA de récupérer sous terre des débris fortement radioactifs menaçant de détruire le cerveau humain. Etape 1. On sépare le cerveau du philosophe de son corps mais ceux-ci restent reliés grâce à des dispositifs capables d émettre et de recevoir les impulsions nerveuses par radio. Question : Où se trouve Dennett? Réponse : Dans le corps qui reçoit les informations liées à sa position dans l espace. Rebondissement : La NASA n avait pas prévu que le corps de Dennett se désintègrerait à l approche de la charge radioactive. Etape 2. On relie le cerveau du philosophe à un nouveau corps et on le reprogramme dans un grand ordinateur qui fonctionne dans le même laboratoire. Un bouton permet de choisir entre les deux connexions : cerveau-corps, ordinateur-corps. Dans un premier temps, le corps obéit de façon indifférente au cerveau ou à l ordinateur. Question : Où se trouve Dennett? Réponse : Pas dans le corps qui n est pas le sien, ni dans le cerveau, ni dans l ordinateur, ou dans l un des deux pour pouvoir être conscient. Nouveau rebondissement : Un décalage progressif des pensées entre le cerveau et l ordinateur fait exister deux Dennett. Dès lors la question n est plus de savoir où est Dennett mais quel est il? Réponse : L esprit est le programme même qui fonctionne parallèlement et indifféremment dans l ordinateur et dans le cerveau. L objectif de l I.A. est donc de découvrir le programme qui fonctionne dans le cerveau, programme qui a besoin d un support matériel sans lui-même être matériel. Que retenir de cette fable? Au moins trois conclusions provisoires : L I.A. fait renoncer à un réductionnisme fort, intenable en définissant l âme comme un logiciel ou un emboîtement de logiciels, donc comme immatérialité même si les logiciels ont besoin d ordinateurs. L I.A. prolonge le mouvement naturel de l esprit d explication tel que l affirme Kant dans la «Critique du jugement» : «Cela signifie que je dois toujours réfléchir sur les évènements dans la nature d après le principe du simple mécanisme de la nature et par conséquent que je dois suivre ce principe aussi loin que je le puis, parce que si on ne le met pas au fondement de la recherche, il ne peut y avoir aucune connaissance de la nature proprement dite.» Il s agit donc ici d un réductionnisme épistémologique qui fonde la pratique du chercheur où il faut beaucoup de patience, de modestie et d obstination. L I.A. se trouve devant un chantier décourageant tant il est immense. Selon Daniel Hofstadter «si l intelligence implique l apprentissage, la créativité, des réactions émotionnelles, un sens de l humour, un sens de la beauté, un sens de soi, alors il reste un long chemin à parcourir Dès lors qu une fonction mentale a été programmée les gens cessent de la

5 considérer comme un ingrédient essentiel de la véritable pensée. Le cœur inéluctable de l intelligence se trouve toujours là où rien n a été encore programmé.» 'H O kph FRPPH FDSDFLWp GH UDFRQWHU GHV KLVWRLUHV GH VH UDFRQWHUGHVKLVWRLUHV Quelle place pour l âme entre son enchantement métaphysico-religieux et son désenchantement scientifique, entre des religions effondrées en tant qu institutions et une science à la patience très longue, entre les discours du sens et ceux de l efficacité? Que faire du désir d absolu jamais satisfait, de l activité du souvenir, de la conscience réflexive, de la liberté conditionnée mais indomptable, de l unité personnelle comme pouvoir de synthèse de l expérience? Quand dit-on d une vie qu elle est sans âme? Toutes ces questions sont intéressantes mais il faut bien un point de départ pour conduire la réflexion et je n en ai pas trouvé d autre que celui inspiré par mon expérience de responsable de lycée et d enseignant de philosophie à savoir la misère symbolique plus particulièrement celle des garçons, celle des adolescents dans leurs relations aux filles. Comment s y prendre avec eux pour leur faire ressentir que l humain se niche dans la parole, la parole qui raconte et la parole qui est tenue. Tout d abord pourquoi l homme est-il condamné à la parole si ce n est parce qu il expérimente la séparation ou la non coïncidence avec le monde, avec autrui, avec lui-même? Le héros Roquentin dans «La Nausée» de Sartre fait cette expérience de l étrangeté des racines d un marronnier qui, dans leur viscosité, le rejettent hors d elles pendant que Rimbaud, dans un très beau vers réclame de pouvoir «dormir du sommeil du chien sur la grève». Faute de pouvoir être le vent, le sel, les coquillages, l iode, le soleil, Rimbaud ne peut que les dire ou s épuiser à vouloir les dire et le mot ne sera jamais la chose. La mort de Roméo et Juliette est peut-être belle non parce qu elle empoisonne définitivement les relations entre les Capulet et les Montaigu (à moins qu elle ne les contraigne à se retrouver devant leurs morts) mais parce qu elle permet aux deux jeunes gens d échapper à la désillusion de l impossible fusion où je suis toi, où tu es moi, où nous sommes nous. Là aussi le rapport à l autre n existe que par, dans, et à travers les mots. L histoire de Narcisse peut se revisiter à l aune de la séparation de soi d avec soi et donc du désir de coïncider avec soi. Que le visage «figure» cet autre de soi qui échappe à soi, rien d étonnant puisqu il est constamment offert à l autre sans qu il puisse se saisir. A vouloir se rapprocher de ce soi qui lui échappe, Narcisse est condamné à tomber à l eau au moment où il va coïncider avec lui-même. Séparé de soi chacun est condamné à se dire. Cette triple séparation contraint donc les hommes à raconter des histoires, à se raconter des histoires depuis toujours, histoires que nous recevons en héritage et qui nourrissent nos propres histoires. Que certaines histoires nous paraissent dépassées comme les histoires mythologiques ou religieuses, peu importe quoique la fréquentation des discours symboliques peut enrichir la réflexion ce qui nous importe est de reconnaître la nécessité en chacun de la capacité d inventer des histoires. Appelons la temporairement l âme même si nos contemporains préfèrent parler de sujet. Que le sujet se porte mal, personne ne peut en douter : Nietzsche en avait annoncer la mort et les sciences humaines l ont mise en pratique à travers le structuralisme. Que peut-il en être dit malgré tout? Etymologiquement le sujet est ce qui est jeté sous, c est à dire ce qui supporte ce

6 qui est au-dessus mais aussi ce qui doit se supporter de supporter. Ce qui est se soutient de ce qu il est soutenu et, ce qui le soutient, se soutient lui même. Les verbes d action ne peuvent se mettre en action que s ils sont mus par des sujets, conscients ou inconscients peu importe. Le verbe comme puissance ne peut devenir action, acte, que s il est porté par un sujet qui le porte. Encore faut-il que le sujet se supporte luimême. Or parler c est agir puisque c est dans les actes de discours que l agent de l action se désigne comme celui qui agit. Les questions «qui parle?» et «qui agit?» en continuité l une de l autre posent celle de l identité personnelle. Il n est donc pas vain, comme l a fait Paul Ricoeur, d aller du côté de l identité narrative même si nos histoires de vie ne peuvent se confondre avec des récits littéraires. «Loin de s exclure, ils se complètent en dépit ou la faveur de leur contraste. Cette dialectique rappelle que le récit fait partie de la vie avant de s exiler de la vie dans l écriture.» Dans des entretiens parus sous le titre «La Critique et la Conviction» Ricoeur décrit dans une langue simple les deux versants de l identité : «J ai risqué une distinction, qui ne paraît pas être simplement de langage mais de structuration profonde, entre deux figures de l identité : celle que j appelle l identité idem, la «mêmeté», ou sameness, et l identité ipse, «l ipséité», selfhood. J en donne tout de suite un exemple concret : la mêmeté, c est la permanence des empreintes digitales d un homme, ou de sa formule génétique ; ce qui se manifeste au niveau psychologique sous la forme du caractère : le mot caractère est d ailleurs intéressant, c est celui qu on emploie en imprimerie pour désigner une forme invariable. Tandis que le paradigme de l identité ipsé, c est pour moi la promesse. Je maintiendrai, même si j ai changé ; c est une identité voulue, tenue, qui se promulgue en dépit du changement.» Le changement dont parle Ricoeur c est le passage de la notion de promesse à celle du maintien de soi qui, en réalité la conditionne, et qu en dit-il? «Le maintien de soi, c est pour la personne la manière telle de se comporter qu autrui peut compter sur elle. Parce que quelqu un compte sur moi, je suis comptable de mes actions devant un autre. Le terme de responsabilité réunit les deux significations : compter sur être comptable de Elle les réunit, en y ajoutant l idée d une réponse à la question «où es-tu?», posée par l autre qui me requiert. Cette réponse est «me voici!». Réponse qui dit le maintien de soi.» 4XHSRXYRQVQRXVFRQFOXUH" L observation primitive du corps cadavérisé a conduit au roman de l âme, roman qui a cessé d être cru sous le double progrès de la science et de la laïcité. Le défi de la création de l intelligence artificielle se heurte à l observation selon laquelle tout se passe comme si l âme était toujours ailleurs que là où il paraissait possible de la piéger. Entre ces deux mouvements qui partent du plus loin et du plus près, qui se déclinent sur l aspiration au spirituel et sur la volonté d un réalisme matériel, sans doute convient-il de poser que le primat de la matière n empêche pas la primauté de l esprit pour des humains capables de dire «me voici!».