La lecture. Le verbe lire supporte mal l'impératif - Daniel Pennac

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1 La lecture I-Qu est-ce que lire? Tâche dont la complexité ne peut pas être appréhendée par des formules telles que lire c est comprendre, lire c est maîtriser les clés du code. A) Il n y a pas de lecture sans projet de lecture Lecture considérée comme : rébarbative : assimilée à une obligation scolaire, passer du temps sur des textes ennuyeux (descriptions), éloignée des préoccupations personnelles sacralisée : associée à la réussite scolaire Le verbe lire supporte mal l'impératif - Daniel Pennac Il faut assortir la lecture d un enjeu autre que de faire plaisir au maître au risque qu elle n ait pas d effet. Enquêtes monsieur G. Chauveau, Comprendre l enfant apprenti lecteur : Les plus avancés dans la lecture sont souvent ceux qui sont aussi capables de donner des raisons personnelles de lire alors que les moins avancés sont ceux qui ne citent comme raison que les obligations scolaires. Expérience menée par Pichet et Anderson sur la lecture d un texte descriptif d une maison : Un groupe de lecteur avait reçu la consigne de lire ce texte en se mettant dans la peau d acheteurs éventuels, l autre groupe, dans celle de cambrioleurs. Les informations retenues par le premier groupe portaient sur le nombre de salles de bains, l état de la toiture tandis que le second groupe s était intéressé à l emplacement des portes, à l absence des voisins. Lecture = processus actif impliquant le texte, mais aussi le lecteur et le contexte de lecture. B) La lecture est un processus langagier et culturel 1) La mobilisation de connaissances sur la langue Il ne faut pas envisager la lecture comme un processus de traitement visuel. Une telle approche s explique en partie historiquement : les lectures à haute voix faites par les lettrés à des non lettrés (travail de transcription en signes oraux connus de tous).

2 Exemple: 1. Lorsque plusieurs enclitiques se suivent, tous, sauf le dernier, reçoivent l aigu sur la finale. 2. Pendant les premxxxx jxxrs, nous avxxx croisé quelques rares voyagxxxx sur la route, ou bxxx dans les aubxxxxs où nous nous arxxtions pxxfois. On peut oraliser la première phrase mais ce n est pas le cas pour la seconde. Pourtant nous sommes plus aptes à retenir des informations de la seconde phrase. Difficultés : ellipses, mots techniques, dépasser l oralisation et restituer l information qu il contient. Dans la seconde phrase on remarque très vite que c est un récit de voyage grâce au champ lexical que l on peut facilement reconnaître. 2) Le recours aux inférences Construire le sens du texte en dépassant les seules informations littérales qu il fournit Inférences : Externes : mettre en relation les informations fournies par le texte avec les connaissances extérieures au texte. Internes: mettre en relation plusieurs informations fournies par le texte. L activité de lecture est un processus complexe qui fait intervenir des connaissances et des stratégies d ordre linguistique, syntaxique et lexical ainsi que des connaissances et stratégies d ordre plus larges, langagier et culturel sur le référent évoqué et la manière de l évoquer. C) Les modèles de compréhension de lecture Modèle ascendant : prend son départ dans les unités de bas niveau que sont les lettres Modèle descendant: conception inverse, prend appui sur des connaissances langagières et culturelles pour anticiper le sens possible du texte et descend ensuite vers le texte. On admet désormais que le traitement des unités de bas niveau et le traitement des unités de haut niveau interagissent dans un modèle interactif qui fait intervenir à la fois le lecteur, le texte et le contexte. D) La question des apprentis lecteurs 1) La complexité du code Le système d écriture français repose sur le principe alphabétique : utilisation d un nombre limité de signes écrits que sont les lettres. La lettre b correspond de manière simple au son [b] par contre la lettre a ne correspond pas au son [a], elle sert également dans des assemblages tels que eau, an, ai, au.

3 2) L exploitation des connaissances en cours de construction Complexité d utilisation du code : assemblage des deux lettres a et n constituent le son suivant [ã]. Mais comment l élève va-t il distinguer le an de bandeau et le an de Ananas. C est l ensemble des rencontres qu il fera avec ces mots qui lui permettra de repérer que dans certains cas les lettres ne se prononcent pas, d identifier une catégorie grammaticale particulière et de ne plus hésiter à la lecture. segmenter plus efficacement les mots et repérer les assemblages de lettre qui ne se prononcent pas. L enjeu de l enseignant : ne pas mettre l élève face à une simplicité artificielle mais de le faire utiliser des connaissances et des stratégies complexes dans les situations suffisamment aménagées pour que cette utilisation soit possible. II- Comment l enfant apprend à lire? A) La découverte du principe alphabétique 1) Les premières expériences Les expériences de tâtonnement divers plus ou moins encouragées et accompagnées par l entourage donnent à l enfant l envie d apprendre à lire et lui ont permis de faire quelques découvertes fondamentales sur le fonctionnement de l écrit. L enseignant de CP doit s assurer que chacun de ses élèves appréhende ou non le fonctionnement de l écrit et dans le cas échéant de faire vivre les expériences puisque sans elles et sans les découvertes sur le fonctionnement de l'écrit qui y sont liées, aucune poursuite d apprentissage n est envisageable. Un même assemblage de lettre ne peut pas être oralisé de plusieurs manières différentes. Situation : Là, c est Armand ou Là, c est moi l enfant a découvert le sens de la lecture et de l'écriture, en français de haut en bas de la page et de gauche à droite, ainsi que son caractère conventionnel (la longueur du mot n est pas proportionnelle à la taille du référent évoqué). L enfant dispose d un capital de mots qu il pourra mobiliser pour des observations nouvelles prêt à découvrir le principe alphabétique de l écriture. 2) La découverte du principe alphabétique de l'écriture 26 lettres qui sont utilisées pour transcrire les mots qu ils connaissaient jusqu alors presque exclusivement sous leur forme orale et que la fonction des lettres est précisément de coder l oral. Découvrir la logique combinatoire : l ensemble des régularités et particularités de fonctionnement de ce codage plusieurs graphies possibles pour transcrire un même son.

4 B) L identification des mots : de la lecture par voie indirecte à la lecture par voie directe 1) Il n est pas possible de faire l économie de l étape du déchiffrage Déchiffrer : papa revient a identifier progressivement la lettre p puis la lettre a qui correspondent respectivement aux sons [p] et [a] et qui assemblés au son [pa]. Le mot ainsi identifié est lu par ce que l on appelle la voie indirecte. Les difficultés liées au déchiffrage, ainsi que la lenteur inhérente à ce procédé pour parvenir à l identification d un mot par déchiffrage, ont parfois été désignées comme obstacle à la lecture. De ce fait le temps passé à déchiffrer un mot peut être tel que au terme de l identification d un mot par déchiffrage il a oublié les mots qu il avait précédemment déchiffrés, ce qui rend ensuite impossible toute compréhension de phrases ou de textes. Les méthodes idéo visuelles préconisent d éviter le déchiffrage et de favoriser l identification directe des mots par reconnaissance visuelle. Expert: est en mesure de faire l économie du déchiffrage, sauf face à des mots qu il n a jamais rencontrés. IL N EN EST PAS DE MÊME POUR LES APPRENTIS Travail de mémoire très important L automatisation dans l identification des mots, qui permettra de faire l économie du déchiffrage, et de parvenir à ce que l on appelle la lecture par voie directe, viendra progressivement, lorsque l élève disposera, pour les mots qu il rencontre, de ce que l on appelle des images orthographiques. Celles-ci se forment grâce à des rencontres répétées avec les mots et grâce au repérage d unités plus vaste que des graphèmes, comme les préfixes, ou les suffixes. Stade logographique : il ne peut identifier qu un nombre limité de mots, perçus globalement plus ou moins comme des images. Stade alphabétique : le déchiffrage est le mode d accès privilégié à l identification des mots. Stade orthographique : accès directe à une identification performante du mot. 2) Le rôle du maître Mettre en place une réflexion sur les activités à mettre en place pour permettre d' accéder à une image orthographique des mots. Il veillera à accompagner une lecture qui se caractérise au début par sa lenteur : choix de supports adaptés aux connaissances techniques des élèves aide au découpage syntaxique incitation à la relecture. C) L identification des mots : la découverte et l utilisation des lois de la combinatoire Lecteur débutant: difficile de comprendre que l assemblage des sons [b] et [a] correspond au son [ba] (ce qui s appelle faire une synthèse ) et être en mesure d isoler une unité minimale d oral comme le phonème [b].

5 1) Identification des phonèmes Épellation phonétique : décomposer un mot à l oral en l ensemble de phonèmes qui le constituent. Contexte d apparition des mots : besoin de la communication quotidienne n invitent pas à une attention particulière de la dimension sonore des mots. Ce sont souvent les unités orales telles que les syllabes qui sont isolées difficulté conceptuelle à percevoir la notion même de phonème. Mise en place précoce d activité d écriture, parallèlement aux activités de lecture, contribue efficacement à une meilleur identification de ces unités orales abstraites que sont les phonèmes. 2) Analyse ou synthèse? L identification des mots passe par la connaissance des lois de la combinatoire faculté d identification des phonèmes. Activité de synthèse : non spontanée =/ Analyse : repérer des unités d ordre inférieur dans les unités d ordre supérieur. Rapprocher des mots présentant des analogies stock disponible de mots comparables. Un élève utilise les deux méthodes en fonction des connaissances dont il dispose. D) Prise en compte des dimensions langagières, culturelles et métacognitives 1) L apprentissage de la lecture est facilité par l aisance langagière des élèves S'intéresser aux usages du langage des élèves et de leur permettre de progresser dans plusieurs directions. Maîtrise du langage explicite qui permet d évoquer tout référent en son absence suppose recours à un lexique précis et des phrases complexes. L aisance langagière d un élève, son envie d utiliser le langage pour s exprimer, de l utiliser également dans des situations ludiques ou de s interroger sur son fonctionnement primordial pour la réussite de son apprentissage. Enrichissement lexical : augmentation du stock de mots, découverte des relations existant entre les mots meilleure identification des mots. Identifier dans les phrases simples les acteurs de l action. 2) L apprentissage de la lecture suppose une approche culturelle et stratégique des textes Lecture s'inscrit dans un contexte culturel. Invitation à réagir aux textes lus construire une culture littéraire. Lecture de textes entiers : prendre en compte les processus qui permettent de faire des liens entre les phrases.

6 La lecture I-Qu est-ce que lire? A) Il n y a pas de lecture sans projet de lecture B) La lecture est un processus langagier et culturel 1) La mobilisation de connaissances sur la langue 2) Le recours aux inférences C) Les modèles de compréhension de lecture D) La question des apprentis lecteurs 1) La complexité du code 2) L exploitation des connaissances en cours de construction II- Comment l enfant apprend à lire? A) La découverte du principe alphabétique 1) Les premières expériences 2) La découverte du principe alphabétique de l'écriture B) L identification des mots : de la lecture par voie indirecte à la lecture par voie directe 1) Il n est pas possible de faire l économie de l étape du déchiffrage 2) Le rôle du maître C) L identification des mots : la découverte et l utilisation des lois de la combinatoire 1) Identification des phonèmes 2) Analyse ou synthèse? D) Prise en compte des dimensions langagières, culturelles et métacognitives 1) L apprentissage de la lecture est facilité par l aisance langagière des élèves 2) L apprentissage de la lecture suppose une approche culturelle et stratégique des textes

7 Synthèse : Pour apprendre à lire, l enfant/l élève doit nécessairement avoir des représentations justes du fonctionnement de l écrit. Il doit notamment avoir compris les principes suivants: permanence de l écrit codage de l oral par écrit principe alphabétique de l écriture du français Pour identifier les mots, l apprenti lecteur passe nécessairement par une phase de décodage, avant de pouvoir automatiser sa reconnaissance et de pouvoir accéder à ce que l on appelle l identification par voie directe des mots. La lecture ne peut en aucun cas, même dans les plus simples, se réduire à la reconnaissance de mots. Pour toute situation de lecture, tout lecteur ou tout apprenti lecteur mobilise des connaissances et des stratégies complexes au service d un projet. La compréhension en lecture résulte d un traitement sémantique et syntaxique du texte à lire qui s'opère en interaction avec l identification des mots. Être capable de répondre aux questions suivantes : Dans le cadre de l identification des mots, qu est-ce que faire une synthèse? une analyse? Pourquoi un apprenti-lecteur a-t-il des difficultés à identifier les phonèmes? Donnez un exemple de mot régulier et un exemple de mot irrégulier. Quelle différence faites-vous entre image globale et image alphabétique? Pourquoi est-il utile d apprendre en même temps à lire et à écrire? Qu appelle-t-on la phase logographique? Qu appelle-t-on les lois de la combinatoire? Comment les connaissances lexicales et syntaxiques interviennent-elles dans la lecture? Qu est-ce-que faire des inférences externes? faire des inférences internes? Pourquoi une définition seulement perceptive de la lecture peut-elle être considérée comme réductrice?