Rapport remis à Madame Daniele Jourdain-Menninger Présidente de la MILDT

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1 LES DOMMAGES LIES AUX ADDICTIONS ET LES STRATEGIES VALIDEES POUR REDUIRE CES DOMMAGES Rapport remis à Madame Daniele Jourdain-Menninger Présidente de la MILDT CONTRIBUTION DES EXPERTS Professeur Michel Reynaud Comité de Pilotage Pierre Arwidson - François Beck- Henri Bergeron Michel Bouchet Jean-Pierre Couteron Karine Gallopel-Morvan - Jean-Paul Jean Marie Jauffret-Roustide - Pierre Kopp - Michel Lejoyeux Bernard Leroy - Alain Morel - François Paille Christophe Palle Maud Pousset - Alain Rigaud 1

2 MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL Pour répondre à la commande de Madame Jourdain-Menninger, Présidente de la MILDT nous avons définit avec le Comité de Pilotage les différents thèmes à traiter ainsi que le nom des experts compétents pour ces thèmes. Ceux-ci nous ont envoyé leurs contributions en deux parties : un chapitre «une analyse des dommages» et un chapitre «sur les stratégies validées de réduction des dommages». Ces experts se sont appuyés sur la littérature scientifique, nationale et internationale ; les références bibliographiques se trouvent à la fin de chaque chapitre. Puis à partir des contributions des experts, nous avons réalisé, avec le comité de pilotage, une synthèse qui présente la philosophie générale du rapport, le changement de paradigme qu il implique et la stratégie générale qui pourrait permettre que soient appliquées les mesures proposées. Cette synthèse s accompagne de 30 fiches techniques, correspondant aux différents thèmes traités et rassemblant les propositions pouvant permettre de diminuer les dommages dans chacun de ces domaines ; le renvoi aux contributions sources et aux bibliographies se retrouve en fin de fiche. Le document de synthèse et les fiches techniques sont disponibles : sur le site de la MILDT ( sur le site du CERTA l Albatros ( Les contributions des experts, encore sous forme de document de travail, non encore totalement finalisées du fait des délais très courts impartis pour la rédaction et nécessitant pour certains une relecture, sont disponibles sur le site du CERTA l Albatros puis, après validation, seront mises sur le site de la MILDT. Professeur Michel Reynaud 2

3 EXPERTS Michel Reynaud, Professeur, Chef du service de Psychiatrie et d addictologie Hôpital Paul Brousse, Université Paris Sud. Comité de Pilotage Henri Bergeron sociologue, Coordinateur scientifique de la Chaire Santé de Sciences Po-FNSP Michel Bouchet ex-commissaire divisionnaire, Chef de la mission de lutte anti-drogue du M.I Jean-Pierre Couteron Psychologue, Clinicien, Président de la Fédération Addiction Karine Gallopel-Morvan maître de conférences habilité à diriger des recherches marketing social à l EHESP Jean-Paul Jean Avocat général à la cour de cassation, Professeur Associé à l Université de Poitiers Marie Jauffret-Roustide Sociologue, chercheur au Cermes 3 (INSERM U988) Pierre Kopp Professeur d Economie Faculté Paris I, chercheur UMR CNRS n 8595 Michel Lejoyeux Professeur, Chef du service de Psychiatrie et d addictologie Hôpital Bichat, Université Paris VII Bernard Leroy Magistrat, ancien responsable de l assistance juridique de l ONUDC Alain Morel Psychiatre Addictologue, directeur général de l'association Oppelia François Paille Addictologue, Professeur de thérapeutique, CHU de Nancy, Président de la Fédération Française d Addictologie Alain Rigaud psychiatre des Hôpitaux, chef de service, Intersecteur d'addictologie 51 A01, EPSM Marne, président de l'a.n.p.a.a. Et pour l état des lieux Pierre Arwidson médecin, Directeur des Affaires Scientifiques à l INPES François Beck Statisticien et sociologue, Responsable des enquêtes à l Inpes, Chercheur au Cermes 3 (CNRS, Inserm, EHESS, Université Paris V, Sorbonne Paris Cité) Christophe Palle Economiste, responsable scientifique de l OFDT Maud Pousset Médecin, Directrice de l OFDT Experts rédacteurs Elisabeth AVRIL Henri-Jean AUBIN Marc Auriacombe Frank Bellivier Emmanuel Benoit Amine Benyamina Yvan Berlin Xavier Bigard Sterenn Bohelay Nicolas Bonnet Marie-Louise Boulanger Chef de service. Service de Psychiatrie & Service de médecine Addictologique. GH St-Louis Lariboisière - F. Widal, Paris Ancien professeur agrégé du Val-de-Grâce et titulaire de la chaire de recherche appliquée aux armées. Actuel conseiller scientifique du président de l'afld, vice président de la Société française de médecine de l'exercice et du sport, président de la société Dauphiné- Savoie de médecine du sport 3

4 Renaud Bouthier Marie Bronnec Georges Brousse Alain Calmat Patrizia Carrieri Philippe Castera Pierre Chappard Sarah Coscas Olivier Cottencin Jean Bernard Daeppen Thierry Danel Bertrand Dautzenberg Marie Debrus Jean Michel Delile Michel Delcroix Maurice Dematteis Gérald Demortière François Deroche pharmacien, fondateur et directeur de l association Avenir Santé France Président de la commission médicale du CNOSF, Membre de l'académie des sports, ancien professeur de médecine Médecin responsable de l Antenne médicale de prévention contre le dopage, hôpital Paul Brousse (AP-HP) ; médecin du sport ; médecin fédéral national de la FMDA Alain Dervaux Psychiatre, Praticien hospitalier, PhD. Service d Addictologie Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris Jean Ebert François Hervé Directeur, Pôle Addictions, Santé, Précarité, Association AURORE, 1 bis av. du Coteau Gagny. f.herve@aurore.asso.fr Catherine Hill Laurent Karila Pierre Kokoreff Claude Lejeune Bernard Leroy William Lowenstein Gladys Lutz Patrick Malagoff Alain Mercuel Laurent Michel Romain Moirand David Mourgues Ivana Obradovic Fabrice Olivet Catherine Pecquart P Peretti Watel Michel Rieu Président du Groupe TSO (Traitements de Substitution Opiacés) DGS / ministère de la Santé ; Président de SOS Addictions Directeur sport santé de la commission médicale du Comité national olympique et sportif français Directeur Médical du CSAPA Pierre Nicole, Inserm U669, PARIS Chargée d études à l Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) Chercheuse associée au CURAPP (UMR CNRS 7319), Université de Picardie Jules Verne Président de la commission médicale du Comité régional olympique d'ile de France - Professeur des Universités (Université Paris V - René Descartes) - ancien conseiller scientifique du Président de l'afld - 4

5 Olivier Simon Christine Tellier JP Verdy Florence Vorspan Franck Zobel Administratrice Fédération Addiction, Directrice Générale de l Apléat (Orléans), diplômée Sciences Naturelles, Art-Thérapie et Santé Publique (ENSP). Directeur du Département des contrôles de l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) 5

6 CONTRIBUTIONS DES EXPERTS PLAN Pages I - REDUIRE LES DOMMAGES DES ADDICTIONS QUELQUES ELEMENTS INDISPENSABLES A CONNAITRE POUR AGIR... 9 Bien connaitre les consommations et l importance des dommages entrainés par les produits psychoactifs licites et illicites Comprendre l intérêt de la notion d addiction qui remplace celles d alcoolisme de drogue et de toxicomanie. S appuyer sur une meilleure connaissance des mécanismes addictifs permet de mieux les prévenir et les traiter Pour réduire les dommages il faut agir sur les trois déterminants des addictions Tous ces éléments amènent à un changement de paradigme : mettre en place Une politique de réduction pragmatique des dommages PARTIE I - L ETAT DES LIEUX DES DOMMAGES II L ETAT DES LIEUX DES DOMMAGES Dommages liés aux produits Les consommations et leurs évolutions depuis 10 ans (M. Pousset P. Arwidson- F. Beck- C. Palle). 17 L alcool (HJ. Aubin- P. Arwidson - A. Rigaud - R. Moirand O. Cottencin). 26 Au tabac (B. Dautzenberg P. Arwidson- Y. Berlin A. Borgne).. 33 Au cannabis (A. Benyamina - M. Pousset - JP. Couteron F. Beck I. Obranovic).. 38 A l héroïne (A.Morel M. Pousset - M. Auriacombe P. Carrière P.Kokoreff- F. Olivet) A la cocaine et au crack (L. Karila - M. Pousset - M. Jauffret Roustide F. Hervé Aux nouvelles drogues (L. Karila- M. Pousset G. PFau - P. Chappard). 48 Dommages liés aux comportements Aux jeux d argent (M. Bronnec O. Simon E. Benoit JP Couteron) 50 Aux mésusages des médicaments psychotropes (M. Dematteis P. Ardwison F. Vorspan) 54 Au dopage (F. Deroche W. Loewenstein- X. Bigard A. Calmat P. Magaloff). 55 Dommages liés aux comportements addictifs dans les populations vulnérables et situations spécifiques Les jeunes (JP. Couteron - C. Tellier - R. Bouthier G. Lafaye N. Bonnet).. 59 Les femmes (M. Jauffret-Roustide - J. Ebert -T. Danel) 62 Addictions chez les femmes enceintes (S. Coscas C. Lejeune- M Delcroix ).. 65 La précarité (C. Pequart E. Avril A. Mercuel).. 67 Le milieu carcéral (L. Michel M. Jauffret-Roustide JP. Jean B. Leroy).. 71 Le milieu festif (D. Mourgue S. Bohelay). 73 Les patients souffrants de troubles psychiatriques (A. Dervaux- G. Brousse A. Benyamina JP. Delile F. Bellivier). 74 En entreprise (G. Lutz G. Demortière F. Beck C. Gillet) 76 III- LES STRATEGIES VALIDEES DE REDUCTION DES DOMMAGES Stratégies sanitaires et sociales transversales 6

7 Stratégies communes et principes généraux (M. Reynaud - JP. Couteron M. Jauffret-Roustide) 80 Organisation de la politique nationale, territoriale (A. Lopez) 87 Stratégies globales de prévention ; prévention primaire ( P. Arwidson A. Morel A. Rigaud R. Demeulemeester).. 90 Le repérage précoce et l intervention brève (JP. Couteron Castera). 104 Amélioration du dispositif d accès aux soins, de prise en charge, de réhabilitation, de réductions des risques Dispositif de proximité ( Castera) - Actions auprès des consommateurs, outils coopératifs (P. Chappard). - Amélioration des dispositifs médico-social et de réduction des risques (A. Morel A. Rigaud E. Avril M. Debrus). - Dispositif sanitaire et social (F. Paille) Médicaments (M. Dematteis M. Auriacombe) 121 Psychothérapies (JB. Daeppen - HJ Aubin) 125 Enseignement- Formation- Recherche (M. Lejoyeux, P. Peretti-Watel) 127 Stratégies spécifiques pour les différents produits Alcool (HJ.Aubin - A. Rigaud - F. Paille - R. Moirand P.Arwidson O. Cottencin-F Bourdillon) 129 Tabac (P. Arwidson - B. Dautzenberg Y. Berlin A. Borgne). 133 Cannabis (A. Benyamina JP. Couteron I. Obranovic). 138 Héroïne (M. Auriacombe A. Morel P. Carrièri Kokoreff F. Olivet Y. Edel JY. Legall) Cocaine et crack (F. Hervé - L. Karila - M. Jauffret Roustide) Nouvelles drogues (P. Chappard L. Karila P. Batel). 149 Stratégies pour les dommages liés aux comportements Jeux d argent (M. Bronnec O. Simon - E. Benoit). 152 Mésusages de médicaments psychotropes (F. Vorspan M. Dematteis) 159 Dopage (F. Deroche W. Loewenstein- M. Rieu J.P. Verdy - X. Bigard - P. Magaloff)..161 Stratégies spécifiques de réduction des dommages adaptées aux populations et situations spécifiques Les jeunes (JP. Couteron - C. Tellier - R. Bouthier G. Lafaye N. Bonnet) Les femmes (J. Ebert T. Danel- M. Jauffret-Roustide)..174 Addictions chez les femmes enceintes (C. Coscas C. Lejeune- M.Delcroix ). La précarité ( C. Pequart E. Avril A. Mercuel)..176 Le milieu carcéral (L. Michel M. Jauffret-Roustide JP. Jean B. Leroy)..186 Le milieu festif (D. Mourgue P. Batel S. Bohelay)..189 Les patients souffrants de troubles psychiatriques..191 (A. Dervaux G. Brousse A. Benyamina JP. Delile - FBellivier) En entreprise (G. Lutz G. Demortière F. Beck C. Gillet) Propositions d évolutions socio-économiques, législatives, réglementaires, fiscales Comparaison des dommages, des bénéfices et des représentations des différentes addictions (M. Reynaud) Le bilan socio-économique des Drogues en France (P. Kopp).204 Les stratégies marketing de l alcool et du tabac (K. Gallopel-Morvan JF. Diouf R. Bouthier).214 7

8 Les effets de la fiscalité sur les consommations (C. Hill)..230 L analyse des législations et possibilités évolutives (JP. Jean B. Leroy) 237 L évaluation des stratégies et plans nationaux en matière de drogues en Europe (F. Zobel H. Bergeron)..247 PARTIE I - REDUIRE LES DOMMAGES DES ADDICTIONS QUELQUES ELEMENTS INDISPENSABLES A CONNAITRE POUR AGIR 8

9 REDUIRE LES DOMMAGES DES ADDICTIONS QUELQUES ELEMENTS INDISPENSABLES A CONNAITRE POUR AGIR Bien connaitre les consommations et l importance des dommages entrainés par les produits psychoactifs licites et illicites (à actualiser avec les données OFDT/ANPES) 1-Consommations et évolution L alcool est impliqué, à des degrés divers, dans un grand nombre d autres dommages sanitaires et sociaux (syndrome d'alcoolisation fœtale maladies de l'appareil circulatoire, troubles psychiques, suicides, accidents ). On estime par exemple que la conduite sous influence d'alcool est responsable d'environ décès par an, soit environ un tiers de l'ensemble des décès par accidents de la route, et 50% de la délinquance routière. Environ décès par an, soit plus d'un décès sur neuf, peuvent être attribués au tabagisme au début des années 2000, essentiellement du fait de cancers des bronches et des poumons, des cancers des voies aérodigestives supérieures, des maladies cardiovasculaires et des maladies respiratoires. Cette mortalité touche encore principalement des hommes, mais la mortalité des femmes progresse, avec un décalage temporel également constaté pour les consommations. À ans, la moitié des usagers réguliers sont considérés comme «problématiques» et un quart montre des signes de dépendance potentielle. Les problèmes rencontrés sont liés à des troubles de la mémoire, un manque d énergie, une certaine dégradation des relations avec les proches ou encore à la conduite d un véhicule après avoir consommé du cannabis. Forte progression de la consommation de cocaïne, développement d un marché sur Internet où de nouvelles drogues de synthèse sont disponibles quasiment toutes les semaines, complètent ce tableau inquiétant. 2- Dommages pour la santé Parmi les dommages sanitaires et sociaux à l usager lui-même il faut prendre en compte : - des dommages aigus par exemple : détresse respiratoire, accidents cardio-vasculaires, overdose, comas éthyliques, accidents de la voie publique violence, état délirant aigu, paranoïa aigue, etc - des dommages chroniques par exemple : chômage, cancers, troubles cardio-vasculaires chroniques, pathologies respiratoires, cirrhose, schizophrénie, maladies psychiatriques, maladies neurologiques, hépatites, HIV, etc - et des caractéristiques de la dépendance, plus ou moins sévère 3- Les dommages à autrui et les dommages à la société sont mal connus La consommation de ces produits psychoactifs est une des principales causes de souffrances sociales, de violence et de délinquance en France. Pour en faire un recensement aussi exhaustif que possible il parait utile de distinguer les dommages comme suit : les dommages à l'usager lui-même (c'est à dire les dommages de santé immédiats, les dommages de santé chroniques et la dépendance), et les dommages à la société (c'est à dire les coûts de santé et sociaux, les coûts légaux,et enfin les conséquences sociales). 9

10 Parmi les dommages à la société il faut prendre en compte : - des coûts sanitaires liés aux arrêts maladies, à l absentéisme, aux dépenses liées aux soins (prise en charge, hospitalisation), à l invalidité, à la prévention face à la consommation des produits addictifs, etc - des coûts légaux associés à la violence et aux comportements antisociaux qu entraîne aussi la consommation de ces produits. Ils comprennent les coûts liés à la lutte contre le trafic et l économie souterraine des produits illégaux, etc. Et peuvent également comprendre les frais de douanes, de police, de justice, ainsi que les coûts liés à l incarcération. - des dommages sociaux : les désordres sociaux liés aux dommages intentionnels ou non aux personnes ou aux biens. Les conséquences dans les relations avec l entourage (la famille, les amis, les collègues ) à cause du changement de comportement de la personne. Les dommages à la société liés aux consommations de drogues sont peu documentés. Consommation de drogues, notamment illicites, et exclusion sociale / précarité sont souvent associées et se renforcent mutuellement. Ces produits sont également la cause de la majorité des dommages causés à autrui, des violences, de la délinquance et de la criminalité, et ce malgré la prohibition dont, sauf l alcool et le tabac, ils font l objet depuis 40 ans. Nous devons être conscients que nous avons à faire face à une véritable «épidémie» industrielle (qu il s agisse d industries légales ou illégales). Les épidémies industrielles ont largement dépassé dans les pays riches, en termes de mortalité et de dommages, les épidémies infectieuses. La régulation de leur consommation et la réduction des dommages que ces consommations entrainent doivent donc constituer une des priorités nationales et internationales : à la fois priorité de Santé Publique et priorité de Sécurité Publique Comprendre l intérêt de la notion d addiction qui remplace celles d alcoolisme, de drogue et de toxicomanie L addiction se caractérise par - l'impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne - la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives. Le passage, au début des années 2000, de la notion de toxicomanie et d alcoolisme à celle d addiction a profondément changé la façon de penser, le traitement et l organisation des soins de ces troubles : on est passé d une conception qui mettait en avant le produit, à une conception qui met en avant le comportement de consommation et le contexte dans lequel il se déroule. Les acteurs du monde scientifique ou médical, n'utilisent plus le terme de «toxicomanie» et mot «drogue» et précisent «drogues licites» ou «drogues illicites». Ces termes ne correspondent qu à des représentations sociales, le regroupant sous un même vocable l usage de tous les produits illicites. Si ces notions avaient un sens dans les années 70 durant lesquelles «drogues», «toxicomanie» et «héroïne» se confondaient, elles sont actuellement contre-productives, ne permettant pas de prendre en compte les très importantes différences entre les produits illicites, tant en termes de dangerosité que de potentiel addictif, et en amenant à occulter ou à sous -évaluer la dangerosité des produits licites et en particulier de l alcool qui est de loin le produit qui entraine le plus de dommages et de souffrances individuelles et sociales et celle du tabac qui entraine le plus de mortalité et de morbidité. L approche addictologique, plus complexe et plus subtile, relativise la part et les effets du produit pour s intéresser à l installation et la pérennisation du comportement pathologique 10

11 chez les individus. Elle prend en considération les facteurs de vulnérabilité et permet ainsi de mieux penser, et donc de traiter le début des troubles et les poly consommations. Elle fait également la place aux addictions comportementales et à la plus emblématique d entre elle : le jeu pathologique. Cette notion d addiction est désormais intégrée par les différentes nosographies internationales, en particulier dans le DSMV (référence pour la classification des maladies mentales cf annexe). Après avoir été catégorielle (usage, usage nocif et dépendance) elle est désormais dimensionnelle : l addiction est plus ou moins sévère et l évolution est progressive entre les usages sociaux et l entrée dans l addiction proprement dite. Le changement de concept et de dénomination est nécessaire afin que notre société puisse mettre en place une politique moins idéologique et plus scientifique basée sur des preuves : «évidence-based medicine», plus pragmatique et surtout plus efficace. Mais tout consommateur n est pas addict 1-bénéfices individuels Bénéfices pour les consommateurs On peut les rassembler en les schématisant comme suit : Les plaisirs et sensations, intégrant l intensité du plaisir obtenu par la consommation du produit de l importance des sensations intenses ou inhabituelles. Le sentiment d appartenance à un groupe : la consommation du produit renforce le sentiment d appartenance à un groupe, contribue à se reconnaître dans l identité d un groupe. Les bénéfices pour le bien-être et la santé : la consommation du produit permet le soulagement de tensions et de souffrances personnelles, notamment émotionnelles ou relationnelles. Il s agit également des éventuels effets positifs sur la santé. Exemple : antistress, anti-dépresseur, bon pour la mémoire, le cœur, la douleur 2- évolution progressive vers la dépendance pour certains S appuyer sur une meilleure connaissance des mécanismes addictifs permet de mieux les prévenir et les traiter Dans l addiction, la perte progressive de contrôle de la consommation, malgré l existence la survenue de dommages personnels, sanitaires ou sociaux, traduit l altération des mécanismes fondamentaux de contrôle du plaisir et des émotions : la «passion» l emporte sur la «raison». Si l installation d une addiction dépend de l interaction de facteurs de vulnérabilité individuels et du contexte environnemental, il nous parait capital d insister sur le fait que lorsque l addiction est installée, elle se traduit par un fonctionnement neuropsychique pathologique : du fait de la perturbation acquise des mécanismes neuronaux ce qui était, à l origine, un plaisir contrôlable devient un besoin incoercible. Toutes les substances psychoactives et pratiques addictives susceptibles d entraîner une dépendance agissent sur différents systèmes neuronaux, en interaction entre eux, pour déréguler gravement une voie finale commune : «les circuits motivationnels», perturbant ainsi la régulation des sensations et des émotions. Les substances psychoactives agissent puissamment sur ce système fondamental pour la survie de l espèce, perturbent son fonctionnement normal et le détournent à leur profit, la prise de la substance devenant alors un objectif motivationnel fondamental. 11

12 L addiction installée a, petit à petit, été reconnue comme une maladie du cerveau à part entière. Déjà, en 1997, le Lancet titrait Addiction is a brain disease» mais le changement des représentations sociales est lent et progressif La connaissance de plus en plus fine des mécanismes de l addiction, liée aux progrès de la neurobiologie et de l imagerie cérébrale, de la génétique des comportements et de la neuropsychologie permet désormais d affirmer que le cerveau du sujet devenu addict ne fonctionne plus comme un cerveau normal : il a perdu la liberté de décision quant à l objet de son addiction ; son fonctionnement est altéré par sa passion addictive Cette perte de contrôle est insidieuse, lente, progressive. Longtemps le consommateur la méconnait et peut dire «je gère» en se confortant par un «je consomme comme tout le monde» mais en réalité il perd petit à petit le contrôle, de façon plus ou moins profonde. Ceci permet de comprendre que les stratégies d aide et de soins devront être différentes selon le niveau d addiction. Pour réduire les dommages il faut agir sur les trois déterminants des addictions Les addictions résultant des interactions produit / individu / environnement, prévenir et intervenir implique d agir dans ces trois dimensions. Le fait que l installation d une addiction se situe à la rencontre entre un produit (plus ou moins addictogène), un individu (plus ou moins vulnérable), et un environnement (plus ou moins incitatif), permet de construire les nouvelles stratégies de réduction des dommages qui doivent s appuyer sur l évolution des connaissance scientifiques : cliniques, thérapeutiques, sociologiques, économiques et juridiques Un abord pragmatique devrait donc désormais amener les responsables de la Santé Publique à privilégier avant tout les stratégies, basées sur des preuves, de réduction des dommages liés aux consommations en agissant dans les trois dimensions. 1-Agir pour diminuer la dangerosité des différents produits ou comportements addictifs Cela implique de : - diminuer leur consommation et pour cela diminuer «l offre et la demande» - empêcher ou réduire leur consommation chez l adolescent - diminuer leur potentiel psychoactif et addictogène - traiter l addiction qu ils induisent, avec des spécificités propres à chaque produit - prévenir, réduire et traiter les dommages sanitaires et sociaux spécifiques qu ils induisent L évaluation des dommages spécifiques à chaque produit est présentée dans la première partie du rapport et les stratégies de réduction des consommations et des dommages spécifiques à chaque produit sont présentées dans la deuxième partie du rapport. 2-Agir sur les facteurs de vulnérabilité individuelle : pour une prise en compte de la spécificité de chaque usager S il semble que l environnement, par l incitation à la consommation, joue sur l initiation et le maintien d un comportement de consommation, il est vraisemblable que la vulnérabilité individuelle explique l entrée dans la dépendance et la gravité de celle-ci : cette vulnérabilité peut être génétique, épigénétique, en lien avec l âge des consommations ou avec l existence de troubles psychiatriques. Les déterminants individuels de la vulnérabilité/protection sont d'ordre biologique (génétique et développementaux), psychologique (antécédents familiaux et personnels, 12

13 organisation de personnalité et psychopathologie, difficultés actuelles) et socio-économique (stress professionnel, précarité réelle ou ressentie, etc). Ils favorisent des comportements de consommation qui traduisent et expriment cette vulnérabilité - la consommation précoce : de très nombreux travaux permettent d affirmer que plus la consommation est précoce et plus le risque addictif est important. Les produits psychoactifs viennent particulièrement perturber le développement cérébral de l adolescent et altérer le bon déroulement de son parcours scolaire ou social - la consommation auto-thérapeutique : le risque addictif est augmenté lorsque les produits sont consommés principalement pour apaiser un malaise ou nécessaire pour se sentir à l aise dans les relations. Dans le même ordre d idées la présence de troubles psychiatriques (anxiété, dépression, troubles bi-polaires) aggrave considérablement les problèmes liés aux addictions - la recherche d ivresse et de sensation forte, l association à des conduites d excès - la polyconsommation - la précarité et les difficultés d insertion sociale (échec scolaire, rupture des liens familiaux, inactivité sociale) ; - la consommation dans des circonstances particulières : conduites d engins, grossesse, travail 3- Agir sur les déterminants sociaux, culturels et économiques a- Modifier les représentations sociales de la dangerosité des produits L approche par la notion d addiction permet également de relativiser les différences entre les drogues licites et illicites. La consommation de substances psycho actives est présente dans toutes les cultures et dans toutes les époques. Mais au regard de l universalité ces consommations, les stratégies de prévention et d organisation de soins, ainsi que les législations sont peu cohérentes, sans rapport clair avec la gravité des dommages entraînés. Les risques et les dommages sont les données les mieux connues : une étude récente conduite par David Nutt a proposé une évaluation affinée et complète, à l aide d une analyse multi-variée, des dommages liés à la consommation des produits : cette étude a pointé la discordance entre l évaluation de la nocivité des produits et leur statut légal (les produits les plus nocifs étant l alcool, le tabac et l héroïne). La perception de la dangerosité des différents produits par la population française est en complet décalage avec la réalité de la gravité des dommages qu ils induisent telle qu elle est identifiée / évaluée par les experts du monde entier, et les experts français (Ces données sont présentées en annexe2). Cette mauvaise perception des risques et des dommages rend peu pertinentes les actions de prévention. b- S adapter à une société addictogène Nous vivons dans une société «addictogène» qui présente des caractéristiques particulièrement adaptées pour la création ou le renforcement des conduites addictives. Une stimulation forte des désirs et de plaisirs avec une maximalisation sensorielle et l accélération généralisée proposant des effets plus intenses, rapides et peu durables, mais renouvelables à l infini, banalisant le «tout, tout de suite» dans culture consumériste qui «ne concerne pas la satisfaction des désirs, mais l excitation du désir, de toujours plus de désir», une société du binge et de l industrialisation du plaisir. De nombreux travaux scientifiques prouvent que pour créer une addiction il faut fournir des récompenses (substances ou comportement susceptible de procurer du plaisir), intenses et rapides, de durées brèves et à un rythme variable. On sait aujourd hui les créer industriellement. Les produits consommés ou achetés sont, en général, doublement récompensant, ajoutant aux émotions positives une valorisation du statut social. Le 13

14 marketing des comportements ou des produits, licites ou illicites, utilise ces mêmes stratégies qu internet et les réseaux sociaux démultiplient. c- Tenir compte des multiples et très importants bénéfices pour les individus et la société qu entraine la consommation de substances Il faut également être conscient que la consommation de ces produits psychoactifs est source de plaisirs et de bénéfices individuels, mais aussi d intérêts sociaux et de bénéfices commerciaux considérables. Bénéfices pour la société On peut les schématiser comme suit : Les bénéfices économiques : il faut évidemment prendre en compte l importance économique que représentent la production, la vente, la distribution, la commercialisation, la promotion et la consommation des produits licites (permis par la loi) incluant les taxes et impôts. Les bénéfices sociaux : il s agit là de l importance de la consommation du produit pour la société : les équilibres sociaux, entre les groupes contribuant à la production, à la distribution, à la consommation la cohésion sociale. Ces bénéfices pour la société s évaluent en tenant compte du nombre de consommateurs. Exemples : Lobby de producteurs, aide à la création de lien entre les individus d un groupe. Les bénéfices culturels : Il s agit là de la place du produit pour représenter ou promouvoir un mouvement culturel, sa valeur festive ou conviviale, la promotion de rituels, la transmission d un savoir-faire. Exemples : savoir faire quant à la production d un produit, valeur initiatique, image du groupe consommateur. Les bénéfices illicites Dans le contexte de cette société addictogène, promouvant la consommation, la vitesse et l immédiateté des satisfactions comme autant de promesse du bonheur individuel, ces problèmes sont à la rencontre entre : - une «offre» de produits ou d autres objets potentiellement addictifs (jeux, paris, achats à crédit, etc) qui se diversifie sans cesse et qui met en jeu des facteurs et des équilibres économiques, commerciaux, financiers, et toutes les régulations dans ce domaine (prohibition, commerce contrôlé, conditions et lieux de vente, publicité...) ; - une «demande», c est-à-dire un attrait pour ces sources d auto-modification et de sensations, que celui-ci traduise une recherche de plaisir, de soulagement ou de socialisation, mettant en jeu tant le bien être que la santé individuelle et collective. Les enjeux soulevés par les comportements de consommation et l interaction entre, l offre et la demande sont sociétaux, économiques, sanitaires, éducatifs, sécuritaires. Ils nécessitent donc une politique globale Tous ces éléments amènent à un changement de paradigme : mettre en place une politique de réduction pragmatique des dommages Ne tenant pas compte de cette complexité, les politiques simplistes de «lutte contre les fléaux sociaux, alcoolisme et toxicomanie» les objectifs prohibitionnistes, la «guerre à la drogue» sont coûteux et surtout peu efficaces, voire contre-productifs (la focalisation sur la «guerre à la drogue» a entrainé une perception exacerbée de la dangerosité des produits illicites qui a pour conséquences une sous évaluation relative de celle des produits licites) La littérature internationale a par ailleurs montré que la prohibition des drogues renforçait la survenue de maladies infectieuses ou de troubles psychiatriques associés à l usage de 14

15 drogues en favorisant la prise de risque vis-à-vis des drogues et en renforçant la stigmatisation des usagers de drogues. Les conflits d intérêts générés par les consommations, la complexité des déterminants des addictions, les représentations erronées de la dangerosité des produits, l échec des politiques idéologiques doivent amener à mettre en place des stratégies pragmatiques et coordonnées de réduction des dommages : c est ce que nous proposerons dans la troisième partie du rapport Une politique de réduction des dommages est évaluable Nous parlerons tout au long de ce rapport de «réduction des dommages», car il s agit la d une donnée objective, perceptible, évaluable et donc plus a même d être acceptée par les pouvoirs publics et la société. La notion proche de «réduction des risques» est moins évaluable et surtout, complètement associée en France à la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues injectables. D autre part la «réduction des risques» peut plus facilement donner lieu à des politiques idéologiques, correspondant aux idées que chacun peut se faire des risques, sous tendues par els représentation du «bon» et du «mauvais», souvent proches du «bien» et du «mal». Cette notion semantique est importante pour l objectivité et l acceptabilité des mesures à prendre, même si, en pratique, la réduction des dommages est la conséquence de la réduction des risques 15

16 PARTIE II - L ETAT DES LIEUX DES DOMMAGES 16

17 DOMMAGES LIES AUX PRODUITS LES CONSOMMATIONS ET LEUR EVOLUTION DEPUIS 10 ANS L essentiel des données proviennent de la synthèse de Drogues et addictions, données essentielles Cette synthèse tente plus spécifiquement de répondre à trois questions clés : qui et combien de personnes consomment des drogues licites ou illicites en France, qu il s agisse d une simple expérimentation ou d une consommation plus régulière? Quels sont les consommateurs en difficulté? Quels sont les dommages tant sanitaires que sociaux et judiciaires liés à ces consommations? COMBIEN DE PERSONNES CONSOMMENT DES DROGUES EN FRANCE? Les consommations de l ensemble de la population française Le tabac et l alcool sont les substances psychoactives les plus consommées en France. L alcool est consommé, au moins occasionnellement, par une très large majorité de Français, et plus régulièrement par plus du quart de la population. Le tabac est lui aussi largement expérimenté. Mais, en raison de différents facteurs, notamment de son fort pouvoir addictif, sa consommation est plus souvent quotidienne que celle de l alcool et du cannabis : trois Français sur dix fument quotidiennement, alors que l usage n est quotidien que pour un Français sur dix pour l alcool et deux Français sur cent pour le cannabis. Estimation du nombre de consommateurs réguliers de substances psychoactives parmi les ans, en France métropolitaine, 2011 Alcool 8,8 millions Tabac 13,4 millions Médicaments 3,8 millions psychotropes Cannabis 1,2 million Note : usage régulier = 10 usages ou plus au cours des 30 derniers jours, sauf pour le tabac (usage quotidien) Sources : Baromètre santé 2010, INPES ; ESCAPAD 2011, OFDT ; ESPAD 2011, OFDT et HBSC 2010, OFDT Le cannabis est le produit illicite le plus fréquemment consommé. Si 13,4 millions de Français l ont expérimenté, les consommateurs réguliers sont beaucoup moins nombreux mais représentent néanmoins une importante minorité. L usage des autres drogues illicites concerne une proportion très faible de la population française. Ainsi, moins de 1 % de la population âgée de 18 à 64 ans a fait usage dans l année de cocaïne et de poppers. Les chiffres relatifs aux autres substances sont encore plus faibles : moins de 0,5 % pour l usage d héroïne dans l année. Les enquêtes en population générale menées en France, malgré 17

18 des tailles d échantillons importantes, ne permettent pas de faire apparaître une prévalence de l usage régulier des substances illicites autres que le cannabis. D autres méthodes statistiques ou qualitatives doivent être utilisées pour connaître les populations fortement consommatrices de ces substances illicites qui sont dans cet ouvrage assimilées à des consommateurs à risques ou à problèmes (voir la partie de cette synthèse consacrée aux consommateurs en difficulté). Estimation du nombre d expérimentateurs et d usagers dans l année de substances psychoactives parmi les ans, en France métropolitaine, 2010 (en %) Source : Baromètre santé 2010, INPES Les consommations des jeunes Les consommations des jeunes se différencient de celles de leurs aînés sur deux points principaux : l importance du rôle tenu par le cannabis et la place des épisodes d alcoolisations ponctuelles importantes (cinq verres en une seule occasion pour les jeunes, six pour les adultes). La proportion de consommateurs réguliers de cannabis est deux fois plus importante chez les jeunes de 17 à 25 ans que chez les personnes âgés de 26 à 44 ans. Parmi les personnes âgées de 45 à 64 ans, la consommation régulière de cannabis devient pratiquement inexistante. Les alcoolisations ponctuelles importantes (API) sont incomparablement plus fréquentes chez les jeunes : 53 % d entre eux déclarent au moins un épisode dans le mois, contre 36 % d adultes ayant eu un épisode dans l année. Le tabac est par ailleurs le produit le plus souvent consommé, quelle que soit la classe d âge, mais tout particulièrement avant 45 ans. 18

19 Fréquence de la consommation régulière des trois principaux produits psychoactifs, en France métropolitaine, à ans (2010) et à 17 ans (2011) Sources : ESCAPAD 2011, OFDT ; Baromètre santé 2010, INPES L expérimentation des drogues illicites autres que le cannabis est un phénomène assez rare. En proportion, celle-ci ne dépasse 3 % des jeunes (âgés de 17 ans) que pour des produits tels que les poppers, les solvants, les champignons hallucinogènes ou la cocaïne. Fréquence de l expérimentation de drogues illicites autres que le cannabis à 17 ans, 2011 Source : ESCAPAD 2011, OFDT 19

20 De consommations différentiées selon les sexes Les consommations régulières d alcool et encore davantage de cannabis concernent nettement plus les hommes que les femmes. Fumer du tabac est en revanche un comportement peu différencié suivant le sexe, alors que l usage de médicaments psychotropes s observe beaucoup plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes. Chez les jeunes, à 17 ans, les écarts entre les sexes sont plus importants que chez les adultes pour l alcool et les médicaments psychotropes, et moins importants pour le cannabis et le tabac : l augmentation de consommations de tabac et de cannabis chez les jeunes femmes doit particulièrement attirer l attention car inquiétante pour l avenir. LES EVOLUTIONS SUR LES 10 DERNIERES ANNEES Les tendances d évolution des consommations de drogues par l ensemble des Français et des conséquences diffèrent suivant le produit considéré et la tranche d âge étudiée. Pour déterminer des évolutions, il faut également fixer une période d observation. Dans le cadre de cette synthèse, les évolutions sont appréhendées sur une dizaine d années, c est-à-dire entre le début des années 2000 et celui des années Compte tenu des périodicités différentes des enquêtes, il n est pas possible de délimiter plus précisément la période d observation. La consommation de tabac augmente depuis 2007 La proportion de consommateurs de tabac a augmenté entre 2005 et 2010 parmi la population française âgée de 18 à 75 ans, ce qui constitue la première hausse marquée depuis la loi Évin en Cette évolution semble surtout liée à l accroissement de l usage chez les femmes, notamment celles âgées de 45 à 64 ans. La hausse globale du tabagisme faisant suite à une baisse au début des années 2000, la consommation de tabac se retrouve en 2010 à peu près au même niveau qu en Cette stabilité paraît d autant plus surprenante que les mesures de hausse des prix et d interdictions de fumer dans les lieux publics se sont succédé au cours de cette décennie. Face aux augmentations des prix du tabac, les Français ont réagi en se reportant sur les achats de tabac à rouler, en achetant leurs cigarettes dans les pays limitrophes pratiquant des prix moins élevés, ou encore, dans des proportions beaucoup plus faibles, en ayant recours à des circuits d achats illégaux (marché noir, Internet). Certains indices laissent penser que la prévalence du tabagisme est plutôt orientée à la baisse au début des années 2010 : à la suite des augmentions des prix marquées et répétées dans les années , les ventes de tabac sur le territoire français ont fini par reculer assez nettement en 2012, rompant avec plusieurs années de quasi-stabilité ; une partie de la baisse des ventes a probablement été compensée par une hausse des achats hors des frontières ou des achats illégaux, mais l Eurobaromètre tabac de 2012 fait apparaître une baisse du pourcentage de consommateurs en France par rapport à Chez les jeunes de 17 ans, le pourcentage de consommateurs quotidiens de tabac a également légèrement progressé à la fin des années 2000, mais reste en 2011 très nettement inférieur à celui du début des années La proportion d expérimentateurs de tabac a baissé entre 2002 et 2010 chez les collégiens, que ce soit à 11 ans, 13 ans ou à 15 ans. L âge d initiation au tabac a augmenté chez les jeunes : ils fument leur première cigarette plus tardivement à la fin des années 2000 qu au début de celles-ci. 20

21 Moins d alcool quotidien, plus d alcoolisation ponctuelle importante En ce qui concerne les boissons alcoolisées, la proportion de consommateurs quotidiens, tout comme les quantités d alcool mises en vente, ont nettement diminué au cours des années 2000, prolongeant ainsi la tendance observée depuis plusieurs décennies. Le rythme de diminution semble cependant avoir ralenti dans la seconde moitié des années Si la consommation quotidienne est en baisse, les comportements d alcoolisation ponctuelle importante (cinq à six verres en une seule occasion) se sont développés depuis 2005 (indicateur non disponible auparavant) chez les adolescents de 17 ans et les jeunes adultes. L augmentation a été particulièrement forte chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans, même si cette pratique reste chez elles encore bien moins fréquente que chez les hommes. Consommation d hypnotiques et d antidépresseurs en baisse Les données de remboursements font apparaître une baisse des consommations d hypnotiques et d antidépresseurs au cours des années Celles d anxiolytiques étaient en baisse entre 2002 et 2009, mais ont fortement augmenté en 2010 et retrouvent ainsi à peu près le niveau du début des années Pour les antidépresseurs, la baisse intervient après 2005, en rupture avec une phase de croissance continue entre 1990 et Stabilisation des usages de cannabis a des niveaux élevés La proportion de consommateurs de cannabis dans l année parmi la population âgée de 18 à 64 ans est restée stable au cours des années Chez les jeunes, la consommation est orientée à la baisse depuis le début des années C est ainsi le cas pour l usage au cours des 12 derniers mois des ans et pour l expérimentation ou l usage régulier (10 fois dans le mois) chez les jeunes de 17 ans. La prévalence pour ce dernier indicateur a été divisée par deux (de 12 % à 6 %) entre 2002 et Même si ce mouvement a été moins prononcé entre 2008 et 2011 qu auparavant, l évolution au cours des années 2000 est incontestablement orientée à la baisse chez les jeunes. La France n en demeure pas moins en 2011 le pays avec la plus forte proportion de jeunes consommateurs de cannabis parmi les 36 pays ayant participé à la même enquête sur les consommations des jeunes lycéens en Même si le produit est majoritairement consommé dans l Hexagone sous sa forme résine, l herbe est de plus en plus prisée des consommateurs. La pratique de l autoculture a pris de l ampleur au cours de la dernière décennie : en 2010, usagers déclaraient consommer uniquement le produit qu ils cultivaient pour eux-mêmes. Dans le même temps, comme ailleurs en Europe, des trafiquants investissent dans des productions à grande échelle (cannabis factories) qui se développent sur le territoire. Diffusion de la cocaïne et émergence des nouveaux produits de synthèse À la faveur d une disponibilité croissante et d une baisse des prix, les usages de cocaïne se sont développés en France au cours des années La part des ans en ayant consommé dans l année a triplé au cours de la décennie, passant de 0,3 % à 0,9 %. L évolution est semblable chez les jeunes de 17 ans : la part des expérimentateurs est passée entre 2000 et 2011 de 0,9 % à 3 %. La perception du produit a cependant récemment évolué : les consommateurs prennent d avantage conscience des conséquences sanitaires négatives des usages sur le long terme et le rapport qualité/prix est jugé en 21

22 dégradation. La concurrence de nouveaux produits moins chers n est peut-être pas étrangère à cette évolution. Il existe en effet de nombreux autres produits «stimulants». Leur diffusion reste cependant plus restreinte que la cocaïne. Certains sont déjà anciens, comme l amphétamine et la MDMA (ecstasy). D autres sont apparus plus récemment. Depuis , un éventail de substances regroupées sous l appellation «nouveaux produits de synthèse (NPS)», des stimulants le plus souvent (mais on trouve aussi des cannabinoïdes de synthèse), se propage dans toute l Europe. Ils sont conçus pour contourner la législation sur les stupéfiants et bénéficient d Internet comme vecteur commercial. L explosion du nombre de ces produits (plus de 60 détectés en France depuis 2007) rend leur identification et la lecture des évolutions particulièrement difficile. La proportion de consommateurs des NPS n est pas actuellement connue, leurs usages semblant moins répandus en France que dans d autres pays européens. Portée d abord par des milieux spécifiques liés au monde de la fête, la consommation de ces produits peut se diffuser parfois plus largement, comme ce fut le cas pour l ecstasy dans les années 1990 jusqu au début des années L ecstasy paraît en perte de vitesse au début des années 2010 : dans les milieux festifs, sa consommation persiste sous forme de poudre (MDMA) plutôt que de comprimé. La diffusion de l amphétamine reste également en France très limitée et semble être restée stable au cours des années Le rebond des usages d héroïne Après une baisse consécutive à l émergence des traitements de substitution aux opiacés, l héroïne a connu une nouvelle phase de diffusion dans les années Parmi les ans, la part de ses consommateurs dans l année a quasiment doublé entre 2005 et 2010, passant de 0,5 % à 0,9 %. Le pourcentage d expérimentateurs d héroïne à 17 ans est en revanche resté stable en tendance sur la période. Les observations ethnographiques de terrain mettent en évidence une augmentation de la disponibilité de l héroïne dans la seconde moitié des années 2000, celle-ci présentant de très faibles taux de pureté, et l apparition de nouveaux profils de consommateurs. Il s agit principalement des personnes bénéficiant d une meilleure insertion sociale et fréquentant les milieux de la fête. Les variations à la hausse observées pour d autres données (saisies, décès par surdoses, prises en charge) constituent également des indices concordants d une augmentation de la diffusion de l héroïne à partir des années jusqu en Ces données indiqueraient plutôt un plafonnement au tout début des années Hallucinogènes, poppers : diffusion dans les milieux de la fête La consommation de produits hallucinogènes se situe à un niveau très faible, ce qui rend difficile le suivi des évolutions dans l ensemble de la population. Le développement de l usage de la kétamine dans le milieu festif est cependant notable. Consommée majoritairement dans les milieux alternatifs techno, elle suscite depuis la fin des années 2000 un intérêt croissant dans des cercles plus larges du milieu festif. Autre produit dont la consommation est très liée aux milieux de la fête, les poppers ont connu un pic de diffusion chez les jeunes à 17 ans au cours des années Parmi eux, la part des expérimentateurs est en effet passée de 4,5 % en 2003 à 14 % en 2008, pour retomber à 9 % en LES POLYCONSOMMATIONS 5% des jeunes de 18 à 30 ans sont des polyconsommateurs essentiellement d association alcool, tabac cannabis. Mais les autres produits s y associent souvent. Cette population pose de nombreux problèmes sociaux, mélangeant précarité, parfois violence et petite délinquance et souvent très mal perçue par les riverains et voisins. On la retrouve souvent 22

23 dans certains territoires urbains et péri urbains. Elle mobilise une grande énergie de la part des travailleurs sociaux et de la police. QUELS SONT LES CONSOMMATEURS EN DIFFICULTÉ? Les risques et les enjeux d un usage de drogues ne sont pas les mêmes pour des personnes qui ont essayé une substance une fois dans leur vie, ou qui en consomment très occasionnellement, et celles qui en usent tous les jours en grande quantité. Les addictologues ont établi des critères et des outils de diagnostic permettant de déterminer en situation clinique la présence ou l absence de troubles des comportements de consommation et de graduer la sévérité de ces troubles. Les épidémiologistes se sont de leur côté efforcés de transcrire cette démarche dans leurs enquêtes afin de différencier une population de consommateurs susceptibles de rencontrer des problèmes en raison de leur consommation de substances. Consommations à risques et consommations problématiques 1- En ce qui concerne l alcool La catégorie de «buveurs à risques chroniques» est définie par une consommation journalière comprise entre trois et sept verres par jour. La part des «buveurs à risques chroniques» parmi les ans s établit à 9 % en 2010 (soit environ 4 millions de personnes), les ans étant les plus touchés (14 %). La proportion de cette catégorie de consommateurs a augmenté par rapport à 2005 (+ 7,6 %). Les personnes qui ont une consommation supérieure à 49 verres par semaine, c est-à-dire qui boivent au moins 7 verres par jour, sont quant à elles classées comme «buveurs à risque de dépendance». La proportion de buveurs de 18 à 75 ans dans ce cas est en 2010 de 1,2 % (soit environ personnes), contre 0,9 % en Ces prévalences de buveurs à risque sont cependant très certainement sous-estimées en raison d une tendance à la sousdéclaration dans les enquêtes déclaratives du nombre de verres bus, et également parce que certaines populations fortement consommatrices sont difficiles à toucher dans les enquêtes téléphoniques. 2- En ce qui concerne le tabac La question de la détermination d une population de fumeurs à problèmes ou à risques se pose assez peu pour le tabac, qui est presque toujours fumé quotidiennement et expose donc à un risque indéniable (soit environ 13 Millions de personnes). Dès lors, c est davantage sur une gradation des niveaux de dépendance que l intérêt a pu se porter. Ceuxci ont pu être mesurés dans les enquêtes à l aide du mini-test de Fagerström. Ainsi, en 2010, parmi les ans, 35 % des fumeurs quotidiens présentent des signes de dépendance moyenne et 18 % des signes de dépendance forte. 3- En ce qui concerne le cannabis Des données sur la prévalence de l usage problématique ne sont disponibles que pour les jeunes. En 2011, au vu des réponses au test de dépistage CAST, 16 % des jeunes consommateurs de 17 ans ayant consommé du cannabis au cours de l année présentent un risque élevé d usage problématique, voire de dépendance (19 % pour les garçons et 12 % pour les filles), ce qui correspond à 6 % de l ensemble des adolescents de cet âge (8 % pour les garçons et 3 % pour les filles). 4- En ce qui concerne les usagers de drogues dites «problématiques» 23

24 Autres que le cannabis, il faut distinguer plusieurs sous-groupes d usagers présentant des caractéristiques propres, mais qui ont néanmoins en commun d être dans la plupart des cas polyconsommateurs. - Les consommateurs dépendants aux opiacés suivant un traitement de substitution, vus dans les structures de soins, constituent un premier groupe. Insérés dans un processus de soins, une partie d entre eux consomme néanmoins plus ou moins régulièrement d autres produits. - Les usagers fréquentant les structures de réduction des risques, le plus souvent consommateurs d opiacés mais également très polyconsommateurs, souvent injecteurs, et qui présentent fréquemment des troubles psychiatriques associés, en forment un deuxième. Ces usagers sont en moyenne en situation beaucoup plus précaire, notamment en ce qui concerne le logement, que ceux du premier groupe. - Les jeunes en errance, très polyconsommateurs, susceptibles d alterner ou de mélanger les consommations de stimulants, d hallucinogènes ou d opiacés, représentent un troisième ensemble. - Un quatrième groupe est formé de nouveaux migrants en provenance d Europe centrale et orientale, consommateurs de médicaments, notamment de BHD, et utilisant très souvent la voie injectable. - Enfin, les usages relativement fréquents de drogues se rencontrent également dans les différents milieux, bien mieux insérés que les populations précédemment évoquées, fréquentant l espace de la fête. Ces usagers consomment principalement des stimulants, mais aussi des hallucinogènes. Les opiacés sont en général plus occasionnellement utilisés pour gérer les effets des autres produits. Bien entendu, les zones de recoupement entre ces différents groupes existent. Le dénombrement des usagers fréquentant les structures de soins et de réduction des risques dans un certains nombre de grandes agglomérations permet de réaliser une estimation de la taille de la population d usagers de drogues à problèmes en France (usagers de drogues par voie intraveineuse ou consommateurs réguliers d opiacés, de cocaïne ou d amphétamines durant l année). La consommation problématique de drogues chez les ans en France concernerait usagers (valeur centrale de la fourchette d estimation : ) pour l année 2011, Prises en charge Les consommateurs de substances psychoactives en difficulté avec leur consommation peuvent trouver de l aide auprès de différents professionnels du soin. Il existe tout d abord des établissements spécialisés, les centres de soins, d accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), dont la mission principale est d accueillir ces patients pour un traitement en ambulatoire. Ces établissements médicosociaux, au nombre de 419 en 2010, ont accueilli environ patients pour un problème principal d alcool et pour un problème principal avec les drogues illicites, dont avec les opiacés, avec le cannabis et près de avec la cocaïne. Au cours de la seconde moitié des années 2000, le nombre de patients accueillis a surtout augmenté pour ceux ayant un problème avec l alcool, les opiacés et le cannabis. Au milieu des années 2000, un effort particulier a été fourni pour renforcer l accueil des jeunes consommateurs, souvent de cannabis, dans le cadre de consultations jeunes consommateurs (CJC), gérées pour la plupart par des CSAPA. Le nombre de jeunes accueillis dans ce dispositif n est pas connu avec précision, mais pourrait se situer entre et personnes en Il existe également à la fin des années 2000 quarante CSAPA accueillant des patients pour des séjours thérapeutiques résidentiels d une durée de 24

25 trois mois jusqu à deux ans dans certains cas. En 2010, ces établissements ont accueilli un peu moins de patients. En dehors de ces établissements spécialisés, les patients peuvent également être accueillis dans les hôpitaux généralistes et dans les hôpitaux psychiatriques. Les données sur les prises en charge dans les hôpitaux ne portent que sur le nombre de séjours en hospitalisation. En 2011, la statistique hospitalière (hors hôpitaux psychiatriques) a enregistré un peu plus de séjours avec un diagnostic principal de troubles mentaux et du comportement liés à l alcool. Le nombre de séjours atteint lorsqu on prend également en compte l alcool en diagnostic associé. Pour les drogues illicites en diagnostic principal, le nombre de séjours est de On évalue à plus de par an les patients ayant un problème d alcool hospitalisés. Il manque actuellement un système d information national permettant de faire état de l activité de ces structures. Il existe également des lacunes dans le recensement des patients pris en charge pour un problème d addiction vus dans les centres de soins de suite et de réadaptation en addictologie et dans les hôpitaux psychiatriques. Pour de nombreux patients, le recours de première ligne reste les médecins généralistes de ville. Ceux-ci ont accueilli en 2009 environ patients par semaine pour un sevrage alcoolique, patients par semaine pour un sevrage tabagique et patients dans le mois pour une prescription de traitement de substitution aux opiacés. Les prescriptions pour ces traitements, qui se sont fortement développés en France dans la seconde moitié de ces années 1990, ont continué d augmenter dans les années 2000, pour atteindre en 2010 (hors prescription en milieu carcéral), dont les deux tiers de buprénorphine haut dosage et un tiers de méthadone. 1- Jeux de hasard et d argent et joueurs pathologiques Près de un Français sur deux déclare avoir joué de l argent au cours de l année écoulée. Un joueur sur cinq a joué au moins 52 fois et/ou a misé au moins 500 euros. Il s agit six fois sur dix d hommes. Les jeux de tirage et de grattage, c est-à-dire ceux qui nécessitent le moins d apprentissage, sont les plus pratiqués. La prévalence du jeu excessif en France a pu être estimée pour la première fois en 2010 : elle s établit à 0,4 % de la population des ans, soit environ personnes. Celle des joueurs à risque modéré s élèverait à 0,9 % (soit approximativement personnes), pour un total de 1,3 % de joueurs problématiques. Ces joueurs sont en moyenne plus jeunes, plus précaires et moins diplômés que la moyenne. 25

26 ALCOOL Nous commencerons par présenter l analyse de Lars Moller OMS, paru dans le BEH du 7 mai Tant la consommation totale que le mode de consommation sont des paramètres importants de la nocivité de l alcool. Il peut agir sur la santé des individus et sur leur «capital santé» tout au long de la vie, depuis le stade embryonnaire jusqu au grand âge, mais c est sur la mortalité des personnes d âge moyen, et particulièrement des hommes, qu on observe ses principaux effets. La consommation d alcool pendant la grossesse expose le foetus à des risques d altération de son développement cérébral et est associée à des déficiences intellectuelles ultérieures chez les enfants. Le cerveau des adolescents est particulièrement vulnérable à l alcool : plus son usage s installe tardivement dans la vie, moins il est probable que la dépendance et les problèmes de santé liés à cet usage surviennent à l âge adulte. En milieu de travail, l abus d alcool accroît les risques d absentéisme, ou de présentéisme, ou encore de comportements inadaptés. L alcool n est pas nocif que pour le buveur. Ainsi, on estime à 3,3% la proportion des décès attribuables aux effets à autrui de la consommation d alcool : accidents et blessures en constituent la majeure partie. Il n a pas été possible d estimer l impact de l alcool sur la criminalité, les troubles à l ordre public, les accidents du travail, ni son coût indirect et son impact social sur la famille et l entourage du buveur [3]. La consommation d alcool dans l Union européenne (UE) pèse d un poids considérable sur la santé publique. S y ajoutent d énormes conséquences économiques et sociales résultant des méfaits de l alcool sur les individus, les familles, la vie sociale et le travail. Nombre de ces effets nocifs touchent des personnes autres que le buveur, sans que leur quantification soit aisée : les données disponibles en Europe suggèrent néanmoins un impact important. Des politiques publiques efficaces de lutte contre l alcool existent [3;4] et la France a, dans certains domaines, été en pointe, notamment pour ce qui est des restrictions de publicité. Ces politiques se traduisent non seulement par une baisse de la consommation, mais aussi par une nette diminution des effets néfastes qui lui sont liés. La mortalité due aux maladies chroniques du foie représente aujourd hui moins du tiers de ce qu elle était dans les années 1970, avec la plus forte baisse relative observée chez les femmes [1]. Les accidents de la route ont eux aussi significativement diminué [5]. Dans l UE, presque tous les pays se sont dotés d une stratégie nationale de lutte contre l alcool et, dans beaucoup de cas, elle est associée au «Plan d action européen visant à réduire l usage nocif de l alcool » promu par l Organisation mondiale de la santé [6]. Des politiques plus strictes ont été mises en place dans les pays de l UE, notamment en matière de répression de l alcool au volant, de campagnes de sensibilisation et d actions mises en oeuvre dans la communauté. Malheureusement, c est moins le cas pour ce qui est de la réglementation du marketing des boissons alcoolisées et de la politique des prix. Or, parmi les dix mesures les plus efficientes pour réduire le fardeau des maladies non transmissibles [7], trois concernent l alcool et sont : a/ restreindre l accès à la vente de détail des boissons alcoolisées ; b/ renforcer les interdictions de publicité ; c/ augmenter les taxes sur l alcool. Ces mesures sont reconnues comme extrêmement efficaces et mériteraient d être prises dans tous les pays européens puisque, en théorie, les conséquences néfastes de l abus d alcool sur la santé sont toutes évitables. Ainsi, en 2012, l Écosse a instauré un prix minimum par unité d alcool, afin de stopper la baisse toujours croissante des prix des boissons alcoolisées. Une modélisation réalisée à l Université de Sheffield [8] et une étude canadienne montrent qu un prix minimum imposé peut réduire de 3 à 5% la consommation d alcool [9]. De telles politiques permettront de maintenir l alcool à un prix dissuasif, afin d éviter la vente en grandes quantités et à bas prix. La consommation nocive d alcool est un problème mondial qui compromet autant le développement social que celui de l individu en provoquant 2,5 millions de décès chaque année. Elle entraîne des dommages sur le plan de la santé physique et psychologique des buveurs, affecte le bien-être et la santé de leur entourage et induit des dommages sociaux. Les personnes ivres se mettent non seulement en danger elles-mêmes mais sont facteur de 26

27 mise en danger d'autrui en exposant les autres au risque d accidents de la circulation ou de comportements violents, ou encore par des comportements préjudiciables à l'entourage. Ainsi l impact de l usage nocif de l alcool est-il profond dans la société. Le degré de risque de consommation nocive d alcool varie avec l âge, le sexe et d autres caractéristiques biologiques du consommateur. Il dépend également du degré d exposition aux boissons alcoolisées et du contexte de leur consommation. Ainsi, l alcool est le troisième facteur de risque de morbidité et d incapacité dans le monde, et le deuxième facteur de risque en Europe. En France, l'alcool représente la 3 ème cause de mortalité, la 2 ème cause de mortalité évitable et la 1 ère cause de mortalité prématurée. LA CONSOMMATION D ALCOOL ET SON EVOLUTION La consommation d alcool fait partie de la culture française. Chaque région a son propre mode de consommation : le sud de la France suit un mode de consommation de type méditerranéen, avec une consommation volontiers quotidienne, notamment de vin au cours des repas, alors que le nord suit un mode de consommation de consommation proche de celui des pays riches du nord, avec une consommation plus importante de bière et de spiritueux. Si le comportement de «binge drinking», caractérisé par une consommation rapide et importante, induisant souvent une ivresse, reste moins fréquent en France que chez nos voisins du nord, il a tendance à augmenter de façon importante chez les jeunes depuis quelques années. En France, la consommation moyenne annuelle d alcool per capita était de 12 litres en 2011, très proche de la moyenne européenne. La réduction de la consommation d alcool a été particulièrement importante en France, puisqu il s y consommait 26 litres per capita en C est sur la consommation de vin qu'a porté l essentiel de cette diminution. Le vin reste cependant la première boisson alcoolisée consommée (58%), suivie des spiritueux (38%) et de la bière (30%) en quantité d'alcool pur (13). Cette forte réduction de la consommation s'est traduite par une réduction parallèle de la mortalité qui reste toutefois encore parmi les plus importantes des pays Européens (Figure 1). Les consommations aigues d alcool, souvent massives, particulièrement importantes chez les jeunes, et «le binge-drinking» constituent l élément récent, encore mal évalué, et qui est vraisemblablement un nouveau problème majeur de santé publique dont nous n avons pas encore pris toute la dimension : les ivresses répétées = au moins 3 fois dans l année : 27,8 % des 17 ans (contre 25,6 % en 2008), EN HAUSSE les ivresses régulières = au moins 10 fois dans l année : 3 % des ans mais 10,5 % des 17 ans (contre 8,6 % en 2008), EN HAUSSE Dans le même ordre d idées, l enquête ESCAPAD qui évalue les consommations chez tous les jeunes de 17 ans montre que : Les usages fréquents sont en hausse depuis 2008 L usage régulier (10,5 %en 2011 contre 8,9 % en 2008) est en hausse Les ivresses répétées (27,8 % en 2011 contre 25,6 % en 2008) sont en hausse Les ivresses régulières (10,5 % en 2011 contre 8,6 % en 2008) sont en hausse Les Alcoolisations Ponctuelles Importantes (APIE) sont en hausse : - 53 % en 2011 ont eu 1 API dans les 30 jours contre 48,7 en 2008 et 45,8 en ,6 % en 2011 ont eu 3 API dans les 30 jours contre 19,7 en 2008 et 17,9 en 2005 DOMMAGES INDIVIDUELS L alcool est directement à l origine d un certain nombre de pathologies telles que la cirrhose du foie et le syndrome d alcoolisation fœtale. Il est également impliqué plus ou moins 27

28 directement dans la survenue d un grand nombre d autres dommages : cancers des voies aérodigestives, maladies de l appareil circulatoire (coresponsabilité du tabac pour ces deux groupes de pathologies), cancer du foie, névrite optique, polynévrite, psychoses et démences alcooliques, troubles psychiques, accidents (route, domestique, travail), rixes et suicides. Le nombre de décès annuels attribuables à l alcool en France est évalué à pour l année 2009). Comme pour le tabac, ces décès sont très majoritairement masculins. 1- Dépendance Il est estimé que, en France, 3,4% des adultes de plus de 18 à 85 ans étaient dépendants de l alcool en 2004 (1,5% des femmes et 5,3% des hommes, ce qui correspondait à personnes). Il faut noter qu'une autre source situait la prévalence de la dépendance à l'alcool sur les 12 derniers mois en France en à 0,3% (0,4% chez les hommes et 0,1% chez les femmes). La prévalence du trouble sur la vie entière était selon cette étude de 1,6% (2,1% chez les hommes et 1,2% chez les femmes). Les auteurs de cette étude reconnaissent que la prévalence de la dépendance à l alcool était sans doute largement sous-estimée Avec la méthode d évaluation retenue par l INPES et l OFDT les chiffres retenus sont : Buveurs à risques chroniques : 9 % soit environ 4 millions de personnes sont en hausse Buveurs à risques de dépendance : pers Et les buveurs à risque ponctuel représentent 28 % et sont en Hausse notamment chez les femmes de ans 2- Mortalité Figure 1 : Evolution de la mortalité par cirrhose en Europe, avec différents scénarios de projection sur 30 ans 28

29 La mortalité attribuable à l alcool était de morts en 2009 chez les adultes en France, ce qui correspond à 13% de la mortalité annuelle. Ce chiffre est confirmé par une autre étude, indépendante de la première, concernant la mortalité attribuable à l alcool en France en Une étude antérieure avait retrouvé une mortalité moins importante chez les adultes : morts en La France se situe en 13 ème position européenne (sur 30 pays, incluant l Islande, la Norvège et la Suisse) pour ce qui est de la mortalité attribuable à l alcool. Le mode de consommation moyen estimé (sur une échelle de 1 à 4, 1 étant le mode de consommation le moins nocif, 4 le plus nocif) de la France est 1, indiquant des habitudes de consommation plutôt saines, comme boire au cours des repas et assez rarement jusqu à l ivresse. A titre de comparaison, la moyenne européenne à ce score est de 2,1. Actuellement, 7% des buveurs en France boivent plus de 5 verres pour une occasion plusieurs fois par semaine, 13% le font une fois par semaine, et 15% une fois par mois. En France, la consommation excessive d alcool est responsable de 70,3% de la mortalité attribuable à l alcool et l alcoolodépendance, bien que ne concernant qu une petite fraction des buveurs, correspond à 61,6% de la mortalité attribuable à l alcool. Selon l OMS, la mortalité attribuable à l'alcool pouvait se décliner ainsi en 2005 chez les plus de 15 ans : Mortalité par Hommes Femmes Cirrhose hépatique 17,7 6,5 Maladie alcoolique du foie 12,7 4,5 Accidents de la circulation 16,7 4,7 Intoxication 2,1 1,1 Violence 1,1 0,5 Selon l article récent de Guérin et al, la mortalité pouvait se décliner de cette façon en 2009 en France chez les plus de 15 ans : morts par cancers, par maladies cardiovasculaires, par pathologies digestives, par causes externes (accidents, suicides, chutes, homicides), et par pathologies mentales et comportementales. Il faut noter qu une étude antérieure avait estimé que l alcool avait été la cause de cancers en France en Une autre source a estimé que l alcool est responsable de 10% des cancers en Europe : 44% et 33% des cancers des voies aérodigestives supérieures, 33% et 18% des cancers du foie, 17% et 4% des cancers colorectaux chez les hommes et les femmes respectivement. 3- Incapacités et mortalité prématurée : DALYS Les années de vie ajustées sur l'incapacité (DALYs) sont un autre indicateur des dommages causés par l alcool. Il s agit de la somme des années de vie potentielles perdues en raison d'une mortalité prématurée et des années de vie productives perdues en raison d'incapacités. Cette mesure cumule les avantages de donner plus de poids à la mortalité impliquant les plus jeunes et de prendre en compte les incapacités (non mesurées dans la mortalité). A l échelle européenne, l alcool est responsable de 10,2% des DALYs (15,2% chez les hommes et 3,9% chez les femmes). La France se situe à la 13 ème position pour les hommes et à la 11 ème position chez les femmes à l échelle Européenne (sur 30 pays, incluant l Islande, la Norvège et la Suisse). La déclinaison par type de maladie est différente pour les DALYs que pour la mortalité ; les troubles mentaux et neurologiques ont la part la plus importante (26% chez les hommes et 44% chez les femmes). Les blessures sont le deuxième contributeur de DALYs chez les hommes, alors que c est la cirrhose hépatique chez les femmes. Ces données montrent que la mortalité donne un reflet édulcoré du fardeau global : l alcool tue assez jeune, et réduit de nombreux sujets dans une incapacité, non mesurée par la seule mortalité. 29

30 DOMMAGES SOCIETAUX Près de infractions de sécurité routière liées à l alcool ont été constatées en 2011, dont délits routiers et infractions passibles d amende. Le nombre de ces infractions a fortement augmenté entre 2001 et 2007 et se sont stabilisées ensuite. Avec près de condamnations en 2011, les infractions de sécurité routière aggravées par l alcool représentent plus de la moitié des condamnations pour infractions en matière de circulation routière et presque un quart de l ensemble des condamnations en France. Ces condamnations sont assorties d une peine d amende dans la moitié des cas, d une peine d emprisonnement ferme dans près de 40 % des cas et de peines de substitution (ou d autres peines) dans un peu plus de 10 % des cas. Il est particulièrement difficile d accéder aux données concernant ce type de dommage. Néanmoins deux rapports parlementaires récents (8 juillet 2009 Mr Etienne Blanc et Mr Jean Luc Warsmann et 23 janvier 2013 Mr Dominique Raimbourg et Mr Sébastien Huyghe), et l enquête effectuée par l ONDRP auprès des victimes entre 2009 et 2011 ont permis de rassembler les données suivantes : 1- En ce qui concerne les infractions et la délinquance directement liées à l alcool 25 % de toutes les condamnations prononcées en France Ivresses Publiques et Manifestes (IPM) contrôles d alcoolémies positifs en condamnations pour CEA = 50 % de la délinquance routière 2- En ce qui concerne les violences aux personnes et les délits indirectement liés à l alcool 40 % des violences familiales et/ou conjugales soit environ personnes chaque année ; chez les femmes la moitié des violences subies sont en lien avec l alcool 25 % des faits de maltraitance à enfants 30 % des viols et agressions sexuelles soit environ personnes chaque année 30% des faits de violences générales soit environ personnes chaque année Non seulement les buveurs mettent leur propre santé en danger mais ils causent également des dommages à autrui. Dans ce domaine, la mortalité et les incapacités attribuables à l alcool est de 3,3 % (4,5 % de DALYs), se répartissant entre les accidents de la circulation, les violences aux personnes ainsi que les petits poids de naissance et les retards neurointellectuels des enfants alcoolisés pendant leur vie foetale. Au delà des effets sur la santé, la consommation d'alcool a également un impact sur les dépenses sociales. Ces coûts sociaux totalisaient 155,8 milliards d'euros en 2010 (limite inférieure 107,9, limite supérieure 287,7 milliards d'euros) se répartissaient de la façon suivante (en milliards d'euros) : Crimes et délits (Police) : 18,8 Crimes et délits (Protection) : 15,1 Crimes et délits (Dégâts) : 7,5 Accidents de la route : 12;6 30

31 Santé : 21,4 Traitement et prévention : 6,3 Mortalité : 45,2 Absentéisme : 11,3 Chômage : 17,6 L'OMS a évalué les coûts sociaux liés à la consommation d'alcool en 2006 en France, en milliards de US$ (pour un total de 25,3) : Coûts directs des soins : 4 Coûts de police : 0, 08 Non seulement les buveurs mettent-ils leur propre santé en danger, mais ils causent également des dommages à autrui. Dans ce domaine, la mortalité attribuable à l alcool est de 3,3% (4,5% de DALYs), se répartissant entre les accidents de la circulation, la violence et le petit poids de naissance. Au delà des effets sur la santé, la consommation d'alcool a également un impact sur les dépenses sociales. ces coûts sociaux totalisaient 155,8 milliards d'euros en 2010 (limite inférieure 107,9, limite supérieure 287,7 milliards d'euros) se répartissaient de la façon suivante (en milliards d'euros) : Crimes et délits (Police) : 18,8 Crimes et délits (Protection) : 15,1 Crimes et délits (Dégâts) : 7,5 Accidents de la route : 12;6 Santé : 21,4 Traitement et prévention : 6,3 Mortalité : 45,2 Absentéisme : 11,3 Chômage : 17,6 L'OMS a évalué les coûts sociaux liés à la consommation d'alcool en 2006 en France, en milliards de US$ (pour un total de 25,3) : Coûts directs des soins : 4 Coûts de police : 0, 08 Bibliographie 1. World-Health-Organization-Regional-Office-for-Europe. European status report on alcohol and health Copenhagen, Denmark: World Health Organization Regional Office for Europe;

32 2. Organisation-Mondiale-de-la-Santé. Comité OMS d experts des problèmes liés à la consommation d alcool. techniques OSdr, editor. Genève Rehm J, Shield KD, Rehm MX, Gmel G, Frick U. Alcohol consumption, alcohol dependence and attributable burden of disease in Europe: Potential gains from effective interventions for alcohol dependence. Toronto: Center for Addiction and Mental Health; Spilka S, Le Nézet O, Tovar ML. Les drogues à 17 ans : premiers résultats de l'enquête ESCAPAD Tendances. 2012(79): Beck F, Guignard R, Richard JB, Tovar ML, Spilka S. Les niveaux d'usage de drogues en France en Tendances. 2011(76): Kesse E, Boutron-Ruault MC, Clavel-Chapelon F. Regional dietary habits of French women born between 1925 and Eur J Nutr. [Research Support, Non-U.S. Gov't] Aug;44(5): Sheron N, Hawkey C, Gilmore I. Projections of alcohol deaths--a wake-up call. Lancet Apr 16;377(9774): Guerin S, Laplanche A, Dunant A, Hill C. Alcohol-attributable mortality in France. Eur J Public Health Mar Rey G, Boniol M, Jougla E. Estimating the number of alcohol-attributable deaths: methodological issues and illustration with French data for Addiction Jun;105(6): Lepine JP, Gasquet I, Kovess V, Arbabzadeh-Bouchez S, Negre-Pages L, Nachbaur G, et al. [Prevalence and comorbidity of psychiatric disorders in the French general population]. Encephale Mar-Apr;31(2): Boffetta P, Tubiana M, Hill C, Boniol M, Aurengo A, Masse R, et al. The causes of cancer in France. Ann Oncol Mar;20(3): Schutze M, Boeing H, Pischon T, Rehm J, Kehoe T, Gmel G, et al. Alcohol attributable burden of incidence of cancer in eight European countries based on results from prospective cohort study. BMJ. 2011;342:d OFDT : Série statistique sur l évolution de la consommation d alcool

33 TABAC La consommation de tabac et ses dommages secondaires sont liés à la dépendance tabagique, une maladie chronique d origine industrielle acquise dans la plupart des cas à l adolescence. Si le tabac était consommé par choix libre et non par dépendance la consommation s effondrerait et avec lui les dommages sanitaires. Les cigarettiers dans leurs documents secrets ont parfaitement décrit que la base de leur business était de rendre les adolescents dépendant au tabac(1). L évolution des dommages de cette maladie industrielle chez les hommes et chez les femmes suit ainsi la consommation de tabac. Ainsi par exemple le taux de cancer du poumon chez les femmes de moins de 45 ans a été multiplié par 4 ces 15 dernières années(2) suivant la persistance de l augmentation de tabac et a été divisé par deux chez les hommes dont la consommation a été divisée par 2 ces 15 dernière année suite à la baisse de la consommation de tabac chez les hommes depuis le vote de la loi Evin en Le tabac est source de graves dommages, il est responsable ou aggrave plus de 100 maladies. Il a été la cause de 100 millions de mort au XXème siècle et va tuer prématurément 1 milliard de personnes au XXIème siècle si rien n est fait. Le tabac est impliqué dans la survenue de 6 des 8 principales causes de mort dans le monde selon l OMS (3), mais le tabac est aussi responsable comme facteur causal principal ou comme facteur de risque de nombreuses maladies. Une vingtaine de guide des maladies de longue durée de la haute autorité de santé (HAS) place le traitement du tabac comme un traitement essentiel de ces maladies. Rien que le traitement des maladies chroniques liées au tabac coûte plus de 12 milliard d euros, soit plus que les taxes spécifiques tabac reversées à l Assurance Maladie. Le coût global du tabac pour la France est trois fois plus élevé que ce qu il rapporte au total comme le souligne le rapport 2013 de la cour des comptes (4). Les dommages liés au tabac peuvent aussi toucher l entourage des fumeurs. La France a été pionnières en ce domaine en votant en 1991 la loi Evin dont le premier décret d application de 1992 a permis de réduire progressivement les dommages du tabagisme passif (risque d infarctus, d accident cardio-vasculaire, cancer du poumon, infection ORL de l enfant, de mort subite du nourrisson). Le décret Bertrand de novembre 2006 permettant de réduire encore ce dommage. En revanche les dommages au fœtus liés au tabagisme durant la grossesse restent élevés en France car les générations de femme en âges de procréer actuellement en France sont celles qui ont été le plus fumeuses. Fumer durant la grossesse diminue le poids de naissance de l enfant de façon proportionnelle au tabagisme, double le risque de mort-né et de décès durant la première année de la vie (5). Le tabac est le produit psychoactif provoquant les conséquences sanitaires les plus importantes sur le plan collectif. Les pathologies principalement liées au tabac sont les cancers des voies pulmonaires et aérodigestives supérieures, les maladies cardio-vasculaires et les maladies respiratoires. Le tabagisme est considéré comme responsable d environ décès par an, soit plus d un décès sur sept. Cette mortalité touche principalement les hommes (81 %), mais décroît pour ces derniers depuis le milieu des années 1990 alors qu elle progresse rapidement, sur la même période, pour les femmes, suivant en cela, avec un décalage temporel, les évolutions constatées sur les consommations. 33

34 DOMMAGES INDIVIDUELS LIÉS AU TABAGISME ACTIF Les dommages sanitaires aigus du tabac sont nombreux. 1- Dommages cardio-vasculaires Le risque cardiaque et vasculaire liés au tabac peut s installer rapidement et survenir pour de faibles expositions à la fumée du tabac chez le fumeur et même pour son entourage. Deux mécanismes expliquent ces dommages, 1- l athérosclérose d installation lente et progressive et qui ne fait que se stabiliser à l arrêt du tabagisme. Elle est responsable en particulier de l angine de poitrine. 2- La thrombose et le spasme qui sont d installation très rapide et qui commence à régresser en quelques heures après de l arrêt du tabac, régression du risque qui est complète après quelque mois. Ce phénomène est responsable des accidents aigues telle l infarctus du myocarde ou l accident vasculaire cérébral (AVC). En nombre de cas le risque d accident lié au tabac augmente avec l âge, mais en risque relatif le tabagisme est beaucoup plus impliqué avant 45 ans qu après 65 ans dans ces accidents vasculaires «indues» tableau I). Tableau I : Risques relatifs de décès chez les fumeurs comparés aux non-fumeurs(2) Cardiopathie ischémique. 30 à 44 ans 45 à 59 ans 60 à 69 ans 70 à 79 ans 80 ans et + Hommes 5,51 3,04 1,88 1,44 1,05 Femmes 2,26 3,78 2,53 1,68 1,38 AVC Hommes 3,12 3,12 1,88 1,39 1,05 Femme 4,61 4,61 2,81 1,95 1,00 A côté des cardiopathies ischémiques et des AVC le tabagisme favorise de nombreuses maladies cardiaques et vasculaires, tel l anévrysme de l aorte (X8), le risque de mourir d une maladie hypertensive (x2). Du fait des progrès de la prise en charge, ces dommages cardio-vasculaires liés au tabac sont moins associés que par le passé à la mortalité et le nombre de décès n est «que» de décès par an chez les hommes et de décès par an chez les femmes (forte croissance chez les femmes). Les seules maladies cardiovasculaires liées au tabac sont responsables de 5 fois plus de morts que la circulation routière chez les hommes et 3 fois plus chez les femmes. 2- Dommages liés aux cancers du fumeur Les cancers liés à la fumée du tabac Les cancers les plus liés au tabac sont ceux qui surviennent sur les organes directement en contact avec la fumée du tabac et à ses produits de dégradation (sphère ORL, œsophage, bronches, rein, vessie). Les cancers sont responsables de 40% des décès attribuables au tabac : Cancer du poumon (90% liés au tabac), Cancer du larynx, du pharynx et de la bouche, 34

35 Cancer de la vessie (40% liés au tabac), Cancer de l œsophage (surtout si tabac et alcool). La fumée joue également un rôle dans la survenue de : Cancer du rein, Cancer du pancréas, Cancer du col de l utérus et du sein. En risque absolu le risque de cancer lié au tabac augmente avec l âge, mais en risque relatif le tabac joue un rôle d autant plus important dans la survenue de ces cancers que ces cancers surviennent jeunes. L évolution inverse du risque de cancer du poumon chez l homme et chez la femme de moins de 45 ans en France ne peut être expliquée qu en attribuant au tabac le rôle causal principal de la survenue de ces cancers. Figure 1 : Evolution du taux de cancer du poumon chez les ans en France en fonction du sexe (Repris de Hill) Une fois le cancer survenu, le tabagisme (6) diminue l efficacité et augmente les complications des traitements tels que la radiothérapie, la chirurgie et la chimiothérapie et augmente le risque de récidive, de deuxième cancer et la mortalité. 3- Dommages respiratoires liés au tabac Toute cigarette est nocive et crée des dommages sur le poumon Comme toute consommation, même faible de cigarette crée des dommages aux vaisseaux, dès la prise de deux bouffées de cigarette il est démontré que la fumée altère la membrane alvéolaire du poumon, augmentant la clearance au DTPA 1. Une cigarette perturbe les mouvements des cils bronchiques. Il n y a pas d «usage simple» du tabac, une seule cigarette est déjà un «usage nocif». La fumée de tabac est responsable : de la BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) et de ses complications. Alors qu un non-fumeur perd en moyenne 30 ml de souffle (mesuré par le VEMS) par an, un fumeur en perd 60 ml. Son poumon vieillit 2 fois plus vite et l insuffisance respiratoire est précoce. La présentation aux fumeurs de «l âge du poumon» est un outil de motivation efficace à l arrêt, les fumeurs jeunes étant plus motivés à arrêter par un risque de vieillissement accéléré ou d invalidité que par un risque de décès. Le changement de la technologie des cigarettes a modifié le type de dommage respiratoire causé par le tabac. Les anciennes cigarettes brunes grossières et irritantes provoquaient de longue année de bronchite chronique liée à l atteinte des grosses bronches avant de provoquer une atteinte des petites bronches et de l emphysème car la fumée très irritante n était pas inhalée profondément. Avec les cigarettes blondes à filtres, la fumée est devenue moins irritante et est inspiré plus profondément provoquant la destruction des poumons et l emphysème sans longue période préalable de toux ni expectoration. On retrouve la même évolution sur le type de cancer du poumon : on est passé d une majorité de cancers épidermoïdes avec les anciennes cigarettes brunes, à une forte majorité d adénocarcinomes avec les 1 Le DTPA est une molécule qui ne passe pratiquement pas une membrane alvéolaire saine mais la traverse et est éliminée rapidement du poumon quand la membrane est malade. 35

36 cigarettes blondes à filtre. Ce changement de type de dommage n a en rien réduit le handicap et la mortalité lié aux conséquences du tabac sur le poumon. La multiplication du risque de décès liés à la BPCO chez le fumeur est de 10,0 chez l homme et 12, 3 chez la femme. Ce risque et d autant plus élevé que le tabagisme est poursuivi de façon prolongée. de l aggravation de l asthme, chez l adulte et chez l enfant (tabagisme passif), avec en particulier plus de cirses, des crises plus sévères. de l histiocytose langhérensienne. 2 4-Dommages infectieux liés au tabac Le tabagisme est responsable d une augmentation des risques infectieux o Fumer augmente ainsi le risque de grippe (X2) et si on est atteinte de la grippe d avoir une grippe grave (X2). o Fumer augmente le risque de maladie bactérienne comme les pneumopathies (pneumonie à pneumocoque (X3), légionellose ((X3)), ou la méningite à méningocoque (x8) o Fumer augmente le risque d infection tuberculeuse latente (X2), d évolution de cette tuberculose latente (ITL) vers une tuberculose-maladie (X2) et de mourir de la tuberculose si on en est atteint. o Le tabagisme aggrave l évolution de la maladie VIH/SIDA dont il est maintenant la première cause de mortalité. 5- Dommages de la grossesse et de la petite enfance liés au tabagisme actif ou passif La fumée du tabac est responsable de : placenta prævia (X3), faible poids de naissance 3 (X2) mort subite du nourrisson (X2), pathologies infectieuses«bénigne» de la petite enfance (otites, bronchites, gastroentérites, etc..). Arrêter de fumer avant la fin du troisième mois de grossesse réduit ces surrisques. 6- Autres dommages liées au tabac Maladies digestives En dehors des cancers digestifs favorisés par le tabac, le tabagisme augmente le risque de pathologie œsophagienne (œsophagite, hoquet, reflux), de pathologie gastrique (ulcère), duodénale, mais aussi des maladies du pancréas ; enfin le tabagisme aggrave les hépatites et de la maladie de Crohn. Autres maladies non cancéreuses Il existe de nombreuses autres pathologies aggravées par le tabac. On peut citer par exemple : la dégénérescence maculaire responsable de cécité, Les kératites, en particulier chez les porteurs de lentilles de contact, L acné juvénile dans une certaine mesure, Les retards de cicatrisation, Retard à la consolidation osseuse après chirurgie, responsable de pseudarthroses, 2 L histiocytose X est une maladie rare mais présente uniquement chez le fumeur. 3 Le poids du bébé baisse de 20 grammes / cigarettes fumées par jour par la mère durant les deuxième et troisième semestres de la grossesse, 36

37 Agueusie, anosmie, etc. 7- Ce que dit l HAS pour les 30 affections de longue durée (ALD) La Haute Autorité de Santé (HAS) a édicté en France de nombreux guides concernant les modalités de prise en charge des patients atteints des 30 maladies de longue durée. L arrêt du tabac est recommandé non seulement pour les maladies cardiaques, vasculaires et cancéreuses que nous avons vu mais aussi : les cirrhoses, les hépatites B et hépatites C, le diabète de type I et de type II, la maladie de Crohn, les suites de greffe rénale, les néphropathies graves, les patients infectés par le VIH/SIDA. Bibliographie 1. Dubois G Le rideau de fumée. Le Seuil Hill C. Épidémiologie du tabagisme. Rev Prat 2012, 62 : OMS Tobacco atlas 0MS 4. Cours des comptes. Cour des comptes Rapport public annuel 2013 février 2013 Paris Wisborg K, Kesmode Ul, Henriksen TB, i Olsen SJ, Secher NJ. Exposure to Tobacco Smoke in Utero and the Risk of Stillbirth and Death in the First Year of Life. Am J Epidemiol 2001; 154: 4, Dautzenberg B Sevrage tabagique, mise au point sur la prise en charge actuelle et ses résultats Bull Cancer Dautzenberg B. La république enfumée : les lobbies du tabac sous Chirac et Sarkozy, OFTA Ediction 2013, 37

38 CANNABIS Contrairement à d autres substances illicites, le cannabis n est pas à l origine de surdose mortelle. Les consommateurs de cette substance peuvent néanmoins rencontrer un certain nombre de problèmes. L intoxication aiguë au cannabis se traduit de façon plus ou moins importante selon la dose absorbée et la tolérance développée par le sujet, par un allongement du temps de réaction et des troubles de la coordination motrice, avec dans certains cas des attaques de panique et des hallucinations. Entre 175 et 190 décès annuels seraient imputables à une conduite sous l emprise du cannabis (7 à 8 fois moins que pour l alcool, par exemple). Une consommation chronique peut conduire à un désintérêt pour les activités quotidiennes, des difficultés de concentration et de mémorisation («syndrome amotivationnel») et un déclin des capacités d apprentissage, particulièrement dommageables à l adolescence. Dans certains cas, l usage régulier de cette substance peut favoriser l apparition de troubles psychiatriques, notamment la survenue de schizophrénies chez les personnes présentant une vulnérabilité psychotique. L implication du cannabis dans les cancers pulmonaires et des voies aérodigestives supérieures, et certaines pathologies vasculaires, est également avérée Dommages individuels 1- Sanitaires aigus Les dommages sanitaires aigus liés au cannabis sont principalement cardiovasculaires. Ils sont rares, voire exceptionnels et n ont pas d impact sur le plan épidémiologique. Ils sont, en revanche, potentiellement graves, lorsqu ils surviennet chez les sujets jeunes (<50 ans). Dans les 60 minutes qui suivent une consommation de cannabis, le risque d infarctus du myocarde est multiplié par 5 ; il décroit rapidement ensuite.[1] Le risque d accident vasculaire cérébral est multiplié par 1,76 [2]. Quelques décès isolés ont été rapportés [2, 3]. On peut également citer quelques cas d artérite des membres inférieurs et des troubles du rythme cardiaque.[4] Sur le plan pulmonaire, il existe de rares cas d hémoptysie et de pneumothorax (lié aux techniques d inhalation) suite à la consommation du cannabis, mais aucun décès n a été rapporté. [5] 2-Sanitaires chroniques Les dommages sanitaires chroniques liés au cannabis sont pulmonaires, neurocognitifs et psychiatriques. a- Sur le plan pulmonaire Les patients fumeurs de cannabis et de tabac présentent un sur-risque de développer un emphysème par rapport aux non-fumeurs. Il est difficile de déterminer le degré d aggravation attribuable en propre à la consommation du cannabis.[5] b- Sur le plan cognitif Il a été récemment démontré que la consommation chronique du cannabis est associée à un déclin des fonctions cognitives touchant plusieurs domaines. Cette diminution est dose dépendante et indépendante du niveau de formation initiale. Les atteintes fonctionnelles sont évidentes à l entourage proche des consommateurs, touchant les actes de la vie quotidienne. L arrêt des consommations est associé à une récupération partielle des fonctions cognitives.[6] L usage chronique du cannabis est associé au syndrome amotivationnel défini par un retrait social, un détachement émotionnel, la perte de l initiative, ainsi qu une moindre capacité attentionnelle et mnésique. Le syndrome amotivationnel est associé à la baisse du niveau scolaire et à un moindre niveau de formation.[7] Ces différentes atteintes sont d autant plus lourdes que la consommation survient précocement à l adolescence c- Sur le plan psychiatrique Le cannabis semble multiplier le risque de psychose par 2 à 3.[8] Sur le plan épidémiologique, il n est pas certain que le cannabis contribue de manière significative à 38

39 l incidence mondiale de la schizophrénie.[9] Les études actuelles montrent que le cannabis est un facteur de vulnérabilité pour la schizophrénie, parmi d autres, notamment les traumatismes dans l enfance (sévices) et la vie en milieu urbain. Le cumul de ces facteurs multiplie le risque de schizophrénie.[10] En pratique, pour éviter un cas de schizophrénie dans la population, il faudrait prévenir la consommation chez des milliers de personnes.[11] L analyse du NESARC a montré que lorsqu un trouble lié à la consommation du cannabis était associé à la bipolarité, le début de la maladie était significativement plus précoce avec une évolution plus péjorative que lorsqu il n y avait pas de cannabis associé.[12] On observe une forte prévalence de troubles anxieux chez les personnes ayant une dépendance au cannabis.[13] Le spectre des troubles anxieux retrouvés chez les usagers dépendants est vaste, d autant qu ils sont corrélés entre eux et présentent de fortes interactions avec par exemple, les troubles de l humeur (bipolarité, dépression) et les psychoses. La dépendance au cannabis est particulièrement fréquente chez les personnes ayant un niveau important d anxiété sociale ou une phobie sociale. Les personnes sont particulièrement vulnérables aux jugements extérieurs et anticipant de manière négative les interactions sociales pourraient ainsi recourir au cannabis pour gérer un état émotionnel négatif.[14] Le cannabis serait consommé pour gérer cet état émotionnel négatif. La consommation de cannabis est associée à des conséquences négatives sur le plan socioprofessionnel. Mais en ajustant ces prévalences pour d autres facteurs intercurrents (adversité, traumatismes, autres SPA), ces chiffres ne diffèrent que peu de ceux de la population générale.[15, 16] Les interactions entre le cannabis et les troubles mentaux sont difficiles à préciser. En règle générale, le cumul avec les troubles mentaux est associé au cumul avec des difficultés socioprofessionnelles. 3-Dépendance Vu le caractère illicite du cannabis, il est difficile d estimer avec précision la prévalence de la dépendance au cannabis. Les enquêtes nationales (7 au total) ont révélé une prévalence au cours des 12 derniers mois de 0,1%-1% et une prévalence vie entière de 1,3% à 3,6% pour les ans.[17] Même si des études de validation en population adulte sont en cours, la France ne possède pas encore de données sur la prévalence de la dépendance au cannabis au sein de la population générale. Une première estimation en population adolescente évalue cependant à près de 5% la part des adolescents en situations d usage problématique de cannabis, à 17 ans. Les données européennes centralisées par l EMCDDA (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction) 2012 montrent que la France fait partie des payes où le cannabis est en cause dans la majorité des demandes de traitement (18), ce qui représente environ patients par an, selon les données de l OFDT (RECAP), la file active ayant augmenté de 20% entre 2006 et La dépendance au cannabis est par ailleurs associée à un moindre niveau de formation scolaire et d insertion socio-professionnelle. [7] Les études menées dans les milieux des lycéens aux Etats-Unis ont montré que une consommation plus importante d autres substances psychoactives illicites chez les consommateurs du cannabis, par rapport aux buveurs d alcool. Les chercheurs ont formulé l hypothèse que le cannabis pourrait agir comme substance «Gateway» (portail) introduisant à la consommation d autres drogues plus «dures» (théorie dite de l escalade). Les études récentes réfutent tout rapport de causalité directe entre la consommation du cannabis et celle d autres substances psychoactives. [19] Il a cependant été observé qu il existe une vulnérabilité commune à la dépendance et au cumul des consommations à risque, quelle que soit la substance psychoactive (alcool, tabac, cannabis ), dès lors qu elles sont consommées par une personne vulnérable sur le plan génétique, psychologique et/ou sociale (amis, collègues) [20] Cette théorie est soutenue par les données épidémiologiques qui montrent les violations fréquentes de l ordre du gateway ( de 39

40 la théorie de l escalade) dans d autres pays où le cannabis est une drogue minoritaire sur le marché.[21] 4-Mortalité Dans l état actuel des connaissances et sur le plan épidémiologique, à l exception d une mortalité par accident de la circulation, le cannabis n est pas associé à une surmortalité chez ses consommateurs.[22] Il est à noter que la consommation de cannabinoïdes synthétiques (Spice) pourrait être en augmentation. Des cas de décès par surdose et dans les suites de complications cardiaques ont été rapportés après avoir consommé du Spice.[23] Dommages sociétaux Selon une étude originale réalisée en France sur l évaluation du chiffre d affaires issu de la vente de détail du cannabis, par Christian Ben Lakhdar, il ressort que ce marché représenterait entre 746 et 832 millions d euros (pour un marché national estimé à deux milliards d euros), soit entre 186 et 208 tonnes vendues3. Cette enquête s est efforcée d estimer les gains des dealers de cannabis selon une échelle des revenus. Trois catégories sont distinguées : les semi-grossistes, dont le nombre est estimé entre 700 et 1000 personnes, gagneraient jusqu à euros par an ; en dessous d eux, on trouve les fournisseurs, estimés entre et , qui gagneraient jusqu à euros annuels ; enfin, les dealers de rue seraient entre et , et gagneraient moins que le smic, entre et euros. Ces estimations chiffrées confirment les observations établies par maintes enquêtes de type ethnographique depuis une vingtaine d années. Trois éléments ressortent de cet ensemble d études : 1/ les positions lucratives sont limitées dans l économie de la drogue, comme dans toute économie; 2/ ce qui domine, ce sont les «smicards du bizness»5 ; 3/ les coûts l emportent sur les bénéfices des trafics. D une part, ce n est pas à l échelle micro-locale des cités mais à celle des métropoles urbaines, elles-mêmes branchées sur des flux transnationaux, que s opèrent les profits et les placements. Ces circulations de flux de marchandises et d argent paraissent bien limitées face aux situations de précarité et aux logiques de fermeture qui caractérisent les quartiers et la grande majorité de la population qui y habite. D autre part, plus précisément, si l on retient la moyenne des estimations réalisées, il ressort qu environ un millier d individus compose en France la strate des «semi-grossistes» de la chaîne de distribution. Chaque individu de cette strate - individu pouvant être entendu comme une famille ou un petit regroupement de personnes - retire en moyenne annuels de son activité. La strate inférieure composée en moyenne de individus génère un gain de annuels. Les troisième et quatrième strates sont les individus qui sont directement en contact avec le consommateur final, le client. Bien sûr, ils sont les plus nombreux et les gains qu ils dégagent annuellement sont nettement inférieurs au salaire annuel garanti pour un emploi à plein temps. Soulignons que ces chiffres ne sont que des estimations fondées sur des hypothèses de travail fortes : ils ne donnent au final qu une appréciation de la grandeur des gains générés par le trafic de cannabis. 40

41 Les trafics de rue apparaissent avec la montée de la crise de l emploi, donc l inactivité et la diminution des ressources. Ces trafics, notamment de stupéfiants, apparaissent donc une activité alternative au chômage. Les années se caractérisent par une accumulation économique avec la vente de cannabis et d héroïne où les dealers sont aussi des usagers. Les années se caractérisent par l émergence de nouveaux profils sociologiques dans l espace des trafics. Le gros dealer ne consomme pas, il est clean, sportif, il a accumulé un capital parfois très important qu il investit dans l achat de biens, commerces, appartements, etc. Il programme une carrière d entrepreneur, anticipe les risques incluant parfois la prison. Il a des connaissances juridiques ce qui lui permet d esquiver des situations difficiles. Ce capital qu il fait fructifier, il l a hérité des aînés. En effet, la fratrie est l élément clé de la transmission des capitaux et des places hiérarchiques occupées. Au bas de l échelle et dans les petites places intermédiaires le trafic des stupéfiants est l affaire des pairs mais toujours sous contrôle de la famille. Ces années voient aussi la diversification des produits et l apparition des armes notamment chez les grossistes. Ils n hésitent pas à exploiter la main d oeuvre des sans-papiers. On est semble-t-il dans une économie de marché ultralibérale qui n hésite pas à exploiter les plus pauvres, les plus fragiles. Si les grossistes sont peu nombreux nous observons d autres catégories de dealers, les intermittents du deal, des femmes, mères isolées. On a parlé également de «gangstérisation», c est-à-dire d un armement des réseaux et d une appropriation de l espace notamment à l entrée des immeubles. Cela pose la question du risque d exposition à une violence physique pour les habitants comme pour les professionnels de l'intervention sociale. Sur ce marché à risques il a été aussi signalé qu on observe de plus en plus de superpositions des marchés de cannabis avec les marchés de cocaïne, avec des conséquences en termes de violence puisque les revenus sont plus élevés, les investissements aussi, et les pressions sont plus fortes sur les dealers. Bibliographie 1. Mittleman MA, Lewis RA, Maclure M, Sherwood JB, Muller JE. Triggering myocardial infarction by marijuana. Circulation Jun 12;103(23): Singh NN, Pan Y, Muengtaweeponsa S, Geller TJ, Cruz-Flores S. Cannabis-related stroke: case series and review of literature. J Stroke Cerebrovasc Dis Oct;21(7): Jouanjus E, Leymarie F, Tubery M, Lapeyre-Mestre M. Cannabis-related hospitalizations: unexpected serious events identified through hospital databases. Br J Clin Pharmacol May;71(5): Aryana A, Williams MA. Marijuana as a trigger of cardiovascular events: speculation or scientific certainty? Int J Cardiol May 31;118(2):

42 5. Lee MH, Hancox RJ. Effects of smoking cannabis on lung function. Expert Rev Respir Med Aug;5(4):537-46; quiz Meier MH, Caspi A, Ambler A, Harrington H, Houts R, Keefe RSE, et al. Persistent cannabis users show neuropsychological decline from childhood to midlife. Proceedings of the National Academy of Sciences October 2, 2012;109(40):E2657â E Lynskey M, Hall W. The effects of adolescent cannabis use on educational attainment: a review. Addiction Nov;95(11): Moore TH, Zammit S, Lingford-Hughes A, Barnes TR, Jones PB, Burke M, et al. Cannabis use and risk of psychotic or affective mental health outcomes: a systematic review. Lancet Jul 28;370(9584): Gage SH, Zammit S, Hickman M. Stronger evidence is needed before accepting that cannabis plays an important role in the aetiology of schizophrenia in the population. F1000 Med Rep. 2013;5: Wigman JT, van Winkel R, Raaijmakers QA, Ormel J, Verhulst FC, Reijneveld SA, et al. Evidence for a persistent, environment-dependent and deteriorating subtype of subclinical psychotic experiences: a 6-year longitudinal general population study. Psychol Med Apr 11: Hickman M, Vickerman P, Macleod J, Lewis G, Zammit S, Kirkbride J, et al. If cannabis caused schizophrenia--how many cannabis users may need to be prevented in order to prevent one case of schizophrenia? England and Wales calculations. Addiction Nov;104(11): Lev-Ran S, Le Foll B, McKenzie K, George TP, Rehm J. Bipolar disorder and cooccurring cannabis use disorders: Characteristics, co-morbidities and clinical correlates. Psychiatry Res Jan Agosti V, Nunes E, Levin F. Rates of psychiatric comorbidity among U.S. residents with lifetime cannabis dependence. Am J Drug Alcohol Abuse Nov;28(4): Buckner JD, Heimberg RG, Matthews RA, Silgado J. Marijuana-related problems and social anxiety: the role of marijuana behaviors in social situations. Psychol Addict Behav Mar;26(1): Khan SS, Secades-Villa R, Okuda M, Wang S, Perez-Fuentes G, Kerridge BT, et al. Gender differences in cannabis use disorders: Results from the National Epidemiologic Survey of Alcohol and Related Conditions. Drug Alcohol Depend Nov van der Pol P, Liebregts N, de Graaf R, Ten Have M, Korf DJ, van den Brink W, et al. Mental health differences between frequent cannabis users with and without dependence and the general population. Addiction Mar Calabria B, Degenhardt L, Nelson P, Bucello C, Roberts A, Lynskey M, et al. What do we know about the extent of cannabis use and dependence? Results of global systematic review. Sydney: University of New South Wales, Centre NDaAR; 2010 Contract No.: Document Number. 18. UNODC World Drug Report. Vienna: UNODC; 2010 Contract No.: Document Number. 19. Tarter RE, Kirisci L, Mezzich A, Ridenour T, Fishbein D, Horner M, et al. Does the "gateway" sequence increase prediction of cannabis use disorder development beyond deviant socialization? Implications for prevention practice and policy. Drug Alcohol Depend Jun;123 Suppl 1:S Vanyukov MM, Tarter RE, Kirillova GP, Kirisci L, Reynolds MD, Kreek MJ, et al. Common liability to addiction and "gateway hypothesis": Theoretical, empirical and evolutionary perspective. Drug and Alcohol Dependence. 2012;123, Supplement 1(0):S3- S Degenhardt L, Dierker L, Chiu WT, Medina-Mora ME, Neumark Y, Sampson N, et al. Evaluating the drug use "gateway" theory using cross-national data: consistency and associations of the order of initiation of drug use among participants in the WHO World Mental Health Surveys. Drug Alcohol Depend Apr 1;108(1-2): Degenhardt L, Hall W. Extent of illicit drug use and dependence, and their contribution to the global burden of disease. Lancet Jan 7;379(9810):

43 23. Mir A, Obafemi A, Young A, Kane C. Myocardial Infarction Associated With Use of the Synthetic Cannabinoid K2. Pediatrics Nov 7. 43

44 HEROINE ET AUTRES OPIACES Les dérivés de l opium présentent un profil pharmaco-clinique particulier qui leur est commun. - Leur toxicité cellulaire est faible jusqu à de très hautes concentrations, mais leur effet de ralentissement du fonctionnement cérébral peut aller dans certains cas jusqu à l arrêt respiratoire (l overdose). - L intensité de leurs effets psychiques est particulièrement élevées, sur un versant sédatif et «narcotique», antalgique et anxiolytique, sans effets hallucinatoires ni de désinhibition, mais apportant un sentiment d apaisement et d euphorie. Cette action est liée à la grande concentration des récepteurs opiacés dans le système limbique. - Le potentiel addictif des opiacés est l un des plus élevés parmi les substances connues (son niveau est comparable à celui du tabac), ce qui constitue leur dangerosité principale. Les effets nocifs propres à ces substances et leurs complications majeures sont donc de deux ordre : la dépendance et l overdose potentiellement mortelle. Les différences entre les dérivés opioïdes (héroïne, morphine, buprénorphine, méthadone, oxycodone, codéine, etc) tiennent essentiellement à leur rapidité, à leur intensité et à leur durée d action. Ce profil pharmaco-clinique est très marqué pour l héroïne qui associe une forte intensité des effets psychiques de sédation et une capacité à provoquer en un temps court une dépendance. Les dommages sanitaires 1-La dépendance L héroïne est l une des substances qui provoque le plus et le plus vite une dépendance. En se liant sur les récepteurs spécifiques dans le cerveau les opiacés agissent sur la production d endorphines en la réduisant. Ce processus est impliqué dans la dépendance physique, l organisme ayant réduit sa production d endorphine présente des symptômes physiques de manque lors d un arrêt brutal de cette substance. Mais les effets psychiques de l héroïne et autres opiacés (apaisement, anxiolyse,..) procurent un sentiment de bien être qui est un autre moteur de la dépendance en contribuant à diminuer les troubles psychiques préexistants et en diminuant les tensions avec le monde extérieur. Les autres complications liées à la dépendance des opiacés sont limités : baisse de l appétit pouvant entraîner des carences alimentaires et des problèmes buccodentaires, constipation,interruption des menstruations chez la femme. En comptant le nombre de personnes qui reçoivent à ce jour des traitements de substitution pour ce type de dépendance ( ), on estime à 200 à le nombre de consommateurs dépendants ou à haut risque en France en L overdose En cas d overdose, l héroïne peut entraîner la mort par dépression respiratoire. Les facteurs principaux du risque d overdose sont les re-consommations après un sevrage (par exemple à la sortie de prison), les modes de consommations a effet plus rapide (injection) et les associations avec d autres substances dépressogènes (médicaments anxiolytiques, alcool). Le nombre d overdoses mortelles liées aux opiacés est reparti à la hausse ces dernières années après une baisse au milieu des années 90 en raison de la diffusion des traitements de substitution. Le mésusage, le plus souvent accidentel, de ces médicaments (méthadone 44

45 en particulier) est impliqué dans près d une centaine de décès ces dernières années. Les dommages liés aux contextes de consommation Comme pour les autres drogues, les contextes de consommations ont un fort impact sur l apparition et la sévérité des dommages. C est en particulier le cas des contextes sociaux de précarité, des modalités de consommation par injection intraveineuses et des roubles psychiatriques associés. 45

46 COCAINE ET CRACK Dommages individuels 1- Dommages sanitaires aigus a- Dommages somatiques La douleur thoracique est le symptôme le plus fréquemment retrouvé chez les consommateurs de cocaïne (près de 40 % des cas). Les usagers réguliers présentent un risque plus élevé de syndrome coronarien aigu (SCA) que les non usagers (risque de survenue 23,7 fois plus élevé pendant les 60 minutes qui suivent la prise de cocaïne) (1). Les troubles du rythme sont aussi fréquents (2). Les complications infectieuses sont représentées par les hépatites B et/ou C (3), le VIH en cas de partage du matériel utilisé pour consommer. Les risques d infections bactériennes liés à la voie d administration intraveineuse (abcès locaux, endocardites, pneumopathies, septicémie) et les infections sexuellement transmissibles (chlamydiae, gonocoques, syphilis) sont également rapportés (2). Les accidents vasculaires cérébraux surviennent lors de l usage de cocaïne ou dans les heures qui suivent la consommation (4). En abaissant le seuil épileptogène, la cocaïne serait à l origine de convulsions généralisées, immédiatement ou quelques heures après l usage (4) (prévalence variant de 1 à 10% chez les consommateurs de cocaïne et pouvant atteindre 17% chez des sujets ayant des antécédents épileptiques). Elles peuvent apparaître quel que soit le type de consommateur et la voie d administration. Des céphalées liées à la fréquence d usage sont rapportées (13 à 60 % selon les études) (4). Les symptômes pulmonaires les plus fréquemment rapportés sont la toux dans la majorité des cas et les sibilants dans 50% des cas. Les principaux dommages pulmonaires sont des brûlures des muqueuses trachéales et bronchiques, une exacerbation des crises d asthme aigu sévères, des hémorragies alvéolaires, des barotraumatismes, des épanchements pulmonaires (2). b- Dommages psychiatriques Une augmentation des attaques de panique chez les usagers de cocaïne par voie intranasale a été rapportée de façon concomitante (75% des cas) ou décalée (50% des cas) (5). Les tentatives de suicide (TS) et le suicide sont fréquents chez les sujets dépendants à la cocaïne. Le risque de crise suicidaire est multiplié par 5 chez les patients dépendants à la cocaïne. Il suit fréquemment une augmentation récente de la consommation. Son action peut être potentialisée par l alcool, les médicaments psychotropes ou les opiacés augmentant ainsi la gravité du geste. Une consommation importante et ancienne de cocaïne, un usage du produit par voie inhalée ou intraveineuse favorisaient le risque de passage à l acte (6). Enfin, il existe un risque d état délirant aigu induit par la cocaïne (7). 2- Dommages sanitaires chroniques a- Dommages somatiques Les troubles du rythme, la myocardite, les cardiopathies et les thromboses artérielles et veineuses sont les dommages cardiovasculaires chroniques rapportés (8). Les complications ORL sont très fréquentes en cas d usage intranasal prolongé, voie la plus fréquemment utilisée par les sujets consommateurs ou dépendants à la cocaïne (9). L épistaxis, complication la plus rapportée par les usagers, est la traduction clinique de lésions de la cloison nasale qui s installent très rapidement. Ces lésions peuvent conduire à des ulcérations, des perforations, des infections, des nécroses (2). 46

47 Sur le plan infectieux, les dommages sont marqués par les hépatites B et/ou C et le VIH. Sur le plan pulmonaire, ont été rapportés des pneumopathies interstitielles, une hypertension artérielle pulmonaire, des hémorragies alvéolaires, et un emphysème bulleux (2). b- Dommages psychiatriques La paranoïa induite par la cocaïne (PIC) concerne surtout les hommes dépendants (plus de 3 ans de consommation). L effet «parano» correspond à une hypervigilance à l égard du monde extérieur, à des interprétations, à de la dépersonnalisation, de la déréalisation, un sentiment d étrangeté. Il existe un phénomène de sensibilisation lié aux prises répétées. La sévérité de la dépendance, la voie d administration (voie inhalée ++ +), la fréquence et la durée de l usage sont des facteurs à prendre en compte. La PIC peut évoluer vers un tableau délirant paranoïaque. Souvent associé à la PIC, le comportement compulsif de recherche de cocaïne se retrouve surtout chez les sujets usagers de crack (10). La prévalence vie entière de l épisode dépressif majeur varie entre 25 et 61% avec un taux plus élevé chez les patients dépendants en demande de soins. Sévérité du syndrome de sevrage et antécédents de dépression sont étroitement liés (11). Le risque suicidaire est également élevé chez les patients ayant un double diagnostic (trouble lié à l usage de cocaïne et dépression) (12). L usage chronique de cocaïne altère les fonctions cognitives (capacités attentionnelles, mémoire visuelle et de travail, fonctions exécutives). Un vieillissement cognitif accéléré dû à une atrophie des régions préfrontales et temporales a été récemment mise en évidence (13). 3- Dépendance Environ 5 % des consommateurs de cocaïne peuvent devenir dépendants au cours de la première année de consommation (14). Environ 20 % des consommateurs développeront une dépendance à long terme (15). Les différentes phases cliniques de la dépendance à la cocaïne s inscrivent dans un cycle comprenant l intoxication aigue avec une euphorie, un syndrome de sevrage, un craving, la perte de contrôle et un comportement de recherche de produit avec une prise de risque multiple. La dépendance est plutôt séquentielle avec des périodes de consommation variables par semaine. Cette pathologie multifactorielle aux manifestations variables devient progressivement sévère surtout chez les sujets les plus vulnérables. Il faut prendre en compte les addictions associées dans cette population hétérogène de malades (2). 4- Mortalité La cocaïne est très rarement identifiée comme étant la seule substance ayant contribué à un décès lié à la drogue. Cependant, les overdoses en cocaïne sont plus difficiles à déceler et à identifier que celles causées par les opiacés. En 2010, près de 640 décès liés à la cocaïne ont été signalés dans seize pays européens. Les données les plus récentes pour l Espagne et le Royaume-Uni (prévalence de la cocaïne la plus élevée) montrent une baisse des décès liés à la drogue observés depuis 2008 (16). Bibliographie 47

48 NOUVELLES DROGUES Dommages individuels 1- Dommages sanitaires aigus Les nouvelles drogues de synthèse (NDS) sont essentiellement représentées par les cathinones et les cannabinoïdes de synthèse. D autres NDS peuvent avoir la structure et les effets du MDMA (5-APB, MDAI..), du LSD (5-meo-dalt, 2-CB), des amphétamines (2-AI, ethylphenidate, camfetamine, AMT) de la kétamine (N-ethyl-kétamine, methoxétamine), de la méthamphétamine (methiopropamine), des opiacés (AH-7921, desoxy-tramadol...), des benzodiazépines (etizolam), des barbituriques (etaqualone), de la cocaïne (4- fluorotropacocaine/pfbt). a- Les cannabinoïdes de synthèse Mélanges à fumer vendus comme encens par exemple, sont des drogues ne contenant ni tabac, ni cannabis. Leur consommation par voie inhalée entraine des effets psychoactifs similaires à ceux du cannabis. Les principaux dommages sanitaires aigus de la consommation de ces produits sont principalement de l anxiété, de la paranoïa, des céphalées, des troubles digestifs, des convulsions, des hallucinations, des troubles cognitifs (mémoire, augmentation du temps de réaction, attention), et une possible pharmacopsychose (1) (2) (3). b- Les cathinones de synthèse (méphédrone, méthylone, MDPV, 4- MEC, NRG-1, 2 ou 3; méthédrone ; butylone ou bk-mbdb ) représentent plus de la moitié des nouvelles drogues de synthèse repérés depuis Elles sont vendues comme sels de bains, produits chimiques pour la recherche ou engrais pour plantes. Les effets psychoactifs de ces drogues sont similaires à ceux des amphétamines ou de la cocaïne (4). Il est important de noter le retour de l injection par voie intraveineuse (slam) popularisée par la communauté homosexuelle, même si le phénomène reste encore circonscrit. Parmi les dommages psychiatriques décrits, variables en fonction des drogues et des individus, des hallucinations, de la paranoïa, de l anxiété, des troubles cognitifs, des troubles du sommeil, un delirium et un tableau dépressif sont possibles. Sur le plan somatique, sont retrouvés une asthénie, une tachycardie, des palpitations, une hypertension artérielle, des troubles digestifs, une rhabdomyolyse avec hyperthermie et agitation (5), et une symptomatologie comprenant des sueurs, une mydriase, un trismus, un épistaxis et une diminution des sécrétions salivaires (4) (6). 2- Dommages sanitaires chroniques Il n existe pas suffisamment de données dans la littérature permettant de mettre en avant des dommages sanitaires chroniques liés aux nouvelles drogues de synthèse (7). La consommation par voie intravéneuse de cathinones majore les risques liés à l'inection du fait de la compulsivité des prises (une «slam session» entraînant de nombreuses injections en quelques heures). Les conséquences peuvent être d'origine infectieuse (virales : VHC/VIH, et bactériennes types abcès) ou non inféctieuses. En effet, la nature physico-chimique des NPS (ph, granulométrie, composition chimique globale) et/ou des filtrations inadaptées pourraient entraîner des dommages somatiques comme on l'observe pour les drogues «de rue» injectées (complications vénolymphatiques, bleus, cicatrices...) Un retentissement sur la libido est constaté par les usagers de cathinones de synthèse lors d une consommation régulière (4). L apparition de complications psychiatriques et somatiques chroniques est à évaluer. 48

49 3- Dépendance Le potentiel addictif de ces nouvelles drogues de synthèse est non négligeable (8). Des cas de dépendance aux cathinones de synthèse sont signalés par les médecins de ville ou hospitaliers aux centres d évaluation et d information sur les pharmacodépendances et/ou aux centres anti-poison (9). 4- Mortalité Des cas de décès associés aux cathinones, notamment la méphédrone, le MDPV, la méthylone, la bk-mbdb ont été déclarés (10) (11) (12, 13) (14). Par ailleurs, certains décès ont été associés à d autres nouvelles substances, avec comme exemple récent la 4- méthylamphétamine, dont les données de mortalité ont incité l OEDT et Europol à entreprendre une évaluation à l échelon européen (9). Bibliographie 49

50 DOMMAGES LIES AUX COMPORTEMENTS JEUX D ARGENT Introduction Par jeux de hasard et d argent (JHA), on entend toute forme de jeu impliquant que le joueur engage de l argent (ou un objet de valeur), que la mise est irréversible et que l issue du jeu dépend totalement ou en partie du hasard. La pratique des JHA est extrêmement répandue en France, comme dans la plupart des pays industrialisés, répondant à une offre toujours plus importante et attractive de la part des opérateurs de jeux. La première enquête épidémiologique nationale portant sur la prévalence des problèmes de jeu, menée en 2010, indique en effet qu environ un adulte français sur deux a joué au moins une fois au cours de l année écoulée [1]. Cette même enquête révèle que 12.2% des sujets interrogés sont considérés comme des joueurs «actifs», c est à dire qu ils ont joué au cours de l année écoulée au moins 52 fois et/ou ont misé au moins 500 euros. Pour la plupart des individus, la pratique des JHA reste «récréative» ou «sociale». C est un loisir occupant une place circonscrite dans la vie des joueurs, qui leur permet de rêver, de s évader, d éprouver du plaisir ou des sensations fortes. Dans ce cas, les joueurs peuvent se permettre de perdre l argent misé, parce qu ils en ont les moyens financiers. On lui oppose le jeu problématique/pathologique, caractérisé par un vécu de perte de liberté. La pratique des JHA devient centrale, au détriment de tous les autres investissements. Les joueurs problématiques/pathologiques décrivent une perte de contrôle sur la pratique des JHA. Ils continuent de jouer en dépit de l apparition de dommages, en particuliers financiers. Pour résumer, les joueurs problématiques/pathologiques sont ceux qui jouent trop : trop souvent, trop longtemps, trop d argent. En France, la prévalence du jeu problématique/pathologique est estimée à 1.3% de la population générale âgée de 18 à 75 ans [1]. L apparition et le maintien des troubles liés à la pratique des JHA résultent de l interaction de multiples facteurs de risque et de vulnérabilité, d ordre individuel (sexe masculin, adolescence, fragilité narcissique, impulsivité, recherche de sensations, altérations des processus de décision et d auto-contrôle, comorbidités psychiatriques et addictives, prédisposition génétique, exposition à certains types de médicaments, etc), liés au contexte socio-environnemental (influence des normes familiales et culturelles, effet de l apprentissage social, bas niveau d éducation et socio-économique, accessibilité et disponibilité des jeux et autres caractéristiques situationnelles de jeux, etc) et liés aux jeux en eux-mêmes (jeu sur Internet, distorsions cognitives liées au jeu, caractéristiques structurelles du jeu : rapidité de mise en œuvre du jeu, rapidité de la prise de décision, rapidité du résultat, rapidité de paiement en cas de gain, possibilité de rejouer immédiatement, etc). Ainsi, tous les types de jeu n entraînent pas les mêmes risques de développement de problèmes liés à leur pratique. De façon générale, ceux qui permettent de jouer sans limite, sans que le joueur ait la possibilité de prendre du recul et conscience des conséquences de la pratique sont susceptibles de constituer un danger. Par exemple, les loteries pluri-hebdomadaires sont beaucoup moins risquées que les loteries pluriquotidiennes. Le jeu sur Internet est plus risqué que le jeu en réel. Dommages individuels 1-Sanitaires aigus En soi, la pratique des JHA n a pas d impact direct sur la santé et n entraîne pas de dommages sanitaires aigus, si ce n est qu elle peut s accompagner ponctuellement, en cas 50

51 de pertes financières, d anxiété et d affects dépressifs, avec pour corollaire des troubles du sommeil et une anorexie [2]. L intensité de la symptomatologie anxieuse et surtout dépressive est d autant plus importante que les problèmes liés à la pratique des jeux sont sévères [3]. Indépendamment de troubles psychiatriques, les plaintes liées au sommeil (difficultés d endormissement, réveils nocturnes et réveils précoces) sont plus fréquentes en cas de jeu problématique/pathologique [4]. Surtout chez les sujets jeunes, la pratique des jeux peut être concomitante de consommations d alcool. Les ivresses sont plus fréquentes chez les joueurs en ligne par rapport aux autres [5]. 2-Sanitaires chroniques De façon générale, les joueurs problématiques/pathologiques rapportent un moins bon état de santé mentale et physique [4]. Les dommages sanitaires chroniques ou de «longue durée» sont principalement représentés par les comorbidités psychiatriques et addictives. Les troubles de l axe I sont en effet très fréquemment associés aux troubles liés à la pratique des JHA [6, 7]. Les joueurs pathologiques rapportant aussi des comorbidités de l axe I se caractérisent par la sévérité du jeu problématique/pathologique, qui augmente de façon linéaire avec le nombre de comorbidités diagnostiquées [8]. Les troubles de l humeur A l instar des sujets souffrant de troubles liés à l usage de substances psychoactives, la prévalence sur la vie entière des troubles de l humeur est élevée chez les joueurs pathologiques [6], Les troubles anxieux Les enquêtes épidémiologiques menées en population générale indiquent que les joueurs pathologiques présentent un antécédent de trouble anxieux pour 41.3% [6]. Les troubles addictifs Les troubles liés à l usage de substance sont très certainement les comorbidités les plus associées au jeu problématique/pathologique, comme en attestent de nombreuses études [7, 9, 10]. Les troubles co-existent ou se succèdent. Certains auteurs ont évoqué pour décrire ce phénomène la notion de «switching addictions». 3-Dépendance Comme nous l indiquions en introduction, malgré le développement de la pratique des JHA, celle-ci entraîne relativement peu de dépendance. De plus, quelques travaux concluent que le jeu pathologique est un trouble transitoire, épisodique, et que le statut de joueur pathologique est instable dans le temps. En effet, un peu plus d un tiers de ceux qui répondent aux critères diagnostiques du jeu pathologique sur la vie entière, n en ont plus sur la période actuelle [11]. Les taux de prévalence du jeu problématique/pathologique varient d un pays à l autre et en fonction de l instrument d évaluation retenu, allant de 0.3 et 7.5% [12]. En France, la première enquête épidémiologique, menée par l OFDT en 2010, a porté sur sujets âgés de 18 à 75 ans. Elle retrouvait 0.9% des joueurs à risque modéré et 0.4% de joueurs excessifs [1]. Il est important en effet de considérer que les troubles liés à la pratique des JHA suivent un continuum, de la pratique à risque au jeu pathologique répondant aux critères diagnostiques du DSM-IV. L enquête de Costes et al. (2011) a été réalisée juste avant l ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des JHA en ligne en juin Sa réplication dans quelques mois permettra de vérifier si l accès plus large aux jeux sur Internet s accompagne d une augmentation de la prévalence du jeu problématique/pathologique, le medium «Internet» étant en effet considéré comme un facteur de risque [13]. 51

52 Pour conclure, il convient de préciser que le taux de prévalence dépend aussi de certaines variables telles le sexe ou la tranche d âge. Le sex ratio est en faveur des hommes, même s il a tendance à s égaliser. D un tiers, la proportion de femmes dans les échantillons de joueurs pathologiques serait passée à la moitié [14], voire plus [15]. Les adolescents semblent particulièrement exposés tant à la pratique des JHA [16] qu au risque de développer des troubles liés [17]. Il apparaît donc que la prévalence de ces troubles est plus élevée en population adolescente qu en population générale adulte. 4-Mortalité La mortalité est essentiellement liée au suicide. Le risque suicidaire est en effet fréquent chez les joueurs problématiques/pathologiques, attribué à leur pratique des JHA en majorité. Le risque suicidaire existe particulièrement quand le joueur se sent acculé, écrasé par les pertes financières, ayant parfois commis des actes illégaux pour financer la poursuite de sa pratique des JHA, terriblement honteux de ne pas pouvoir s arrêter et d en être arrivé à de tels comportements, ne trouvant pas le courage d en parler à son entourage [18]. Cependant, la suicidalité des joueurs est avant tout liée à des troubles psychiatriques préexistants, en particulier la dépression et les troubles liés à l usage de substances psychoactives [18, 19]. En cas d antécédents de tentatives de suicide, le risque de récidive est réel [19]. Dommages sociaux 1-Dommages pour l individu et son entourage, autres que sanitaires Endettement, surendettement Désinvestissement de la vie familiale/amoureuse, désinvestissement des relations sociales, abandon des loisirs, en raison du temps passé à jouer ou de l envahissement psychique Conflits, séparation conjugale Vols, escroquerie, condamnation judiciaire, incarcération 2-Le coût social du jeu excessif En Australie (l un des rares pays disposant d une étude complète sur le sujet), le coût social du jeu est estimé entre 5 et 16 par habitant (16, 17). Aucune donnée n est actuellement disponible en France, mais si on ramène ce coût moyen à la population française ( au 1er janvier 2012), le coût social du jeu pourrait être estimé entre 300 millions et 1 milliard d euros. Si ce coût brut est peu instructif en lui-même, l analyse de sa composition est en revanche particulièrement instructive. Ainsi, il est intéressant de noter qu une grande majorité des coûts liés au jeu sont des coûts psychologiques supportés par les joueurs à problème et leur entourage (douleur des proches, coûts psychologiques liés à une séparation ou un suicide ). Si aucune donnée n est disponible à propos du coût social du poker, l étude australienne (17) mettait en avant d importantes différences du coût social du jeu selon le type de jeu, avec par exemple un coût très largement majoré pour les machines à sous et moindre pour les tickets à gratter. Ainsi, le poker aurait son propre coût social, et on peut suggérer que celui-ci est en pleine expansion, du fait notamment du large développement de ce jeu depuis quelques années. [16] Expertise collective. Jeux de hasard et d argent. Contextes et addictions. Chapitre 17 (pp ). INSERM, Paris ; [17] Productivity Commission. Australia s gambling industries. Report No. 10, AusInfo, Canberra Et cf expertise collective INSERM 2008 : un chapitre entier dédié au coût social du jeu 52

53 Bibliographie 1. Costes J.M., et al., Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d argent en Baromè tre Santé 2010, module jeux de hasard et d argent INPES/OFDT Tendances, : p. 8 p. 2. Apinuntavech, S., et al., Consequences and associated factors of youth gambling. J Med Assoc Thai, Suppl 6: p. S Barrault, S. and I. Varescon, Cognitive distortions, anxiety, and depression among regular and pathological gambling online poker players. Cyberpsychol Behav Soc Netw, (3): p Black, D.W., et al., Pathological gambling: relationship to obesity, self-reported chronic medical conditions, poor lifestyle choices, and impaired quality of life. Compr Psychiatry, (2): p Lejoyeux, M., [Psychological and social impact of online gambling]. Bull Acad Natl Med, (1): p ; discussion Petry, N.M., F.S. Stinson, and B.F. Grant, Comorbidity of DSM-IV pathological gambling and other psychiatric disorders: results from the National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions. J Clin Psychiatry, (5): p Kessler, R.C., et al., DSM-IV pathological gambling in the National Comorbidity Survey Replication. Psychol Med, (9): p Ibanez, A., et al., Psychiatric comorbidity in pathological gamblers seeking treatment. Am J Psychiatry, (10): p Lorains, F.K., S. Cowlishaw, and S.A. Thomas, Prevalence of comorbid disorders in problem and pathological gambling: systematic review and meta-analysis of population surveys. Addiction, (3): p Cunningham-Williams, R.M., et al., Prevalence and predictors of pathological gambling: results from the St. Louis personality, health and lifestyle (SLPHL) study. J Psychiatr Res, (4): p Sartor, C.E., et al., Course of pathological gambling symptoms and reliability of the Lifetime Gambling History measure. Psychiatry Res, (1): p Expertise-Collective, Jeux de hasard et d'argent. Contextes et addictions. 2008, Paris: Les éditions INSERM Griffiths, M., et al., Internet gambling, health, smoking and alcohol use: findings from the 2007 British Gambling Prevalence Survey. Int J Ment Health Addiction, sept. 14. Shaffer, H.J., et al., The road less travelled: moving from distribution to determinants in the study of gambling epidemiology. Can J Psychiatry, (8): p Grant, J.E. and S.W. Kim, Gender differences in pathological gamblers seeking medication treatment. Compr Psychiatry, (1): p Cronce, J.M., et al., Self-perception of gambling problems among adolescents identified as at-risk or problem gamblers. J Gambl Stud, (4): p Shaffer, H.J. and M.N. Hall, Updating and refining prevalence estimates of disordered gambling behaviour in the United States and Canada. Canadian Journal of Public Health, (3): p Wong, P.W., et al., A psychological autopsy study of pathological gamblers who died by suicide. J Affect Disord, (1-3): p Blaszczynski, A. and E. Farrell, A Case Series of 44 Completed Gambling-Related Suicides. J Gambl Stud, (2): p

54 54

55 MESUSAGES DE MEDICAMENTS PSYCHOTROPES Le mésusage des médicaments psychotropes recouvre des situations diverses selon qu il s agisse de médicaments prescrits ou en vente libre, et selon le type de mésusages qui peut aller de l usage inapproprié (voie d administration non-conforme ; durée de prise supérieure à ce qui est prescrit ; indication, dose ou durée de prescription du médecin non respectés) jusqu au détournement de la prescription à des fins psychoactives variées (ivresse, «défonce») ; multiplication des prescripteurs ; falsification d ordonnance ; et jusqu a l achat dans un circuit de contrebande (soumission chimique). Si la France reste dans le peloton de tête des pays Européens pour la consommation des médicaments psychotropes, malgré une réduction ces dernières années, l étendue des dommages liés à ces divers types de mésusages reste imprécise. Parmi la population générale, la fréquence et le type de mésusage varie dans des groupes de population à risque : femmes, jeunes, patients présentant des troubles psychiatriques, patients présentant une dépendance à l alcool ou patients présentant une ou plusieurs dépendances à des produits illicites. Néanmoins, des stratégies validées de réduction des dommages peuvent être proposées par analogie avec des stratégies validées vis-à-vis d autres addictions et les stratégies de réduction des dommages employées à l avenir devraient faire l objet d évaluations qui permettront a posteriori de les valider ou de les améliorer. Les médicaments principalement concernés par ces divers mésusages sont : - les anxiolytiques et sédatifs appartenant à la famille chimique des benzodiazépines et molécules apparentées, - ainsi que les traitements de substitution de la dépendance aux opiacés et les antalgiques apparentés aux opiacés. 55

56 DOPAGE Le dopage est une trahison de l esprit sportif et un danger pour l intégrité physique et morale des athlètes. Il constitue un véritable enjeu de santé publique. Il ne concerne pas uniquement le sportif de haut niveau, mais touche également un très grand nombre d amateurs ( 1 ) y compris les seniors et les enfants. En 2011 près de contrôles (sanguins et urinaires) ont été effectués par l AFLD ; 2,8% des analyses ont présenté un résultat anormal. Il n existe pas de critères cliniques formels permettant d identifier une utilisation de produits dopants. Les dommages sont variables et dépendent de plusieurs facteurs : individus, produits, modes de consommation. En outre, les études épidémiologiques sur le dopage ne sont pas nombreuses. L analyse des données se heurte également aux difficultés ordinaires du comptage lié aux pratiques illégales et mal définies. Sanitaires aigus DOMMAGES INDIVIDUELS Les classes pharmacologiques des substances et méthodes de dopage interdites ou soumises à certaines restrictions présentent un large panel d effets secondaires, les dangers pouvant aller de la simple perte d appétit à la mort subite. Les divers stimulants, naturels ou de synthèse, peuvent avoir des effets dangereux et pervers même s ils sont pris à des doses minimes ( 2 ). Ils peuvent provoquer une hyperthermie, une dépression, un accident vasculaire cérébral, des troubles comportementaux ou une décompensation psychiatrique. Les anabolisants peuvent entraîner des syndromes maniaques ( 3 ), des troubles du comportement ( 4 ), des suicides. Les diurétiques provoquent des déshydratations, des troubles électrolytiques, ainsi que des désordres rénaux. Les glucocorticoïdes entraînent des troubles psychiques et une agressivité. Le recours aux produits tels que l EPO ou des autotransfusions sanguines entraînent des risques important d épaississement sanguin à l origine d accidents thromboemboliques (AVC, IDM, embolies pulmonaires), ou la transmission d agents infectieux. Sanitaires chroniques Les stimulants entraînent des maladies cardiovasculaires telles une HTA, des troubles du rythme cardiaque, une valvulopathie ou une cardiomyopathie ( 6 ). Les anabolisants provoquent une HTA ( 7 ), l augmentation du LDL ( 8 ), des maladies cardiovasculaires ( 9 ) et coronariennes ( 10 ), des cancers du foie ( 11 ), une gynécomastie ( 12 ) et des problèmes d infertilité ( 13 ). Les diurétiques peuvent entraîner des troubles du rythme cardiaque. Les glucocorticoïdes entraînent également de nombreux risques comme la fragilisation des muscles et tendons, une dépression immunitaire, une HTA et des insuffisances sévères cortico-surrénalienne ( 14 ), des risques de fractures de fatigue. Les hormones de croissance provoquent des hypertrophies osseuses, une déformation irréversible des os plats, HTA, DNID, HIC, et cardiomyopathie. Dépendance Toutes les substances et méthodes interdites par le Code mondial anti dopage n entraînent pas forcément de dépendance. Seuls les anabolisants, les stimulants, les narcotiques, les cannabinoïdes et l alcool entraînent un phénomène de dépendance. Environ 30 % des 56

57 consommateurs de stéroïdes anabolisants peuvent devenir dépendants à long terme. Celleci se caractérise par des symptômes de tolérance, un syndrome de manque et l impossibilité d arrêter la consommation ( 15 à 21 ). Concernant les amphétamines, tous les scientifiques s accordent à dire qu elles entraînent une dépendance psychologique. La dépendance physique reste quant à elle controversée ( 22 ). En France 2,4% des jeunes de 17 ans ont consommé des amphétamines en 2011 ( 23 ). Mortalité On observe une prévalence étonnamment élevée d'une série de pathologies graves - cancers, AVC, infarctus, maladies hépatiques - chez les sportifs de haut niveau, en particulier dans le cyclisme ( 24 ), le football ou l haltérophilie. De fait, le taux de mortalité et de morbidité est plus élevé parmi les sportifs de haut niveau que dans l'ensemble de la population ( 25 ). Sur le plan clinique, un apport d'hormones perturbe gravement la fonction homéostasique de l'organisme, c'est-à-dire le maintien des fonctions physiologiques à un niveau d'équilibre. Cela se répercute sur le bon fonctionnement de l'appareil immunitaire, ce qui pourrait expliquer une vulnérabilité plus grande face à toutes sortes de maladies et plus particulièrement face au cancer. On redoute aussi un épuisement des glandes endocrines trop longtemps suppléées par des apports exogènes. Une étude française récente révèle qu au moins 800 décès par an se produisent à l occasion d une activité sportive d intensité moyenne ou forte ( 25 ). En 2011, 78% de ces accidents restent d origine indéterminée en l absence d autopsie systématique. Sanitaires DOMMAGES SOCIÉTAUX Afin de vérifier la validité du lien entre la pratique intensive du sport et ses effets entraînant des pathologies physiques et psychiques, il serait nécessaire de réaliser davantage d enquêtes épidémiologiques. Le travail de Choquet (1999), par exemple, mettant en relation pratique sportive et comportement associé (violence, troubles alimentaires, consommation de médicaments, etc.), également évoqué par Lert (in Aerberhard, 2002), permet d établir les liens entre longévité et intensité de la pratique sportive, et l état de santé des individus. Les données disponibles sous estiment sans aucun doute l étendue des dommages sanitaires liés au dopage compte tenu de la difficulté de recueil de l information. Les effets désastreux des pratiques dopantes sont abondamment décrits dans le rapport Spitzer sur le dopage d Etat en RDA. Cette étude (période ) portant sur sportifs dopés a identifié 1000 troubles mineurs et 500 troubles graves (changement de sexe, stérilité, cancers). 57

58 Bibliographie (1) RIEU M., QUENEAU P., Rapport à l Académie de médecine, La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, février 2012 (2) DELMAS A., Audit de la pratique des jeunes, FFESSM, 2009 (3) LAURE P., Le dopage, Presses universitaires de France, 1995 (4) Pope H, Katz D, «Affective and psychotic symptoms associated with anabolic steroid use», The American journal of psychiatry, vol. 145, n o 4, 1988, p (5) P. Fudala, R. Weinrieb, J. Calarco et al., «An evaluation of anabolic-androgenic steroid abusers over a period of 1 year: seven case studies», Annals of clinical psychiatry : official journal of the American Academy of Clinical Psychiatrists, vol. 15, n o 2, 2003, p / S. Bhasin, T. Storer, N. Berman, et al, «The effects of supraphysiologic doses of testosterone on muscle size and strength in normal men», N. Engl. J. Med., vol. 335, n o 1, 1996, p. 1-7 / R. Tricker, R. Casaburi, T. Storer, et al, «The effects of supraphysiological doses of testosterone on angry behavior in healthy eugonadal men--a clinical research center study», vol. 81, n o 10, 1996, p / D. O'Connor, J. Archer, W. Hair, F. Wu, «Exogenous testosterone, aggression, and mood in eugonadal and hypogonadal men», Physiol. Behav., vol. 75, n o 4, 2002, p (6) MARAI S., FIGUEREDO V.M., MORRIS L., Cocaïne and the Heart, Clinical Cardiology, 2010 (7) F. Grace F, N. Sculthorpe, J. Baker, B. Davies, «Blood pressure and rate pressure product response in males using high-dose anabolic-androgenic steroids (AAS)», J Sci Med Sport, vol. 6, n o 3, 2003, p (8) Steve Tokar, «Liver Damage And Increased Heart Attack Risk Caused By Anabolic Steroid Use», University of California - San Francisco, 2006 (9) E. Barrett-Connor, «Testosterone and risk factors for cardiovascular disease in men», Diabete Metab, vol. 21, n o 3, 1995, p (10) C. Bagatell, R. Knopp R, W. Vale, J. Rivier, W. Bremner, «Physiologic testosterone levels in normal men suppress high-density lipoprotein cholesterol levels», Ann Intern Med, vol. 116, n o 12 Pt 1, 1992,p / C. Mewis, I. Spyridopoulos, V. Kühlkamp, L. Seipel, «Manifestation of severe coronary heart disease after anabolic drug abuse», Clinical cardiology, vol. 19, n o 2, 1996, p (11) L. Socas, M. Zumbado, O.Pérez-Luzardo, et al, «Hepatocellular adenomas associated with anabolic androgenic steroid abuse in bodybuilders: a report of two cases and a review of the literature», British journal of sports medicine, vol. 39, n o 5, 2005 / I. Velazquez, B. Alter, «Androgens and liver tumors: Fanconi's anemia and non-fanconi's conditions», Am. J. Hematol., vol. 77, n o 3, 2004, p (12) R. Marcus et S. Korenman, «Estrogens and the human male», Annual Review of Medicine, vol. 27, 1976, p (13) M. Meriggiola, A. Costantino, W. Bremner, A. Morselli-Labate, «Higher testosterone dose impairs sperm suppression induced by a combined androgen-progestin regimen», J. Androl., vol. 23, n o 5, 2002 / J. Hoffman, N. Ratamess, «Medical Issues Associated with Anabolic Steroid Use: Are they Exaggerated?», Journal of Sports Science and Medicine, juin 2006 / A. Matsumoto, «Effects of chronic testosterone administration in normal men: safety and efficacy of high dosage testosterone and parallel dose-dependent suppression of luteinizing hormone, follicle-stimulating hormone, and sperm production», J. Clin. Endocrinol. Metab., vol. 70, n o 1, 1990, p (14) DUCLOS M., GUINOT M., COLSY M., MERLE F., BAUDOT C., CORCUFF JB, LEBOUC Y., High Risk of Adrenal Insufficiency after a Single Articular Steroid Injection in Athletes, University Hospital (CHU) Clermont-Ferrand, Hospital G. Montpied, Department of Sport Medicine and Functional Explorations, Clermont-Ferrand, France, 2007 (15) Brower, KJ, et al. Symptoms and correlates of anabolic-androgenic steroid dependence. British Journal of Addiction. 1991, Vol. 86, pp

59 (16) Gridley, DW et Hanrahan, SJ. Anabolic-androgenic steroid use among male gymnasium participants : Knowledge and motives. Sports Health. 1994, Vol. 12, pp (17) Malone, DA, et al. Psychiatric effects and psychoactive substances use in anabolicandrogenic steroid users. Clinical Journal of Sports Medicine. 1995, Vol. 5, pp (18) Perry, P J, et al. Anabolic steroid use in weightlifters and bodybuilders : An internet survey of drug utilisation. Clinical Journal of Sports Medicine. 2005, Vol. 15, pp (19) Kanayama, G, Hudson, JI et Pope, HG Jr. Features of men with anabolic-androgenic steroid dependence ; A comparison with non-dependent AAS users and with AAS nonusers. Drug and Alcohol Dependence. 2009, Vol. 102, 1-3, pp (20) Midgley, S, Heather, N et Davies, JB. Depedence-producing potential anabolicandrogenic steroids. Addiction Research. 1999, Vol. 7, pp (21) Copeland, J, Peters, R et Dillon, P., Anabolic-androgenic steroid use disorders among a sample of Australian competitive and recreational users. Drug and Alcohol Dependence. 2000, Vol. 60, 1, pp (22) Iversen, L., Speed, Ecstasy, Ritalin: the Science of Amphetamines, Oxford University Press, Oxford, 2006 (23) ESCAPAD 2011, Estimations 2011 des consommations de produits psycho actifs à 17 ans, OFDT (24) MONDENARD (de) J.-P., Dictionnaire du dopage : substances, procédés, conduites, Éditions Masson, 2004 (25) VENISSE J.L., BAILLY D., REYNAUD M., Conduites addictives, conduites à risques : quels liens, quelle prévention? - Ed. Masson, Coll. Médecine et Psychothérapie, 2002 (26) MARIJON E., TAFFET M., CELESMAJER D.-S., DUMAS F., PERRIER M.-C., MUSTAFIC H., TOUSSAINT J.-F., DESNOS M., RIEU M., BENAMEUR N., LE HEUZET J.- Y., EMPANA J-P., JOUVEN X.. Sports-Related Sudden Death in the General Population. Circulation, 2011 ; 124(6) : ). (27) DELMAS A. Audit de la pratique des jeunes, FFESSM, 2009 (28) Ministère chargé des sports, mars 2013 (29) LAURE P., BINSINGER C., Les médicaments détournés, - Masson, 2003 (30) Loi n du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants (31) Agence mondiale antidopage, «le Code»,

60 DOMMAGES LIES AUX COMPORTEMENTS ADDICTIFS DANS LES POPULATIONS VULNEABLES ET SITUATIONS SPECIFIQUES LES JEUNES Les données spécifiques aux jeunes Une politique de prévention des pratiques addictives doit considérer que l adolescence reste la grande période de confrontation et d initiation aux consommations de produits psychoactifs. Les données épidémiologiques, les connaissances cliniques, les travaux sociologiques et anthropologiques sont convergents (nous renvoyons au rapport beaucoup plus approfondi demandé à l INSERM par la Présidente de la MILDT). Données neurobiologiques Depuis les travaux du National Institute of Mental Health débutés il y a une dizaine d années, et grâce aux nouvelles techniques d Imagerie par résonnance Magnétique (IRM), nous savons aujourd hui que la maturité complète du cerveau arriverait aux alentours de ans (1) Cette maturation cérébrale s accompagne d une diminution de l épaisseur de la substance grise correspondant à une sélection de circuits neuronaux. Cette perte de volume se fait progressivement de la partie postérieure, siège des fonctions sensorielles, vers la partie antérieure et particulièrement le cortex pré-frontal. Cette dernière zone étant le siège de différentes fonctions cognitives supérieures, et particulièrement les fonctions exécutives (2). Ce processus, organisé et dynamique, est déterminé génétiquement mais subit également une influence environementale (3). L adolescence est donc une période particulièrement sensible puisque des facteurs environnementaux, affectifs ou toxiques comme les substances psychoactives, semblent avoir des interactions avec les différents stades de maturation du cerveau. En effet, les études cliniques et animales montrent un impact des consommations de substances psychoactives sur ces processus de maturation, même si les interactions exactes sont encore mal connues. Les alcoolisations précoces sous forme de Binge Drinking entraineraient ainsi des lésions anatomiques ainsi qu un retard des processus de maturation. Plusieurs études se sont également intéressées aux effets du cannabis sur le cerveau, mettant en exergue une vulnérabilité du cerveau à cette substance lors de cette période charnière. Une récente étude de cohorte néo-zélandaise a montré qu une initiation précoce s accompagnait d une altération globale du fonctionnement neuropsychologique avec un déclin du quotient intellectuel. L arrêt ou la réduction de la consommation de cannabis ne permettait pas une restauration complète des capacités intellectuelles. Alors que cette baisse de performance aux tests de QI n était pas retrouvée lorsque l initiation était plus tardive à l âge adulte. (4) Les dommages, listés par produits dans le reste du texte ne sont qu évoqués 1-Dommages sanitaires L alcool est la substance psychoactive la plus précocement expérimentée à l adolescence, souvent dans un cadre familial. Ainsi, l expérimentation de boissons alcoolisées est déclarée par 59% des élèves de 6e, elle progresse en fréquence au cours des «années collège» jusqu à concerner 83% des élèves de 3e, puis 93% des élèves en terminale. Au-delà du caractère «culturel» que revêt parfois la consommation d alcool, l adolescence se révèle surtout une période où les premiers comportements d alcoolisation parfois excessifs peuvent apparaître. La part de ceux qui déclarent avoir déjà connu une ivresse progresse nettement, passant de 17% en 4e à 69% des élèves de terminale. De même, l usage régulier d alcool 60

61 (au moins 10 fois lors du dernier mois précédant l enquête) passe de 3% en 4e à 27% en terminale. Parallèlement, les types de boissons alcoolisées bues par les adolescents évoluent également avec l intensification des usages. Si le cidre et le champagne sont les boissons les plus communément bues au début de l adolescence, les bières et les alcools forts deviennent rapidement les boissons alcoolisées préférées des lycéens. 4 Il est très difficile de mesurer précisément les impacts en termes de morbidité et de mortalité attribuables de ces consommations chez les moins de 25 ans, comme de celles de l ensemble des psychotropes d ailleurs. Et ce qu il s agisse de complications immédiates ou à long terme. Néanmoins, l équipe Inserm de Mickael Naassila à Amiens a démontré que les ivresses aiguës pendant l adolescence étaient un facteur de risque important d alcoolodépendance à l âge adulte(5) Concernant le recours aux services d accueil des urgences pour ivresses en 2011, le nombre de passages aux urgences pour IEA était de , tous âges confondus, représentant 1% de l ensemble des passages aux urgences. Les ans (N= ; 17%) et les ans (N= ; 25%) étaient particulièrement concernés. Les variations saisonnières (annuelles, mensuelles, hebdomadaires) faisaient apparaître : - sur l ensemble des passages aux urgences pour IEA, deux pics dans l année (le 1er janvier et le 22 juin), une augmentation en début de mois, notamment chez les ans, et une augmentation les week-ends ; - chez les ans, deux pics dans l année, en juin et en octobre, un niveau de recours constant au cours du mois et une augmentation très marquée les week-ends. Enfin, concernant l accidentologie, les adolescents de 15 à 17 ans constituent 3,5 % des tués et 6,5 % des blessés de la route. A l adolescence, la conduite d un cyclomoteur ou scooter 50 cm3 est le principal risque puisque cela occasionne 43 % des tués et 55,5 % des blessés dans cette tranche d'âge. Le pic des accidents de cyclo a lieu vers 16/17 ans, âge où la pratique est la plus importante. Autre risque qui augmente entre 15 et 17 ans, le risque "passager de voiture" (27 % des tués et 17 % des blessés dans la tranche d'âge). C est dans la voiture de jeunes plus âgés qu une partie de ces adolescents sont accidentés. Près d'une personne tuée sur trois dans cette classe d âge a été victimes d un accident avec alcool (en 2010). Bibliographies 1-Brain Development during childhood and Adolescence : A longitudinal MRI Study. Giedd JN et al. Nature Neuroscience, Adolescent Brain Maturation, the endogenous cannabinoid system and the neurobiology of cannabis-induced schizophrenia. Bossong MG, Niesink RJM. Progress in Neurobiology, 2010 ; 92 : ). 3-Normal development of brain circuits. Tau GZ, Peterson BS. Neuropsychopharmacology, 2010 ; 35 :

62 4- Meier MH et al. Persistent cannabis users show neuropsychological decline from chilhood to midlife. PNAS, La consommation d alcool parmi les collégiens en 2010 et les lycéens en 2011, en France Stanislas Spilka (stanislas.spilka@ofdt.fr)1,2, Olivier Le Nézet1, Emmanuelle Godeau3,4, François Beck5,6 1/ Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), Saint-Denis, France 2/ Inserm, U669, Paris, France 3/ Rectorat de Toulouse, Service médical, France 4/ UMR 1027, Inserm - Université Paul Sabatier, Toulouse, France 5/ Institut national de prévention et d éducation pour la Santé (Inpes), Saint-Denis, France 6/ Cesames, Centre de recherche Psychotropes, Santé mentale, Société (Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, CNRS UMR 8136 Inserm U611, EHESS), Paris, France 62

63 LES FEMMES Existe-t-il des spécificités féminines en matière d addictions? À contrepied de nombreuses idées reçues, en particulier du mythe de l androgyne, notre expérience clinique au Centre Horizons (seul CSAPA à recevoir plus de femmes que d hommes : sex ratio à 75%) ainsi que l examen de la littérature ne laisse aucun doute sur le fait qu il existe une différence entre les hommes et les femmes en termes de consommations de substances psychoactives, de parcours, de facteurs de risques et de conséquences de l usage. La physiologie, la surdétermination de certaines formes de souffrance psychiatrique et/ou certaines conditions de vie rendent les femmes plus vulnérables à l usage ou l usage problématique de drogues, d alcool, de psychotropes. - Cette vulnérabilité accrue (impact somatique plus important et plus rapide, retentissement psychopathologique plus grave et plus fréquent, effets de désocialisation plus rapide et plus profond) doit être reconnue et intégrée dans la formation, dans l'organisation de la prise en charge. - La double dépendance dont souffrent souvent les femmes en situation d addiction (relation d emprise et dépendance au produit) devrait conduire à l intégration dans les pratiques cliniques des questions relatives aux violences conjugales. - La très grande fréquence des antécédents de maltraitance, d abus sexuels (entre 40% et 65% selon les études) est très mal prise en compte dans les processus d accueil et de soins. - Leur parcours d usage se caractérise par un lien plus marqué entre vie affective et usage. (le mode d entrée, la trajectoire dans l addiction sont très souvent liés au compagnon). La question de l abord des couples demeure très mal connue des équipes. - L'accessibilité des services pour les femmes est moins bonne (sauf peut-être pour les urgences). - En ce qui concerne l'hébergement social pour les femmes prises en charge, le nombre de places spécifiques qui leur est réservé est très modeste par rapport à ce qui est accessible aux hommes. - Il y a nécessité de former les personnels des CSAPA, des CARRUD à la spécificité des femmes car ils ont une culture «unisexe»héritée de l histoire du dispositif de soins aux toxicomanes; la circulaire de mission de 2008 ne parle d'ailleurs pas des femmes PARTICULARITE DES DOMMAGES LIES AUX COMPORTEMENTS ADDICTIFS CHEZ LES FEMMES Des niveaux de consommation moins élevés mais un éloignement du dispositif spécialisé En population générale, les données du dernier Baromètre Santé 2010 de l INPES mettent une nouvelle fois en évidence que pour l ensemble des produits psychoactifs, les hommes sont plus consommateurs que les femmes. Les femmes sont de fait confrontées aux dommages sanitaires liés à la consommation de substances psychoactives, en proportion moindre que les hommes, du fait de leurs niveaux de consommation moins élevés. Toutefois, du point de vue des dommages sociaux, les femmes sont plus sujettes que les hommes à la stigmatisation sociale, dans la mesure où la consommation de produits psychoactifs (et tout particulièrement pour l alcool) renvoient à des valeurs masculines plus 63

64 qu à des valeurs féminines. La consommation de produits psychoactifs chez les femmes est donc plus souvent l objet de sanctions morales que chez les hommes. Certains phénomènes liés à la consommation de substances psychoactives concernent plus particulièrement les femmes, à savoir la soumission chimique qui est définie comme l'administration à des fins criminelles ou délictuelles d'une substance psychoactive à l'insu de la victime.la soumission chimique concerne majoritairement les femmes (dans les trois quart des cas recensés par l ANSM) et donne lieu à des agressions sexuelles, suivies de traumatismes psychologiques pour les femmes qui ont sont victimes (Affsaps 2009). La population fréquentant les dispositifs spécialisés en addiction est essentiellement masculine, la proportion de femmes atteint 30% en moyenne au niveau européen (Gyarmathy et al. 2009), et plutôt 20 à 25% en France. La peur de se voir retirer la garde de leurs enfants peut constituer un frein pour les femmes dans l entrée du système de soins pour soigner leurs addictions. Une tendance émergente : augmentations récentes du tabagisme et du cancer du poumon chez les femmes Un fait majeur se dégage ces dernières années concernant le rapport au tabac chez les femmes et la mortalité par cancer du poumon qui constitue un indicateur spécifique des dommages sanitaires du tabac. La mortalité par cancer du poumon a été multipliée par quatre chez les femmes sur ces quinze dernières années alors qu elle a été divisée par deux sur les dix dernières années chez les hommes. Cette tendance devrait se poursuivre au fur et à mesure que vont vieillir les générations qui ont beaucoup fumé (Hill et al. 2010). En effet, les dernières données du Baromètre Santé confirment cette tendance à l augmentation de la consommation de tabac chez les femmes (de 23% en 2005 à 25,7% en 2010), en particulier pour la tranche d âge des ans, en lien avec le mouvement de l émancipation féminine qui a caractérisé cette génération. Une exposition persistante aux maladies infectieuses dans les sphères de l usage de drogues et de la sexualité, combinée à une prévalence plus élevée des violences et traumatismes psychiques chez les femmes Un autre fait majeur bien décrit dans la littérature internationale concerne l exposition spécifique des femmes usagères de drogues aux maladies infectieuses et en particulier au VIH et aux hépatites B et C, tant dans les sphères de l usage de drogues que de la sexualité. Au milieu des années 2000, l enquête Coquelicot de l InVS a mis en évidence qu elles avaient plus souvent un partenaire sexuel usager de drogues et qu elles étaient 10 fois plus nombreuses que les hommes à se livrer à la prostitution. Dans cette même enquête, les niveaux de partage du matériel d injection étaient plus élevés chez les femmes que chez les hommes (deux fois plus pour le partage de seringue jusqu à six fois plus pour le partage de filtre), symbolisant la dépendance des femmes face aux hommes pour se procurer le produit et le matériel d injection (Jauffret-Roustide et al. 2008). Dix ans auparavant, une enquête française avait également montré la vulnérabilité spécifique des femmes usagères de drogues vis-à-vis de la transmission du VIH et des hépatites (Vidal- Trecan et al. 1998). Cette vulnérabilité des femmes est généralement expliquée par les rapports de domination de genre et en particulier les violences subies au sein du couple et la prostitution (Marshall et al. 2008). Ce contexte de vie marqué par la précarité sociale, les violences physiques et 64

65 sexuelles ont également pour conséquence des prévalences plus élevées des troubles de santé mentale chez les femmes usagères de drogues (Epele et al. 2002). Bibliographie Afssaps. Résultats de l enquête nationale sur la soumission chimique, 2011 Baromètre Santé Editions INPES Epele ME. Gender, violence and HIV : women s survival in the streets. Culture, Medicine & Psychiatry ; 26 : Gyarmathy VA, Giraudon I, Hedrich D, Montanari L, Guarita B et al. Drug use and pregancy challenges for public-health. Eurosurveillance ; 13 : Hill C, Jougla E, Beck F. Le point sur l épidémie de cancer du poumon dû au tabagisme.bulletin Epidémiologique Hebdomadaire ; : Inserm. Réduction des risques chez les usagers de drogues Paris, National Institute for Health and Medical Research. Jauffret-Roustide M, Oudaya L, Rondy M, Kudawu Y, Le Strat Y, Couturier E et al. Trajectoires de vie et prises de risque chez les femmes usagères de drogues. Medecine Science ; 24 : Marshall BDL, Fairbairn N, Li K, Wood E, Kerr T. Physical violence among a prospective cohort of injection drug users : A gender-focused approach. Drug and Alcohol Dependence ; 97 :237 Simmat-Durand L. Femmes et addictions dans la littérature internationale : sexe, genre et risques. Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire ; : Vidal-Trecan G, Coste J, Coeuret M, Delamare N, Varescon-Pousson I et al. Les comportements à risque des usagers de drogues par vois intraveineuse : les femmes prennent-elles plus de risques de transmission des virus VIH et VHC. Revue d épidémiologie et de santé publique.1998 ; 46 :

66 1-La période de grossesse DOMMAGES CHEZ LES FEMMES ENCEINTES Les femmes sont de plus en plus consommatrices de substances psychoactives, y compris lorsqu elles sont en âge de procréer. La consommation de substances psychoactives pendant la grossesse est liée à une morbidité et à une mortalité périnatales supérieures à la population générale. 2-Le tabac et la grossesse La consommation de tabac est en augmentation chez les femmes (OFDT 2010), 37% femmes sont fumeuses avant grossesse (HAS 2004). Le tabac diminue la fertilité chez les hommes et retarde la conception chez les femmes. La grossesse est l occasion d arrêter pour deux tiers d entre elles et surtout au début de la grossesse. Un tiers continue à fumer souvent les plus dépendantes (HAS 2004). Avec le tabac la grossesse peut mal commencer (fausses couches, grossesses extra utérines) ou mal terminer (rupture prématurée des membranes, prématurité, placenta mal implanté). Il y a alors un risque de retard de croissance et de surmortalité au 3 ème trimestre attribués au tabagisme pour 11%. Le tabac est aussi incriminé dans les causes de mort subite du nourrisson, et la fréquence des cancers de l enfant serait accrue de 10% en cas de tabagisme maternel. 3-L alcool pendant la grossesse La consommation quotidienne de boissons alcoolisées concerne 6% des femmes, 35% de façon hebdomadaire. Chez les femmes la prévalence du «binge drinking» est maximale chez les ans (40 %). La hausse des usages à risque ponctuel et chronique est plus marquée en 2010 chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans (41 % en 2010 vs 29 % en 2005). 11% des femmes enceintes déclarent avoir bu de l alcool au cours de la semaine précédente (Guillemont INPES 2006). Les femmes enceintes en difficulté avec l alcool, sont pour la plupart des polyconsommatrices. Cette consommation reste à la fois banalisée et culpabilisée. L alcool reste la substance la plus dangereuse et la plus tératogène pour le fœtus pendant la grossesse. Le risque est le SAF (Syndrome d alcoolisation fœtale) qui peut être à l origine d un retard mental avec troubles du comportement, d une dysmorphie faciale, d un retard de croissance et de malformation d organes. Il n existe pas à ce jour de dose seuil sans risque pour le bébé. L effet individuel n est pas prévisible mais les ivresses auraient des conséquences plus graves 4-Le cannabis et la grossesse 5% des femmes ont consommé du cannabis l année écoulée, 9 % des filles de ans sont des usagers récents (au cours du dernier mois). Il n y a pas de données précises sur la consommation de cannabis pendant la grossesse (1 à 3 %) qui reste très banalisée. Le cannabis augmente le risque de fausses couches spontanées, de retard de croissance et de prématurité. Les enfants présenteraient de moins bons score de mémoire à 4 ans et plus d impulsivité et de déficit de l attention à 6 ans avec des troubles du comportement à 10 ans. 5- la cocaïne L usage de cocaïne au cours de l année concerne surtout les ans (1,3 % chez les femmes), 4 % chez les femmes au moins une fois dans leur vie surtout chez les ans. 66

67 Même si le style de vie de ces femmes va fortement influencer le déroulé de la grossesse, la cocaïne peut être à l origine de complications obstétricales (fausses couches, hématome rétro-placentaire, prématurité et mortalité maternelle) 6-Les opiacés La consommation devient marginale pendant la grossesse mais peut être à l origine d une souffrance fœtale chronique avec avortements spontanés, prématurité et syndrome de sevrage à la naissance. Les traitements de substitution ont nettement diminué la morbidité maternelle et fœtale et amélioré le suivi. Bibliographie 1- ANAES (HAS), APPRI. Conférence de consensus : Grossesse et tabac. - Paris, ANAES, 2004, 11p. 2- Beck F., Tovar M.-L., Spilka S., Guignard R., Richard J.-B. Les niveaux d usage des drogues en France en 2010, exploitation des données du Baromètre santé Seror E, Chapelon E, Bué M, Garnier-Lengliné H, Lebeaux-Legras C, Loudenot A, Lejeune C. Alcool et grossesse. Archives de Pédiatrie, Vol 16, Issue 10, Oct 2009, P Lejeune C, Simonpoli A-M, Gressens P. Conséquences obstétricales et pédiatriques de la consommation de cocaïne pendant la grossesse Original Research Article. Archives de Pédiatrie, Volume 16, Supplement 1, September 2009, Pages S56-S63 5- Lejeune C. Conséquences périnatales des addictions. Archives de Pédiatrie, Vol 14, Issue 6, June 2007, P Lejeune C. Abus, dépendances et polyconsommations : stratégies de soins. Spécificités de prise en charge de certaines populations : Femmes enceintes et périnatalité. Audition publique de la Haute Autorité de Santé, Paris 1 et 2 février Alcoologie et Addictologie 2007; 29 :

68 LA PRECARITE On rappellera que pour une part ce travail a déjà été mené en 2011 dans le cadre de l'expertise collective INSERM (15) qui a réuni des experts reconnus dans le champ de la RdR et a fondé ses points de vue et recommandations sur la littérature internationale. Il s'agissait de documenter l impact des programmes disponibles en France sur des indicateurs de risques et de dommages liés aux usages de drogues et d évaluer si d autres stratégies thérapeutiques et politiques sanitaires en matière de réduction des risques mises en place à l étranger ou à l étude peuvent être envisagées. La présente note s'y réfèrera donc régulièrement. Etats des lieux La politique de réduction des risques chez les usagers de drogues correspond à la mise en place d'un accès élargi - au matériel d injection, - aux traitements de substitution aux opiacés, - au dépistage du VIH et aux traitements antirétroviraux Elle a donné les résultats positifs flagrants : - réduction de l incidence du VIH, la baisse des décès liés aux usages de drogues - amélioration de l accès aux soins pour les usagers de drogues. Mais ses limites en l'état de son actuel de son développement sont atteinte par rapport à - l infection par le VHC, - l émergence de nouvelles populations non couvertes par les dispositifs existants - le développement de nouvelles pratiques à risque - le recours à l injection par certains groupes d usagers, - la remontée récente du nombre de décès liés aux usages de drogues, Les risques et les dommages liés aux usages de drogues, notamment le risque de transmission du VIH, du VHC et VHB et d autres maladies infectieuses, sont déterminés par plusieurs facteurs : - des facteurs épidémiologiques (charge virale VIH, VHB ou VHC, modalités de partage de matériel, susceptibilité individuelle) ; - des facteurs psychosociaux (connaissances et attitudes par rapport à la prise de risques, craving, intoxication), consommation d alcool, troubles psychiatriques ; - des facteurs environnementaux (usage «pressé» dans des lieux publics surtout dans le cas de pression policière, absence d accès au matériel stérile, prisons). Les prises de risque en particulier sexuelles, contribuent de façon significative à la transmission du VIH, VHC et VHB. Elles sont significativement majorées chez les personnes pratiquant : - L injection d opioïdes (héroïne, morphine, buprénorphine) - L injection de cocaïne(injections fréquentes) - D autres pratiques à risque comme le sniffing, le tatouage et le piercing - Des surconsommations de stimulants et d alcool 68

69 La politique de réduction des risques ne peut être considérée comme la seule mise à disposition d outils, elle doit s intégrer dans une stratégie plus globale de réduction des inégalités sociales de santé. 1-On peut décrire des profils spécifiques de groupes d usagers précarisés - jeunes typés «travellers» : Ces jeunes se reconnaissant sous une identité teufferstravellers présentent des usages de substances avec prises de risque maximum. Leur situation de précarité est au premier abord revendiquée comme une marginalité choisie, et s affiche dans l espace urbain. - usagers en errance concentrés sur certains territoires urbains (28). Les usagers de drogues en errance, tels ceux concentrés sur le «nord-est francilien» révèlent par leur bruyante visibilité leurs conditions de vie très précaire (rue, squat, délinquance, prostitution) et leur aliénation à des «consommations de précarité» à base de crack, de médicaments de substitution détournés, des benzodiazépines, d alcool (bières fortement titrées), et de cannabis - usagers migrants sans autorisation de séjour, De plus en plus nombreux, les usagers de drogues étrangers sans titre de séjour (Pays de l Est, Chine, Moyen Orient, Maghreb) se trouvant dans des situations de vulnérabilité et de prise de risque aggravés (25). - femmes toxicomanes et prostituées Les femmes, sous-réprésentées dans le monde des précaires, portent des fragilités particulières. - grands exclus vivant dans la rue, ou dans des hébergements de fortune ou transitoires, plus visiblement marquées par les consommations d'alcool, et par la forte incidence de troubles psychiatriques Les préconisations / personnes en précarité et vivant avec une addiction pourront être de deux ordres la création de services spécifiques l'adaptation de la plupart des pratiques sanitaires, sociales et médico-sociales afin de les rendre efficientes et accessibles aux usagers en précarité 2-Usages de substances psycho-actives et précarité - Errance Les usages de substances psychoactives apparaissent comme causes et conséquences de l'errance : facteur de vulnérabilité (précipiter et se maintenir dans la précarité) et / ou facteur d adaptation (supporter la précarité) (2) "peu de toxicomanes très impliqués dans les systèmes de vie liés aux drogues échappent aux périodes de désinscription socio-administrative : exclusion de la famille, de l emploi, du logement, perte des objets personnels et des documents socio-administratifs, problèmes de courrier, situations d errance" (6). Une fois installés, consommations abusives et précarité s'influencent et se renforcent dans une spirale dont il est difficile de s'écarter. Interactions réciproques entre situation de précarité et problèmes de santé. Les personnes en précarités ont des difficultés d accès aux soins (6) proportionnelles à l'indice de précarité: 69

70 - difficultés économiques, - difficultés d'acceptation dans les dispositifs de soins - place secondaire donnée à la santé quand la lutte pour survivre est la première préoccupation Les indicateurs de morbidité et de mortalité sont péjorés chez les personnes en précarité : maladies infectieuses, troubles mentaux, intoxications altérations de l'état général liées aux conditions de vie : survenue de complications au plan de la santé proportionnel à l indice de précarité (27). Il existe des pathologies spécifiques à la grande précarité (Altération Etat Général, problèmes dermatologiques, bucco-dentaires...) Au plan subjectif chez les plus exclus : sentiment de ne pas être légitimés, méconnaissance de leur droits (fantasme de perte de tout droit), fatalité de la galère au quotidien, déficit de considération pour leur corps et de leur vie, difficulté à se conformer à l exigence des démarches que suppose tout engagement dans le soin Même constat entre santé mentale et situation de précarité Les troubles mentaux altèrent le fonctionnement social, La symptomatologie psychiatrique tend à être moins lisible chez les personnes en précarité Il existe des pathologies psychiques propres à l'exclusion (6) : perte de l estime de soi, honte, découragement, inhibition, perte progressive d identité à quoi s ajoutent l obscurcissement de la prise de conscience de la situation du fait de l état d appétence aux drogues et à l assouvissement qu elles procurent (7). Rapports entre Santé mentale et usage de substances psycho-actives - Comorbidités psychiatriques sont fréquentes chez les usagers de substances psychoactives (10) : troubles de personnalité, dépression et état d angoisse, troubles psychotiques. - existence de troubles psychiatriques liés aux substances. - au maximum troubles de la «désaffiliation»* spécifiques de la grande précarité sont moins décrits chez les usagers de drogues en errance, bien connus chez les SDF, souvent usagers d'alcool (sentiments d inutilité et de dévalorisation, avec leurs corollaires de souffrance psychique et de renoncement qui accompagnent l exclusion) * Personnes en situation de désaffiliation : Personnes n ayant plus d obligation envers quiconque et dont personne ne se sent responsable Spirale des risques entre usages de drogues - répression - précarité Usages de drogue et délinquance fonctionnent comme des facteurs de risque mutuels. La prohibition introduit les usagers de produits illicites dans un rapport à la déviance et à la criminalité. Elle participe de la précarisation des usagers, et réciproquement la précarisation des conditions de vie, la répression et les incarcérations réitérées amplifient les consommations dans le sens des poly-consommations, et les risques dans tous leurs registres : sanitaires (pour soi-même et les autres), judiciaires (arrestations et incarcérations, mais aussi dérive criminelle des pratiques), sociaux (perte des droits, érosion des soutiens) (3). En prison : - les raisons de consommer sont multiples (gérer une dépendance préexistante, supporter l épreuve de la détention, ou y introduire une dose de plaisir). - chaque sortie de prison dans une situation de non ressource ramène inévitablement aux consommations de rue, aux activités délictueuses, à la prostitution et à nouveau à la prison (3). 70

71 Bibliographie 1. Aquatias S. : Cannabis : du produit aux usages. Fumeurs de haschich dans les cités de la banlieue parisienne, Sociétés contemporaines, 1999, (36, «Les pratiques sociales des drogues»), Avril E. Spécificités de prise en charge de certaines populations, les population précaires in Abus, dépendances et polyconsommations : stratégies de soins, revue d'alcoologie et addictologie, dec tome 29, n 4 3. Gentelini M,. Problèmes sanitaires en prison, Paris, Flammarion, Girard V, Estacahandy Pascale, Chauvin Pierre, La santé des personnes sans chez soi, Greacen T., Jouet E., "Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie" - ERS Joubert M., Chauvin P., Facy F., Ringa V., Précarisation, risque et santé, Paris, INSERM, 2001, (Questions en Santé Publique), Kovess - Masfety V. : Précarité et santé mentale. Rueil Malmaison, Doin, Lopez D., Consommations de drogues illicites et exclusion sociale : état des connaissances en France, OFDT, Paris, Tendances n 24, octobre Morel A., Chappart P., Couteron JP.L'aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie, Collection: Aide-Mémoire, Dunod OFDT, Drogues et dépendances, données essentielles, La découverte, Charte pour une nouvelle politique des addictions Conférence de consensus "Sortir de la rue" rapport du jury d'audition (2007) 13. Engagement des jeunes dans les trafic : Quelle prévention? Actes de la Journée d échange et de réflexion du 22 octobre 2012 organisée par la Mairie de Paris, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis et le Forum français pour la sécurité urbaine 14. L'errance des jeunes dans les villes européennes, usagers de drogues, d'alcool et autres substances psycho-actives : de l'expérience à l'expertise. DVD Fédération Addiction Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues, Edition Inserm, octobre 2010, collection expertise collective 16. Samenta, rapport sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d'ile de France, INSERM, observatoire du samu social de Paris,

72 LE MILIEU CARCERAL La détention est un lieu à haut risque sur le plan des dommages, en particulier infectieux, liés aux conduites addictives. Il s y concentre en effet une population particulièrement concernée par les pratiques addictives et les troubles psychiatriques, précaire, présentant des prévalences élevées du VIH (2%) et des hépatites virales (4.8% contre 0.84% en population générale pour le VHC) dans un contexte violent, de promiscuité et de surpopulation où les pratiques à risques (en particulier l injection intraveineuse) sont encore plus clandestines qu au dehors. L éventail des mesures de réduction des risquesest par ailleurs réduit comparativement à celui disponible au dehors (une partie seulement des outils du référentiel de la réduction des risques de 2005 est prévue réglementairement en détention) et les quelques outils autorisés sont inégalement disponibles et souvent peu accessibles (eau de javel et prophylaxie post-exposition en particulier)(1). Liens entre consommations et infractions En 2011, les infractions à la législation des stupéfiants (ILS) représentaient 8% de l ensemble des condamnations et 12,3% des condamnations à une peine de prison ferme. Les conduites en état d alcoolisations représentaient elles 19,5% de l ensemble des condamnations et 7,6% des condamnations à une peine de prison ferme. Soit environ 30% des condamnations et 20% des peines de prison. Il faudrait rajouter toutes les condaomations liées aux violences, agressions sexuelles et criminelles liées à l alcool. Le taux de récidive pour ILS est de 9% et de 15,5% pour la conduite en état d alcoolisation. Consommations chez les détenus Les données épidémiologiques les plus récentes concernant l usage de substances psychoactives à l entrée en détention remontent à 2003 (2) : 33% des entrants présentaient une utilisation prolongée et régulière de drogues illicites au cours des 12 derniers mois (dont 6,5% des opiacés illicites, 7,7% de la cocaïne ou du crack, 5,4% des médicaments détournés de leur usage ; 7,5% bénéficiaient par ailleurs d un traitement de substitution aux opiacés à leur entrée en détention), 2,6% des pratiques d injection au cours des 12 derniers mois et 31% une consommation excessive d alcool. Dans un échantillon de 799 détenus tirés au sort par leur numéro d écrou, Falissard et al. (3)trouvaient une prévalence de la dépendance à l alcool de 11,7% et aux drogues de 14,6% (12 derniers mois). Consommations en prison Les données de l enquête Coquelicot (12% des usagers de drogues incarcérés se seraient injectés en détention, 1/3 partageant leur matériel d injection)(4), de l étude PREVACAR (1/5 des équipes sanitaire en détention auraient eu connaissance de seringues trouvées en détention) et de l inventaire ANRS-PRI 2 DE des mesures de RdR (soins prodigués pour des abcès potentiellement liés à des pratiques d injection dans 33% des établissements), confortent l existence de pratiques à risques en détention.la consommation d alcool reste par contre très limitée (fabrication artisanale en détention ou passage aux parloirs), ne permettant pas l entretien d une dépendance : les manifestations de sevrages, parfois importantes, dans les jours suivant l incarcération sont donc fréquentes et justifient une attention particulière. Dans une enquête récente effectuée au Centre Pénitentiaire de Liancourt, sur les 381 détenus ayant répondu à un questionnaire parmi les 700 présents au moment de l étude, 166 déclaraient un usage de drogues en détention, majoritairement du cannabis mais aussi de l héroïne (31 détenus), de la cocaïne (27 détenus) ou des opioïdes hors 72

73 protocole (26 détenus) soit plus du tiers des personnes incarcérées. Par ailleurs, 41 détenus déclaraient avoir initié la consommation d une nouvelle drogue en prison (qu ils aient consommé ou non auparavant des drogues) dont 6 de l héroïne, 4 du crack, 3 de la cocaïne, 5 d autres des stimulants et 9 des traitements opioïdes (probablement des TSO détournés de leur usage). Enfin, 24 sujets déclaraient des pratiques de sniff et 4 des pratiques d injection en détention (5). La littérature internationale signale des situations parfois bien plus alarmantes, en particulier dans les Etats à forte prévalence d usage de drogue intraveineux incarcérant massivement les usagers de drogues sans recours thérapeutique en détention. Les cas incidents d infection par le VIH et le VHC sont repérés lorsqu ils sont recherchés (6, 7). La France manque de données récentes sur l usage de drogues en détention (en particulier sur l inhalation et l injection), l incidence des affections virales et globalement sur les pratiques à risques et leurs particularités en détention, l initiation à l usage de substances psychoactives(notamment la buprénorphine hors protocole) ou aux pratiques d injection. Ces questions sont d une importance particulière car la population carcérale, et en particulier celle usagère de drogues, reste peu de temps en détention avant de retourner dans la communauté, souvent sur le modèle de la porte tournante, s exposant ainsi autant qu elle n expose les autres usagers ou le reste de la communauté sur le plan infectieux. Enfin, les dommages associés à l usage de drogues et d alcools intègrent plus globalement dans un ensemble de caractéristiques sur le plan social et sanitaire propres à la population pénale : surreprésentation d affections psychiatriques, d affections associées à la précarité sociale (tuberculose, affections dermatologiques, etc), présence quasi-constante d éléments biographiques traumatiques. Ces éléments suggèrent que la population carcérale a des particularités justifiant une approche globale sur le plan de la santé publique. De même, si la population féminine ne représente que 3,3% de la population pénale totale, elle présente des particularités peu explorées mais peut être plus encore que chez les hommes, une sur-représentation de conduites addictives et de troubles psychiatriques(8). Bibliographie 1. Michel L, Jauffret-Roustide M, Blanche J, Maguet O, Calderon C, Cohen J, et al. Limited access to HIV prevention in French prisons (ANRS PRI2DE): implications for public health and drug policy. BMC Public Health. 2011;11:400. Epub 2011/05/ Mouquet MC. La santé des personnes entrées en prison en Drees, 2005 March, Report N o Falissard B, Loze JY, Gasquet I, Duburc A, de Beaurepaire C, Fagnani F, et al. Prevalence of mental disorders in French prisons for men. BMC Psychiatry. 2006;6: Jauffret-Roustide M, Emmanuelli J, Quaglia M, Barin F, Arduin P, Laporte A, et al. Impact of a harm-reduction policy on HIV and hepatitis C virus transmission among drug users: recent French data--the ANRS-Coquelicot Study. Subst Use Misuse. 2006;41(10-12): Sannier O, Verfaillie F, Lavielle D. [Risk reduction and drug use in detention: study about the detainees of Liancourt Penitentiary]. Presse Med. 2012;41(7-8):e Epub 2012/03/06. Reduction des risques et usages de drogues en detention: une strategie sanitaire deficitaire et inefficiente. 6. Jurgens R, Ball A, Verster A. Interventions to reduce HIV transmission related to injecting drug use in prison. Lancet Infect Dis. 2009;9(1): Epub 2008/12/ Jurgens R, Nowak M, Day M. HIV and incarceration: prisons and detention. Journal of the International AIDS Society. 2011;14:26. Epub 2011/05/21. 73

74 8. Sahajian F, Lamothe P, Fabry J, Vanhems P. Consumption of psychoactive substances among 535 women entering a Lyon prison (France) LE between MILIEU June FESTIF 2004 and December Rev Epidemiol Sante Publique. 2012;60(5): Epub 2012/09/18. Des contextes spécifiques Aujourd hui, les contextes et modalités de fête sont multiples : fêtes publiques, privées, visibles ou invisibles, alternatives ou commerciales, La notion de «contexte festif» englobe à la fois la fête du samedi soir, aussi bien que la fête familiale, les regroupements et soirées alternatives (free parties, «raves» ), les festivals...etc. Ces différents contextes festifs s organisent en «sous-cultures» avec leurs codes, leurs valeurs et leurs pratiques. La fête assure toujours ses fonctions (construction de l identité, «faire sa jeunesse», lien social, sexualité, régulation des tensions sociales, des angoisses, socialisation ). Elle constitue un contexte d inversion et de transgression, avec la recherche de l intensité et du plaisir, une rupture avec l ordre du quotidien. Les fonctions sociales de la fête favorisent ainsi les usages de substances psycho-actives licites et illicites. Il existe une pluralité de personnalités et de conduites individuelles, donc une pluralité d usages et de rapports aux risques. La fête implique en particulier les jeunes ans, filles et garçons, mais au-delà les différents âges de la vie. Selon les contextes festifs, les publics sont plus ou moins jeunes, parfois mineurs, certains participent directement à la fête ou à l évènement, d autres y participent en se situant à sa périphérie (parkings, zone off, camping ), avec des usages de substances psycho-actives et des risques spécifiques. Des pratiques et dommages spécifiques Il convient de prendre en compte une typologie de risques, interactifs, qui ne sont pas uniquement liés aux produits. La fête peut induire des pratiques : usages de substances licites et illicites, rapports sexuels plus ou moins consentis, protégés ou non, écoutes du son à proximité des enceintes, volumes élevés, danse, vente de produits illicites, piercing, tatouages, cracheur du feu, etc... Ces pratiques favorisent des risques : Overdose, coma éthylique, Bad Trip, risques infectieux, dépendance, MST, IST, contamination par voie sexuelle... Non-alimentation, déshydratation, troubles du sommeil, coups, chutes, dommages auditifs... Fragilisation, perturbation de l équilibre mental, violences, sortie du cadre de la loi, accidents de la route, brûlures, inflammation... Qui peuvent avoir pour conséquences des dommages sociaux, psychologiques et physiques. Si les comportements des filles peuvent tendre vers ceux des garçons, certaines conduites à risques des filles (risques sexuels, agressions ) supposent une prise en compte spécifique. 74

75 PATIENTS SOUFFRANTS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES Epidémiologie et conséquences des conduites addictives chez les patients souffrant de troubles psychiatriques 1-Fréquence plus élevée qu en population générale Dans les études épidémiologiques, notamment les études ECA (Regier et al. 1990) et NESARC (Hasin et al. 2004; Conway et al. 2006), les conduites addictives sont nettement plus fréquentes chez les patients souffrant de troubles psychiatriques qu en population générale. Pour le tabac, dans la National Comorbidity Survey, la prévalence vie entière de la consommation quotidienne était de 68% chez les patients psychotiques, 83% chez les patients bipolaires, 59% chez les patients dépressifs et 68% chez les patients anxieux contre 39% chez les sujets sans troubles mentaux (Lasser et al. 2000). L étude NCS a aussi mis en évidence que 79% des patients souffrant de troubles mentaux présentaient également un mésusage de substances psychoactives au cours de la vie (Kessler et al. 1994). Abus/dépendance alcool vie entière (OR) Abus/dépendance drogues vie entière (OR) Troubles schizophréniques 33,7% (3,3) 27,5% (6,2) Troubles bipolaires I 46,2% (5,6) 40,7% (11,1) Troubles bipolaires II 21,0% (4,1) 39,2% (4,2) Troubles dépressifs 21,8% (1,9) 19,4% (4,7) Troubles anxieux 17,9% (1,5) 11,9% (2,5) Tableau : ECA study : fréquence des addictions dans les troubles psychiatriques 2-Influence défavorable sur l évolution des troubles psychiatriques Les conduites addictives aggravent la symptomatologie et l évolution des troubles psychiatriques. Les patients à double diagnostic présentent notamment plus de conduites suicidaires, plus de comportements violents et sont hospitalisés plus fréquemment que les patients sans addiction (Addy 2012). En outre, les conduites addictives dans cette population sont plus sévères que chez les sujets sans comorbidités psychiatriques, avec notamment des consommations compulsives et incontrôlées (Najt et al. 2011). 3-Mortalité plus précoce et plus fréquente La mortalité, plus précoce (d environ 10 ans en moyenne) chez les patients psychiatriques qu en population générale, est pour une bonne partie liée aux conduites addictives, en particulier à la consommation de tabac (notamment par augmentation du risque cardiovasculaire) et d alcool (Goff 2005), ainsi qu à la mortalité suicidaire. 75

76 4-Morbidité plus fréquente qu en population générale Les patients psychiatriques ont une morbidité cardiovasculaire, métabolique, respiratoire et infectieuse, liée aux conduites addictives, plus fréquente qu en population générale. Par exemple, la fréquence des infections HVC est cinq fois plus élevée chez les patients bipolaires avec addictions qu en population générale (Matthews et al. 2008). Bibliographie 1. Regier DA, Farmer ME, Rae DS, Locke BZ, Keith SJ, Judd LL, Goodwin FK. Comorbidity of mental disorders with alcohol and other drug abuse. Results from the Epidemiologic Catchment Area (ECA) Study. JAMA. 1990;264: Hasin DS, Grant BF. The co-occurrence of DSM-IV alcohol abuse in DSM-IV alcohol dependence: results of the National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions on heterogeneity that differ by population subgroup. Arch Gen Psychiatry. 2004;61(9): Conway KP, Compton W, Stinson FS, Grant BF. Lifetime comorbidity of DSM-IV mood and anxiety disorders and specific drug use disorders: results from the National Epidemiologic Survey on Alcohol and Related Conditions. J Clin Psychiatry. 2006;67(2): Lasser K, Boyd JW, Woolhandler S, Himmelstein DU, McCormick D, Bor DH. Smoking and mental illness: A population-based prevalence study. JAMA. 2000;284: Addy PH, Radhakrishnan R, Cortes JA, D Souza DC. Comorbid Alcohol, Cannabis, and Cocaine Use Disorders in Schizophrenia: Epidemiology, Consequences, Mechanisms, and Treatment. Focus 2012;10: Goff DC, Cather C, Evins AE, et al. Medical morbidity and mortality in schizophrenia: guidelines for psychiatrists. J Clin Psychiatry 2005;66: Matthews AM, Huckans MS, Blackwell AD, Hauser P. Hepatitis C testing and infection rates in bipolar patients with and without comorbid substance use disorders. Bipolar Disord. 2008;10:

77 EN ENTREPRISE Dans les milieux professionnels, les comportements addictifs les plus décrits sont les consommations de substances psychoactives (tabac, alcool, drogues illicites et médicaments psychotropes). Comme présentées dans les chapitres précédents de ce rapport, les consommations et polyconsommations de substances psychoactives progressent globalement en population générale. Le monde du travail n échappe pas à ce constat, même si l exercice d une activité professionnelle demeure un facteur de protection en regard de la situation de recherche d emploi, qui se trouve pour sa part associée à des consommations plus fréquentes de substances (1). Le monde du travail est aujourd hui occupé par des adultes et des jeunes adultes qui recourent régulièrement à des substances psychoactives par plaisir, soulagement physique et psychique, stimulation, conduite dopante, ou par dépendance (2) (3). Dans les enquêtes en population générale, certains actifs déclarent consommer, ou avoir augmenté leur consommation, du fait de problèmes liés à leur travail ou à leur situation professionnelle. En l occurrence, c est le tabac qui est très clairement identifié comme une réponse à ces problèmes professionnels, avec plus du tiers des fumeurs qui dit avoir augmenté son tabagisme en lien avec de telles difficultés, tandis que 9 % des consommateurs d alcool et 13 % des consommateurs de cannabis disent avoir augmenté leur consommation à cause de tels problèmes (1). Etat des lieux des consommations en milieu du travail Les substances consommées peuvent être licites ou illicites, utilisés sur prescriptions, en automédication ou par identité et sollicitation culturelles (alcool, tabac, cannabis, cocaïne, etc en fonction des milieux). D après les données du Baromètre Santé de l INPES (enquête représentative de la population générale menée auprès de individus), plusieurs secteurs d activité s avèrent particulièrement liés à des usages de substances psychoactives : il s agit du secteur des transports et du secteur agricole, de la pêche et de la marine, ainsi que des métiers des arts et du spectacle (1). D autres secteurs apparaissent aussi plus consommateurs que les autres : la construction, la restauration ou l information / communication. Pour ce qui est des consommations d alcool, qu il s agisse de l usage quotidien ou des consommations ponctuelles importantes (avoir bu 6 verres ou plus en une même occasion), elles sont particulièrement fréquentes dans les secteurs de l agriculture et de la pêche (16,6 % d usage quotidien contre 7,7 % parmi l ensemble des actifs âgés de 16 à 64 ans) et de la construction (13,4 % d usage quotidien). Ces secteurs sont également particulièrement touchés par les consommations ponctuelles importantes mensuelles (30,7 % dans le secteur de l agriculture et de la pêche et 32,7 % dans le secteur de la construction contre 19,2 % parmi l ensemble des actifs), tout comme les secteurs de l industrie (26,2 %), l hébergement et la restauration (26,9 %). La consommation actuelle de cannabis (au moins une fois au cours de l année) s avère plus fréquente dans la construction (13 % de consommateurs dans l année contre 6,9 % parmi l ensemble des actifs), l hébergement et la restauration (12,9 %), mais de manière encore plus prononcée dans les arts et spectacles (16,6 % de consommateurs dans l année). 77

78 Concernant l expérimentation d autres drogues illicites, le milieu de la construction apparaît plus souvent expérimentateur de cocaïne et de champignons hallucinogènes, tandis que les milieux de la restauration, de l information/communication, et des arts et spectacles sont particulièrement consommateurs de toutes les substances étudiées (cocaïne, ecstasy, poppers, champignons hallucinogènes). En raison des implications potentielles en matière de santé et sécurité au travail, employeurs, salariés et services de santé au travail se trouvent concernés par ces consommations. La présence de professionnels en état d ébriété ou sous l emprise de drogues sur le lieu de travail, l altération de la vigilance et de la perception du risque et/ou une prise de risque accrue peuvent mettre en danger la santé et la sécurité des salariés (INRS, 2008 ; MILDT/DGT, 2010) (4) (5). Elles peuvent aussi avoir des répercussions sur l image de marque et la performance économique des entreprises. Dans une perspective d analyse des dommages professionnels associés aux usages de tabac, d alcool, de drogues illicites et de médicaments psychotropes, le constat est que peu d études portent spécifiquement sur les effets de ces consommations sur le travail et les travailleurs. Elles présentent, de plus, une grande diversité de cadres théoriques et de contextes, qui ne facilitent pas les analyses comparées. Elles permettent toutefois d établir un certain nombre de faits. La part attribuable à l alcool dans les accidents du travail, est étudiée à partir de plusieurs travaux américains rapportés dans la Revue internationale du Travail (6) : «l alcool et les drogues provoquent 20% à 25% des accidents du travail et jusqu à 30% des décès liés au travail.» Au Canada, selon les travaux croisés du CPLT (Comité permanent de lutte à la toxicomanie) et du Centre patronal du travail du Québec, la perte de productivité est présentée comme la conséquence majeure (rendement inférieur de 30% à la moyenne). Nous trouvons ensuite : l absentéisme, les blessures, les conflits relationnels, les problèmes de santé mentale, la baisse de la qualité du travail, les vols, le trafic de drogues, les coûts de sécurité, d assurances et de frais juridiques, un roulement (turn-over) plus élevé du personnel (CPLT, 1999) (7). Sur cette dernière conséquence, quelques études évoquent les coûts d embauche, de formation d un nouvel employé, etc. (8) (9) (10). Le lien entre alcoolisation chronique et absentéisme a été largement décrit et ce dans des contextes variés (11) (12) (13) (14) (15) (16). Aux États-Unis, la toxicomanie représente pour l économie du pays un coût annuel de plus de 250 milliards de dollars, dont environ 500 millions de dollars pour les journées de travail perdues. Selon le Département du Travail des États-Unis, qui estime à 9 millions le nombre de salariés qui consommeraient des drogues illicites dans le pays, le taux d absentéisme est 66 fois plus élevé chez les salariés qui font une consommation abusive de drogues et d alcool; ces derniers remplissent également davantage de feuilles maladie que les abstinents, sont impliqués dans la moitié environ des accidents du travail, et touchent 300 pour cent de prestations maladie de plus que les autres salariés. L Institut national de la santé signale que 44 pour cent d entre eux ont vendu des stupéfiants à d autres employés et que 18 pour cent ont volé leurs collègues pour financer leur consommation (OIT, Magazine Travail, 2006) (17). Au Royaume-Uni, l alcoolisme à lui seul est responsable chaque année de la perte de 11 à 17 millions de jours de travail, ce qui, selon Alcohol Concern, représente un coût annuel de 1,1 milliard de livres sterling. Selon une étude du groupe Portman, 63 pour cent des employés se font porter malades au lendemain d une soirée particulièrement arrosée (OIT, Magazine Travail, 2006) (17). Pour la France, l expertise collective INSERM (2003) (18) indique que «bien que ce soit un problème récurrent en milieu du travail, les études précises et récentes concernant l implication de l alcool dans les accidents du travail font défaut». Même constat avec les drogues illicites et les médicaments psychotropes. 78

79 L évaluation des consommations de substances psychoactives n est pas systématique en santé au travail préventive (19) et dans les analyses d incidents et d accidents du travail. Faute de ces évaluations, il est impossible de décrire la part imputable à ces consommations dans les dommages sanitaires, économiques et sociaux (dommages physiques et psychiques, accidents du travail, maladies professionnelles, absentéisme, turn-over...). Il est important de souligner que pour les mêmes raisons, en absence d évaluation qualitative, il n est pas possible d appréhender la part du travail dans ces consommations. Et pourtant, nombre d entre elles traduisent l effort d un sujet pour faire face à des tensions psychologiques, physiques ou sociales (20) (21) (22) (23) (24) (25) (26) (27) (28). Les déterminants et le niveau de dangerosité des consommations à repérer, par le médecin du travail notamment, ne relèvent pas seulement des caractéristiques du sujet (bilan clinique, dispositions, traits, gènes, histoire, solitude ) ou des produits consommés. Ils nécessitent d'analyser leurs fonctions et leurs facteurs environnementaux professionnels (effets attendus, exigences du travail, habitudes sociales, stress, climat relationnel, reconnaissance, offre et accessibilité des produits). Les usages de SPA et leur dangerosité dépendent en partie de la nature du contenu des transactions opérées entre le sujet et son environnement) (29) (30) (31) (32) (33) (34) (35) (36). La quête de la «performance totale» (25) (37) (38) modèle les organisations du travail contemporaines, depuis les grandes entreprises jusqu aux petites sous-traitantes et aux administrations publiques (démarche qualité totale, évaluation individuelle «à 360» (évaluation croisée des comportements du sujet établie par les supérieurs, les collègues, les subordonnés), zéro accident du travail, intensification des processus et des taches, profitabilité). Les récents travaux sur la souffrance au travail, le stress et les conduites dopantes professionnelles (39) (2) (40) (22) montrent que les substances psychoactives (tabac, alcool, drogues illicites ou médicaments psychotropes) sont aussi utilisées pour leurs fonctions d anesthésiant, de calmant ou de stimulant qui permettent d atteindre les objectifs de résultats et de moyens fixés pour chaque professionnel. Sources de régulation, ces conduites deviennent souvent, à plus ou moins long terme, sources de dommages (2) (3). En relation avec cette dynamique de la performance totale, il est à souligner que «l addiction au travail» (Workaholisme ou ergomania) qui selon Taghavi (INRS, 2012) (41) «correspond à un investissement excessif d'un sujet dans son travail et à une négligence de sa vie extraprofessionnelle» est un autre comportement addictif dont les conséquences, sur les sujets et leur entourage, commencent à être décrites comme une nouvelle préoccupation sanitaire et sociale (42) (41) (43). 79

80 Bibliographie 1. Beck F., Guignard R. Léon C., Ménard C., Richard J.-B., Des substances psychoactives plus consommées dans certains secteurs de travail, La Santé en action, 2013, à paraître. 2. Hautefeuille M, Le dopage des cadres ou le dopage au quotidien, L Information psychiatrique 2008 ; Hautefeuille M., Dopage et vie quotidienne, Petite Bibliothèque Payot, Poche, 240 pages, INRS. Addictions et travail. Dossier web, MILDT-DGT. Repères pour une politique de prévention des risques liés à la consommation de drogues en milieu professionnel, Ramchand R., Pomeroy A., Arkes J., The effects of substance use on workplace injuries. Revue Internationale du travail (OIT, 2009) 7. LES CAHIERS DU CPLT, Comité Permanent de lutte à la toxicomanie. Prévention de la toxicomanie en milieu de travail : agir ensemble, là où ça compte, Gouvernement du Québec, Ministère de la santé et des services sociaux, mars Andlin-Sobocki P., «Economic evidence in addiction: a review». Eur J Health Econom Suppl Zaloshnja E., miller T-R., Hendrie D., Galvin D., Employer costs of alcohol-involved injuries. American Journal of Industrie Medicine 50 : (2007) 10. Baumberg B., The global economic burden of alcohol: a review and some suggestions. Drug and Alcohol Review (November 2006), 25, Roche, A.M., Pidd, K., Berry, J.G., Harrison, J.E. (2008). Workers drinking patterns: the impact on absenteeism in the Australian work-place. Addiction, 103: Norström, T., Moan, I.S. (2009). Per capita alcohol consumption and sickness absence in Norway. European Journal of Public Health, Vol. 19 No. 4, Johansson, E., Böckerman, P., Uutela, A. (2008). Alcohol consumption and sickness absence: evidence from microdata. European Journal of Public Health, Vol. 19, No. 1, Vahtera, J., Poikolainen, K., Kivimäki, M., Ala-Mursula, L., Pentti, J. (2002). Alcohol intake and sickness absence: a curvilinear relation. American Journal of Epidemiology, Vol. 156: Salonsalmi, A., Laaksonen, M., Lahelma, E., Rahkonen, O. (2009). Drinking habits and sickness absence: the contribution of working conditions. Scandinavian Journal of Public Health, 37: Jarl, J., Gerdtham, U-G. (2012). Does drinking affect long-term sickness absence? A sample selection approach correcting for employment and accounting for drinking history. Applied Economics, 44: OIT, Magazine Travail No. 57, septembre INSERM. Expertise collective. Alcool. Dommages sociaux, abus et dépendances Ménard C., Richard J.-B., Demortière G., Beck F., L implication des médecins du travail face aux pratiques addictives, Archives des Maladies Professionnelles et de l'environnement, 2012, 73,

81 20. Castelain J-P, Manières de vivre, manières de boire, Ed Imago, Dejours C. Observations cliniques en psychopathologie du travail, PUF, coll. Souffrance et théorie, (2010) 22. Dejours C. Travail vivant, Tomes 1 et 2, Payot, (2009) 23. Dejours C. Travail, usure mentale - De la psychopathologie à la psychodynamique du travail, Bayard éditions, (1980), Paris, (réédité en 2000) 24. Dejours C., Aliénation et clinique du travail, Actuel Marx, 2006/1 n Ehrenberg A., Le culte de la performance, Odile Jacob. (1999) 26. Laure P. (dir.), Dopage et société, Paris, Ellipses, Laure P., Les conduites dopantes : une prévention de l'échec?, Psychotropes, 2002/3 28. Zarifian E., Le prix du bien-être. Psychotropes et société Odile Jacob (1996) 29. Louche C., Pansu P., La psychologie appliquée à l'analyse des problèmes sociaux, Collection "Psychologie sociale", PUF, Maranda, M.-F. ET Morissette P. (2002). Représentations de la surconsommation de substances psychoactives : logiques d'action d'un réseau d'entraide en milieu de travail, Nouvelles Pratiques Sociales, 15(2), Maranda M.F, P. Morissette, «Problématisation de l alcool et des drogues en milieu de travail» in Harrison D., Legendre C. (dir.), Sciences sociales et santé/sécurité du travail : contribution scientifique et expérience de l innovation, 2002, Montréal, Presse de l université de Montréal, pp Maranda, M.-F. (2003). Conduites dopantes : récits de vie de jeunes travailleurs devenus toxicomanes, L individu hypermoderne. Colloque de l Association internationale de sociologie de langue française, Réseau sociologie clinique, Paris, Maranda MF, Negura et MJ. de Montigny, «L intégration en emploi des toxicomanes : représentations sociales de cadres responsables de l embauche du personnel», Déviance et Société, 2003, vol. 27, n 3, pp Maranda, M.-F., Negura, L. et Carver, Y. (2005). L embauche des alcooliques: les attitudes et les représentations des gestionnaires. Dans A. Battistelli, M. Depolo, et F. Fraccaroli. La qualité de la vie au travail dans les années Actes du 13e Congrès de Psychologie du Québec : Les Presses de l'université Laval. 35. Maranda, M.-F., Rhéaume j. et Genest, C. (2006). Toxicomanie : histoire de vie, histoire de travail, une seule trame. Dans M. Vézina (dir.), Enquête de psychodynamique du travail au Québec : espace de réflexion, espace d action. (p ). 36. Negura, Maranda, Genest, 2011La consommation de Spa en lien avec le travail L impératif d adapter les services aux causes réelles 37. Aubert N., De Gaulejac V., 1991, Le Coût de l excellence, Seuil, 352 pages. 38. Davezies P. Évolution des organisations du travail et atteintes à la santé. Travailler Véléa D., Stress et addiction : usage des psychostimulants et des drogues dans les situations de stress In Thurin JM, Baumann, Loriol M. (2011), Pourquoi tout ce stress? in Lallement M., et al. Maux du travail : dégradation, recomposition ou illusion?, Sociologie du travail, vol Guiho-Bailly MP. et Goguet K., Si tu n'avances pas, tu recules ; si tu recules, tu meurs. Clinique de l'addiction au travail en psychiatrie quotidienne, Travailler, 2004/1 n 11 81

82 42. Taghavi L. Workaholisme. Enquête au sein d'une population de salariés parisiens INRS, TF202, Références en santé au travail, n 131, Rezvani A., L addiction au travail. Le travail : du plaisir à la souffrance, Université de Nantes, faculté de médecine. Thèse DES Psychiatrie,

83 PARTIE III - LES STRATEGIES VALIDEES DE REDUCTION DES DOMMAGES 83

84 STRATEGIES TRANSVERSALES GLOBALES STRATEGIES COMMUNES ET PRINCIPES GENERAUX Une politique axée prioritairement sur la réduction des dommages. Les consommations de produits psychoactifs et les pratiques liées à des recherches de satisfactions immédiates sont inhérentes à la condition humaine. Il est donc illusoire voire dangereux de vouloir les faire disparaître. En revanche, ce sont les abus et les dommages entraînés par ces pratiques ainsi que les conditions de leur développement qu il faut viser. C est le réalisme et le pragmatisme qui sont dans ce domaine la clé d une politique efficace pour les personnes et pour la société. Pour cela, il convient d analyser et d agir sur les comportements de consommation problématiques et leurs déterminants, notamment auprès des populations les plus vulnérables. Les mesures sont à prendre en fonction d une analyse prévisible de la réduction des dommages, tout en tenant compte le plus objectivement possible des avantages liés à la consommation pour les personnes qui y recourent. Des mesures basées uniquement sur des données évaluées et sur des preuves scientifiques Il convient de poursuivre une stratégie pragmatique de réduction des dommages appelée par les données observées en termes de santé publique plutôt que des objectifs déterminés par les représentations subjectives et des positions idéologiques qui attendent cette réduction d une abstinence idéale sinon de mesures de prohibition. Cette stratégie doit prendre en compte la balance entre les satisfactions et les risques, les intérêts et les coûts et s appuyer sur une politique de régulation de la consommation de substances psychoactives et des produits addictifs basée sur des données scientifiques. Les champs scientifiques concernés doivent inclure non seulement l épidémiologie, la biologie, la médecine, mais aussi les données issues des sciences humaines et sociales incluant l anthropologie, la psychologie, la sociologie, la science politique, l histoire, l économie et le droit. Les avancées scientifiques et les évaluations des actions menées permettront de déterminer l intérêt et les conditions de réalisation de telle ou telle mesure ou expérimentation. 1-Sur le plan sociétal, la réduction des dommages implique de renoncer à l idéal d éradication des drogues Pour protéger les personnes et se protéger, la société vise la réduction maximale de l usage des produits addictifs par des moyens répressifs et des dispositifs réduits se limitant à la prévention primaire et à l abstinence. Une partie de la société et des responsables politiques ne parviennent pas à imaginer d autre voie que «la lutte frontale contre la drogue» et certains produits restent alors stigmatisés comme des «fléaux sociaux» et font l'objet d'une politique de prohibition pour interdire leur accès et leur usage, et imposer l obligation d abstinence. Les usagers sont alors soit «victimes» soit «coupables» d un comportement interdit, et sont moralement sinon légalement enjoints à des soins. Promouvoir une politique pragmatique de réduction des dommages devra faire face à ces préjugés et positions politiques qui perçoivent toutes les initiatives de réduction des risques et des dommages comme autant d'incitation et de banalisation de la consommation de ces produits sans par ailleurs s'interroger sur la tolérance dont paradoxalement jouissent d'autres fléaux sociaux. 84

85 La vision idéologique ancienne, clivée entre le «bien» et le «mal», doit laisser la place à une évaluation objective des bénéfices et des dommages, individuels et sociaux, des consommations et des comportements. Cette évaluation rendra ensuite possible l application de politiques publiques, à l efficacité scientifiquement prouvée, poursuivant trois objectifs pragmatiques et évalués : 1. La diminution des consommations ou comportements addictifs potentiellement nocifs 2. La réduction des dommages qui leur sont liés 3. Le renforcement d une aide et d un accompagnement les plus précoces possibles. Enfin, cette politique équilibrée nécessite des mesures de contrôle et de réduction de l offre. Pour l offre régulée (Alcool, Tabac, Jeux d argent) les stratégies validées de lutte contre les incitations à la consommation excessive sont l augmentation des prix, les actions visant à dénormaliser la consommation, le contrôle et l encadrement de l offre, l encadrement et/ou l interdiction de la publicité. Pour l offre interdite (stupéfiants), au delà de la nécessité de lutter contre les trafics, centrer la pénalisation de l usage, non sur l usage privé, mais sur les délits liés aux usages de produits induisant des dommages à autrui (délits routiers, métiers à risque, violence en groupe ), complétée par une évaluation clinique en cas de récidive et une orientation vers un accompagnement psycho-éducatif et si besoin thérapeutique chaque fois que nécessaire. 2-Sur le plan sanitaire : la réduction des dommages implique un «nouveau référentiel de santé publique» La réduction des dommages ne se limite pas à une simple juxtaposition de techniques d intervention mais constitue un référentiel de «santé publique» valorisant la capacité des individus à se prendre en charge et nécessitant que les politiques de santé prennent en compte les besoins des individus concernés. Ce référentiel de santé publique se fonde sur certains concepts et valeurs : - le renoncement à un idéal d éradication des drogues - la démarche de proximité («aller vers», c'est-à-dire aller à la rencontre des persones et les prendre là où elles en sont dans leur parcours de consommation) - l absence de jugement moral sur les pratiques de consommations - et la responsabilisation et la participation des consommateurs. Si l objectif de réduction des consommations, l'affirmation des interdits portant sur les comportements de consommations nuisibles à autrui et la poursuite de lutte contre le trafic des produits illicites doivent rester des priorités il faut parallèlement apprendre à «vivre avec les produits addictifs», en domestiquant et en régulant leur usage. Le contexte de consommation devient la cible d une palette d interventions possibles qui propose, selon la demande, de consommer à moindre risque, de diminuer sa consommation ou de se sevrer. Il faut en effet toujours partir de la demande de l usager qui reste le meilleur levier, s y adapter et l accompagner dans une démarche progressive. Cette approche pragmatique permet de graduer les réponses en fonction des besoins et en s attachant à aider la mise en œuvre des options les plus réalisables pour l usager, plutôt que de se focaliser sur des options souhaitées par la société et les soignants mais trop inaccessibles pour l usager. Il faut proposer une approche graduée et progressive qui crée un continuum entre les approches de réduction des consommations et des risques et les approches thérapeutiques orientées vers l abstinence. La force d une approche graduée est d offrir un éventail de possibilités, que les usagers peuvent choisir en fonction de leurs attentes et de leur évolution, dans une optique d ouverture qui permet d optimiser la prise charge et qui favorise la collaboration entre les professionnels (Jauffret-Roustide, M.Limites et succès du modèle de réduction des risques à la française. Alcoologie et Addictologie 2011) 85

86 L approche sanitaire de réduction des dommages est basée sur le non-jugement moral des personnes faisant usage de drogues, de leurs pratiques, de leur famille et de leur entourage. La réalisation de ces objectifs devra s appuyer sur une philosophie de la prise en charge radicalement différente de l approche médicale traditionnelle. En premier lieu, une prévention ciblée qui donnera la priorité à des stratégies de repérage et d'intervention précoce. Ces stratégies, simples, utilisables et validées, devront être très largement diffusées et intégrées par les acteurs de première ligne (MG, urgentistes, médecin du travail) au bénéfice de tous les consommateurs. Mais elles doivent être aussi tout particulièrement adaptées en direction des populations les plus à risques. - Le public «jeunes», l objectif est d aller à sa rencontre par des interventions en direction des parents, mais aussi du milieu scolaire, des dispositifs éducatifs ou d insertion, ou en développant des actions en milieu festif, et cela en lien avec les Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) et avec les équipes hospitalières de liaison et de soins en addictologie (ELSA) - Les personnes en situation de précarité - Les patients atteints de troubles mentaux sont un autre public à privilégier, troubles psychiatriques et troubles addictifs s aggravant mutuellement et nécessitant une double prise en charge. - L évolution récente des usages montre aussi l importance d actions vers le public féminin, notamment les femmes isolées, pour tenir compte des situations de vulnérabilité physique, de grossesse, des risques de violences, de stigmatisation et de désocialisation. - Enfin, les populations incarcérées ou sous main de justice nécessitent un effort spécifique d accès aux soins et de réduction des risques. En deuxième lieu, l abord et l accompagnement des personnes en difficulté avec une addiction doivent prioritairement s adapter à sa demande Il s agit d une approche pragmatique, dont les grandes étapes sont indiquées ci-dessous : 1- Identifier et hiérarchiser avec le sujet les risques, selon les modalités de consommation et le contexte, et repérer les dommages existants. 2- Aider le sujet à identifier ses compétences et vulnérabilités, en s appuyant plus particulièrement sur son expérience. 3- Sélectionner les risques et dommages qu il souhaiterait réduire, suite à une information appropriée. 4- Aider le sujet à trouver et s approprier les moyens d action adaptés pour réduire les risques et dommages ciblés. 5- Accompagner le sujet dans l atteinte de ces objectifs, tout en l aidant à donner du sens aux causes profondes des risques qu il prend (ANPAA 2012). En troisième lieu, il convient d aménager un parcours d accompagnement et de soins cohérent et articulé afin de faciliter l orientation, l'accès aux soins ainsi que la réduction des risques. L amélioration du dispositif et l amélioration de la fluidité sont détaillées dans des propositions pragmatiques et peu coûteuses, visant à une meilleure organisation du dispositif de soin et d accompagnement à une formation renforcée Politiques de santé publique et de sécurité publique ne doivent pas être opposées 86

87 Les actions qui vont dans le sens de la santé publique bénéficient à la sécurité publique et à l amélioration de la vie sociale. Il en va de même pour certaines mesures de sécurité publique si elles sont pensées en fonction des effets sur les individus et sur la santé publique. Par exemple, les interpellations pour délit routier ou pour ivresse publique sont nécessaires mais d autant plus efficaces qu elles s accompagnent de mise en contact avec les services de santé dans des modalités adaptées, plus systématiques et plus lisibles. La France est l un des pays européens où le clivage est le plus important et désorganisant. Une priorité Présidentielle Devant l importance des dommages liés aux addictions, la complexité des actions à mener sur les différents déterminants des addictions, l importance du changement conceptuel et la nécessité de son appropriation par la société, les multiples blocages ou résistances a dépasser nous sommes convaincus de la nécessité de faire de cette cause un chantier présidentiel. Il a fallu la volonté de Jacques Chirac pour mettre en œuvre le «Plan Addiction ». Seule une implication claire et déterminée du Président Hollande permettra d impulser les changements nécessaires et les actions à la hauteur des besoins. - dépasser le poids des lobbys pour l alcool, celui du Ministère du budget pour le tabac - priorité comme pour le plan cancer et le plan alzheimer Le «plan gouvernemental» de réduction des dommages liés aux addictions aura donc deux volets complémentaires : - un volet santé publique, sanitaire et social - un volet sécurité publique Le Président pourrait ainsi donner toute mesure au «Plan gouvernemental» et impulser le débat sociétal et parlementaire informant la société française afin de dépasser les positions et clivages idéologiques et partisans engager une évolution des représentations et aboutir à un consensus permettant de préparer les évolutions législatives nécessaires et le Plan gouvernemental L ouverture d un large débat sociétal et politique sera alors nécessaire : les Etats Généraux des Addictions 1- Pour un débat social Par cette démarche et à l aide de ces données, il est possible d éclairer au mieux l opinion, le législateur et le pouvoir politique et apporter les outils pour une politique la plus globale et cohérente possible. Mais tout le monde comprendra que ces modifications de représentations et d objectifs nécessitent pour émarger un véritable débat, dépassant les cercles d experts ou des commissions parlementaires. Ce débat social doit tout d abord se mener dans le cadre des Etats généraux des Addictions. Les objectifs des Etats Généraux de la réduction des Dommages des Addictions (EGAdd). Les EGAdd constituent une démarche novatrice et inédite : ils partent de «la base», ils sont portés par les patients et les victimes, mais fédèrent toutes les parties prenantes. Il s agira d avancer ensemble grâce à un partage des informations et des stratégies possibles pour réduire les dommages des addictions afin d aboutir à des objectifs communs. L ensemble des acteurs impliqués dans la réduction des dommages liés aux addictions sont engagés dans la démarche des EGAdd : professionnels de santé de toutes catégories, sociétés savantes et associations professionnelles, intervenants de l environnement du soin, institutions (ministères, agences sanitaires ), fédérations 87

88 hospitalières, experts en santé publique et économie de la santé, industriels et, bien entendu, les patients et les victimes, leurs proches et leurs associations Les EGAdd rassemblent les associations de patients, les associations de victimes, les sociétés savantes et organisations professionnelles, les organismes de recherche. Les EGAdd ont pour mission de présenter aux pouvoirs publics, à l horizon 2015, un état des lieux et des propositions consensuelles, destinées à réduire l ensemble des dommages liés aux addictions et à améliorer la qualité des soins et de l accompagnement des patients, des victimes et de leurs proches. Un travail similaire, en lien avec ces Etats généraux des Addictions, devrait être mené par des commissions parlementaires 2- Une loi pour réduire les dommages des addictions Ces Etats Généraux des Addictions pourraient permettre et se conclure par une loi d orientation concernant les usages, usages problématiques et addictions ayant pour objectif central de réduire les dommages liés aux consommations. A cet égard, la loi du 12 mai 2010 relative à l ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux d argent et de hasard en ligne peut apporter un éclairage nouveau sur la façon dont la société peut aborder une problématique addictive. Cette loi présente l intérêt d instituer des autorités de régulation indépendantes des opérateurs : ARJEL pour les jeux en ligne, Comité consultatif des jeux, incluant un observatoire des jeux pour les autres. De plus, elle pointe, dès ses attendus, la nécessité de lutter contre l addiction au jeu, et de protéger la jeunesse. Elle prévoit un prélèvement sur les revenus du jeu en ligne, aux fins d organiser la prévention et le soin. Cet exemple d une légalisation contrôlée pourrait être une base de réflexion pour une remise à plat des modes de contrôle, plus ou moins prohibitionniste, plus ou moins libéral, de l ensemble des objets d addiction. 88

89 ORGANISATION DE LA POLITIQUE NATIONALE TERRITORIALE SANITAIRE ET SOCIALE La mise en place du volet sanitaire et social du «plan gouvernemental de réduction des dommages liés aux addictions» Les dommages liés aux addictions portent atteinte à la santé des personnes mais aussi à leur situation sociale et professionnelle. Il y a, certes, des mesures à prendre sur le terrain de la sécurité publique, de la justice, de la fiscalité, pour réprimer les trafics, sanctionner ou dissuader certains comportements afin d en diminuer la fréquence et l importance. Mais il est aussi indispensable, bien sûr, d agir par plusieurs moyens d intervention dans les domaines de la santé et de l action sociale, de manière à prévenir et réduire ces dommages, grâce à des actes de prévention et de promotion de la santé, des soins ambulatoires et hospitaliers, des prises en charge sociales. Les acteurs de la santé et du social à mobiliser alors, institutionnels et professionnels, sont nombreux et très divers. Cela fait courir le risque d initiatives brouillonnes et donc coûteuses, mal proportionnées par rapport aux besoins, insuffisantes sur le plan de la qualité, ignorantes des complémentarités à organiser pour apporter des réponses globales à la situation des personnes exposées à des dommages liées aux addictions. Quand il faut actionner plusieurs moyens d intervention relevant d autorités publiques différentes (Etat et collectivités territoriales), exigeant le concours d opérateurs multiples, et justifiant l emploi de ressources financières non négligeables, il est particulièrement nécessaire de se doter d une stratégie collective claire et pertinente, sans cesse réadaptée en fonction de l évaluation de ses résultats. Une telle stratégie devrait répondre à une priorité gouvernementale, compte tenu de l importance des dommages de toutes sortes liés aux addictions. Et cette priorité, assortie des moyens nécessaires de la mettre en œuvre, devrait se retrouver dans «la stratégie nationale de santé» actuellement en préparation. Une stratégie collective est un choix de priorités et de moyens, conçue au niveau de chaque autorité publique, nationale mais aussi régionale, chargée d organiser et de financer les actions à mener par différentes institutions et professionnels pour répondre aux besoins considérés de la population. Elle doit se prolonger par le développement au niveau local de réponses coordonnées et complémentaires entre différents intervenants. Un cadre stratégique national pour orienter la prévention et la réduction des dommages liés aux addictions dans les régions Conçu à partir d une analyse des besoins, ce cadre stratégique national devrait être constitué de deux composantes complémentaires : la décision prise par le gouvernement de faire des addictions une priorité nationale et la détermination des moyens nécessaires pour la mettre en œuvre : «La Stratégie Nationale de Santé» devrait être le cadre d accueil naturel de cette priorité «addictions». Quant aux moyens de mettre en œuvre cette priorité, ils devraient trouver leur place, notamment, dans la Loi de Santé Publique qui devrait découler de la détermination de «la stratégie nationale de santé». la définition d un plan national «addictions», interministériel, précisant les objectifs et les approches les plus efficientes pour prévenir et réduire les dommages liés aux addictions, assortis d indicateurs de suivi : 89

90 Le plan «addiction» servira de référentiel pour déterminer les objectifs et les mesures nationales à prendre, et pour orienter l action des autorités publiques régionales chargées de développer les stratégies les mieux adaptées aux particularités de leur région, en impliquant les acteurs institutionnels et professionnels locaux, les usagers, dans les choix des réponses aux besoins à mettre en œuvre. Il est bien sûr indispensable de le réviser périodiquement pour tenir compte des résultats de l action publique conduite, des changements de comportements et de produits utilisés, du progrès des connaissances scientifiques et des techniques. Il faut sans doute faire évoluer la conception des plans nationaux dans le domaine de la santé. Leur multiplication rend confuse la stratégie de santé voulue par les pouvoirs publics et ne cesse d ajouter des engagements financiers difficiles à tenir au total. Un plan national devrait donc traiter des objectifs et des dispositions à prendre pour agir sur un problème ou un déterminant de la santé. Les moyens financiers particuliers que le niveau national entend mobiliser au service de telle ou telle problématique de santé pourraient alors être arbitrés dans un autre cadre, celui sans doute de «la stratégie nationale de santé». Par ailleurs, l application et les effets d un plan national ont à évaluer périodiquement, selon une méthodologie rigoureuse, avec des résultats rendus publics. Une stratégie régionale déclinant et prolongeant le cadre stratégique national Au niveau régional, les agences régionales de santé (ARS) ont des compétences larges portant sur l organisation, le financement et la qualité des soins ambulatoires et hospitaliers, des mesures de prévention et de promotion de la santé, des accompagnements médicosociaux. Les ARS peuvent donc élaborer une stratégie régionale adaptée aux besoins de la prévention et de la réparation des dommages liés aux addictions. Cette stratégie et les dispositions prévues pour sa mise en œuvre ont vocation à se retrouver dans le projet régional de santé (PRS) arrêté par le directeur de l ARS, destiné à décliner et prolonger le cadre politique national fixé par un plan «addictions» et les choix de moyens déterminés par la stratégie nationale de santé. Chacune des trois composantes du PRS devrait aborder le sujet des addictions : - le plan stratégique régional, transversal à tous les domaines d intervention (prévention, médico-social, soins ambulatoires et hospitaliers), doit prévoir une priorité addiction avec ses objectifs, en partant d une analyse des besoins ; - chacun des trois schémas régionaux (prévention, soins, médico-social) devra mentionner les dispositions opérationnelles retenues pour mettre en œuvre les objectifs de lutte contre les addictions prévues par le plan stratégique régional ; - différents programmes déclinant les schémas régionaux pourront détailler les actions permettant de mener à bien les dispositions opérationnelles portant sur les addictions retenues dans chacun des trois schémas régionaux. Mais fixer des priorités et des objectifs, déterminer les moyens opérationnels à mobiliser, programmer les actions nécessaires, pour lutter contre les addictions et leurs effets, exigent d engager un travail de construction pluri-partenarial, compte tenu de la nature des dommages que l on veut prévenir et réduire. Ce travail pluri-partenarial devrait être placé sous l égide du préfet de région. Il permettrait de fixer les principes d une action coordonnée et complémentaire d autorités publiques différentes, relevant de plusieurs départements ministériels, dans le respect des compétences et des responsabilités de chacune d entre elles. Pour ce faire une commission régionale «addictions» serait à instituer au niveau régional. Si sa présidence était assurée par le préfet de région, son secrétariat pourrait être tenu par l ARS. 90

91 Une application locale volontariste d une stratégie régionale interministérielle inscrite dans un cadre national d objectifs et de moyens Au bout de la chaîne, il y a les intervenants relevant d institutions et de structures de prise en charge diverses, aux compétences professionnelles différentes, en contact direct avec les personnes souffrant d addictions. C est à ce niveau très proximal que se joue le sort des batailles. Les stratégies interministérielles, nationales et régionales, ne font qu induire les réponses à bâtir concrètement au niveau local. Le département représente le niveau local où doivent se définir des programmes d action, s appuyant sur des contrats locaux de santé si besoin, impliquant tous les services ministériels concernés (santé, intérieur, justice, éducation nationale), les collectivités territoriales, et les institutions, structures, associations, professionnels relevant de la santé et du social. La partie santé de ces programmes devrait être constituée par extraction et enrichissement des dispositions prévues par le plan stratégique et les schémas du PRS. Mais il faut un responsable chargé de la mise en lien de tous ceux qui, localement, contribueront à la formalisation de ces programmes d action. Le plus efficace serait de confier cette fonction au délégué territorial de l ARS. Cela exigerait un travail privilégié entre ce délégué territorial de l ARS et le préfet de département chargé de veiller au travail interministériel nécessaire sur ce sujet des addictions. Les principes de cette collaboration, obéissant à un modèle qui pourrait être défini au niveau national, devraient figurer dans le protocole liant le préfet et l ARS, étendu en l occurrence au sujet des addictions, même si la loi HPST ne le prévoit pas expressément. 91

92 STRATEGIES GLOBALES DE PREVENTION ; PREVENTION PRIMAIRE Données probantes : enjeux, limites et spécificités La prévention de la consommation de tabac, d alcool et des drogues illicites a fait l objet de très nombreux travaux académiques (Thomas 2002; Foxcroft, Ireland et al. 2003; Faggiano, Vigna-Taglianti et al. 2005). Cela a permis la réalisation de synthèse répertoriant et hiérarchisant les différentes options de prévention disponibles. Les connaissances accumulées sur les différentes options ont ainsi permis de forger des recommandations en termes de politiques publiques. Deux éléments doivent néanmoins être pris en considération : les recommandations sont fondées sur les travaux existants qui sont plus ou moins nombreux et plus ou moins de bonne qualité selon les sujets la possibilité d établir un effet de causalité aux évolutions ou corrélations observées varie grandement selon qu il s agit d essais randomisé et contrôlés de qualité et de l observation d évolutions à l échelle d un pays les généralisations définitives sur l efficacité ou l inefficacité de telle catégorie d interventions ne sont pas licites. En effet, il s agit d évaluation d interventions complexes conduites dans les contextes spécifiques. La seule conclusion possible est qu au jour de l analyse, les travaux conduits ont ou n ont pas montré des signes encourageants d efficacité pour une catégorie donnée. Un nouveau résultat de recherche peut changer cette conclusion pour cette catégorie. L enjeu pour la France est de développer sa propre capacité à produire une politique et des interventions fondées sur des données probantes qui soit spécifique aux particularités historiques et culturelles de l évolution des consommations et celle de l installation des politiques publiques. Nécessité d une théorie de référence De nombreuses théories explicatives des comportements humains ont été proposées depuis une cinquantaine d années (Rosenstock, Bandura, Ajzen et Fishbein, etc.). Ce champ a été récemment renouvelé par la prise de conscience de l importance des comportements qui sont liés à des processus non délibératifs (à opposer à ceux liés processus délibératifs fondés sur un traitement cognitif d informations (perception d un risque, décision de se conformer à une norme subjective, etc), corrélée à une intention elle-même corrélée à un comportement). Nous proposons de nous servir de la théorie de Michie (Michie, van Stralen et al. 2011) qui a tenté une synthèse des modèles en présence sous la forme du modèle B-COM pour comportement, capacité, motivation, opportunité. Cela signifie que les politiques proposées doivent permettre d influencer sur la capacité à agir, la motivation à agir et créer les opportunités à agir. 92

93 Il est possible de retrouver les correspondances entre ce projet de psychologie individuelle dans la classification des politiques publiques (roue du changement de comportement de Michie, Stratten et West). 93

94 Nécessité de construire des modélisations ou théories d action pour les différentes composantes du plan MILDT Une critique récurrente faite aux différents plans de santé publique est qu ils sont souvent composés d une liste d actions non reliées entre elles dans un plan d ensemble permettant les synergies. Il serait souhaitable que le plan MILDT ne subisse pas cette critique et soit construit sur une théorie d actions cohérente. Voici pour exemple le modèle logique construit pour le tabac dans le cadre de la politique de santé publique américaine Healthy People 2010 (Albuquerque, Starr et al. 2003). 94

95 Tabac Dans le cas du tabac, les politiques publiques recommandées font l objet d un traité international, nommé la Convention-cadre de l OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) qui a été ratifiée par la France. Dans le domaine du tabac, les pays qui ont ratifié la CCLAT doivent implanter les 6 mesures rassemblées dans l acronyme MPOWER ( 1 Monitor Surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention 2 Protect Protéger la population contre la fumée du tabac 3 Offer Offrir une aide à ceux qui veulent arrêter de fumer 4 Warn Mettre en garde contre les méfaits du tabagisme (article 11) 5 Enforce Faire respecter l interdiction de la publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage (article 13) 6 Raise Augmenter les taxes sur le tabac Ces mesures ne sont pas hiérarchisées, il faut les appliquer toutes avec le maximum d intensité et de qualité possible. Certains auteurs ont tenté cette hiérarchie. En particulier, David Levy a construit un modèle de simulation de l impact des politiques publiques de lutte contre le tabagisme (Levy and Friend 2002). L Institut national du cancer a financé une adaptation à la France de ce modèle qui a utilisé les données des Baromètres santé 2000, 2005 (Levy 2008). Malheureusement alors que ce modèle a réussi à prédire les évolutions de plusieurs pays hors des Etats-Unis, dont la Thaïlande, le modèle n a pas permis de prédire les évolutions observées en France en Le projet a donc été abandonné et des réflexions sont engagées entre l InCA et l INPES pour lancer une étude française des spécificités françaises dans la sensibilité aux politiques publiques antitabac. Geoff Fong de l Université de Waterloo a lancé un projet international d évaluation des politiques publiques de lutte antitabac. La France (INPES et INCA) y participe. Fong a construit un modèle intégratif combinant les modèles psychosociaux et l exposition aux politiques publiques antitabac (Fong, Cummings et al. 2006). Ce modèle permet de construire un continuum entre les politiques publiques et les phénomènes individuels. 95

96 Alcool Dans le domaine de l alcool, les politiques publiques fondées sur des données probantes ont été rassemblées par des groupes d experts sous la responsabilité de Thomas Babor avec le soutien de l OMS région des Amériques (Babor, Caetano et al. 2010). Le premier travail publié en 2003 a été mis à jour en Un travail équivalent a été mené par Anderson (Anderson, Chisholm et al. 2009). Catégorie Activités Efficacité 1 Agir sur les prix et les taxes 2 Réduire la disponibilité du produit Augmenter les taxes, taxes différentielles sur les alcopops Abolition, Age minimum légal d achat Rationnement Monopole d état Restriction des horaires de vente Restrictions du nombre de points de vente

97 Catégorie Activités Efficacité 3 Agir sur les contextes et l environnement de la consommation 4 Lutter contre l alcool au volant 5 Réguler la promotion 6 Eduquer et persuader 7 Traiter et détecter précocément Formation des serveurs à réduire la consommation, Formation des serveurs à limiter les risques de violence Amélioration du contrôle de la réglementation sur place Responsabilité civile du serveur / vendeur Contrôle aléatoire d alcoolémie (dépend de la fréquence) Baisse des seuils d alcoolémie autorisée Retrait du permis Alcoolémie autorisée pour les jeunes conducteurs (faible ou nulle) Permis de conduire limité pour les jeunes (ex : conduite nocturne interdite) Conducteur désigné Restriction partielle de la publicité (peu d effets sur la consommation globale, effets démontrés si réduction de l exposition des jeunes) Régulation des contenus de la publicité Autorégulation Education en classe (accroît les connaissances mais ne réduit pas la consommation) Programme à composantes multiples (normes, attentes, décision) Interventions brèves avec jeunes à risque Campagnes médiatiques Avertissements sur les étiquettes (ne change pas la consommation) Marketing social Interventions brèves (mais manque souvent formation et temps disponible pour les MG) Entraide / self help Traitement obligatoire pour les conducteurs récidivistes Cure de désintoxication Psychothérapie Traitement médicamenteux 0/ /++?

98 Drogues illicites Babor et collègues (Babor, Caulkins et al. 2010) distinguent 5 catégories dans les politiques publiques dans le domaine des drogues illicites : Catégorie Activités Objectifs généraux 1 Prévention Programmes de prévention Campagnes médiatiques Limiter l accès des drogues pour les jeunes Changer les attitudes, améliorer la littératie en santé, prévenir l usage de drogue 2 Services pour les usagers Programme méthadone Thérapie Injonction thérapeutique Programmes d échanges de seringue Réduction de l usage, amélioration de la santé, réduire la diffusion des virus, traitement des troubles psychiatriques 3 Contrôler l offre Arrestation des trafiquants et des dealers, Maintenir les prix élevés et réduire la disponibilité 4 Réglementation des prescriptions Régulation des conditions de prescriptions des substances psychoactives (industries pharmaceutiques, médecins, pharmaciens) Favoriser les consommations adaptées, réduire les consommations inadaptées 5 Sanctions Accroître les sanctions pour la possession et l utilisation des drogues illicites Décroître les sanctions pour l usage de certains produits (ex : cannabis) Réduire la consommation des drogues, éviter la normalisation et la diffusion de la consommation Eviter les effets secondaires négatifs pour l usage de drogues illicites à moindre dommage En ce qui concerne la prévention, Babor et collègues distinguent 10 catégories d actions (Babor, Caulkins et al. 2010). Catégorie Activités Commentaire 1 Programmes d aide à la parentalité 2 Intervention sur le climat dans la classe Quelques études montrent une réduction dans l initiation. Uniquement aux Etats Unis Quelques preuves d efficacité du programme Good behavior game (GBG) Programme Strengthening families programme pour les ans prometteur (mais besoin d études de réplication) Dans une étude, 50% de réduction de l abus de drogue chez les garçons 14 ans après l exposition au programme GBG. Résultats moins probants dans des études ultérieures 98

99 Catégorie Activités Commentaire 3 Programmes fondés sur les compétences sociales 4 Intervention locale, approche communautaire Quelques preuves d efficacité dont certaines à moyen et long terme Pas de preuves d efficacité Etudes de bonne qualité faites aux Etats Unis seulement Combinaison approche en milieu scolaire et extrascolaire. Taille d effet petite ou négligeable 5 Approche affective Pas de preuves d efficacité A la mode dans les années Approche informative seule 7 Campagnes médiatiques Pas de preuves d efficacité Pas de preuves d efficacité Peu d études de qualité Peu d études de qualité 8 Marketing social Pas assez d études Une étude a montré une moindre initiation au cannabis 9 DARE (programme mis en place par les policiers en uniforme) 10 Dépistage en milieu scolaire Pas de preuves d efficacité Pas de preuves d efficacité Malgré la preuve de son inefficacité, il est largement diffusé Pas d études de qualité Hiérarchisation Des analyses comparatives entre les différentes mesures de prévention se sont développées récemment (Vos, Carter et al. 2010) (Chisholm, Doran et al. 2006) (Anderson, Chisholm et al. 2009). Les différentes actions préventives n ont pas la même efficacité économique. Dans le travail australien de Vos et Carter, qui s applique à la population australienne de 2003 pour la vie entière, il y 5 catégories d actions de prévention (voir tableaux en annexe) : - dominantes (qui rapportent plus qu elles ne coûtent) - très coût-efficaces (elles améliorent la santé pour moins de dollars australiens par DALY), - coût-efficaces (elles améliorent la santé pour une dépense allant de 10 à dollars australiens par DALY) - pas coût-efficaces : elles améliorent la santé pour une dépense supérieure à dollars australiens par DALY - dominées : interventions qui aggravent la santé ou qui pourraient être remplacées par une meilleure intervention Les interventions de prévention dominantes pour la prévention dans le domaine de l alcool et du tabac sont les mesures de taxation, d interdiction de vente aux moins de 21 ans et les interdictions de publicité. 99

100 Les interventions de prévention très coût-efficaces sont la réparation précoce et l intervention brève (RPIB), les limitations des horaires de vente d alcool et les traitements par substituts nicotiniques, varénicline, bupropion. Les interventions de prévention coût efficaces sont les campagnes de prévention contre la conduite en état d alcoolisation et les contrôles d alcoolémie routiers. En termes de traitement, les thérapies cognitivo-comportementales pour les personnes dépendantes du cannabis sont très coût efficaces alors que les cures de désintoxication alcooliques résidentielles ne sont pas considérées comme coût-efficaces. Principe de précaution Les auteurs des revues systématiques des interventions font le constat du grand nombre de problèmes méthodologiques des évaluations conduites (Foxcroft, Ireland et al. 2002; Thomas 2002), surtout pour les travaux les plus anciens. Par ailleurs, un certain nombre de ces projets de prévention ont des effets contraires à ceux attendus, c est-à-dire qu il augmente la consommation des produits alors qu ils avaient été conçus pour les réduire (Werch and Owen 2002; Hornik, Jacobsohn et al. 2008). David Foxcroft va même jusqu à évoquer d appliquer le principe de précaution y compris pour les interventions dans le domaine du psychosocial. Il s agit de ne pas laisser se développer des programmes soit dont on connaît la nocivité soit dont on ignore la nocivité. Fabrizio Faggiano a indiqué à la journée des chefs de projet de la MILDT qui s est tenue le 23 novembre 2011 à Paris, que la nouvelle Société européenne de recherche en prévention se donnait pour missions d une part de développer une recherche en prévention en Europe de qualité et d autre et d autre part de mettre en place une instance de labellisation des interventions de prévention. 100

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105 Bibliographie Albuquerque, M., G. Starr, et al. (2003). Advancing tobacco control through evidence-based programs. Promising Practices in Chronic Disease Prevention and Control: A Public Health Framework for Action. Centers for Disease Control and Prevention. Atlanta, Department of Health and Human Services,. Anderson, P., D. Chisholm, et al. (2009). "Effectiveness and cost-effectiveness of policies and programmes to reduce the harm caused by alcohol." The Lancet 373(9682): Babor, T., R. Caetano, et al. (2010). Alcohol research and public policy. No ordinary commodity. New York, Oxford University Press. Babor, T., J. Caulkins, et al. (2010). Drug Policy and the public good. New York, Oxford University Press. Chisholm, D., C. Doran, et al. (2006). "Comparative cost-effectiveness of policy instruments for reducing the global burden of alcohol, tobacco and illicit drug use." Drug Alcohol Rev 25(6): Faggiano, F., F. Vigna-Taglianti, et al. (2005). "School-based prevention for illicit drugs use." Cochrane Database Syst Rev(2). Fong, G. T., K. M. Cummings, et al. (2006). "The conceptual framework of the International Tobacco Control (ITC) Policy Evaluation Project." Tob Control 15 Suppl 3: iii3-11. Foxcroft, D. R., D. Ireland, et al. (2002). "Primary prevention for alcohol misuse in young people." Cochrane Database Syst Rev(3): CD Foxcroft, D. R., D. Ireland, et al. (2003). Longer-term primary prevention for alcohol misuse in young people: a systematic review. Addiction. 98: Hornik, R., L. Jacobsohn, et al. (2008). "Effects of the National Youth Anti-Drug Media Campaign on youths." American Journal of Public Health 98(12): Levy, D. T. (2008). "SimSmoke France : description d'un modèle de simulation des politiques de lutte contre le tabac." Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 21-22: Levy, D. T. and K. Friend (2002). "Examining the effects of tobacco treatment policies on smoking rates and smoking related deaths using the SimSmoke computer simulation model." Tob Control 11(1): Michie, S., M. M. van Stralen, et al. (2011). "The behaviour change wheel: A new method for characterising and designing behaviour change interventions." Implement Sci 6: 42. Thomas, R. (2002). School-based programmes for preventing smoking (Cochrane Review). The Cochrane Library. Oxford, Update Software. Vos, T., R. Carter, et al. (2010). Assessing Cost-Effectiveness in Prevention. Brisbane, Melbourne, University of Queensland and Deakin University. Werch, C. E. and D. M. Owen (2002). "Iatrogenic effects of alcohol and drug prevention programs." Journal of Studies on Alcohol 63(5):

106 LE REPERAGE PRECOCE ET L INTERVENTION BREVE Il existe aujourd hui un large consensus parmi les professionnels pour considérer que la prévention qui consiste à informer sur les dangers des drogues et à rappeler les interdits n a pas d efficacité à elle seule. De nombreuses études montrent que les messages préventifs n ont d effet sur les personnes les plus exposées aux risques que s ils sont accompagnés et adaptés dès les premiers signes de difficultés. Cette démarche d intervention précoce doit être prioritaire pour donner une réelle efficacité à la prévention en matière d addiction. L Union européenne en préconise le développement depuis une dizaine d années et des pays sont de plus en plus nombreux à en faire un axe essentiel de leur politique (Canada, Suisse, Suède...). La France, pays parmi les plus touchés en Europe par des consommations à risques des drogues (alcool et tabac compris), devrait en faire un volet central de sa politique de prévention. UNE DÉMARCHE DE PREVENTION /ACTION Développer des stratégies de prévention individualisée et d aides aux plus vulnérables La démarche d intervention précoce est à la fois sociale et individuelle. Elle vise à proposer aux usagers, les jeunes en particulier et leurs familles, un soutien pour repérer aussi précocement que possible les difficultés qu ils rencontrent, leurs éventuelles vulnérabilités et les aider à les gérer. Pour les jeunes usagers, il s agit d abord de mieux accompagner celles et ceux qui ont le plus de difficultés personnelles et sociales. Rappelons qu à 17 ans la grande majorité des adolescents ont fait l expérience des drogues (licites ou illicites) et qu un pourcentage non négligeable (7 à 10 % des consommateurs de cannabis par exemple) présente un usage problématique mais sont une toute petite minorité à trouver une aide (enquête escapad). Il ne s agit donc pas seulement d éviter (prévention) ou de traiter des difficultés (soins), mais aussi de contribuer à la construction d un environnement plus favorable au développement, de renforcer les ressources de la personne et de proposer des soutiens adaptés à ses besoins. «Derrière chaque situation critique se trouve une histoire conditionnée par des facteurs propresà l individu, à sa famille et à son milieu de vie. Il est par conséquent indispensable de se servir du concept de l IP de manière responsable, afin d éviter les pièges que sont l exclusion et la stigmatisation des personnes vulnérables.» Pia Oetiker, Office Fédéral Suisse de la Santé Publique. La démarche d intervention précoce comprend quatre phases : le renforcement des ressources de l environnement, le repérage, l évaluation et l accompagnement. Promouvoir et renforcer un environnement favorable La santé d une population est davantage liée à la promotion d un environnement favorable à la santé qu à l investissement dans le système de soins. Cette donnée fondamentale s applique tout particulièrement ans le domaine des addictions. La démarche d intervention précoce mobilise l ensemble des acteurs, spécialistes et non spécialistes, de toutes les communautés sociales (famille, école, quartier, entreprise, institution...), dans l objectif de favoriser une communauté sociale responsable et préventive, en améliorant ses capacités à repérer, comprendre et agir vis- 106

107 à-vis des différents facteurs collectifs qui participent à la vulnérabilité de certains de ses membres. Par exemple, dans le cadre d un établissement scolaire de type collège ou lycée, il s agira de favoriser une meilleurs compréhension des problématiques des jeunes et une meilleure utilisation des ressources des acteurs (professionnels ou non) afin de repérer les plus vulnérables et d apporter des réponses qui améliore leur intégration et ne les stigmatise en aucune façon. Le repérage Le repérage est tout autre chose qu une démarche d «étiquetage». Il s agit en premier lieu de favoriser l accès à une évaluation pour les usagers, en particulier les plus vulnérables. Pour cela de développer la participation et la bienveillance de l entourage, notamment des adultes envers les jeunes en situation de vulnérabilité. Cette démarche de repérage repose avant tout sur l établissement d un dialogue, y compris individuel, entre l usager et son environnement naturel, d aider celui-ci à identifier les signaux d alerte et à s intéresser aux pratiques à risques, et de permettre l accès à une évaluation plus approfondie pour les usagers qui en ont besoin. Par exemple, si une grande partie des personnes en contact avec des jeunes savent généralement reconnaître des signaux de vulnérabilité il est fréquent qu ils sachent ce qu il faut en faire. L un des objectifs de l intervention précoce est précisément d aider les adultes à savoir comment réagir face à d éventuels signes de vulnérabilité, ou face aux questions soulevées par des pratiques addictives. Le repérage est une intervention non spécifique de première ligne qui peut nécessiter, dans certains cas, une évaluation complémentaire par des professionnels. L évaluation L évaluation s inscrit dans la continuité de la phase de repérage pour mettre à disposition aux usagers qui en ont besoin d un espace professionnel permettant de mesurer et de prendre en compte les situations les plus compliquées auxquelles la communauté ne peut trouver réponse. Cette phase ne se justifie que pour une minorité d usagers. Elle demande des compétences particulières et doit être confiée à des professionnels formés à l évaluation approfondie de vulnérabilités individuelles. C est par exemple le rôle des Consultations jeunes consommateurs qui proposent un espace de dialogue et de questionnement avec des professionnels. L accompagnement L accompagnement et la prise en charge est la dernière phase de l intervention précoce. Elle ne concerne qu une petite minorité d usagers, ceux dont les vulnérabilités et les pratiques addictives nécessitent l engagement dans un processus thérapeutique. Il s agit de répondre à une souffrance de manière individuelle, en associant autant que possible l entourage et en promouvant les ressources de la personne pour qu elle gère au mieux sa vulnérabilité et les facteurs qui y concourent. L intervention précoce joue ici un rôle d accès aux soins, mais ce n est qu une de ses finalités. 107

108 ACTIONS PROPOSEES Inclure systématiquement l intervention précoce dans tous les programmes nationaux, régionaux et locaux de prévention Les programmes de prévention dans le champ des addictions sont trop souvent limités à des actions d information et de rappels des interdits. Ceux-ci n ont de pertinence que s ils sont associés à des stratégies d intervention précoce. Ces stratégies doivent donc figurer en tant que volet spécifique de tout programme de prévention, dans le cadre d un programme national, des programmes régionaux et des toutes les actions locales qui demandent un financement public. Intégrer l intervention précoce aux missions des CJC Les consultations jeunes consommateurs ont des missions d évaluation et d accès aux soins pour les jeunes usagers, en particulier les plus vulnérables. Il s agit donc de structures spécifiquement qualifiées pour réaliser les phases 3 et 4 de l intervention précoce. Toutefois, cette mission ne peut véritablement se réaliser que dans la mesure où les phases 1 et 2 existent et son réellement construites en étroite coordination avec les phases suivantes. La coordination des programmes d intervention précoce est une des clés de leur efficience. Les CjC sont les structures les plus à même de réaliser cette coordination pour les programmes visant les jeunes publics (milieux scolaires, institutions d éducation spécialisées, etc). Pour cela, comme il l avait été proposé pour le plan addiction en 2006, des personnels qualifiés devraient être rattachés aux CSAPA qui ont une Consultation jeune consommateur, à hauteur d au moins 1 ETP par CjC. Développer des programmes de type RPIB Afin d intervenir avant les dommages dans le cadre des consultations de médecine générale et spécifiquement en prévention du risque alcool, le repérage précoce et l intervention brève (RPIB) a fait l objet de nombreuses études internationales qui en ont validé l efficacité sur la consommation déclarée d alcool, en l absence de dépendance [1 ; 2]. Cette nouvelle pratique est une stratégie d intervention précoce conçue particulièrement pour aider les médecins généralistes dans leur activité courante. Elle a été développée en France depuis la fin des années 90.Suite à un rapport de l OFDT, s appuyant sur plusieurs expériences régionales [3], une circulaire ministérielle en a encouragé la pratique [4]. Le RPIB a connu un développement modeste mais significatif sur une période aussi courte, avec des financements très limités. La méthodologie du RPIB peut s appliquer à tout un ensemble de situations justifiant un changement ciblé de comportement, avec les addictions comme enjeu prioritaire. Le repérage paraît aujourd hui plus pertinent s il est positionné selon les populations rencontrées (jeunes, seniors, femmes enceintes, travailleurs ). L introduction dans les programmes en formation initiale, et dans les thèmes prioritaires en formation continue, pourrait s associer au financement de formations sur les territoires de proximité, avec une coordination dans une organisation régionale. Bibliographie 1.Kaner EF, Dickinson HO, Beyer FR et al.effectiveness of brief alcohol interventions inprimary care populations. Cochrane Databaseof Systematic Reviews 2007, Issue 2. Art.No.: CD DOI: / CD pub3. 2. Cuijpers P, Riper H, Lemmers L. The effect onmortality of brief interventions for problemdrinking: a meta-analysis. Addiction 2004; 99: Diaz-Gomez C, Milhet M. Évaluation des politiques publiques. Repérage précoce, Intervention brève : stratégies de promotion du repérage précoce et de l intervention brève enmatière d alcool auprès des médecins généralistes. Paris ; OFDT : 2005:

109 4. Circulaire DGS/SD6B n 2006/449 du 12 Octobre relative à la diffusion de la formation au repérage précoce et à l intervention brève en alcoologie. 5. Huas D, Rueff B. Le repérage précoce et l intervention brève sur les consommateurs excessifs d alcool en médecine générale ont-ils un intérêt? Exercer 2010 : 90 : AMELIORATION DU DISPOSITIF D ACCES AUX SOINS, DE PRISE EN CHARGE, DE REHABILITATION, DE REDUCTION DES RISQUES Etat des lieux : DISPOSITIF DE PROXIMITE L enjeu est non seulement d augmenter la sensibilisation et la formation des professionnels concernés, d améliorer le maillage des territoires de proximité et des régions en structures addictologiques, mais aussi et peut-être surtout de coordonner l action de tous les partenaires de façon à assurer, pour chaque patient, des trajectoires de soin fluides et optimales. Tout doit être mis en place pour faciliter l accès aux soins du malade et l aide de sa famille ; or c est encore loin d être le cas. 1- Le patient, sa famille et ses proches a. Le malade Le malade addict, à la différence des autres malades, est habituellement culpabilisé et stigmatisé et le consommateur de drogues illicites est poursuivi et pénalisé. Des représentations de péché, de vice, de faiblesse, de manque de volonté sont toujours très présentes et compliquent l accès aux soins. La transformation d une consommation/plaisir à la dépendance est difficile à appréhender, aussi bien pour le patient que pour son entourage ; la perte du contrôle raisonnable qu implique la dépendance et dont les mécanismes neurobiologiques sont maintenant clairement décrits, est difficilement représentable et peu acceptable. Les représentations de fatalité, d incurabilité dominent encore. Le poids de ces représentations culpabilisantes explique en partie le peu d intérêts des soignants et du système de soins, la non reconnaissance sociale de ces pathologies, et le faible poids social des associations de malades, très peu représentées dans les instances de tutelles hospitalières, médico-sociales ou ministérielles. b. La famille et les proches La souffrance et les drames vécus par les familles dont un membre est addict sont très largement sous estimés et peu entendus. Elles sont même parfois culpabilisées très injustement. Il existe quelques associations de soutien des familles dérivées des Alcooliques Anonymes et quelques associations ayant pour objectif de faire entendre, au plan politique, les souffrances endurées. Ces associations, aussi bien «thérapeutiques» que «politiques», sont en nombre très insuffisant, peu reconnues, peu structurées et peu aidées. 2- Propositions Définir une politique nationale de prévention et d accès aux soins Réaliser un maillage territorial suffisant des structures, CSAPA (polyvalents, à orientation alcool et/ou toxicomanies), CAARUD et unités hospitalières pour 109

110 assurer aux patients un accès équitable aux soins. Intégrer dans ce maillage le dispositif psychiatrique et pénitentiaire. Planifier ce maillage à partir d'un schéma régional d'addictologie coordonné inclus dans le PRS, transversal aux schémas régionaux de prévention, médicosocial et sanitaire, et coordonné par une commission régionale addiction. Améliorer la couverture sociale des maladies addictives et reconnaître les troubles addictifs graves comme une Affection de Longue Durée (ALD) à part entière. Valoriser et recentrer l'activité des médecins généralistes en matière d'addictologie (repérage précoce, interventions brèves, orientation vers le dispositif spécialisé, accompagnement personnel et familial) et soutenir leur collaboration avec les structures spécialisées de proximité. Organiser de manière transversale le continuum prévention, intervention précoce, réduction des risques et soins par une programmation et un financement de chaque domaine à minima sur un territoire de santé. Développer des services de santé et sociaux intégrés, plus performants parce qu'auprès des personnes et des milieux de vie et permettant repérage précoce et prise en charge des souffrances de l entourage ; Planifier ce maillage à partir d'un schéma régional d'addictologie inclus dans le PRS, transversal aux schémas régionaux de prévention, médico-social et sanitaire, et coordonné par une commission régionale addiction. Modifier la représentation de la pathologie addictive ; développer les associations de patients et de familles Modifier la représentation des pathologies addictives - par de campagnes d information - par la formation des médecins et des soignants - par la reconnaissance de la longue durée de ces maladies et du handicap qu elles entraînent. Soutenir le développement des associations de patients - en reconnaissant leur utilité et leur rôle d accompagnants - en valorisant et en finançant notablement leur fonctionnement et leurs actions. - en les intégrant dans les instances hospitalières, médico-sociales, ministérielles, administrative - en redéfinissant leurs missions, la nécessité de formation, le financement, etc : nous suggérons une charte sur ce sujet qui permettrait de rendre l action de ces mouvements plus lisible et d assurer leur financement. Soutenir les familles, développer leurs associations - en mettant l accueil des familles dans les missions des soignants et des centres de soins - en reconnaissant le rôle des associations de familles dans la perception de la prise en charge sociale de ces malades - en soutenant leur fonctionnement et leurs actions (sur le modèle de ce qui a été fait en psychiatrie) en les aidants dans leur formation et dans leur conduite de projets - en leur donnant une place dans les instances sanitaires, médico-sociales et administratives Egalité de santé : Tous les français doivent avoir accès à des soins de qualité en proximité (distances et délais). Les professionnels de premier recours assurent le maillage le plus fin, sur tous les territoires, dans les délais les plus brefs, mais ils ne sont pas en mesure d assurer toutes les dimensions de l évaluation bio-psycho-sociale ni des accompagnements complexes parfois nécessaires, et qui relèvent d équipes multidisciplinaires et spécialisées. Articulation ville-système spécialisé : étant donné la prévalence élevée des addictions, seule une implication de la majorité des professionnels de la santé et du social aura un 110

111 impact visible en santé publique. Le repérage précoce est un moyen à même de mobiliser un maximum d intervenants dans la proximité, à la condition que les patients repérés puissent bénéficier des aides nécessaires. Quelle que soit la compétence du professionnel, il aura souvent besoin, tôt ou tard, d orienter un patient vers le dispositif spécialisé pour un avis ou une prise en charge plus complexe (sevrage, ajustement thérapeutique, prise en charge multidisiciplinaire ). La difficulté de cette orientation est une des principales justifications au désinvestissement de certains professionnels : éloignement géographique incompatible avec la précarité fréquente des patients et leur motivation fragile ; délais excessifs face à un besoin ressenti comme urgent par le professionnel et le patient.pour favoriser cette articulation, en tenant compte des recommandations en ce domaine [1 ; 2], nous pouvons proposer : Inscrire comme prioritaire la thématique «addictions et premier recours» pour le développement professionnel continu, à tous les niveaux (national et régional). Identifier et la médiatiser les consultations spécialisées de proximité, permettant l évaluation et l organisation partagée du parcours de santé et de soins de la personne. Articuler ces consultations avec les réseaux polyvalents de proximité, les maisons et pôles de santé, les autres structures sociales ou sanitaires des territoires. Développer la communication entre les acteurs autour des patients. Evaluer et coordonner en régional ces dispositifs. Mettre en place des indicateurs pertinents, simples, peu nombreux, concertés et communs à toutes les régions, pour évaluer les processus et les résultats. LES RESEAUX ADDICTIONS La spécificité des réseaux Addictions L addiction n est pas seulement une pathologie mais également un mode de vie et un comportement. Elle nécessite de pouvoir s appuyer sur une prise en charge ambulatoire, le repérage précoce, la réduction des risques et la maitrise des consommations. Les patients sont des usagers peu enclins au soin et les représentations sont fortes auprès des professionnels avec des refus de soin et des manques dans la formation initiale. Il existe, de plus, une grande disparité de l offre de soin sur les territoires. La prise en charge des usagers nécessite une forte intrication du médical, du psychologique et du social avec la nécessité d un appui fait aux professionnels libéraux qui s engagent dans des prises en charge. Sur tous ces plans, les réseaux ont un rôle à jouer. Les missions des réseaux addictions Une mission de coordination des parcours de soins : avec l ensemble des acteurs médico-psycho-sociaux d un territoire donné autour de la situation des patients avec selon les cas leur présence. Leréseau est par définition un acteur de mise en lien entre acteurs de santé qui prennent en charge (ou sont susceptibles de prendre en charge) des personnes rencontrant des problématiques addictives. Il est vecteur d interconnaissance et de partage d une culture commune, en respectant et en reconnaissant les spécificités de chacun des acteurs de santé. Il convient de garder à l esprit que la mission du réseau est de coordonner ces différents acteurs de manière à fluidifier les parcours de soin des patients en fonction de chaque situation clinique et de l offre de soin existante. Cette spécificité du réseau doit être valorisée et mise en avant, car ils permettent par là d éviter les ruptures de parcours entre les différents dispositifs et les différents secteurs du soin, en accompagnant et orientant les usagers et en assurant les transitions de manière efficace et spécifique. 111

112 Une mission d'appui et de formation aux professionnels et notamment professionnels libéraux (prise en charge d actes dérogatoires, plateformes téléphoniques, documentation, expertise, etc. ) Les professionnels du soin des différents secteurs,pour se coordonner autour de situations cliniques particulières à chaque patient, ont besoin d appui et de formation notamment dans le cas de situations cliniques complexes. Le réseau permet d apporter une expertise, des ressources, et donc une assistance aux professionnels qui peuvent rencontrer des difficultés dans leurs prises en charge, notamment en termes de connaissances du paysage institutionnel d un territoire donné, de connaissances particulières et de formation. Une mission transversale sur la mise en place d actions innovantes (mis en place de protocoles, par exemple sur le Baclofène, des ateliers à la RDR, des actions VHC et VB, perspective appui méthaville, etc.). La perspective de l instauration de nouvellesmesures telles que la primoprescription de Méthadone en ville, les études sur la médication de l alcoolodépendance par Baclofène, peuvent mettre les professionnels en difficulté dans la mise en pratique et l appropriation de nouvelles pratiques professionnelles. Pour éviter ces difficultés et les problèmes qu elles pourraient engendrer, les réseaux ont une mission d accompagnement des professionnels dans ces nouvelles manières d agir et de prendre en charge, en lien avec leurs missions d appui et de coordination, notamment pour les professionnels libéraux. Cette action d accompagnement est «transversale» ; elle passe par - la mise en lien des professionnels entre eux pour créer une dynamique de partage d informations et d échange des compétences (entre les médecins de ville qui à l avenir, primoprescriraient des traitements de substitution et le CSAPA prescripteur par exemple) - l appui et la mission de ressource du réseau sur l assistance des professionnels en difficulté par rapport à une situation clinique ou à la mise en pratique de nouveaux protocoles par exemple (plateforme téléphonique, documentation, relais vers les dispositifs...) - la formation que dispensent les réseaux à tous les acteurs de soin, permettant une acculturation quifacilite (voire rend possible) l appropriation d actions innovantes de manière efficace, une meilleure coordination entre acteurs, et donc un parcours de soin plus fluide pour les usagers. Les réseaux addictions, sous différents formats (en proximité, en région, en missions dans les réseaux polyvalents de proximité), ont démontré leur utilité pour optimiser cette articulation nécessaire. Les réseaux sont aussi un enjeu important et actuellement difficile : il ne s agit pas simplement de développer la communication entre les acteurs, mais d organiser une coordination de l ensemble des partenaires permettant d assurer les parcours de soins dans les meilleures conditions possibles et de répondre aux besoins des patients. Il vaut mieux parler de réseaux de santé et aussi voir comment l addictologie peut exister dans ces réseaux. 3-Renforcement de l addictologie de recours et de proximité : En direction de l ensemble des médecins généralistes : Encourager l implication de la médecine générale dans la prise en charge des addictions suppose : - l intégration des problématiques addictologiques dans le cursus de la formation médicale initiale - une formation continue et des évaluations professionnelles intégrant l addictologie - la reconnaissance et la valorisation des expériences interventionnelles en médecine générale, sous la forme de : - d actions d intervisions ou de supervision : réunions confraternelles ou interprofessionnelles 112

113 Les Maisons de santé et Pôles de santé pluridisciplinaires pourraient être envisagés comme l un des moyens de répondre à la fragilité des dispositifs précédents. Leur promotion est plébiscitée par les jeunes générations de médecins et d acteurs de soins et est soutenue par les pouvoir publics. En outre, les nouveaux modes de rémunération (NMR) - que les nouvelles ARS sont chargées de mettre en place - répondant à la mise en place de protocoles de prise en charge pluridisciplinaires, doivent favoriser, en se substituant au paiement à l acte ou en venant le compléter, une implication plus forte des MG 113

114 ACTIONS AUPRES DES CONSOMMATEURS, OUTILS COOPERATIFS Etat des lieux : 1-L éducation par les pairs Les actions d'éducation par les pairs partent du principe que pour obtenir des modifications durables de comportements, les nouvelles normes ne doivent pas être introduites de l'extérieur par le biais de professionnels, mais elles doivent être définies et relayées par les usagers eux-mêmes. Il est ainsi nécessaire de connaître et de prendre en considération la subculture du groupe concerné et d agir sur le collectif pour modifier les pratiques des individus (Rhodes, 1994). Des associations intervenant en milieu festif techno comme Techno Plus ou Keep Smiling, composées de membres issus de la communauté techno et qui relaient l'information sur la réduction des risques avec leur code culturel, s'inscrivent dans cette démarche d'éducation par les pairs. L'association Narcotiques Anonymes joue le même rôle dans le maintien de l'abstinence. a-les associations d autosupports À ces dimensions sociales et culturelles de l'éducation par les pairs, s'ajoute l auto-support des usagers de drogues qui en constitue une formalisation politique et se définit par la participation citoyenne de la population concernée aux politiques publiques qui lui sont destinées. Ce sont par exemple Act-Up ou ASUD dans le champ de la réduction des risques. Si la réduction des risques a été institutionnalisé dans les années 2000, il n'en est pas de même pour les association d'auto-support et de santé communautaires qui ont été attaquées par 78 députés en 2006 et marginalisé par l'ancien président de la MILDT L'éducation par les pairs (en dehors du maintien de l'abstinence) a été jugé comme un «encouragement» à l'usage de drogues. b-internet : des nouvelles communautés d usager La démocratisation des connaissances sur les drogues L'Internet des années 2000, c'est d'abord la formidable démocratisation des connaissances, qui deviennent accessibles au plus grand nombre, grâce aux bases de donnée et à l'internet dynamique (2.0). L'exemple le plus connu est Wikipédia, une encyclopédie en ligne, créée par les internautes eux mêmes, dans plusieurs langages. De même, Internet a révolutionné la manière dont les usagers s'informent sur les drogues : entre 2002 et 2011, en Europe, la part des ans déclarant avoir recours à Internet comme source d information sur les produits psychoactifs est ainsi passée de 30 % à 64 %. 1 L'équivalent de Wikipédia pour les drogues s'appelle Erowid, une immense base de données regroupant les expériences, études, livre, etc, sur tous les produits psychoactifs. Les forums d'usagers Dans cette démocratisation de l'information sur les drogues, les forums d'usagers (qui sont aussi des bases de donnée) ont une place à part. Internet a permis de créer de nouvelles communautés et de renouveler l'éducation par les pairs. A partir du milieu des années 2000, des forum francophones comme Psychonaut, Lucid State ou Psychoactif ou anglophone comme Bluelight ou drug-forum voient le jour. Avec des visions différentes, ces forums proposent aux internautes de témoigner sur les produits psychoactif, de s'entre-aider. Pour les usagers de drogues, exposés à la stigmatisation et à la pénalisation, le relatif anonymat d'internet est essentiel et leur donne la possibilité de briser le silence. Jamais nous n'avons eu accès à autant de témoignages et aux savoirs expérientiels développés par les usagers. Et l'avènement des NPS amplifie le phénomène. Ces forums deviennent des sources d'information et de partage d'autant plus importante, que ce sont pratiquement 1 CALLEMIEN (M.), Les attitudes et opinions des jeunes citoyens de l'union européenne par rapport aux drogues. Eurobaromètre 57.2, Bruxelles, Commission Européenne, 2002, 54 pages. 114

115 les seules. Les témoignages d'usagers se formalisent et prennent le nom de «trip report», avec un langage et des termes particuliers. 2- Participation des usagers aux fonctionnements des établissements en addictologie A coté de l'éducation par les pairs, est né dans les années 2000, une forme institutionnalisée d'empowerment, de coopération entre les usagers fréquentant les structures en addictologie et les professionnels. a-la loi du 2 janvier 2002 La loi du 2 janvier 2002 sur le droit des usagers du système de soin a donné de nouveaux droits aux usagers fréquentant les structures sanitaires (centre addicto) et médicaux-sociales (CAARUD, CSAPA, CTR). Parmi ceux ci, la participation des usagers au fonctionnement de l'établissement, que ce soit par des questionnaires de satisfaction, des boites à idées, des groupes d'expression, ou des conseils de la vie social. Les enjeux de la participation sont à la fois de favoriser l'exercice des droits et l expérimentation des règles sociale des usagers, mais aussi d accroître la qualité des prestations. b-les conseils de la vie sociale Le conseil de la vie sociale est la forme la plus aboutie de la consultation des usagers. Il est obligatoire dans les structures avec hébergement. Il s'agit d'un groupe regroupant des représentants des usagers et des professionnels (les usagers doivent être plus nombreux que les professionnels), qui peuvent émettre des recommandations sur tout ce qui concerne le fonctionnement du centre, y compris sur la clinique. Toute proposition du CVS doit être examiné par la direction, qui doit rendre une réponse par écrit, donnant de la crédibilité au CVS. Actuellement, malgré la loi de 2002, malgré les recommandations de l'anesm 2, la participation des usagers au fonctionnement des établissements n'est toujours pas une évidence. Certains établissements ont mis en place de boite à idées ou questionnaire de satisfaction, mais très peu ont mis en place des CVS, le seul instrument qui favorise l'exercice des droits et l'expérimentation des règles sociales. La culture de la participation des usagers n'est pas inné pour les professionnels et très peu intégrée à leur cursus initial. L'application de la loi de 2002 demandera du temps. Propositions 1- Propositions pour l éducation par les pairs Rélégitimer les associations d'auto-support et de santé communautaire en leur donnant une place à part entière dans l'élaboration de la politique des addictions et en maintenant leurs financements. 2- Propositions pour les acteurs sur internet - Permettre aux communautés issues d'internet de se structurer (être financées), pour que les nombreux témoignages d'usagers qu'elles hébergent puissent remonter vers les pouvoirs publics et les professionnels. - Profiter de la connaissance technique d'internet de ces communautés pour travailler à l émergence des professionnels sur le web. 3- Propositions pour la participation des usagers - Former les professionnels à la loi de 2002 et à la participation des usagers, en formation professionnelle (notamment les DU d'addictologie) et initiale. 2 Expression et participation des usagers dans les établissements médico-sociaux relevant de l addictologie ANESM,

116 - Les ARS doivent veiller à ce que établissements appliquent la loi de 2002 et mettent en place des conseils de la vie social. - Financer les initiatives partenariales visant à dynamiser les conseils de la vie social, comme Asud l'a fait avec 5 établissements de la Fédération Addiction de 2007 à Bibliographie 1. Daniel C, Delpal B, Duhamel G, Lannelongue C. Contrôle et évaluation du FAQSV et de la DRDR. Rapport de synthèse. Paris : Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) ; 2 Février Rapport n Direction générale de l offre de soins. Guide méthodologique améliorer la coordination des soins : comment faire évoluer les réseaux de santé. Octobre 2012 AMELIORATION DES DISPOSITIFS MEDICO-SOCIAL ET DE REDUCTION DES RISQUES Etat des lieux Le dispositif médicosocial en addictologie a été restructuré entre 2006 et 2010 avec la mise en place descsapa 3 et des CAARUD 4. Il tient une place primordiale dans la prévention et l accompagnement thérapeutique. Ses champs et niveaux d intervention ont été définis par le Décret CSAPA de 2007 et la circulaire DGS de Il assure un ensemble de missions tout au long de la trajectoire des personnes en difficulté avec des conduites addictives, et, par sa proximité, est en capacité de répondre aux besoins des populations locales : l accueil, l information, l évaluation, l orientation, la réduction des risques, le soutien à l entourage et aux familles, l accompagnement thérapeutique et la coordination des prises en charge, l intervention précoce et la prévention, la formation, la recherche. La position et les missions spécifiques de l addictologie médico-sociale lui confère un rôle central dans le dispositif global de par : - sa place de pivot de proximité inséré dans un territoire disposant ainsi de la capacité d'intégrer la prévention des conduites addictives dans les ressources de la communauté locale, d'offrir un accueil et des soins aux personnes présentant des conduites addictives et à leur entourage, d'inscrire le parcours de soin dans le projet de vie de la personne, et d'assurer un soutien au long cours aux personnes les plus en difficulté, - la pluridisciplinarité de ses équipes qui permet de conjuguer les composantes médicale, psychologique, éducative et socialedes actions, des traitements et des prises en charge spécialisées pour offrir une approche globale et individualisée. - ses articulations avec ses partenaires : - du secteur hospitalier dont les missions sont centrées sur les phases aigues du traitement des maladies addictives, les cas compliqués par des pathologies associées et les activités de liaison et de consultation - de la médecine de ville (médecins, pharmaciens,..) qui assurent une grande part de l activité sanitaire de base auprès des populations locales, - du secteur social qui contribuent à l insertion, à la réhabilitation de la personne et à la reconstruction de son réseau social Les équipes médico-sociales favorisent ainsi la qualité et à la fluidité du parcours de soins par l'adaptation constante de la réponse au stade évolutif et à la situation propre de la personne. Le dispositif médicosocial est composé de 460 CSAPA dont la majorité dispose d appartements thérapeutiques et d une Consultation Jeunes Consommateurs (CJC). Près d une quinzaine se trouvent en milieu carcéral et 34 disposent d un Centre Thérapeutique 3 Centre de Soins, d Accompagnement et de Prévention en Addictologie 4 Centre d Accueil et d Accompagnement à la Réduction des risques pour les Usagers de Drogues 116

117 Résidentiel). Il est constitué aussi de 130 CAARUD, de 10Communautés Thérapeutiques, de 4 réseaux de Familles d Accueil.En complément, des petites structures non spécialisées, comme les Appartements de Coordination Thérapeutique [ACT] et des Centres d Hébergement et de Réinsertion Sociale [CHRS] qui ont vocation à accueillir d autres publics, sont rattachées localement au dispositif addictologiqueetpeuvent nouer des partenariats spécifiques. L'ONDAM lui a consacré une enveloppe de près de 300 M en Le dispositif médico-social en addictologie est en voie de structuration autour de véritables Centres ressources. Mais la mutation profonde qu il a effectué ces dernières années a été parfois rendue difficile voire bloquée car elle ne s est pas accompagnée, dans bon nombre de départements et de territoires, des moyens à la hauteur des besoins ni d une programmation concertée de son déploiement, en particulier dans son rôle spécifique de l intervention précoce et de la réduction des risques. - La plupart des CSAPA et plus encore des CAARUD ne fonctionnent qu avec des équipes restreintes (entre 1 et 5 équivalent temps plein le plus souvent), en particulier des temps médicaux souvent très parcellaires. Au vu de l activité croissante, de la multiplication des missions complexes dans un contexte de stagnation voire de baisse des moyens disponibles pour intervenir auprès des publics, la qualité des actions est fortement affectée. C est notamment le cas des actions de prévention, de réduction des risques et des innovations pour lesquelles il devient de plus en plus difficile de trouver les financements. - La plupart des centres sont débordés de demandes d accueil et de soins : populations présentant des troubles psychiatriques et/ou une grande précarité sociale, nouvelles addictions (jeux de hasard et d argent, cyberdépendance, par exemple), publics orientés par la justice sous obligation de soins ou injonction thérapeutique (qui représentent jusqu à plus du tiers des consultants dans plus de la moitié des CSAPA), demandes de soins résidentiels, demande d une plus grande accessibilité des traitements de substitution, besoins de développement des actions de réduction des risques (milieux festifs, jeunes en errance...), accroissement des d interventions dans des quartiers ou des établissements scolaires, demandes de formations et d évaluation des actions, etc. - Dans de nombreux départements et territoires, des consultations d addictologie hospitalières sont considérées comme palliant l absence de CSAPA. Des CSAPA sont intégrés à l hôpital et ne sont parfois qu une porte d entrée et de suivi pour un service hospitalier, ne répondant pas à l ensemble des missions du dispositif médico-social. 2-Le versant soins résidentiels du dispositif Tente aussi de se structurer pour apporter des offres diversifies et adaptées à différentes populations : Centre Thérapeutiques Résidentiels (CTR), Communautés thérapeutiques (CT), Familles d accueil (FA), Appartements Thérapeutiques (AT). Alors que ce dispositif de soins résidentiels apporte des outils indispensables pour les accompagnements les plus difficiles, il connaît des difficultés grandissantes : - Les demandes d admission dans ces dispositifs sont en nombre très élevé, mais les capacités d accueil se sont réduites : la baisse de l offre en CTR et Famille d accueil (entre 1999 et 2011, le nombre des CTR est passé de 60 à 34, les capacités d accueil en famille ont été divisées par 4, le nombre d appartements thérapeutique a stagné). Déficit qui n est que partiellement compensée par l ouverture de CT, 117

118 - Dans le même temps, les autorités sanitaires ont autorisé la création de nouveaux établissements sanitaires (Soins de Suite et de Réadaptation en Addictologie [SSR-A], cliniques), dont certains sont confiés à des opérateurs privés à but lucratif sur des critères essentiellement économiques. - Cette baisse des capacités d un côté et ces ouvertures de l autre n ont été fondées ni sur une analyse quantitative et qualitative des besoins et de leurs moyens ni sur les objectifs thérapeutiques. Elles ont été conduites sans que soit préalablement définis la moindre programmation ni des cahiers des charges fixant les missions de chacune des différentes structures de soins résidentiels. - Tout cela rend difficile l ajustement des réponses aux besoins des différents publics et des différentes étapes de la prise en charge. Cela met en difficulté l ensemble d un dispositif qui doit proposer une offre diversifiée, adaptée aux différents profils d usagers (comorbidités psychiatriques, TSO, populations précaires, en situation d exclusion sociale, etc, ), aux différents comportements (alcool, drogues illicites, addictions sans produit). Si l éloignement n est pas indispensable, il est assez souvent utile. La notion de proximité ne doit pas constituer une priorité, et la planification de ces offres ne doit pas être contrainte par des ratios régionaux mais être pensée plus globalement, sur une échelle inter-régionale ou même nationale pour les offres les plus spécifiques. C est globalement dans une logique addictologique et sans risquer d opposer alcoologie et toxicomanies que doivent être évoquées les capacités d'accueil en soins résidentiels, afin de les analyser dans la diversité des offres et réponses qu elles déclinent. Deux grandes fonctions sont à distinguer : - Héberger : hébergement social ou d insertion, il cible le droit à un toit et l hébergement comme première étape, le comportement d usage est toléré, en tout cas sa prise en charge n est pas l objectif premier. - Soigner : soins résidentiel, individuel (AT et FA) ou collectif (SSR-A, CTR ou CT), avec soit une priorité sanitaire pour les soins des conséquences d une addiction, soit une priorité médico-sociale pour une actionsthérapeutiques sur la conduite addictive, en proposant un programme thérapeutique spécifié par sa durée, la place du groupe, des étapes de prise d autonomie, la participation des usagers à la définition et aux objectifs des soins. Ils peuvent avoir une visée d abstinence partielle ou complète, ou aider plus largement à la gestion contrôlée de l addiction. 3-La mise en œuvre et la valorisation d innovations Elle est indispensable pour prendre en compte les évolutions des pratiques et des besoins comme le montre les politiques menées par nombre de nos voisins européens.de puis de nombreuses années celle-ci estinsuffisante voire impossible. Ce qui occasionne des retards particulièrement préoccupants de notre pays au regard des besoins actuels de santé publiques (l accès aux soins de populations très désocialisées et/ou présentant des troubles psychiques, la prévention du VHC, la réduction des risques auprès de toutes les populations concernées...) : - les Consultations pour Jeunes Consommateurs (CJC) sont une porte d accès essentielle pour ce public. Elles jouent un rôle de pivot pour développer des actions d intervention précoce. Depuis 2009, les seules créations de consultations jeunes se font par un appel à projet national MILDT au lieu de promouvoir un dispositif territorialisé permettant un égal accès, et sur la base d un financement maximum dérisoire ( de fonctionnement annuel). 118

119 - les dispositifs expérimentaux et innovants sont peu ou pas soutenus (éducation à l injection, éducation thérapeutique, accès au logement d abord...). - Des réponses nouvelles pour lesquelles des projets existent sont repoussées depuis des années, comme la mise en place de Centres de Consommations Supervisées ou l expérimentation de Traitements de Substitution Opiacés par voie injectable. - le développement de services de santé et sociaux intégrés, plus performants parce qu'auprès des personnes et des milieux de vie et permettant repérage précoce et prise en charge des souffrances de l entourage est difficilement envisageable. - L expérimentation de nouveaux métiers de la santé, notamment le développement de professions «intermédiaires» aux compétences définies et validées à partir des besoins, a pratiquement disparue. 4-Les moyens sont totalement inexistants en matière d évaluation des soins et des actions en général. La participation des équipes médico-sociales à l enseignement et à des recherches dans les domaines sociologiques, socio-sanitaires, psychosociaux, anthropologiques, médicaux et autres, n est absolument pas favorisée. Cela a de lourdes conséquences quant à la capacité de construire une politique publique en addictologie, équilibrée, adaptée et généralisée sur le territoire. Et cela contribue à tronquer l expertise sociale en matière d addictions et à ce que cette politique soit insuffisamment comprise et relayée par l ensemble des partenaires et de la société. 5-Le dispositif ne dispose pas d un outil permettant une programmation anticipatrice. La couverture territoriale est insuffisante, notamment en terme d accès équitable et de mise à disposition de réponses «transrégionales». Pourtant, l équilibre et le bon fonctionnement de l ensemble du dispositif de prévention et de soins reposent sur l existence, sur tout le territoire, de structures médico-sociales suffisamment étoffées pour permettre à chaque personne confronté à une problématique addictive ou à son entourage d accéder à une prise en charge de proximité globale et graduée. La pluridisciplinarité et la diversité de l'offre de soins et d'accompagnement doivent répondre à la pluralité des pratiques, des conduites et des problématiques associées. Si des schémas régionaux ont été rédigés, ils l ont souvent été parallèlement à la planification sanitaire et se sont souvent limités à la description de la répartition des missions territoriales entre le niveau hospitalier et celui des CSAPA, sans développer de prospective en termes d offre à développer, de missions spécifiques et de leurs articulations. Cette planification régionale en addictologie reste donc à organiser. Comme l ont déjà fait certaines ARS, l'individualisation systématique de l'addictologie sous la forme d'un volet spécifique (la loi HPST l a inscrite dans le champ de la santé mentale) constituerait un choix politique fort de nature à mobiliser et à assurer visibilité et lisibilité du dispositif. Propositions pour le renforcement du dispositif médicosocial en addictologie Garantir une répartition géographique et fonctionnelle sous forme de «Centres ressources» composés d au moins 1 CSAPA et 1 CAARUD par territoire de 119

120 santé, et des effectifs d au moins un équivalent temps plein de professionnel spécialisé en contact avec les usagers pour habitants Favoriser le développement de la réduction des risques et de l'intervention précoce, en lien avec la médecine de ville et le dispositif social. Instaurer un rattachement à chaque CSAPA de personnels dédiés à la prévention, en organiser la coordination sur des programmes locaux et régionaux et en stabiliser les budgets Développer les Consultations Jeunes Consommateurs en nombre et en capacité d action, le repérage et l intervention précoce, ainsi que les structures adaptées pour adolescents, l aide aux familles et le soutien par les pairs. Renforcer les équipes des CAARUD et des CSAPA pour parvenir à une réelle pluridisciplinarité et à des capacités d accueil et de suivi à la mesure des besoins (temps médicaux, de travailleurs sociaux, psychologues,...) Doubler les capacités d accueil des services de soins résidentiels sur la base d une programmation nationale et régionale, garantissant l égalité d'accès aux différents profils et parcours d'usagers et aux offres correspondantes, et mettre notamment en place une programmation pour, en moyenne par Région, 30 places en Centres Thérapeutiques Résidentiels, 30 places en Communauté Thérapeutique et 10 places en Réseau de Familles d Accueil. Développer systématiquement des offres d aide et de soutien à l entourage (conjoint, parents et programmes spécifiques pour les souffrances des enfants). Consolider et développer des programmes thérapeutiques de jour, notamment en lien avec des hébergements médico-sociaux. Clarifier les fonctions des CHRS, ceux «dit» addictologiques Organiser la prise en charge des addictions en prison et la collaboration avec les autres dispositifs. Organiser un recours précoce aux soins par des consultations avancées auprès des populations sous main de justice, en garde à vue et/ou détenus. Développer des structures ambulatoires et avec hébergement adaptées pour public en situation de précarité sociale notamment en zone urbaine très peuplée, visant la réduction des risques et des dommages. Intégrer des dispositifs innovants en direction de populations particulières (notamment des centres de consommations supervisées et des programmes adaptés d éducation aux risques liés à l injection), les actions dans les lieux festifs et auprès des publics précaires. Diversifier les modalités de soins et de traitement, notamment en élargissant la palette des TSO et des thérapies psychosociales au sein du dispositif médicosocial spécialisé : mettre en place, selon les recommandations de l Expertise de l INSERM sur la réduction des risques (2010) une expérimentation de diamorphine injectable et lancer un essai clinique d utilisation en substitution de la buprénorphine en iiv et en intra nasal Créer des MAS interrégionales pour psychose alcoolique et démence toxique irréversibles. Expérimenter des nouveaux métiers de la santé concernant notamment les professions intermédiaires et la santé communautaire. 120

121 DISPOSITIF SANITAIRE GENERAL La grande majorité des patients présentant des conduites addictives est accueillie dans le dispositif sanitaire général, le plus souvent pour des complications ou comorbidités somatiques ou psychiatriques. Dans cette situation, la conduite elle-même passe souvent au second plan. Il arrive encore trop souvent qu elle soit ignorée et non prise en charge. Les conduites addictives représentent pourtant une des toutes 1ères causes d hospitalisation toutes causes confondues. Le poids de ces séjours est considérable pour les établissements hospitaliers. Exemple pour l alcool qui représente l essentiel des séjours pour l année 2011 : * En MCO, séjours comportaient le terme «alcool» dans le diagnostic, correspondant à patients. 60 % de ces séjours concernaient des troubles liés à la dépendance ( séjours patients) et pour 36 % d entre eux ( séjours patients), la dépendance était le motif d hospitalisation. Les autres séjours étaient motivés par une complication de la dépendance alcoolique. Comparaison avec d autres pathologies en MCO En 2011, le secteur MCO a accueilli un total de séjours toutes causes confondues (hospitalisation complète) Globalement, le nombre de séjours liés à un problème d alcool ( ) était 1,7 fois plus important que le nombre des séjours pour diabète ( ). Il était du même ordre de grandeur entre les séjours pour dépendance alcoolique et diabète, très supérieur à l infarctus du myocarde ( séjours intégrant infarctus et poses d endoprothèses) ou aux prothèses de hanche par exemple ( ). * En Psychiatrie, résumés ont été comptabilisés pour la même pathologie (64033 patients) * En SSR, résumés hebdomadaires ont été établis, soit patients. Au total, en 2011, le nombre de séjours hospitaliers liés à un problème avec l alcool est d environ correspondant à plus de patients. Evolution des GHM entre 2010 et 2011 En MCO, en 2011 on recense GHM pour éthylisme aigu (GHM 20Z05) et GHM «éthylisme avec dépendance» (GHM 20Z04). Entre 2009 et 2011, le nombre des GHM «éthylisme avec dépendance» a augmenté de plus de 30 %. Entre 2010 et 2011, ces GHM sont au 11 ème rang des GHM contribuant le plus à la croissance des dépenses : 13,3 % en volume, 8,5 % en euros, contribuant à la croissance économique totale à hauteur de 1,8 %. Ainsi, l éthylisme avec dépendance génère une activité hospitalière importante (170 M ), à la croissance 3 fois supérieure (+8,5%) à l ONDAM Hôpital (+2,8%). En Psychiatrie, les diagnostics «troubles mentaux et du comportement lié à l utilisation d alcool : syndrome de dépendance» sont au 5 ème rang des diagnostics principaux les plus importants en nombre de journées : contribution à la croissance globale en volume de 9,4 % entre 2010 et

122 Non seulement l éthylisme aigu ou avec dépendance constitue un des premiers motifs d hospitalisation parmi les quelques 600 GHM existants mais il contribue aussi fortement à la croissance de l activité hospitalière, La moitié des sujets dépendants reste moins de 2 jours à l hôpital, le plus souvent sans avoir de prise en charge addictologique, ni intégration dans une filière de soins Etats des lieux 1-Le dispositif hospitalier spécialisé en addictologie Il a été réorganisé en 3 niveaux dans le cadre du plan de prise en charge et de prévention de addictions Niveau 1 : proximité Niveau 2 : recours Niveau 3 : expertise régionale L enquête DGOS réalisée en 2010 auprès de 645 établissements de santé dont 443 disposant d une structure d accueil des urgences a montré qu il existait environ : ELSA consultations hospitalières d addictologie établissements dotés de lits de sevrages simples - 70 établissements dotés d une hospitalisation de jour hôpitaux permettant des soins complexes (chiffre souvent basé sur la déclaration des établissements et probablement surestimé par rapport à la réalité de l activité) - Seulement 12 CHU comprenant un réel niveau 3 : unité de soins complexes, activité d enseignement, de recherche et au moins un universitaire - Une centaine de SSR accueillant, à des degrés divers, des personnes ayant des conduites addictives Ces chiffres montrent : - qu à l évidence, parmi tous les patients hospitalisés pour alcoolo-dépendance, seul un petit nombre est pris en charge par les structures spécialisées - Que les ressources ne sont pas encore à la hauteur des besoins et implique de maintenir et de renforcer ce dispositif encore inégalement réparti sur le territoire. 2- Les propositions pour renforcer l addictologie hospitalière : De façon générale, quel que soit le niveau, inciter les établissements à développer l addictologie et rendre cette activité pérenne en demandant notamment aux établissements de l inscrire dans leur projet d établissement et leur CPOM. Demander que des projets de création ou d extension, pourtant viables et bénéficiaires, ne soient pas bloqués pour cause de contrat de retour à l équilibre de l établissement. Sanctuariser les crédits MIG fléchés addictologie et intégrés depuis 2013 au FIR. a- Au niveau 1 : - Renforcer les ELSA à partir de critères précis d activité. - Compléter le dispositif dans tous les hôpitaux disposant d un SAU. - Développer et faciliter la réalisation des sevrages simples dans les services non spécialisés en addictologie. 122

123 - Améliorer la culture addictologique dans les services non spécialisés en addictologie, mais qui voient beaucoup de personnes présentant des conduites addictives. b- Au niveau 2 : - Définir par les ARS en collaboration avec les parties prenantes, professionnels en particulier, le nombre et la localisation des niveaux 2 pour chaque région. - Agréer ces structures pour permettre :. leur reconnaissance et leur lisibilité.d assurer leur financement en particulier en autorisant le codage des soins complexes - Permettre un financement suffisant pour assurer la pérennité des structures : tarifs des GHS à un taux prenant en compte les spécificités des patients, des équipes et des séjours et évoluant parallèlement aux coûts réels. - Flécher des postes de PH et d assistants dans ces structures - Pour l hospitalisation de jour en addictologie, finaliser les règles définissant les conditions de reconnaissance et de tarification des séjours dans ces structures - Pour les SSRA :. Compléter la couverture des besoins nouveaux : * femmes avec enfant, * patients présentant des troubles cognitifs importants, troubles fréquents lorsqu ils sont recherchés et qui sont source d inefficacité des traitements. Ils doivent donc impérativement être évalués et spécifiquement pris en charge avant que le patient puisse mettre en place des stratégies adaptées à sa conduite addictive (structures inter-régionales). Promouvoir des formules innovantes d alternatives à l hospitalisation : accompagnements à domicile, consultations de suivi pluridisciplinaires. Assurer un financement adapté dans le cadre du passage à la T2A SSR. Permettre à l algorithme d accéder à des GMD correctement valorisés financièrement : et pour les SSRA, (Démence, schizophrénie et retard mental) pour les SSRA cognitifs.. Redéfinir le statut des CHRS assurant une prise en charge addictologique - Poursuivre la formation en addictologie des équipes médicales et non médicales pour assurer la meilleure qualité des soins possible. c- Au niveau 3 : - Développer dans chaque région une offre de soins, d enseignement et de recherche complète en créant des structures de niveau 3 là où il n y en a pas. - Inciter les CHU à développer ces structures dans leur projet d établissement. - Flécher des postes universitaires dans toutes les facultés de médecine : PU, mais aussi MCU et assistants pour développer des «viviers» de jeunes candidats en leur offrant des postes post-internat. La prise en charge des personnes présentant des conduites addictives est souvent complexe, associant de nombreux intervenants. Cela implique de réorganiser la 123

124 coordination des acteurs de soins autour des patients et notamment de redéfinir la place et l organisation des réseaux. 124

125 MEDICAMENTS Il existe des traitements médicamenteux validés en Addictologie. Ils concernent les dépendances à l'alcool, au tabac et aux opiacés. Les autres dépendances ne bénéficient pas de traitements médicamenteux spécifiques, ou font seulement l'objet de recommandations. Quel que soit l objet d une addiction, il existe deux phases thérapeutiques principales : le sevrage et la prévention des rechutes. Ces phases ont des objectifs différents et ne sont pas en concurrence. L objectif du sevrage consiste à prévenir et repérer les manifestations qui surviennent lorsque qu une personne passe de l usage à l abstinence : il s agit du syndrome de sevrage qui va être caractéristique des propriétés pharmacologiques de chaque substance. Ces manifestations disparaissent spontanément en quelques jours à quelques semaines. Elles sont souvent très inconfortables pour le patient, et seul le syndrome de sevrage de l alcool peut mettre en jeu le pronostic vital. Ainsi, un médicament utilisé pour cette phase thérapeutique ne le sera que pour une période de quelques jours à quelques semaines. L objectif de la prévention des rechutes est de s adresser à la caractéristique spécifique de l addiction : la rechute. Ici, le phénomène cible est la «perte de contrôle» dont le symptôme caractéristique est le craving : une expérience subjective egodystonique où la personne sevrée est envahie par une envie irrésistible de consommer. Ce phénomène est durable sur plusieurs années. Ainsi, un médicament utilisé pour cette phase thérapeutique pourra l être quelques années le plus souvent. Les médicaments qui ont une action sur le craving sont parfois appelés «addictolytiques». Certains d entre eux sont aussi efficaces sur les manifestations du syndrome de sevrage. Enfin, l utilisation d agent pharmacologique permet une autre stratégie thérapeutique qui n est alors pas centrée sur l addiction, mais sur le dommage collatéraux, notamment en lien avec la toxicité de l objet d addiction tel qu il est disponible à l usager : il s agit des traitements de remplacement. Une confusion existe parfois pour les prescripteurs comme les patients, du fait qu un même agent pharmacologique peut être utilisé pour la phase de sevrage mais aussi pour la prévention de la rechute. C est le cas notamment pour certains des médicaments de la dépendance au tabac et à l héroïne. L idéal du médicament «addictolytique» Pour qu un agent pharmacologique participe au traitement d une addiction, il doit avoir un certain nombre propriétés fondamentales : L objectif apaiser significativement le «craving»; ne pas avoir d effet renforçant propre significatif et réduire l effet renforçant de la co-consommation de la substance. n est pas de compenser ou masquer les signes de sevrage. Ce point est important, car les doses suffisantes pour réduire les signes de sevrage sont inefficaces pour réduire le «craving» et l effet renforçant de la consommation. Cette approche pharmacologique libère le sujet du lien pathologique qui l unit à la substance. Elle lui permet d investir les autres champs de la prise en charge. 1- Pour la dépendance à l héroïne Les traitements disponibles sont la méthadone et la buprénorphine (14-16). La buprénorphine est prescrite en première intention, son profil d'action (effet plafond au delà d'une certaine dose) permet une prescription par tout médecin. L'association avec la naloxone est disponible depuis 2012 et permet une réduction du mésusage intraveineux de la buprénorphine. La méthadone est prescrite aux patients ne pouvant bénéficier d'un traitement par buprénorphine seule ou en association ; la méthadone ne possède pas d'effet plafond, sa prescription initiale est donc réservée aux médecins exerçant en CSAPA ou dans 125

126 un établissement de santé. Enfin, la naltrexone est aussi utilisée pour prévenir les rechutes ; elle est prescrite à distance d'un sevrage en raison de son action bloquante sur les récepteurs opiacés (17). Cependant son efficacité est réduite du fait d une acceptabilité très faible, peut-être en lien avec l absence d impact sur le craving opiacé. 2-Pour la dépendance au tabac (9-11) il s agit essentiellement des patchs de nicotine substituts nicotiniques disponibles en vente libre ou sur prescription et deux autres médicaments d intérêts mais qui nécessitent des précautions d emploi : le bupropion qui est un antidépresseur, et la varénicline qui agit sur les récepteurs nicotiniques (12,13). 3-Le traitement de la dépendance à l alcool Il consiste en une prescription de naltrexone ou d acamprosate (4-5). Alors que la naltrexone atténue l effet renforçant de l alcool en bloquant les récepteurs opiacés et réduit ainsi le craving, l acamprosate agirait en diminuant directement le «craving» en corrigeant les déséquilibres de neurotransmetteurs induits par l'alcool. Place des médicaments de «remplacement» Si le sujet demeure attaché aux effets renforçants de la substance et ne souhaite pas ou ne peu pas s engager dans une démarche active d arrêt et de maintien de l abstinence, des outils pharmacologiques de «remplacement» peuvent lui être proposés pour certaines substances. L intérêt de ces traitements réside en la réduction des risques et des dommages associés à l usage sans contraindre l individu à la prise en charge de son addiction. Il s agit ici de remplacer la substance dont le patient est dépendant, par une autre, dont les dangers sont réduits, sans chercher à modifier le comportement de dépendance. On dispose de cette optin thérapeutique pour la dépendance au tabac (gommes, comprimés, inhaleur de nicotine, et peut-être cigarette electronique) où la prise s accompagne d un effet renforçant perceptible de la nicotine (à la différence des patchs, non-renforçant qu il faut distinguer). Pour la dépendance à l héroïne, c est la justification de la prescription médicale d héroïne, non disponible en France. Perspectives de nouveaux médicaments Le nalméfène qui partage le mécanisme d'action de la naltrexone sera prochainement disponible (7). Le libellé de son AMM est à noter car il indique précisément son intérêt addictolytique (= permet la réduction de l usage chez l usager non sevré). Largement prescrit hors AMM, le baclofène (agoniste GABA-B) est une nouvelle piste (8) en cours d'évaluation. Aucun médicament n'a AMM pour la dépendance à la cocaïne. En se basant sur les résultats d'essais cliniques (pour revue, 18), des recommandations de bonne pratique ont été publiées en 2010 par la Haute Autorité de Santé (19). Elles proposent d'utiliser le N- acétyl-cystéine pour la gestion du syndrome de sevrage, et le topiramate ou le disulfirame pour la prévention des rechutes. Concernant les cigarettes électroniques contenant de la nicotine, leur statut en tant que médicament ou dispositif médical n'a pas encore été déterminé. 126

127 TABLEAU I Les médicaments en addictologie : différences entre médicament de «remplacement», et médicament «addictolytique». Médicament de remplacement (Se substitue vraiment afin de réduire les dommages sans toucher immédiatement au comportement addictif) Pas d effort ou de contraintes particulières pour le patient Conduite addictive inchangée Expérience euphorique Compatible avec la consommation de la substance de dépendance Supprime les symptômes de sevrage, sans supprimer l envie/besoin de substances Ne modifie pas les autres usages de substance ou les augmente Inhaleur et gomme à mâcher de nicotine, héroïne médicalisée, détournement de la buprénorphine ou de la morphine par voie veineuse Médicament addictolytique (Contribue au maintien de l abstinence et impose un changement de comportement) Engagement et efforts importants pour le patient. Nécessite préalablement d être dans une démarche active de chercher à arrêter. Conduite addictive supprimée Pas d effets euphoriques Supprime l effet renforçant la consommation de la substance de dépendance, Supprime l envie/besoin de substances, et aussi, les symptômes de sevrage Réduit les autres usages de substance Patch de nicotine, buprénorphine sublinguale, méthadone orale, acamprosate, varénicline Bibliographie O Brien CP: Drug addiction, in Goodman & Gilman s The Pharmacological Basis of Therapeutics, 12th Edition. Edited by Brunton L. New York, McGraw-Hill, 2011, pp O'Brien CP. Review. Evidence-based treatments of addiction. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci 2008;363: Fatseas M, Auriacombe M. Principes de la thérapeutique et des prises en charge en addictologie In: Lejoyeux M ed. Abrégé d'addictologie. Paris: Masson; 2009: Auriacombe M, Fatseas M, Franques-Reneric P, Daulouede JP, Tignol J. Therapeutiques de substitution dans les addictions. La Revue du Praticien 2003;53: Amato L, Minozzi S, Vecchi S, Davoli M. Benzodiazepines for alcohol withdrawal. Cochrane Database Syst Rev. 2010;(3):CD Cook CC, Hallwood PM, Thomson AD. B Vitamin deficiency and neuropsychiatric syndromes in alcohol misuse. Alcohol Alcohol. 1998;33(4): Sechi G, Serra A. Wernicke's encephalopathy: new clinical settings and recent advances in diagnosis and management. Lancet Neurol 2007;6(5): Rösner S, Hackl-Herrwerth A, Leucht S, Lehert P, Vecchi S, Soyka M. Acamprosate for alcohol dependence. Cochrane Database Syst Rev. 2010;(9):CD

128 5. Rösner S, Hackl-Herrwerth A, Leucht S, Vecchi S, Srisurapanont M, Soyka M. Opioid antagonists for alcohol dependence. Cochrane Database Syst Rev. 2010;(12):CD Jørgensen CH, Pedersen B, Tønnesen H. The efficacy of disulfiram for the treatment of alcohol use disorder. Alcohol Clin Exp Res. 2011;35(10): Mann K, Bladström A, Torup L, Gual A, van den Brink W. Extending the treatment options in alcohol dependence: A randomized controlled study of as-needed nalmefene. Biol Psychiatry. 2013;73: Gorsane MA, Kebir O, Hache G, Blecha L, Aubin HJ, Reynaud M, Benyamina A. Is baclofen a revolutionary medication in alcohol addiction management? Review and recent updates. Subst Abus. 2012;33(4): Stead LF, Perera R, Bullen C, Mant D, Hartmann-Boyce J, Cahill K, Lancaster T. Nicotine replacement therapy for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev. 2012;11:CD Cahill K, Stead LF, Lancaster T. Nicotine receptor partial agonists for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev. 2012;4:CD Hughes JR, Stead LF, Lancaster T. Antidepressants for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev. 2007;(1):CD Gunnell D, Irvine D, Wise L, Davies C, Martin RM. Varenicline and suicidal behaviour: a cohort study based on data from the General Practice Research Database. BMJ. 2009;339:b Beyens MN, Guy C, Mounier G, Laporte S, Ollagnier M. Serious adverse reactions of bupropion for smoking cessation: analysis of the French Pharmacovigilance Database from 2001 to Drug Saf. 2008;31(11): Mattick RP, Kimber J, Breen C, Davoli M. Buprenorphine maintenance versus placebo or methadone maintenance for opioid dependence. Cochrane Database Syst Rev. 2008; (2):CD Orman JS, Keating GM. Buprenorphine/naloxone: a review of its use in the treatment of opioid dependence. Drugs. 2009;69(5): Mattick RP, Breen C, Kimber J, Davoli M. Methadone maintenance therapy versus no opioid replacement therapy for opioid dependence. Cochrane Database Syst Rev. 2009; (3):CD Minozzi S, Amato L, Vecchi S, Davoli M, Kirchmayer U, Verster A. Oral naltrexone maintenance treatment for opioid dependence. Cochrane Database Syst Rev. 2006; (1):CD Karila L, Reynaud M, Aubin HJ, Rolland B, Guardia D, Cottencin O, Benyamina A. Pharmacological treatments for cocaine dependence: is there something new? Curr Pharm Des. 2011;17(14): Prise en charge des consommateurs de cocaïne - Recommandations de bonne pratique - Haute Autorité de Santé, Saint-Denis La Plaine, France, Février 2010, 35 p. 128

129 129

130 PSYCHOTHERAPIES Dans l arsenal thérapeutique des addictions, les psychothérapies jouent un rôle complémentaire et nécessaire à celui des médicaments, qu il s agisse de drogues illégales, d alcool ou d addictions sans drogue. Les psychothérapies des addictions peuvent être dispensées dans différents lieux de traitement, spécialisé ou non, ambulatoire ou résidentiel et prendre différentes formes, en individuel ou en groupe, et la durée peut également varier. Par exemple, les recommandations issues de la médecine fondée sur les preuves proposent d intervenir systématiquement sur le mésusage d alcool en médecine générale. Parce que les addictions sont typiquement des maladies chroniques caractérisées par des rechutes, un traitement unique au court terme n est généralement pas suffisant. Les psychothérapies recommandées dans les directives de soins issues de la médecine fondée sur les preuves le sont parce que leur efficacité est établie sur la réduction ou l arrêt de la consommation, mesurées en général pendant les 6 à 12 mois suivant l initiation d un traitement. L efficacité des psychothérapies sur les conséquences des addictions ou sur la morbidité psychiatrique souvent associée aux addictions n est pas prise en considération. Cette dernière catégorie de pathologies doit être traitée en parallèle par les traitements appropriés. Les psychothérapies sont très insuffisamment utilisées Dans la situation actuelle et comparées aux traitements d autres maladies fréquemment rencontrées en médecine, les psychothérapies des addictions sont insuffisamment et inadéquatement dispensées. Par exemple, pour l infarctus du myocarde, 74% des patients sont traités selon les directives de la médecine fondées sur les preuves alors que ce n est les cas que pour 7% des patients pour la dépendance à l alcool. On peut affirmer ainsi que les psychothérapies des addictions sont bien décrites, qu elles ont une efficacité démontrée, mais que leur implémentation dans la pratique clinique courante est très insuffisante. Pour qu elles soient utilisées plus largement, les autorités sanitaires devraient encourager que la formation des professionnels des addictions priorise les psychothérapies dont l efficacité est démontrée, favorisent leur dissémination. Les psychothérapies dont l efficacité est largement démontrée dans le traitement des addictions sont l entretien motivationnel et la prévention de la rechute. La majorité des recommandations nationales et internationales le reconnaissent,. 1-Entretien motivationnel Une approche directive centrée sur la personne qui aide le patient à explorer et résoudre son ambivalence à propos du changement. L efficacité de l entretien motivationnel en pratique médicale a été démontrée pour la dépendance à l alcool, au cannabis, au tabac, également sur l adhésion au traitement médicamenteux qui est une variable importante dans le succès thérapeutique. Ainsi la psychothérapie a une influence sur la qualité de l autre élément de la thérapie des addictions, en l occurrence la pharmacothérapie. 2-Prévention de la rechute Une approche basée sur la théorie de l apprentissage social et, dans les addictions, a comme objectif principal de prévenir la rechute en améliorant les capacités des patients à ne 130

131 pas consommer dans des situations où ils seraient tentés de le faire. Ainsi, la prévention de la rechute vise à réduire l exposition aux substances, l identification des situations à risque, la reconnaissance et la maitrise du besoin de consommer. L efficacité des approches cognitives et comportementales est superposable à celle de l entretien motivationnel. A ces deux types de psychothérapie, une série d autres approches présentent des résultats prometteurs et pourraient être utilisées de manière complémentaire et synergique, par exemple l implication du conjoint et de la famille dans les psychothérapies, des formes dérivées des thérapies cognitives et comportementales comme la thérapie basée sur la pleine conscience ou encore les groupes d entraide. 131

132 ENSEIGNEMENT- FORMATION- RECHECHE En ce qui concerne l enseignement, la formation et la recherche dans les Sciences Médicales nous renvoyons au rapport remis par le Professeur Lejoyeux à la Présidente de la MILDT RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES ECONOMIQUES ET SOCIALES (SHES) ACTIONS PROPOSEES Aujourd hui, les conduites addictives constituent un enjeu de santé publique majeur. Ces conduites sont devenues de plus en plus fréquentes, pour des raisons «objectives» liées en particulier au développement des nouvelles technologies (internet, jeux en ligne ), mais aussi grâce aux progrès des neurosciences notamment, dont les avancées dans l élucidation des mécanismes biologiques de l addiction ont permis de requalifier certaines pratiques d addictions «sans drogue». Autrement dit, si les «conduites addictives» sont de plus en plus nombreuses, c est aussi parce que cette notion s est transformée, que son usage a été élargi à de nouveaux comportements, qui n étaient pas précédemment caractérisés ainsi. Dans ce contexte, l apport spécifique des SHS peut s articuler prioritairement autour de quatre objectifs. Développer les recherches compréhensives sur les représentations et les attentes associées aux conduites addictives. D abord, si les conduites addictives ont effectivement une dimension pathologique, elles constituent aussi le plus souvent des pratiques sociales. Cela signifie qu elles font sens pour les individus, un sens le plus souvent construit et partagé au sein d un groupe social, qui associe au produit ou à la pratique concernée des représentations, des attentes, qui lui assigne des fonctions. Pour prévenir ces conduites ou en réduire les dommages, il importe donc de mieux les comprendre, en explorant ces représentations, ces attentes et ces fonctions, pour mettre au jour les formes de rationalité profane qui les sous-tendent (en mobilisant en particulier l économie, la psychologie, la sociologie). C est d autant plus nécessaire que les usages contemporains de la notion d addiction tendent parfois à escamoter cette dimension, la compulsion fournissant une «explication» commode qui dispense de s interroger sur les motivations et les croyances des individus qui s adonnent à une conduite «addictive». De telles recherches sont d autant plus nécessaires que les politiques de prévention visent justement à «dénormaliser» certains comportements (le tabagisme en particulier), et donc à changer les opinions et les attitudes du public à leur égard. Ajoutons que ces représentations et ces attentes constituent souvent des obstacles particulièrement résistants aux discours préventifs, et peuvent détourner ces derniers à leur profit (cf. les notions de «carrière morale» en sociologie et de «dissonance cognitive» psychologie). Enfin, cette approche peut permettre de mieux saisir la genèse des inégalités sociales de santé (qui peuvent avoir des fondements cognitifs et culturels, liés aux préférences temporelles, aux attentes à l égard des produits, etc.). Développer les recherches réflexives sur les conduites addictives comme catégorie de l action publique. A cette démarche compréhensive, les SHS (en particulier l histoire, le droit, l épistémologie, les sciences politiques ) doivent ajouter une démarche réflexive, en ne se cantonnant pas à des recherches menées auprès des auteurs de conduites addictives, mais en interrogeant 132

133 aussi les différents acteurs du champ : experts de santé publique, acteurs de la prévention et de la prise en charge Par exemple - pour s intéresser aux transformations contemporaines du sens et des usages de la notion d addiction en santé publique - pour élucider les normes véhiculées par les messages de prévention (ainsi que leurs présupposés implicites à l égard des individus ciblés, qui conditionnent la réussite ou l échec de ces campagnes) - pour étudier les croyances et les attitudes des soignants (par exemple les médecins généralistes) à l égard des personnes prises en charge pour une addiction - ou encore pour explorer les attitudes du public à l égard de la prévention, de ses messages et de ses acteurs (quels messages et quels acteurs sont jugés crédibles, dignes de confiance?, quelles populations se méfient davantage de la prévention?). - Autrement dit, pour lutter plus efficacement contre les addictions, il ne suffit pas de mieux comprendre les personnes qui s y adonnent, il importe aussi d assumer un point de vue réflexif, en examinant cette lutte, ses outils et ses acteurs. Développer les recherches évaluatives et interventionnelles. Enfin, la recherche en SHS doit également se rapprocher de la prévention et de la prise en charge, non seulement pour les considérer comme des objets de recherche, mais aussi bien sûr pour développer avec elles des opérations combinant recherche, intervention et évaluation. Le soutien aux recherches évaluatives et interventionnelles doit être renforcé, non seulement en invitant explicitement de telles recherches dans les appels à projet, mais également en organisant des ateliers ou des formations permettant aux chercheurs de se familiariser avec les concepts et les outils propres à l évaluation et à l intervention. Il serait également souhaitable qu un volet SHS soit envisagé pour l évaluation de toute intervention ou de toute recherche interventionnelle, en particulier pour en évaluer les performances (en termes de coûts/bénéfices), mais aussi pour en examiner l impact du point de vue des inégalités sociales de santé, et pour en sonder l acceptabilité par les acteurs concernés. Par exemple, lorsque le neuromarketing tente de repérer les images antitabac les plus efficaces, ou lorsque l on met en place des salles d injection, dans les deux cas il importe de s interroger sur la différenciation sociale éventuelle de leur impact (le cerveau des «fumeurs pauvres» réagit-il aux mêmes images que celui des «fumeurs aisés»?, les salles d injection permettent-elles d aider en priorité les injecteurs les plus précaires?), ainsi que sur leur acceptabilité (le neuromarketing peut heurter l éthique des acteurs de la prévention, une salle d injection peut perturber les riverains). Développer l interdisciplinarité. Il s agit de renforcer l interdisciplinarité entre SHS (cette appellation recouvrant de nombreuses disciplines), mais aussi entre SHS et sciences fondamentales et biomédicales. Ce dernier objectif est transversal aux trois précédents : - cela est nécessaire pour développer les approches compréhensive (puisqu il s agit de mieux comprendre des pratiques qui sont à la fois addictives et sociales) - et réflexive (en particulier concernant l apport des neurosciences aux développements récents de la notion d addiction) proposées ici - comme pour développer les approches évaluatives et interventionnelles. Outre la valorisation explicite de ces approches dans les appels à projets, des manifestations ou des ateliers ad hoc pourront être organisés afin de favoriser un rapprochement et une compréhension mutuelle des communautés de chercheurs correspondantes. 133

134 134

135 STRATEGIES SPECIFIQUES POUR LES DIFFERENTS PRODUITS ALCOOL AU NIVEAU INDIVIDUEL Les stratégies de réduction des dommages liés à l'alcool proposaient traditionnellement deux types de cible de consommation, selon le diagnostic : abstinence chez les sujets dépendants, et réduction de la consommation sous des seuils dits de l'oms (pas plus de 3 verres par jour chez l'homme ou 2 verres par jour chez la femme) chez les personnes ayant un usage à risque ou un usage nocif. Les recommandations les plus récentes proposent de ne pas imposer l'objectif d'abstinence à des personnes qui ne seraient pas prêtes à abandonner totalement leur consommation d'alcool. D'une façon générale, l'objectif d'abstinence est à réserver aux personnes ayant une dépendance sévère; une comorbidité psychiatrique ou somatique significative, ou évoluant dans un environnement social nocif, et acceptant d'abandonner totalement leur consommation d'alcool. 1- Repérage Toute personne se présentant dans le système de santé devrait être l'objet d'un repérage d'un trouble lié à l'alcool, par exemple par des auto-questionnaires comme l'audit ou le FACE. Ce repérage peut également être fait par les services sociaux ou juridiques. Chez les adolescents, il faut focaliser le dépistage sur les groupes à risque (accidents, contraception d'urgence, soins génito-urinaires, problèmes avec la justice, absentéisme, aide sociale à l'enfance) et s'assurer que la discussion avec le jeune sera adapté à la tranche d'âge. 2-Les interventions brèves Elles concernent les personnes repérées comme ayant une consommation à risque ou nocive, et peuvent être pratiquées par tout professionnel, de santé ou pas (services sociaux ou justice) ayant suivi une formation ; l'intervention doit être basée sur les principes FRAMES. L intervention brève reste aujourd hui la réponse thérapeutique validée au problème du «binge drinking» chez les jeunes. 3- Prise en charge spécialisée Les personnes ne répondant pas correctement à une intervention brève, ou celles souffrant d'une dépendance à l'alcool devraient être adressées à un centre de soins spécialisé, pour recevoir une évaluation complète du trouble et de ses conséquences possibles, ainsi qu'une thérapie structurée, fondée sur des éléments psychothérapiques, sociaux, et pharmacologiques Les approches psychothérapiques actuellement les plus courantes et les mieux validées sont les l entretien motivationnel et les thérapies cognitivo-comportementales. Plus rarement, des approches systémiques ou psychodynamiques sont proposées. Les approches centrées sur le patient favorisent le choix laissé au patient de viser l abstinence ou une réduction substantielle de la consommation. Jusqu'à récemment, les traitements médicamenteux visaient d'une part à prévenir ou traiter le syndrome de sevrage des personnes les plus dépendantes, et ensuite de maintenir l'abstinence. Depuis peu, une stratégie alternative, s'adressant aux personnes qui ne sont pas prêtes à s'engager dans l'abstinence, permet d'éviter le sevrage et de viser une réduction de la consommation. La couverture du territoire national en structures résidentielles s est notablement améliorée ces dernières années. Le système de soins résidentiel français est organisé en trois niveaux : 135

136 a. Niveau 1 Sevrage simple, sans prise en charge psychosociale intensive. Il s agit de séjours d une durée approximative d une semaine, permettant un sevrage médicalisé, un bilan somatique, et une mise à l abri temporaire de l environnement habituel du patient. b. Niveau 2 Sevrage complexe. Les structures de niveau 2 ont des équipes thérapeutiques permettant des soins médico-psycho-sociaux plus spécialisés. Les séjours sont souvent plus longs, de quelques semaines à quelques mois, selon leur équipement en lits de MCO ou de SSR. Certaines structures SSR sont appelées postcure ; elles s adressent préférentiellement à des patients sortant de «cure», terme désuet désignant l hospitalisation pour sevrage. Ces postcures proposent des programmes de réhabilitation intensifs d une durée de 1 à 3 mois. Les structures de niveau 2 sont également parfois équipées d unités d hospitalisation de jour, permettant une prise en charge intensive dans la durée, tout en gardant le bénéfice du maintien du patients dans la réalité de son environnement social habituel. c. Niveau 3 Les structures de niveau 3 sont à peu près identiques à celles du niveau 2, mais ont en plus des missions d enseignement et de recherche. Ce sont des centres de référence régionaux. Il faut ajouter à ce système la possibilité d avoir recours à l hospitalisation en psychiatrie, dans le publique ou dans le privé. AU NIVEAU SOCIETAL L'alcool constituant en France le premier produit facteur de dommages pour toute la population en matière à la fois de santé et de sécurité publiques, le Plan gouvernemental doit : lutter contre la banalisation de l usage de l alcool de manière globale, et pas seulement de manière ciblée concernant les jeunes et la sécurité routière ou les femmes enceintes ; renforcer les moyens alloués au dispositif de prévention à partir des recettes fiscales importantes générées par la consommation des boissons alcooliques et contre-balancer la communication et la publicité des producteurs et distributeurs qui disposent de 20 fois plus de moyens ; développer la stratégie de réduction des risques liés à la consommation d alcool en valorisant les pratiques existantes et innovantes, et en validant un référentiel de réduction des risques et des dommages chez les consommateurs d alcool, à l'image du référentiel pour usagers de drogues diffusé par le décret du 14 avril 2005 ; développer les consultations jeunes consommateurs et l'intervention précoce auprès des jeunes et des publics vulnérables qui permettent par l'approche addictologique de s'intéresser à l'ensemble des produits et l'alcool avec eux ; relancer et développer la stratégie de repérage précoce et interventions brèves (RPIB) en matière de consommation régulière excessive, notamment auprès des hommes de 35 à 65 ans, en formant et mobilisant les professionnels de santé de premier recours. Propositions de mesures visant la réduction des dommages sociaux liés à l'alcool (issues des communiqués de presse ANPAA) : réduction de l offre des produits encadrés (alcool et tabac) et lutte contre le trafic des produits illicites ; réduction de l accessibilité des boissons alcooliques : 136

137 o augmentation et rénovation de la fiscalité des boissons alcooliques qui doit être cohérente et lisible, dont l'assiette doit être basée sur la quantité d alcool pur qu elles contiennent par contenant, et qui doit s'appliquer à toutes les catégories de boissons quelles que soient leur origine géographique ou leurs conditions de production ; o développement de mesures financières dissuasives, notamment fixation d'un prix minimum pour les boissons alcoolisées empêchant les achats de substitution ; o application et contrôle de l'application des mesures de la loi HPST envers l'alcool ; o interdiction effective de vendre de l'alcool à des mineurs par voie électronique o responsabilisation des débitants d'alcool, - possédant permis d'exploitation ou parfois débitants de fait, comme les responsables d'établissements d'enseignement -, devant se traduire par un renforcement des exigences de la société à leur égard. Il faut viser un accroissement de leur conscience des conséquences douloureuses de la consommation d'alcool jusqu'à ce que chacun s'applique à observer les règles encadrant la distribution de ce produit sans nécessairement recourir aux contrôles et aux sanctions. Agir sur les contextes de consommation : o Prévenir la conduite en état d'imprégnation alcoolique : les contrôles d'alcoométrie aléatoires et ciblés doivent être beaucoup plus fréquents pendant une période déterminée qui n'a pas vocation à être prolongée sans limite. Cet accroissement temporaire des contrôles devra frapper les esprits durablement et persuader la grande majorité des conducteurs de la très grande probabilité d'être à l'avenir contrôlé et sanctionné en cas de conduite à plus de 0,50 g par litre de sang. Ses effets seront immédiats, considérables, et durables. généralisation des dispositifsd'éthylotest anti-démarrage mise en place d'une politique de prévention de la récidive fondée sur des procédures plus homogènes sur le territoire et compréhensible par les conducteurs, et fondées sur des méthodes adaptées. rédaction des avertissements sanitaires obligatoires dans toute publicité ou communication pour les boissons alcooliques tenant compte des données validées : a) remplacer la mention "L'abus d'alcool est dangereux pour la santé" par "L'alcool est dangereux pour la santé" ; b) interdire les mentions complémentaires non obligatoires telles que "À consommer avec modération" ou paraphrase équivalente ; rendre obligatoire les avertissements sanitaires sur tous les contenants de toutes les boissons alcoolisées (bouteilles, cannettes, etc.) ; rendre obligatoire sur tous les contenants de boissons alcoolisées l'indication du nombre d'unités alcool (= 10 g) contenues ; rendre plus visible et lisible le pictogramme de prévention de l'alcoolisation pendant la grossesse par l'obligation d'une taille minimale et d'une inscription à côté du degré alcoolique ; encadrement de la publicité fondé sur les deux principes initiaux : a) concernant les supports, interdire les médias qui s'imposent à tous types de récepteurs et potentiellement les mineurs : l'affichage sur la voirie et les lieux publics (sauf dans les communes de productions viticoles), l'internet (sauf les sites des producteurs) et les réseaux sociaux ; b) concernant les contenus, limiter la communication sur les qualités objectives des boissons. De manière plus générale : débanaliser les boissons alcooliques en les présentant sous leur vrai jour et vigilants à l'égard de toute image de l'alcool visant à le présenter comme un produit agréable, sain et inoffensif affectation des recettes des taxes spéciales à l'assurance-maladie pour la soulager des lourdes charges que lui imposent les pathologies et accidents 137

138 causés par l'alcool. Une partie de ces taxes doit également être affectée aux actions de prévention ayant fait la preuve de leur efficacité. 138

139 Bibliographie 1. Société-Française-d'Alcoologie. Recommandations pour la pratique clinique Les conduites d'alcoolisation. Lecture critique des classifications et définitions. Quel objectif thérapeutique? Pour quel patient? Sur quels critères? Alcoologie et Addictologie 2001;23(4S): 1S-72S 2. Société-Française-d'Alcoologie. Conférence de consensus Modalités de l'accompagnement du sujet alcoolodépendant après un sevrage. Alcoologie et Addictologie. 2001;23 (2): Société-Française-d'Alcoologie. Recommandations de la SFA Les mésusages d'alcool en dehors de la dépendance. Usage à risque - Usage nocif. Alcoologie et Addictologie 2003;25(4S): 1S-92S. 4. Société-Française-d'Alcoologie. Conférence de consensus Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcoolodépendant. Alcoologie et Addictologie. 1999;21(2S):1S-220S 5. NICE. Alcohol-use disorders: diagnosis, assessment and management of harmful drinking and alcohol dependence2011: Available from: 6. NICE. Alcohol-use disorders: preventing harmful drinking2011: Available from: 7. Aubin HJ, Benyamina A, Karila L, Luquiens A, Reynaud M. [Current strategies for treatment of alcohol problems]. Rev Prat Dec;61(10): Mann K, Bladstrom A, Torup L, Gual A, van den Brink W. Extending the Treatment Options in Alcohol Dependence: A Randomized Controlled Study of As-Needed Nalmefene. Biol Psychiatry Dec

140 TABAC Cette stratégie doit être globale pour être efficace et s attaquer au vecteur de la maladie industrielle qu est la dépendance tabagique, à la réduction de nouvelles contamination, aux traitements des victimes de ce vecteur.. Initier une prévention efficace en luttant contre le vecteur de la maladie tabagique : l industrie du tabac et les buralistes La stratégie la plus efficace pour lutter contre les dommages du tabac est de lutter contre le vecteur de la maladie tabagique : l industrie du tabac qui avec cynisme planifie l extension de son produit et le contournement de tous les obstacles mis en place par la réglementation (1). Le pouvoir de son lobby détourne efficacement un grand nombre de décideurs politiques de leur rôle de défenseur de l intérêt général. Les premières victimes de cette industrie sont les fumeurs eux-mêmes. Mais contre toute l évidence les cigarettiers et buralistes se présentent comme les amis et défenseurs des fumeurs alors qu ils les ont rendus esclaves la cigarette en les poussant à fumer adolescent dans le seul objectif de leur faire payer quotidiennement leur obole. Il y a 10 ans, le premier plan cancer avait montré la fantastique efficacité d une décision politique forte «je déclare la guerre au tabac» associée à la mise à l écart des lobbies du tabac de l Elysée et des ministères et à la réduction de leur influence dans les assemblées. La consommation de tabac reste quasi inchangée depuis 7 ans alors qu elle baisse chez nos voisins européens qui conduisent une politique de contrôle du tabac. Le lien inverse entre la politique des cadeaux faite à l industrie du tabac est aux buralistes et les dommages à la France et aux français apparaissent dans le constat des deux derniers quinquennats (tableau 2) (7), montrant s il en était besoin que la clef de la réduction des dommages liés au tabac est plus à l Elysée que dans les consultations de tabacologie. 140

141 Quinquennat Quinquennat ,5 5,00 5,00 6,20 (6,70 ) Prix du paquet le plus vendu 1,50 39% (baisse relative) + 1,2 (1,70 ) +24% (+34%) (hausse relative) 82 milliards 54 milliards 54 milliards 54 milliards Vente de cigarettes -28 Mds /an Pas de changement -32% 0% 11,9% 3,1% 3,1% 4,1% Tabagisme ans collégiens selon PST -76% (baisse relative) 35% (hausse relative) Tabagisme lycéens ans selon PST %-->23.1% -23% (baisse relative) %-->23.3% +1%(hausse relative) % Tabagisme 17 ans selon ESCAP (journée appel) 39,5% 28,9% 28,5% 31,5% -29% (baisse relative) 9% (hausse relative) Fumeur quotidien en population générale (Baromètre Inpes) 28,3% 27,3% 27,3% 29,1% -4% (baisse relative) +7% hausse relative) Vies sauvées ou non (cumul sur mandat) estimation G Dubois vies sauvées vies non épargnées Variations revenues totaux Industrie tabac durant quinquennat millions milliard Variations revenues des buralistes sur vente de tabac (cumul quinquennat) +0,180 milliard +1,055 milliard Pollution des locaux par les particules fines PM2.5-80% pas de changement* La Cour des comptes vient de montrer que chaque milliard reçu des ventes du tabac coutait 3 milliards à la France et que le cadeau de 2,6 milliards d Euros fait aux buralistes n étaient pas justifié et qu il fallait changer de politique. 141

142 Deux rapport parlementaires, deux rapports de la Cour des Comptes, deux avis du Haut conseil de santé publique, la convention cadre contre le tabac montrent parfaitement le chemin à suivre pour lutter contre les dommages du tabac. Cette lutte contre le tabac peut se faire à balance budgétaire négative. Une stabilisation des revenus des cigarettiers et de buralistes permettraient de dégager plus de 300 millions d euros par an dont une partie pourrait être affectée au budget général de l Etat pour contribuer à réduire la dette de la France et une partie au contrôle du tabac, en particulier à la prévention et aux soins. Pour réduire les dommages du tabac il faut 1- un engagement du Chef de l Etat (en donnant le contrôle technique à la Santé) indiquant un objectif de baisse relative de 5% par an du taux de tabagisme afin de diminuer chaque année de 5% la mortalité liée au tabac et réduire le coût du tabagisme 2- Se donner les moyens de mesurer les ventes, la consommation et les dommages sanitaires du tabac de façon complète chaque année avec des indicateurs trimestriels (en s approchant du modèle de la sécurité routière). Sans mesures on ne peut conduire de politique fine de réduction des dommages du tabac. 3- Empêcher les petites augmentations du prix du tabac de moins de 40 centimes par paquet au profit d augmentations de prix imposées par les taxes et guidées par la consommation (fixer chaque automne (PFLSS) les taxes à appliquer au premier janvier suivant (en bloquant notamment le prix minimum par le minimum de perception) 4- Mettre fin au plan d avenir des buralistes qui selon la Cour des Comptes a couté 2,6 milliards à l Etat sans effort de reconversion de la part des buralistes. Récupérer les 280 millions annuels qui leur sont donnés et employer la moitié de cette somme pour des actions de prévention. 5- Relancer le contrôle de l interdiction de fumer dans les lieux clos et couverts en se reposant sur des mesures de pollution et le rappel à la loi, en particulier pour les terrasses fermées. 6- S impliquer au niveau mondial dans la convention cadre contre le tabac (CCLAT) et au niveau européen dans les affaires européennes concernant le tabac et soutenir le projet de directive sur les produits du tabac en soutenant des avertissements sanitaires sur 75% du paquet et proposant des mesures de coordination des taxes en Europe en particulier envers les pays prédateurs de taxes. 7- Relancer la prévention du tabac en particulier chez les adolescents en faisant respecter les règles actuellement bafouées de limitation d accès au tabac des mineurs et en dénormalisant l usage du tabac par une série d actions conduites, notamment avec les associations. 8- Eviter toute initiation du tabagisme à l adolescence, c est considérablement faire régresser la dépendance tabagique des adultes. La dépendance tabagique est d autant plus fréquente et d autant plus forte que le tabagisme a été initié tôt. Le respect des interdictions de vente, le respect des interdictions de fumer et le développement d une prévention au collège quasiment abandonnées actuellement est nécessaire à la protection des générations futures. 9- Effectuer des contrôles car de plus en plus de terrasse fermées et plus d un tiers des boites de nuit de ville auraient réorganisé des salles fumeurs en dehors de toute réglementation. Aider à réduire les dommages chez les fumeurs 142

143 La première bouffée de la première cigarette créant des dommages à la santé, la stratégie privilégiée sera toujours l arrêt complet. 1- Eviter ou retarder la première cigarette Et prévenir l utilisation du tabac chez les femmes enceintes et en période opératoire. Agir pour la grossesse sans tabac en aidant à l arrêt avant la grossesse et prenant en compte le résultat de l essai français dont les résultats viennent d être rendus. 2- Organiser l arrêt du tabac chez les fumeurs Plus des 2/3 des fumeurs voudraient arrêter de fumer et le tiers qui déclare ne pas vouloir arrêter donne cette réponse essentiellement par peur de l échec de l arrêt et des troubles liés à l arrêt ainsi que de la difficulté à s imaginer sa vie sans tabac. Cet aide à l arrêt n est pas offert actuellement au fumeur en France. L arrêt du tabac est le seul traitement des addictions non pris en charge par l assurance maladie, alors que c est l addiction qui porte le plus de dommage à la santé des français et à l économie du pays. Il est recommandé de mettre fin au forfait de 50 euros au jour ou au moins 3 marques de produits d arrêt auront obtenus le remboursement. La HAS a recommandé dans son rapport de 2006 ce remboursement. La cour des comptes et un rapport parlementaire 2013 recommande ce remboursement, l expérience Britannique du NHS souligne le bénéfice financier à côté du service sanitaire. Cette mesure allègera le budget de l état de 23 millions d euro et le bénéfice pour l assurance maladie compensera son coût. Ce remboursement selon la règle général de produits d arrêts du tabac conduira à changer leur image détruite par des campagnes et décisions ministérielles récentes et conduira les médecins à se réapproprier le sevrage tabagique. 3- Réduire le risque et les dommages chez ceux qui, trop dépendants, n arrive pas à arrêter. La réduction du risque en continuant à fumer est LA stratégie de communication de l industrie du tabac qui s en sert pour faire persister la dépendance tabagique. Ainsi on a vu apparaitre les cigarettes moins irritantes, les cigarettes avec filtre, la baisse du taux de goudron dans la cigarette, les cigarettes sans addictifs, les cigarettes issues de l agriculture biologique et pourtant la cigarette continue à fumer la moitié de ses fidèles consommateurs. Les cigarettes parfumées, la chicha sont des tabacs sucrées souvent utilisés par les adolescents pour l initiation du tabagisme. Les cigarettes avec peu de fumée type Eclipse ou Ariva ont été des échecs commerciaux car elles n apportaient pas satisfaction aux clients. Le tabac oral en particulier le Snus suédois dénitrosaminé est utilisé comme un outil de promotion de prise de tabac à moindre risque et même s il existe un bénéfice individuel de la réduction, celui-ci est trop souvent annihilé par l utilisation de cette opportunité par l industrie du tabac pour recruter de nouveaux consommateurs. Le bilan positif sur le plan individueldans certains cas mais globalement négatif sur le plan collectif conduit à être très prudent pour proposer une réduction des risques. Si cette proposition est faite elle ne doit s adresser qu aux fumeurs et totalement exclure les non-fumeurs. Dans cette optique il est recommandé de mettre en place une réglementation innovante sur l e-cigarette afin d encadrer ce produit qui ne peut être un produit de consommation courante en évitant son utilisation chez les non-fumeurs en ne s opposant pas à son utilisation chez les fumeurs (en faisant payer aux vendeurs les coûts de cette législation des études et contrôles nécessaires). 143

144 Ainsi la réduction des dommages du tabac est un objectif réaliste, qui peut être atteint à budget négatif, mais qui nécessite un engagement politique clair en faveur des français et des fumeurs, premières victimes du tabac. Cet engagement contre l industrie cigarettière qui organisent l addiction au tabac dès l adolescence, doit protéger en particulier les plus précaires, qui sont ceux qui ont le plus de dommages liés au tabac, contribuant ainsi à réduire les inégalités sociales induite par le marché du tabac. Bibliographie 1. Dubois G Le rideau de fumée. Le Seuil Hill C. Épidémiologie du tabagisme. Rev Prat 2012, 62 : OMS Tobacco atlas 0MS 4. Cours des comptes. Cour des comptes Rapport public annuel 2013 février 2013 Paris Wisborg K, Kesmode Ul, Henriksen TB, i Olsen SJ, Secher NJ. Exposure to Tobacco Smoke in Utero and the Risk of Stillbirth and Death in the First Year of Life. Am J Epidemiol 2001; 154: 4, Dautzenberg B Sevrage tabagique, mise au point sur la prise en charge actuelle et ses résultats Bull Cancer Dautzenberg B. La république enfumée : les lobbies du tabac sous Chirac et Sarkozy, OFTA Ediction 2013, 144

145 CANNABIS AU NIVEAU INDIVIDUEL Il existe deux risques importants au niveau de la consommation du cannabis : le risque de troubles scolaires, sociaux, voire sanitaires liés à l usage du cannabis (dépendance, abus, usage à risque) et le risque d exposition, à d autres substances psychoactives susceptibles de conduire à des formes complexes de dépendance. Les recherches initiales ont montré chez les consommateurs de cannabis une consommation plus fréquente d autres substances psychoactives. Les recherches plus récentes ont montré que ce risque est principalement lié aux fréquentations sociales et amicales.[1] Ainsi, il est donc important au contraire de diminuer l exposition des populations jeunes et vulnérables (fragilité psychologique et/ou psychiatrique) aux personnes susceptibles de distribuer les substances plus dangereuses. Le statut légal du cannabis entraine sa distribution par des circuits illicites également pourvoyeurs des autres drogues interdites, associées à des taux de mortalité non négligeables. Chez les adultes n ayant pas de trouble psychiatrique ou psychologique majeur, est le cannabis est le plus souvent consommé de manière modérée dans un cadre festif et social sans pour autant engendrer des conduites addictives. Le cannabis modifiant la conscience et induisant des risques sociaux, il conviendrait de limiter les risques liés à cette consommation dans deux domaines : Dans le domaine quantitatif : édicter un certain nombre d avertissements sanitaires sur les risques associés aux différents seuils de consommations. Ces recommandations seraient émises de manière empirique car il n existe que peu de données par rapport aux seuils de risque lié au cannabis. Dans le domaine qualitatif : Renforcer la réglementation pour faire respecter l interdit sur l usage de cannabis en situation d activité professionnelle et dans les tâches nécessitant coordination et jugement (typiquement avant la conduite automobile) ; Adapter les discours de prévention à l âge du sujet (mineurs, jeunes majeurs, etc.) et à ses motivations d usage (différencier les messages à destination des usagers festifs et récréatifs et ceux qui s adressent aux consommateurs en situation d usage auto-thérapeutique, en situation de vulnérabilité) : l adhésion thérapeutique du sujet est fonction de sa capacité à s approprier le message ; Assurer une surveillance de la qualité des produits en circulation, ainsi que des techniques alternatives pour consommer (vaporisateur, ingestion, consommation sans tabac). AU NIVEAU SOCIÉTAL Afin d écarter les personnes consommatrices du cannabis des réseaux de distribution de substances plus dangereuses, les conditions d encadrement des coopératives, autorisées à produire les quantités limitées de substance uniquement pour leurs adhérents dans un cadre associatif, pourraient être étudiées dans un contexte où les adhérents seraient des majeurs et les comptes des associations seraient contrôlés régulièrement. Il est capital de protéger les populations les plus fragiles vis-à-vis du cannabis, à savoir les mineurs et les populations ayant une fragilité psychologique/psychiatrique. Auprès de ces deux populations l utilisation du cannabis serait la plus nuisible. Chez les mineurs, il existe un risque de déclin des fonctions cognitives [2] et chez les patients psychiatriques une évolution plus péjorative de leur maladie et une moindre efficacité des traitements.[3] 145

146 Au sein de ces deux populations, il est important de décourager la consommation du cannabis, de repérer de manière précoce son usage et son mésusage et de faciliter l accès aux soins chez ces personnes fragiles à savoir les mineurs et les populations psychiatriques. Pour favoriser l accès des mineurs et des jeunes majeurs aux consultations jeunes consommateurs (CJC), mis en place pour jouer ce rôle, il conviendrait de développer la connaissance de ce dispositif auprès des acteurs du soin primaire, qui sont les mieux placés pour repérer les situations d usage problématique et orienter les jeunes vers une CJC : médecins généralistes, infirmières et médecins scolaires, médecins du travail. L offre de prévention et de soins disponible au sein des consultations jeunes consommateurs pourrait également être mieux articulée avec la réponse judiciaire actuellement mise en œuvre à l égard des usagers de cannabis : il pourrait, par exemple, s agir de proposer systématiquement les personnes ayant suivi un stage de sensibilisation aux dangers de l usage de stupéfiants une visite en CJC, afin de bénéficier d une prise en charge individuelle au titre de leur consommation. (4) Afin de mieux appréhender les besoins en manière d information et de prévention, il serait important de créer les groupes de réflexion et de dialogue afin de faire un constat de la situation actuelle chez les adolescents. A partir du rapport de ce dialogue, les interventions pourraient être taillées sur mesure, ciblant les besoins spécifiques des adolescents. Enfin il faut se poser la question de l utilisation des cannabinoïdes comme adjuvant thérapeutique dans le cadre des maladies graves pour lesquelles il existe un épuisement ou une inefficacité des thérapeutiques actuelles. On peut citer en exemple des propriétés orexigènes des cannabinoïdes dans le cadre du SIDA [5] ou des cancers en stade terminal ou les propriétés spasmolytiques et analgésiques chez les patients attentes de sclérose en plaques.[6, 7]. A l heure actuelle, pour ce type d indications, ces patients se fournissent dans le marché illégal, ou sont auto-producteurs. L autorisation de Mise sur le Marché de médicaments cannabinoïdes (spray, comprimés, gouttes ) permettrait de donner un cadre légal à ces indications justifiées. Ces indications et dérogation doivent faire l objet d une concertation médicale, ainsi qu une formation spécifique auprès des médecins souhaitant prescrire ces médicaments. Bibliographie 1. Tarter RE, Kirisci L, Mezzich A, Ridenour T, Fishbein D, Horner M, et al. Does the "gateway" sequence increase prediction of cannabis use disorder development beyond deviant socialization? Implications for prevention practice and policy. Drug Alcohol Depend Jun;123 Suppl 1:S Meier MH, Caspi A, Ambler A, Harrington H, Houts R, Keefe RSE, et al. Persistent cannabis users show neuropsychological decline from childhood to midlife. Proceedings of the National Academy of Sciences October 2, 2012;109(40):E2657â E Drake RE, McHugo GJ, Xie H, Fox M, Packard J, Helmstetter B. Ten-year recovery outcomes for clients with co-occurring schizophrenia and substance use disorders. Schizophr Bull Jul;32(3): Référence : Obradovic I. (2012), «Les stages de sensibilisation aux dangers de l usage de produits stupéfiants. Evaluation de la mise en œuvre du dispositif quatre ans après sa création», Tendances, n 81, OFDT. 5. Bedi G, Foltin RW, Gunderson EW, Rabkin J, Hart CL, Comer SD, et al. Efficacy and tolerability of high-dose dronabinol maintenance in HIV-positive marijuana smokers: a controlled laboratory study. Psychopharmacology (Berl) Dec;212(4): Svendsen KB, Jensen TS, Bach FW. Does the cannabinoid dronabinol reduce central pain in multiple sclerosis? Randomised double blind placebo controlled crossover trial. BMJ Jul 31;329(7460):

147 7. Wissel J, Haydn T, Muller J, Brenneis C, Berger T, Poewe W, et al. Low dose treatment with the synthetic cannabinoid Nabilone significantly reduces spasticity-related pain : a double-blind placebo-controlled cross-over trial. J Neurol Oct;253(10):

148 HEROINE AU NIVEAU INDIVIDUEL 1- Différentes stratégies de réduction des dommages En lien avec la consommation d héroïne sont disponibles et évaluées (1). Certaines sont déjà en place en France comme les programmes d échange de seringues, d autres sont en cours d expérimentation comme les salles de consommation à moindre risque enfin d autres ont été éprouvées comme les programmes d héroïne médicalisée, mais ne sont pas disponibles en France. Par ailleurs, la politique d accès au soin de l addiction pour les patients dépendants des opiacés est aussi un outil qui impacte sur la survenue des dommages (2, 3). Les dommages en lien avec la consommation d opiacés en France sont principalement secondaires à l utilisation de la voie intraveineuse (4). Les stratégies de réduction des dommages ciblées sur l injection sont aussi applicables à l utilisation d autres substances par voie intraveineuse (cocaïne, benzodiazépines). Il existe aussi des dommages en lien avec le statut légal et les propriétés pharmacologiques de l héroïne (5, 6). 2- Traitements de substitution des opiacés Les traitements par buprénorphine, buprénorphine/naloxone ou méthadones sont souvent mis en avant comme moyens spécifiques de réduction des dommages liés à l héroïne (1). Cependant, l efficacité de ces traitements sur la diminution des dommages est un effet bénéfique, mais collatéral, de la prise en charge de l addiction et non l objectif propre. Leur intérêt premier est en effet de pouvoir impacter sur l expression symptomatique spécifique de l addiction, c est-à-dire le craving, et ainsi d agir directement sur le processus pathologique de perte de contrôle (7, 8). Il est donc dommage de n utiliser ces thérapeutiques que pour le contrôle des conséquences collatérales de l usage d héroïne. Mais, on comprend que la politique de facilitation d accès aux soins de l addiction opiacée mise en oeuvre depuis le milieu des années 90, en permettant à plus de la moitié des patients usagers problématiques d opiacés de bénéficier d un traitement de leur dépendance ait eu un impact sur les dommages infectieux, la mortalité par overdose, la désinsertion sociale et professionnelle (3, 9-11). Maintenir, développer et continuer à faciliter l accès à des prises en charge thérapeutique suffisante de l addiction opiacée reste un enjeu majeur. Le dispositif actuel de TSO a apporté des progrès mais montre aussi des limites. - Des pratiques d injection à risques persistent, voire s aggravent en particulier dans les populations les plus précaires 5. - L utilisation hors AMMde la morphine dans un but de substitution (principalement dans sa forme gélule de sulfate à libération prolongée), qui s était développée aux débuts des années 90 en l absence de la possibilité de prescrire de la méthadone, s est maintenue pour un nombre de patients estimé à plusieurs milliers mais ne bénéficie ni d un cadre légal clair ni d aucune évaluation dans cette indication. - L injection de médicaments de substitution opiacés (BHD ou sulfate de morphine pour l essentiel), très répandue dans certaines population, rend compte des difficultés d usagers à abandonner la voie injectable et des besoins d options alternatives de traitements basés sur une substitution injectable. - La question de l accès aux soins de populations d injecteurs, très dépendants et désocialisés, est au cœur de la lutte contre les hépatites et le sida. Elle est aussi un enjeu central pour aider ces populations à s extraire de leur exclusion sociale 5 Enquête Coquelicot et Rapport TREND OFDT, 2010 : «Drogues et usages de drogues en France. Etat des lieux et tendances récentes

149 et pour diminuer les coûts sociaux (maladies, nuisances, délinquances...) liés à ces groupes et comportements. - Le dispositif thérapeutique en matière de TSO en France, depuis sa mise en place au milieu des années 90, limite l offre à deux médicaments (la méthadone et la buprénorphine) et exclusivement par voie orale, ce qui empêche l adaptation des stratégies thérapeutiques pour les personnes en échec avec ces deux options. Les stratégies permettant d améliorer et d adapter les TSO sont connues Améliorer l offre de TSO déjà existants en augmentant la couverture géographique, en améliorant l alliance thérapeutique entre le prescripteur, le dispensateur et le patient, et en améliorant l accessibilité et la qualité des services, objectifs que visent les politiques des pouvoirs publics, des institutions et des associations professionnelles depuis une dizaine d années. Donner accès à des médicaments per os réputés moins ou peu injectables : ce qui a été entrepris pour la méthadone (gélule, projet de primo-prescription en médecine de ville...), et pour la buprénorphine (Suboxone, et autres galéniques en voie de développement). Donner accès à de nouveaux MSO et à d autres voies d administration (IV et Intra Nasal) avec des stratégies thérapeutiques nouvelles, adaptées à de nouveaux besoins repérés, à de nouvelles populations. Cette troisième voie, la moins explorée jusqu ici en France, est celle à laquelle le groupe de travail s est attaché pour faire des propositions. 3- Héroïne médicalisée Cependant, tous les usagers dépendants traités ne répondent pas immédiatement à la prise en charge de leur addiction et d autres, malgré la disponibilité des traitements n y accèdent pas. Pour ces personnes à risques individuels, les programmes d héroïne médicalisée peuvent être une réponse adaptée. Il s agit, dans ce cas, d agir uniquement et spécifiquement sur les dommages et non plus sur la maladie addictive en proposant de remplacer une substance illégale (l héroïne de rue, sans contrôle qualité) d action rapide et euphorisante par une autre substance aux mêmes propriétés (action rapide et euphorisante) mais dans un contexte légal (prescription d héroïne de qualité contrôlée). D autres substances que l héroïne ont été proposées (1). Cette mesure est associée, à l éducation des usagers, une supervision de la consommation dans des structures spécialisées, la prévention des risques infectieux et de surdosage et des interventions psycho-sociales. Ces programmes ont montré une efficacité pour réduire les dommages infectieux, judiciaires et sociaux, la mortalité ainsi que pour améliorer l état de santé des usagers. Leur fréquentation peut aussi favoriser à terme l accès au traitement de l addiction (1) 4-Les programmes d échange de seringue D autres outils de réduction des dommages non spécifiques de l usage d héroïne, mais de l usage de la voie intraveineuse existent. Les programmes d échange de seringues en placent depuis le début des années 1990 en France, permettent aux usagers de bénéficier de la mise à disposition de matériel à usage unique pour la préparation et la réalisation de l injection. Pour les professionnels de ces dispositifs, c est l occasion de pouvoir accompagner et conseiller les usagers sur une pratique sécure de l injection, mais pas uniquement : ces programmes offrent aux usagers la possibilité d un dépistage sérologique, d une aide pour le rétablissement des droits sociaux, et aussi d une passerelle vers le soin somatique, psychiatrique et de l addiction. Les pharmacies de ville, en distribuant les seringues ou des kits d injection, participent à ce dispositif. Il a pu être montré dans le 149

150 contexte français que ces programmes avaient un impact significatif pour réduire les pratiques de partage de matériel d injection et contribuaient à faire baisser l incidence de la contamination HIV et peut-être HCV, indépendamment de l influence de l accès au traitement de l addiction opiacée (12). Leur existence n a pas généré d augmentation du nombre d injecteurs, de la présence de seringues sur la voie publique ni de la fréquence des délits (1). 5- Les salles de consommation à moindre risque Les centres d injection supervisée ou salles de consommation à moindre risque, mis en place depuis 1986 dans plusieurs centres urbains en Europe et en Amérique du Nord, donnent la possibilité à des usagers de venir, avec leur substance, consommer dans une structure adaptée où est mis à disposition un espace adéquat avec du matériel stérile, la consommation se faisant sous supervision de professionnels. L objectif de ce dispositif est de pouvoir atteindre des populations marginalisées, s injectant sans précaution dans des lieux inadaptés, de réduire les dommages en lien avec leurs consommations (overdose, infections) et de favoriser l accès aux soins et à la réhabilitation sociale. Il a été montré que l existence de ces dispositifs n augmentait pas le nombre d injecteurs et ne diminuait pas l entrée ou le maintien en traitement de l addiction. Ces programmes contribuent au contraire à l accès aux soins somatique, psychiatrique, mais aussi de l addiction et ont un impact positif sur la réduction des comportements à risque à l occasion des injections. Leur mise en place entraîne par ailleurs une diminution des nuisances dans l espace public et un statu quo concernant la fréquence des délits en lien avec le commerce illégal de substances addictives (1). Toutes ces stratégies ne sont pas exclusives les unes des autres. Du fait de la diversité des trajectoires des usagers, elles peuvent se combiner. En effet, il n est pas rare qu un usager accepte une intervention thérapeutique pour l usage problématique d une substance alors même qu il présente des consommations associées, pour lesquelles il n est pas encore dans une démarche de soin, et qui relèvent alors des stratégies de réduction des dommages. De même, les professionnels des dispositifs centrés sur la réduction des dommages doivent être en capacité de repérer la maladie addictive et de favoriser l accès des usagers aux soins de leur dépendance. L enjeu est de faciliter la complémentarité des dispositifs en réponse à la diversité de situations des usagers. L enjeu pour les professionnels est de pouvoir offrir des réponses toujours adaptées aux situations changeantes de l usager. 150

151 Bibliographie 1. Expertise collective Inserm : Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues.. Paris: Les éditions Inserm; Fatseas M, Auriacombe M. Why buprenorphine is so successful in treating opiate addiction in France. Curr Psychiatry Rep Oct;9(5): Emmanuelli J, Desenclos JC. Harm reduction interventions, behaviours and associated health outcomes in France, Addiction Nov;100(11): Beck F GP, Gautier A. Baromètre santé 2005 Attitudes et comportements de santé. Saint -Denis: INPES Bello PY C-TA, Halphen S. L état de santé des usagers problématiques.in : Les usages de drogues illicites en France depuis 1999 vus au travers du dispositif TREND. COSTES JM (ed). OFDT, Saint-Denis, 2010 : Cadet-Taïrou A, Gandilhon M, Lahaie E, Chalumeau M, Coquelin A, Toufik A. Drogues et usages de drogues. État des lieux et tendances récentes en France - Neuvième édition du rapport national du dispositif TREND. Saint-Denis: OFDT; Auriacombe M, Fatseas M, Franques-Reneric P, Daulouede JP, Tignol J. Thérapeutiques de substitution dans les addictions. Rev Prat Jun 15;53(12): Fatseas M, Auriacombe M. Principes de la thérapeutique et des prises en charge en addictologie In: Lejoyeux M, editor. Abrégé d'addictologie. Paris: Masson; p Canarelli T, Coquelin A. Données récentes relatives aux traitements de substitution aux opiacés. Tendances. 2009;65: Jauffret-Roustide M, Emmanuelli J, Quaglia M, Barin F, Arduin P, Laporte A, et al. Impact of a harm-reduction policy on HIV and hepatitis C virus transmission among drug users: recent French data--the ANRS-Coquelicot Study. Subst Use Misuse. 2006;41(10-12): Fatseas M, Auriacombe M. Opiacés: épidémiologie, étiologie et clinique. In: Lejoyeux M, editor. Abrégé d'addictologie. Paris: Masson; p Fatseas M, Denis C, Serre F, Dubernet J, Daulouede JP, Auriacombe M. Change in HIV-HCV risk-taking behavior and seroprevalence among opiate users seeking treatment over an 11-year period and harm reduction policy. AIDS Behav Oct;16(7):

152 COCAINE ET CRACK AU NIVEAU INDIVIDUEL Il convient de prendre en compte d une part l extension de la consommation de cocaïne dans la société, l accolement de plus en plus perceptible de sa diffusion à partir des réseaux existant de diffusion du cannabis, et d autre part l hétérogénéité des publics concernés, situés sur un continuum allant de l insertion sociale et professionnelle «exemplaire» à l exclusion la plus radicale. Corrélativement, l image traversant le public de cette substance va du rejet de la figure réincarnée du toxicomane sauvage, le crackeur, à la fascination pour la réussite sociale à laquelle elle est également parfois associée. Cette situation fait de la consommation de cocaïne un problème potentiellement explosif pour demain, d où la nécessité de développer une politique de réduction des risques, d accès aux soins, et de prévention, intégrant davantage les particularités liées à l usage de cocaïne sous ses différentes formes. La prévention au regard de l impact sociétal de la consommation de cocaïne est donc à considérer à différents niveaux. Mise en place du programme thérapeutique (17) Privilégier une prise en charge individuelle avec renforcement par la prise en charge de groupe Privilégier l Alliance thérapeutique Facteurs ayant un impact sur la prise en charge : o liés au consommateur : stratégies de régulation ou d interruption déjà développées par certains consommateurs o liés à l environnement : rôle de l entourage dans le repérage des usages à risque et de l usage nocif, dans le conseil et l accompagnement de la réduction, la modification voire l arrêt de la consommation, dans l orientation vers des acteurs de santé o liés au produit : quantité, durée, fréquence, voie d administration o Comorbidités psychiatriques et polyconsommation La conduite de la prise en charge habituelle (17) Repérage : utiliser ce temps pour sensibiliser le consommateur, accroître sa réceptivité, favoriser sa réflexion, son auto-observation, sa motivation au changement Intervention précoce (simple conseil ; interventions brèves ; approche motivationnelle) chez des sujets n ayant pas forcément besoin d une intervention thérapeutique intensive et pouvant modifier leur comportement avant qu il ne s aggrave et ne devienne chronique o Objectifs multiples : informer les usagers au plus près de leurs pratiques sur divers facteurs de risque (qualité des produits, modalités d administration, associations de produits), inciter à la discontinuité des prises et à la modération, favoriser l accès aux soins et aux prestations sociales. Initiation (sevrage thérapeutique) et maintien de l abstinence o Nécessité d un programme thérapeutique structuré en ambulatoire ou avec hospitalisation si nécessaire o Evaluation neuropsychologique au début de la prise en charge o Examen clinique physique/psychologique et bilan somatique complets o Indicateurs du suivi : symptômes de sevrage, craving, usage d autres substances dans les 30 derniers jours, observance thérapeutique o Tendances pharmacologiques actuelles (absence d AMM) : N-Acetyl Cystéine, Topiramate, Disulfurame, Modafinil (18) 152

153 Nécessité de travailler sur d autres approches pharmacologiques : immunothérapie, approche substitutive (methylphenidate, d-amphétamine), approche pharmacogénétique, combinaisons médicamenteuses o Approche psychothérapeutique(19) combinée au traitement pharmacologique : entretiens motivationnels avec renforcement télephonique interséances (3 à 4 séances) en initiation d abstinence, thérapie cognitive et comportementale dans la phase de maintien d abstinence (un manuel en langue française reprenant le travail fait par le Dr Carroll du NIDA est disponible) (20). Nécessité de tester une approche comme la gestion des contingences dans l initiation d abstinence AU NIVEAU SOCIETAL Perturbation de l espace public : les usagers les plus marginalisés 1-Constat a- Un public en situation de sur-exclusion Une partie du public consommateur de crack est très marginalisée (1), en situation de surexclusion, c'est-à-dire ne parvenant pas à utiliser les dispositifs sociaux et médico-sociaux dont ils devraient pourtant pouvoir bénéficier, pour des raisons tenant à leur situation sociale et/ou psychologique personnelle. On peut citer les personnes sortant de détention, les personnes sans titre de séjour, des personnes souffrant de troubles psychiatriques (2),. Ce public la plupart du temps ne bénéficie pas d un domicile fixe, vit en squat, où «dans la rue». Les consommations se déroulent alors dans l espace public, à proximité des lieux de vente, générant à proximité de ceux-ci un sentiment d insécurité chez les riverains. Quant aux squats, régulièrement démantelés, ils se recréent non moins régulièrement. b- L augmentation de la violence La cocaïne, en particulier sous sa forme dite «crack», est un puissant stimulant, peu cher à l unité (le prix d achat d une «galette», est d environ 20 à 30 à Paris, une dose est vendue 2 en Guyane), générant un fort craving. Cette conjonction rend tout porte-monnaie intéressant, car même si il contient peu d argent, il est susceptible de contenir au moins de quoi payer une dose. Les usagers sont par ailleurs les premières victimes de ces violences (3). c-un état sanitaire préoccupant Au-delà des risques sanitaires directement liés à l usage de cocaïne, la population des consommateurs de crack est particulièrement exposée à la transmission de l hépatite C par le biais du partage de pipes à crack en verre : de nombreuses lésions sur les mains et les bouches, consécutives à l utilisation de ces pipes en verre, constituent des portes d entrée possible à la contamination par des agents infectieux(4). Les situations d urgence à consommer «liées au craving conduisent par ailleurs à des prises de risque accrues. 2- Les préconisations a- L accès au matériel de Réduction des risques Il doit être renforcé, en particulier par la mise à disposition des usagers de matériel permettant l inhalation (pipes à crack). La diffusion de ce matériel doit s accompagner aussi du souci de sa récupération, afin qu il ne devienne pas lui même un souci pour l espace 153

154 public. Il conviendrait également de faciliter l expérimentation de matériel innovant de réduction des risques en allégeant l obligation de n utiliser que du matériel scientifiquement validé. b- Faciliter l accès à l hébergement des usagers actifs Plusieurs expériences d hébergement d usagers actifs se sont déroulées ces dernières années (5), et en particulier d usagers de crack. Souvent nées de préoccupations au niveau d un territoire, ces expériences, qui ont pour conséquence de soulager l espace public, devraient être recensées, confrontées, évaluées, afin de définir leur reproductibilité, et de les stabiliser lorsqu elles ont fait leurs preuves. Plus largement, l accès aux dispositifs sociaux existant (CHRS, lits de stabilisation, résidences sociales, ) d usagers actifs devrait être renforcé. A ces fins, des équipes mobiles médico-sociales, pouvant émaner de CSAPA, pourraient venir en soutien en tant que de besoin aux dispositifs d accueil. c- Salles de consommation à moindre risques Leur cahier des charges devrait prendre en compte la nécessité qu elles offrent non seulement des espaces d injection, mais également des espaces de consommation par inhalation. d- Développer une culture commune police/intervenants sanitaires et sociaux. L espace public est à la croisée de plusieurs logiques d intervention, de santé publique et de sécurité publique. Il conviendrait de promouvoir une réflexion au niveau territorial, quant à la façon dont sont traitées les problématiques addictives dans l espace public, en recherchant les articulations respectant les missions de chacun, en évitant que les logiques d intervention ne s opposent. e-prévenir l entrée dans le trafic/soutenir la sortie du trafic «Le trafic de drogue est une entreprise capitaliste, la dernière à offrir encore du travail aux jeunes sans qualification» (6) Le trafic en particulier au niveau local se nourrit et se développe pour des raisons tenant à la fois de logiques économiques que de difficultés d insertion socioprofessionnelle (7). En articulation avec les politiques de l emploi et de la prévention du décrochage scolaire, il conviendrait de recenser et encourager les expériences visant à éviter l entrée ou accompagner la sortie des jeunes du trafic. Développement de la consommation de cocaïne parmi les actifs occupés 1-Constat L expérimentation de la consommation de cocaïne est en augmentation parmi la population des «actifs occupés» (8;9). Se développant à partir des consommations festives, associée à la créativité, ou la gestion de la fatigue, cette consommation est inégalement répartie selon les milieux professionnels. Par ailleurs le phénomène de consommation de substances psychoactives au travail reste insuffisamment documenté, en particulier pour les substances autres que l alcool et le tabac. Il convient cependant de sensibiliser les milieux professionnels aux problématiques liées à l usage de cette substance, et à ses spécificités, en particulier là où elle continue à jouir d une image globalement positive. Parallèlement au développement des actions en milieu festif, il convient donc de s intéresser davantage au milieu professionnel. 154

155 2- Les préconisations Mieux documenter la problématique du rapport entre usage de SPA et travail Former les médecins du travail En particulier par la diffusion des recommandations pour la pratique clinique issues élaborées par la Société Française d Alcoologie en partenariat avec la Société Française de médecine du travail (10) Développer la prévention en entreprise Il s agit en particulier de sensibiliser les instances représentatives du personnel et les directions, et en évaluant l impact de ces actions (11). Pour ce qui est de la cocaïne, proposer des programmes adaptés aux milieux professionnels les plus concernés, incluant des modalités adaptées aux Très Petites Entreprises et aux professions indépendantes Faciliter l accès à des soins adaptés 1-Constat Les dispositifs sanitaires et sociaux répondent en partie aux besoins sanitaires et médicosociaux des usagers de cocaïne. Cependant on constate une méconnaissance des spécificités de la cocaïne y compris parmi les soignants, mieux armés pour les problématiques liées à l alcool ou aux opiacés. La focalisation sur les extrêmes public hyper-inséré vs public en situation d exclusion- conduit à une insuffisante prise en compte des publics «intermédiaires». Il convient donc de renforcer l accès aux soins pour l ensemble des publics concernés, en adaptant et développant les dispositifs existants. 2- Les préconisations Adapter les horaires d ouverture des centres Maintenir des dispositifs d accueil ouverts le week-end. Renforcer l articulation de la réduction des risques et du soin. La distinction entre réduction des risques et soins apparait devoir être atténuée : il n y a pas de soin sans réduction des risques. Il conviendrait de renforcer l articulation des dispositifs en développant les capacités sanitaires dans les CAARUD et en développant les actions de réduction des risques en CSAPA. Des participations croisées pourraient par exemple être soutenues. 155

156 Bibliographie 1- Jamoulle P, Fournié J., Comprendre le sens des conduites à risques pour agir en prévention, Plan crack nord-est parisien, groupe Prévention, Editions Lalo, Benyamina A., Coscas S., Blecha L., Cocaïne et co-morbidités psychiatriques, in Karila L., Reynaud M., Addiction à la Cocaïne, Flammarion, 2009, Escots S, Sudérie G, Usages problématiques de cocaine/crack, Quelles interventions pour quelle demande, OFDT, 247p., mars Jauffret-Roustide M., Rondy M, Oudaya L, Guilbert G, S le C, Pequart C, et le collectif inter-caaarud sur le crack. Une enquête auprès des consommateurs de crack en Ile de France. Retour d expérience sur un outils de réduction des risques pour limiter la transmission du VIH et des Hépatites, BEHWeb 2010 (1) Fédération Addiction, Soins résidentiels collectifs, Fédération Addiction, ACTES de la journée «Engagement des jeunes dans les trafics : Quelle prévention? 7- Maguet O., Calderon C., Insertion par l emploi des usagers de drogues, Drogue et Société, Reynaud-Maurupt, E. Hoareau, E, Les usages de la cocaïne chez les consommateurs cachés, Saint-Denis, OFDT, 2011, 274 p. 9- Pousset M (dir.), Cocaïne, données essentielles, Paris, OFDT, 2012, 232 p. 10- SFA, SFMT, RPC Texte court. Dépistage et gestion du mésusage de substances psychoactives susceptibles de générer des troubles du comportement en milieu professionnel, in alcoologie et addictologie 2013 ;35(1) : Fédération Addiction, «pratiques addictives et milieu professionnel» Fédération addiction, 2012, 7p. 156

157 NOUVELLES DROGUES DE SYNTHESE Développer des programmes de sensibilisation, d information, de prévention et de réduction des risques Cibler les types de populations Les consommateurs de NDS ne se reconnaissent souvent pas dans les structures institutionnalisées (CAARUD, CSAPA...). Il faut développer des espaces professionnels alternatifs en ville ainsi que sur les réseau sociaux et internet. Développement et financement des forums d'usagers Mise en place de documents d'informations à partir des témoignages d'usagers (seules connaissances ou presque que nous avons sur les NDS) Mise en place de formation des professionnels par des binômes pharmaciens/membres des forums d'usagers. Développement des partenariats entre professionnels et forum d'usagers Favoriser l accès à des dispositifs d analyse de drogues utilisés comme outil de RdR Mise en place du programme thérapeutique Privilégier une prise en charge individuelle Alliance thérapeutique Evaluation des différents types de facteurs ayant un impact sur la prise en charge (liés au consommateur, à l environnement, au produit, aux modes de consommations, comorbidités psychiatriques et addictives) Différentes situations 1-Repérage Utiliser ce temps pour sensibiliser le consommateur, accroître sa réceptivité, favoriser sa réflexion, son auto-observation, sa motivation au changement 2-Intervention précoce De type simple conseil ; interventions brèves ; approche motivationnelle chez des sujets n ayant pas forcément besoin d une intervention thérapeutique intensive et pouvant modifier leur comportement avant qu il ne s aggrave et ne devienne chronique 3- Initiation (sevrage thérapeutique) et maintien de l abstinence o o o o Nécessité d un programme thérapeutique structuré en ambulatoire/hospitalisation Examen clinique physique/psychologique et bilan somatique complets Aucun traitement pharmacologique validé Traitement symptomatique Nécessité de travailler sur différentes approches pharmacologiques d aide au sevrage et au maintien d abstinence Approche psychothérapeutique (16) combinée : entretiens motivationnels, thérapie cognitive et comportementale Nécessité de travailler sur différentes approches psychothérapeutiques d aide au sevrage et au maintien d abstinence Nécessité de prendre en compte le rapport de l'usager à l'espace internet, (en particulier slameurs et sites de rencontres). 4-Réduction des risques 157

158 Avant de prendre un NDS, il faut se renseigner sur le produit que l'on compte consommer. - Quand cela est possible, le faire analyser est une plus value permettant de réduire les risques de façon adaptée. Cependant, des notions d'ordres génerales peuvent être utiles dans une dynamique de RdR : Comme tous produits issu du marché parallèle, les NDS ne bénéficient pas d'un contrôle qualité. Ainsi, le contenu supposé peut être éloigné du contenu réel et peut varier dans le temps (sur un même site d'un jour à l'autre) et l'espace (lors d'un même jour d'un site à l'autre). Une molécule peut être vendue à la place d'une autre ou contenir des produits de coupe non annoncés. De plus, une drogue vendue sur internet peut aussi contenir une ou plusieurs molécules actives. Les noms de marque (NRG 3, 4-P etc.) ne sont pas non plus relatif d'une composition chimique. 3 - Face au manque d'information sur les NDS, les forums d'usagers français et anglo-saxons ont développé des stratégies spécifiques de réduction des risques, dans lesquelles les témoignages d'usager (trip report) (souvent la seule information disponible), ont une place prépondérante 6. Voici par exemple la synthèse actuelle proposée par les usagers pour la réduction des dommages liés aux consommations de NDS : - Avant de prendre un NDS, il faut consulter les trips report sur les forums d'usagers (seules information disponibles à ce jour). Un trip report décrit les effets, le dosage, le mode de consommation, les effets secondaires, le contexte d'une consommation d'une personne et sert de point de départ pour d'autres personnes, afin qu'ils puissent s'y préparer et réduire les risques liés à l'usage de ces drogues - Test : il faut toujours tester un nouveau arrivage de NDS avec une dose de 1mg (1 mg est la dose pour laquelle la grande majorité des NDS n'ont pas d'effet) pour vérifier : allergie, pureté du produit, est ce le bon NDS?, nocivité des autres produits issus de la synthèse. - Dosage :les dosages des NDS n'ont aucun rapport d'un produit à l'autre (et d'un mode de consommation à l'autre). La différence entre une dose normale et une overdose est parfois infime. Dans tous les cas, on ne peut pas doser les NDS à l'oeil contrairement aux drogues illicites. Il faut au minimum une balance au milligramme. Si c'est la première fois qu'on prend de cette arivage, il faut viser le seuil minimal d'effet (en vous référant au trip report sur les forum d'usagers). - préférer la voie orale (parachute). Certaine des nouvelles drogues peuvent être très nocive pour les sinus 7 - Syndrome serotoninergique : A l'instar de la MDMA, beaucoup des NDS (notamment les phenetylamines) ont des effets sur la sérotonine et peuvent induire un "syndrome serotoninergique", seul ou en association, notamment avec les antidepresseurs (IMAO) - Espacer les prises et éviter les mélanges notamment avec l'alcool et autres substances - Certain NDS sont des hallucinogènes puissants. Le contexte est alors d'autant plus important. Choisir un endroit calme, à l abri du stress, avec des personnes de confiance. - La consommation de certains NDS (par exemple la méphédrone) par voie intraveineuse, peut entrainer des injections compulsives, comme avec la cocaïne et les amphétamines. 6 Voir le PsychoWiki sur les nouvelles drogues de synthèse (appelé également Research Chemicals par les usagers) : 7 ARS CEIP Ile de France Centre, Information sur les risques d'usage abusif, pharmacodépendances et usage détourné du AH-7921 ou doxylam, novembre

159 Législation Réglementation Les NDS échappent dans leur grande majorité aux législations en vigueur sur les substances psychotropes tout en n étant pas autorisés pour la consommation. Face à l'augmentation de la consommation des dérivés des cathinones (méphédrone, 4- MEC, butylone, 3-MMC...), la France a pour la première fois le 27 juillet 2012 eu recours au classement «générique» qui étend l interdiction à un groupe de substances appartenant à un même famille. Elle a également classé sur la liste des stupéfiants d autres produits comme certains canabinoides de synthèse, le 4-FA, 4-MA, le 2-CB. Etant donné le dynamisme même du phénomène des NDS, la réponse par l interdiction n a pour principal effet le déplacement du problème en incitant les producteurs à inventer sans cesse de nouvelles molécules échappant à la legislation, avec le risque d'apparition d'une molécule de remplacement potentiellement plus nocive que la précédente. 8 Ces constats on poussé certains pays a expérimenter des législations alternatives tentant de faire porter la responsabilité pénale sur les producteurs ou les vendeurs de ces substances plutôt que sur les usagers : - L'Irlande (2010), la Roumanie (2011) et l'autriche (2012) ont adopté de nouvelles lois pénales punissant la distribution, la vente ou la publicité non autorisées de nouvelles substances psychoactives. 9 - Certains pays (Autriche, Finlande, Pays-Bas, Royaume-uni) ont appliqué à certaines NDS la définition de l UE d une substance médicamenteuse, permettant aux agences nationales du médicament d en contrôler l importation, la commercialisation et la distribution 10 - Hors Europe, la Nouvelle-Zélande fait figure de pionner. Elle a décidé depuis peu de réguler l industrie des NDS en autorisant les substances qui présentent un «faible risque» : Avant de commercialiser un produit, les industriels vont devoir effectuer une évaluation de sa toxicité sur l animal et sur l homme et lors de sa commercialisation, ils vont devoir diffuser des messages sanitaires précis 11 - Il faut examiner et évaluer ces nouvelles législations alternatives pour voir dans quelle mesure il est possible de réguler la consommation des NDS 8 Emanuelle Lahaye, Magali Martinez, Angnes Cadet-Tairou, Tendance, Nouveaux produits de synthèse et internet (OFDT) 9 OEDT - RAPPORT ANNUEL 2012: LES POINTS CLÉS 10 HUGHES (B.) et WINSTOCK (A.R.), «Controlling new drugs under marketing regulations [For debate]», Addiction, Vol.107, n 11, 2012, pp NUTT (D.), Drugs are taken for pleasure - realise this and we can start to reduce harm. The Guardian - 3 December 'Revolutionary' legal high law means state regulated drug market. The new Zeland Herald, 28 jul

160 STRATEGIES POUR LES DOMMAGES LIES AUX COMPORTEMENTS JEUX D ARGENT AU NIVEAU INDIVIDUEL En France, la pratique des jeux est légale pour les adultes. Dans de nombreux pays, les recommandations adressées aux autorités de santé insistent sur l intérêt d adopter des stratégies de réduction des risques et de diminuer les dommages de la pratique des jeux pour l individu, sa famille et la société, plutôt que de préconiser la prohibition, non réaliste. Pour tous les joueurs, même non problématiques, il s agit de trouver un équilibre entre la promotion du jeu récréatif et la diminution des dommages du jeu excessif [1]. Selon Ladouceur, le faible taux de joueurs pathologiques réclamant des soins, et à l inverse le fort taux de joueurs pathologiques les abandonnant prématurément, pourraient s expliquer par le dogme de l abstinence prôné par nombre de thérapeutes, de patients et de familles de patients, sous l influence des Gamblers Anonymous dans les pays nord-américains en particulier. Ladouceur préconise de laisser les sujets expérimenter la possibilité du contrôle de la pratique, ce qui permettrait d attirer vers les soins des joueurs pathologiques peu convaincus de leur capacité à obtenir une abstinence complète. Parvenir au contrôle de la pratique augmenterait le sentiment d efficacité personnelle. A l inverse, les sujets échouant, mais ayant tenté cette expérience du contrôle, adhèreraient plus facilement dans un second temps à un objectif d abstinence. Cette stratégie permet une amélioration globale de la qualité de vie [2]. Moins de 10% des sujets souffrant de jeu problématique/pathologique réclament des soins [3]. Ce chiffre reflète sûrement une difficulté d accès aux soins, pour laquelle on peut invoquer plusieurs causes : envie de résoudre ses problèmes seul, honte de son comportement et de ses conséquences, déni des troubles, manque de thérapeutes disponibles et de structures adaptées, coût des prises en charge [4]. Il témoigne aussi très certainement de cas, nombreux, de rémissions spontanées. Dans la plupart des cas, celle-ci est rendue possible grâce à l adoption par le joueur lui-même de stratégies comportementales et très pragmatiques, reposant essentiellement sur l investissement dans des activités incompatibles avec la pratique des JHA et sur l évitement de stimuli devenus inconditionnels [4]. Les prises en charges spécifiques visent donc ceux des joueurs pathologiques qui ont les formes de troubles les plus sévères. Il convient néanmoins de s en occuper avant que les dommages ne s installent ou s aggravent, le plus précocement possible. Thérapies «on-line» ou «e-thérapie» Par ailleurs, on assiste depuis une dizaine d années au développement, dans le champ des conduites addictives, de la «thérapie online» ou «e-thérapie». Plus qu un type de thérapie, il s agit d une modalité, nouvelle, en plein essor et attractive pour des patients accédant difficilement aux soins. Le medium Internet assure un parfait anonymat, qui n est pas pour déplaire aux sujets souffrant d une timidité maladive, d une fragilité narcissique ou simplement honteux de leur conduite addictive. Il annule surtout les distances et rapproche virtuellement le patient de son thérapeute. En résumé, Internet fait tomber les barrières entre un sujet en souffrance et des possibilités d aide. Les travaux évaluant leur intérêt sont encore peu nombreux en matière de jeu problématique/pathologique [5]. Sous forme de thérapies cognitivo-comportementales structurées, d interventions brèves ou de Internet-Based self help program, ce type de prise en charge constitue une alternative aux modalités «classiques» d offres de soins, avec un coût relativement peu élevé. 160

161 Auto-support, interventions brèves, entretiens motivationnels Il s agit des interventions requérant le moins de ressources soignantes, pouvant se dérouler en une seule session, ou encore sous forme de groupes d auto-support. Ces différentes interventions s appuient sur des approches comportementales et/ou cognitives et sur les thérapies brèves (approches solutionnistes et entretiens motivationnels). 1- Auto-support («Self-help treatment») Sous forme de manuels, de supports audio ou vidéo et utilisant le medium Internet, les selfhelp treatments s adressent particulièrement à ceux des joueurs problématiques/pathologiques qui ont du mal à accéder aux soins pour les motifs invoqués précédemment ou ne justifient pas de soins plus étayants en raison d une moindre sévérité de leurs problèmes [6]. Ils ont donné lieu à peu de travaux à ce jour. 2- Repérage précoce-intervention brève (RPIB) Le RPIB existe surtout dans le champ des troubles liés à l usage d alcool, mais son principe peut être étendu aux troubles liées à la pratique des JHA. La promotion du RPIB comprend trois axes majeurs [7] : 1- Stratégies de communication et de médiatisation, dont l objectif est de favoriser la diffusion de nouvelles représentations sociales en matière de pratique des JHA, particulièrement en ce qui concerne la légitimité et la capacité du médecin généraliste à prévenir les comportements à risque. 2- Stratégies spécifiques de mobilisation et de formation, permettant d'impliquer les professionnels de premier recours dans la réalisation du RPIB. Les médecins généralistes ne sont pas les seuls intervenants de première ligne à devoir être formés. Des programmes de formation au repérage du jeu problématique/pathologique sont proposés dans certains pays (Canada, Australie..), aux intervenants de première ligne en santé mentale (psychologues, travailleurs sociaux) [8]. 3- Diffusion du RPIB, en fournissant aux médecins des outils adaptés aux conditions de leur pratique quotidienne et en tissant des alliances fortes avec les acteurs locaux dans l'objectif ultime de garantir une assise solide et durable au RPIB Encore très peu développé en France en matière de jeu, le RPIB a donné lieu a quelques travaux à l étranger, qui attestent de son intérêt [9]. Si son but n est pas d arrêter la pratique excessive des JHA, le RPIB permet néanmoins de réduire les sommes d argent perdues, le temps passé à jouer et la fréquence de jeu. 3- Entretiens motivationnels (EM) Méthode de communication directive, centrée sur la personne, les EM visent au changement de comportement par l exploration et la résolution de l ambivalence du sujet. Il s agit d outils ayant montré des résultats prometteurs dans les autres formes d addiction. En matière de pratique des JHA, les EM servent le plus souvent d amorce à des thérapies plus structurées et longues, afin d en améliorer l efficacité et d augmenter le taux de rétention [10]. Thérapies comportementales et/ou cognitives (TCC) Elles s appuient sur les théories comportementales, cognitives et socio-cognitives du jeu pathologique, qui conceptualisent le trouble comme un comportement appris selon les différents modèles d apprentissage (opérant, répondant et social), se reproduisant en raison de l apparition de différents renforcements (renforcements positifs : plaisir, excitation, espoir 161

162 de gain, relations sociales et renforcements négatifs : disparition des émotions négatives, de l ennui, recherche d une dissociation), et du développement de distorsions cognitives liées au jeu (superstitions, illusion de contrôle, biais d interprétations, etc). Si l on se réfère au nombre de publications ayant trait aux TCC, on pourrait en conclure qu il s agit là des interventions les plus populaires dans le traitement du jeu pathologique. De nombreuses études ont ainsi montré leur efficacité, avec une diminution de la sévérité et de la fréquence de la pratique de jeu, ainsi que du craving. Pour conclure, deux méta-analyses concluaient à leur supériorité par rapport à l absence d intervention, et ce malgré la variabilité portant tant sur les méthodes thérapeutiques que sur l évaluation des résultats [11], mais sans pouvoir affirmer leur effet à long terme [12]. Traitements médicamenteux A ce jour, aucune molécule n a obtenu d autorisation de mise sur le marché en France, ou ailleurs. Néanmoins, la recherche pharmacologique en matière de jeu pathologique existe depuis plus de 10 ans. Un article de synthèse très récent recensait 18 essais thérapeutiques menés en double aveugle et contre placebo, testant des molécules ayant aussi fait l objet d études dans le cadre des addictions à des substances psychoactives [4]. On retrouve ainsi des molécules déjà testées dans le vaste champ des addictions : les antagonistes des récepteurs opiacés, les antidépresseurs, les thymorégulateurs et les modulateurs glutamatergiques. Dans l ensemble, l effet de ces molécules est supérieur à celui du placebo, même si la taille de l effet est relativement faible, en raison probablement d un effet placebo rapporté particulièrement fort [4]. AU NIVEAU SOCIETAL Si l approche clinique du joueur s inspire largement du domaine des substances psychoactives, il en va autrement de l approche politique : pour l Etat, la régulation des jeux d argent poursuit un objectif économique et les préoccupations d ordre public ciblent essentiellement la réduction du marché noir. L approche de santé publique est soit embryonnaire, soit absente. En matière de prévention du jeu excessif, la littérature scientifique est donc très limitée. Réduire les risques et dommages du jeu excessif sur le plan sociétal implique non seulement un changement de priorité fondé sur le Droit à la santé [13], mais aussi des connaissances accrues au sujet des coûts sociaux [14] et de l addictivité comparée des différentes offres de jeux d argent [15]. Prévention En matière de jeu excessif, la prévention éducationnelle (centrée sur la personne) est particulièrement difficile à dissocier de la prévention structurelle (législation et réglementation), tant la première ne peut se déployer sans la seconde. Au sein des lieux de jeux et des lieux socio-sanitaires de première ligne, des processus de détection précoce devraient être couplés avec un dispositif d aide spécialisé clairement identifiable (N vert, site web, informa tions sur les lieux de jeu), et offrant des réponses dans un délai suffisamment court (notion de seuil bas) [16]. Compte tenu des répercussions particulières du jeu excessif pour le milieu familial et professionnel, les offres devraient en outre être explicitement adressées à l entourage tout autant qu aux joueurs eux-mêmes [17]. L approche communautaire et l auto-support ont reçu beaucoup d attention dans les milieux anglo-saxons. Le développement des offres et services devraient être réalisés avec les groupes sociaux concernés [18]. 162

163 La prévention passe également par l incorporation du jeu excessif dans les différentes filières de formation avec un accent sur la sensibilisation des professions impliquées dans la détection précoce : exploitants des jeux, professions socio-sanitaires, professions judiciaires. Législation réglementation La prévention structurelle du jeu excessif implique des mesures d encadrement de la publicité (en particulier limitations des messages visant des publics vulnérables, dont les jeunes et les joueurs excessifs eux-mêmes), des mesures indirectes comme l interdiction de consommer de l alcool ou du tabac sur les lieux de jeu, des mesures restreignant l accès et des mesures concernant les caractéristiques intrinsèques des différentes offres de jeux [19]. Historiquement, les mesures de prohibition partielle se sont focalisées sur le nombre de points de vente et leur localisation (casinos). La facilité de se déplacer et le développement des offres mises en réseau par des moyens électroniques amène aujourd hui à prioriser l interdiction de vente à certains publics vulnérables (mineurs, personnes insolvables ou précaires, personnes ayant demandés à être exclues). Plusieurs juridictions, dont la France, ont renforcé le contrôle aux entrées dans le secteur des casinos ou de l offre de jeux online ; pratiquement, toute offre de jeu présenté sur un support électronique permet d envisager des codes personnalisés d accès, rendant possible des mesures de limitations et d exclusion, cas échéant, non volontaires. Plusieurs travaux préliminaires ont démontré la pertinence pour la détection précoce de dispositifs de repérage automatique des comportements à risques via un système informatique, suivi d une intervention de prévention indiquée [20]. Différents paramètres pourraient modérer le jeu, sous réserve de travaux de recherche ultérieurs : ralentir la fréquence [21] et diminuer la durée des épisodes de jeu [22], limiter l amplitude des gains, réduire la fréquence des quasi-gains (near-miss) [23-26], encadrer l interactivité, présenter des messages de type «Pop-up» [27, 28], limiter le montant des mises et leurs modalités (éviter billets ou jetons) [29, 30]. Sans se définir comme une politique publique de réduction des risques et dommages, la révision de la législation suisse sur les jeux d argent s en rapproche [31]. Tout d abord, le dispositif de régulation projeté fixe comme objectif premier la protection des joueurs et non plus l objectif économique. Le dispositif réduit les divergences entre la régulation du secteur des loteries/paris et celle du secteur des casinos, et il harmonise les exigences de prévention préalables à la mise sur le marché de tout nouveau jeu. L agence de régulation est assistée d un groupe d experts scientifiques qui a accès à toutes les données et qui produit un rapport annuel public. Tout opérateur exploitant une offre de jeu à haut potentiel addictif a la responsabilité de prononcer des mesures de limitation ou d exclusion, avec une contribution des lieux de thérapie en cas de levée d exclusion. Enfin, il est prévu une taxe sur le revenu des jeux, dédiée spécifiquement au financement des dispositifs d aides et de prévention externes aux opérateurs. Les propositions de l ARJEL Nous reprenons ci-dessous les propositions qu a faite l'autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) a demandé vendredi une amélioration du repérage et de la prise de charge des joueurs pathologiques. Dans un bilan à trois ans de la loi du 12 mai 2010 sur l'ouverture du marché des jeux d'argent et de hasard en ligne, l'arjel a émis plusieurs recommandations : 163

164 mettre en place d'un "dispositif de repérage des joueurs problématiques et pathologiques sur la base d'indicateurs", encadrés par l'arjel, sur la base d'études et avec des mises à jour régulières. Former les employés des services clientèle des opérateurs, qui sont le plus en contact avec les joueurs, soient formés a minima sur "les facteurs clefs de détection des joueurs problématiques ou pathologiques", "la procédure à appliquer en cas de doute" et les structures d'écoute et de soin existantes. Les opérateurs devraient être en mesure de "contacter personnellement" tout joueur identifié comme ayant un comportement de jeu problématique afin de le "rediriger vers un dispositif d'aide ou d'assistance". En matière de prévention, les messages de mise en garde devraient être diversifiés et affinés, pour mieux alerter les joueurs sur les conséquences concrètes ("le jeu ne rembourse pas vos dettes"; "il n'est pas possible de contrôler le hasard") et la fréquence des publicités pour les sites devait être davantage contrôlée. D'un point de vue épidémiologique, l'arjel souhaite la réalisation d'études périodiques pour "mesurer l'évolution du nombre de joueurs pathologiques tout en distinguant les différents types de jeux et les réseaux de distribution (en ligne ou en dur) et les conditions de régulation". Mettre en place une ligne téléphonique d'assistance aux joueurs pathologiques, en complément de la ligne d'écoute "Joueurs écoute info service", mise en place en juin 2010 par le groupement d'intérêt public (GIP) Addictions drogues alcool info service (Adalis). Elle devrait fonctionner avec d'autres organismes qu'adalis, pour "proposer un accompagnement, un suivi, ou des solutions de traitement aux personnes souffrant d'addiction au jeu" qui sont demandeuses de cette intervention, après un premier filtrage des appels par les équipes du service d'écoute. "Ces organismes devront être exempts de tout lien financier, juridique, fonctionnel ou administratif avec les opérateurs agréés", ce qu'un label pourrait garantir. L'Arjel estime qu'il faudrait se pencher sur "la question d'un financement public des associations d'aide aux joueurs". Elle suggère aussi que les fonds provenant des comptes de joueurs clôturés et non réclamés au delà de cinq ans soient versés "à des organismes indépendants, tels que des associations de protection et d'aide aux joueurs pathologiques". L'Arjel demande par ailleurs une plus grande transparence sur l'utilisation des sommes versées à l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) et à l'assurance maladie, et allouées à la lutte contre le jeu excessif ou à la prévention de l'addiction. Il s'agit des 5% du produit des prélèvements sur les paris et jeux de cercle en ligne affectés, chaque année, à l'inpes dans la limite de 5 millions d'euros, et du surplus versés au régime général de l'assurance maladie pour le fonctionnement des centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa). "Il n'est pas avéré que la lutte contre le jeu excessif ou pathologique ait été le véritable bénéficiaire de ces sommes", relève l'arjel. Elle demande donc que l'inpes et l'assurance maladie "rendent compte annuellement de l'utilisation des sommes visées". 164

165 Bibliographie 165

166 MESUSAGE DE MEDICAMENTS PSYCHOTROPES REDUCTION DES DOMMAGES AU NIVEAU SOCIETAL En terme de prévention Un message individuel de prévention des risques de mésusage peut être délivré à chaque étape du circuit de délivrance de ces traitements : lors de la consultation médicale, notamment lors de la primoprescription, mais aussi généré de façon automatique sur les ordonnances sécurisées, lors de la délivrance par le pharmacien, sur la notice du médicament. Des messages simples sur le respect de la voie d administration, de la durée de prescription, sur la nécessité de ne pas céder son traitement, et d aborder avec son médecin toute situation de dépendance vis-à-vis d un médicament, méritent d être évalués y compris pour les médicaments en vente libre dont les abus et dépendance sont souvent méconnus. Ils sont susceptibles de connaître un succès semblable aux mesures d information ayant permis la réduction des prescriptions d antibiotiques. Dans des populations particulièrement à risque (patients dépendants de l alcool ou de drogues illicites, personnes incarcérées), les messages de prévention concernant le risque d accidentologie et de décès par surdose accidentelle notamment lors de mélange d alcool et/ou de drogues illicites avec des médicaments psychotropes devrait systématiquement être inclus dans les messages de réduction des risques véhiculés par les professionnels de santé et de réduction des risques. L accès à des consultations spécialisées en psychiatrie ou en addictologie Pour des patients présentant une dépendance à des médicaments psychotropes doit être facilitée, notamment par la diffusion, éventuellement au niveau des ARS, d un répertoire des professionnels spécialisés. La prise en charge comprendra de façon systématique le dépistage des complications psychiatriques et somatiques et le traitement pourra faire appel à divers professionnels de santé. Prévention RÉDUCTION DES DOMMAGES AU NIVEAU SOCIÉTAL Des campagnes de sensibilisation et d information de la population générale sur les risques liés au mésusage des médicaments psychotropes pourraient être conduites. Législation, réglementation (ANSM, CEIP-Addictoviglance, Pharmacovigilance, Toxicovigilance, Services répressifs, Justice) En France, le dispositif de vigilance du mésusage et de la dépendance aux médicaments psychotropes est assez performant pour repérer les médicaments qui font l objet de mésusage notamment dans les populations spécifiques de patients usagers de drogues, mais doit être perfectionné, notamment concernant les décès provoqués par ces médicaments et l accidentologie routière. De même, le système de vigilance concernant l approvisionnement illégal et particulièrement par internet doit être développé. Il convient de conserver dans le giron national, indépendamment des décisions de l agence européenne (du médicament EMA) la possibilité de suspendre au moins 166

167 temporairement l autorisation de mise sur le marché d un médicament psychoactif pour lequel un signal inquiétant de mésusage apparaîtrait (notifications spontannées dans le cadre de l Addictovigilance). Chacune de ces décisions devrait être évaluée, notamment pour vérifier que l arrêt de commercialisation d un médicament psychotrope ne se traduise pas par un report du mésusage vers une autre classe médicamenteuse qui s avèrerait après-coup plus délétère. A cette occasion il convient de rappeler que l ensemble les médicaments psychotropes qui font l objet d un mésusage ou d un détournement, que ce soit les benzodiazépines ou les traitements opiacés antalgiques ou substituts de la dépendance à l héroïne quand ils sont bien employés, sont des traitements utiles et qui ne sauraient être remplacés par d autres types de molécules, que ce soit dans la prévention des complications du sevrage d alcool ou dans la prise en charge globale de la dépendance à l héroïne. Une meilleure formation des professionnels de santé à la prescription des traitements de substitution opiacés est nécessaire. La question de l extension des ordonnances sécurisées à l ensemble des prescriptions de psychotropes, ou du déconditionnement systématique par les pharmaciens pour délivrer précisément le nombre de comprimés prescrits ont été suggérés par certains membres du groupe d expert réunis par l INSERM en Enfin, les conséquences d une exposition précoce (durant la grossesse et durant l enfance) ou prolongée aux médicaments psychotropes devrait faire l objet d études approfondies chez l Animal et d études pharmaco-épidémiologiques chez l Homme afin de déterminer les risques potentiels à long terme. (Billioti de Gage et al, 2012). Bibliographie INSERM, Médicaments psychotropes : Consommations et Pharmacodépendances. Collection Expertise Collective, INSERM, Paris Référence Benzodiazepine use and risk of dementia: prospective population based study. Billioti de Gage S, Bégaud B, Bazin F, Verdoux H, Dartigues JF, Pérès K, Kurth T, Pariente A. BMJ. 2012;345:e

168 LE DOPAGE Les difficultés à agir sur le dopage tiennent aux difficultés à tracer des frontières entre ce qui est licite et illicite. Cependant, la distinction naturelle artificielle paraît un fondement sûr pour bâtir une politique de prévention. Le rôle du législateur ne peut se limiter à une action de répression en infligeant des sanctions mais doit se traduire également par des actions de prévention, de sensibilisation et d information vers le grand public, les sportifs amateurs et professionnels, le personnel de l encadrement technique des sportifs (entraîneurs, etc.), ainsi que les professionnels de santé (médecins, kinésithérapeutes, diététiciens, etc.). Compte tenu de la taille de la population des pratiquants sportifs (quinze millions de pratiquants dont environ 8 millions en phase de croissance incluant 2,5 millions d enfants dans le sport scolaire) seule peut être pertinente une démarche de prévention volontariste à large échelle, sollicitant l engagement de tous les secteurs éducatifs et médiatiques de notre société ( 26 ). AU NIVEAU INDIVIDUEL Une volonté affirmée de réduction des dommages liés au dopage directement axée sur les sportifs de tous niveaux doit s articuler autour de trois leviers : - l extension de la responsabilité des sportifs dopés à tous ceux qui ont proposé et fourni des substances dopantes ; - l élargissement à toutes les disciplines du «profilage biologique des sportifs» : ce suivi biologique du sportif est actuellement mis en place pour le cyclisme et le football ; ce système reposera, dès la mise en application de la loi votée au premier trimestre 2012, sur l identification du groupe-cible d athlètes de différents niveaux et différentes disciplines. Ils seront soumis au contrôle du profil hématologique dans un premier temps, puis du contrôle du profil endocrinien (stéroïdien) dans un second temps ; - la mise en œuvre de sanctions qui vont de l avertissement, aux interdictions temporaires ou définitives de toute pratique, en passant par des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu'à euros par sportif. 1- Prévention AU NIVEAU SOCIÉTAL Parce que le sport est un vecteur d apprentissage des valeurs fondamentales, les enjeux liés à la prévention sont considérables. La recherche biomédicale toujours plus poussée identifie de nouvelles substances, ou de nouvelles méthodes à usage médical. Cependant, détournées de leur utilisation première, leur manipulation peut se traduire par une amélioration de la performance. Ce sont des pratiques, dans la majorité des cas, mal intentionnées. Un plan triennal de prévention des conduites dopantes a été élaboré en 2008, et reconduit en 2011, sous la forme d un plan national de prévention du dopage et de lutte contre le trafic des produits dopants défini pour la période ( 27 ). La sensibilisation des publics en matière de prévention doit s orchestrer autour de : - une coopération avec les laboratoires pharmaceutiques seule capable de permettre aux autorités compétentes d anticiper les risques en matière de santé et les utilisations frauduleuses (mésusage) qui peuvent être faites des nouveaux médicaments ( 28 ) ; - la mise en place de protocoles et de tests pour déceler de manière très 168

169 réactive les substances dopantes dans les nouveaux produits thérapeutiques ; - une responsabilisation des pharmaciens en leur permettant de conserver les dossiers pharmaceutiques plus de 4 mois en ce qui concerne les produits potentiellement dopants (mise à jour des logiciels d alerte et vigilance lors de la délivrance des produits) ; - des actions de sensibilisation vers les pharmaciens, grossistes et répartiteurs, en excluant des référencements les compléments alimentaires ne respectant pas la norme Afnor D94S et la nouvelle réglementation de décembre 2012 ; - l implication des fédérations sportives, des clubs et de l encadrement sportif pour mieux aider à orienter leurs actions et leur permettre de mettre en place des actions de formation contre le dopage, les risques d automédication ainsi que les dangers d acheter des produits sur internet ; - des actions de formation spécifique sur les produits dopants et leurs effets destinées aux professionnels de santé, tant les médecins que les pharmaciens, et inscription dans les programmes de formation initiale et continue des modules de formation sur le dopage ; de telles formations devraient aussi être ouvertes aux professionnels du sport (entraîneurs, cadres, universitaires STPAS, etc.) ; - une lutte accrue contre le trafic des produits dopants avec un soutien des DRJSCS et une réactualisation de leurs missions, la mise en place d une instance interministérielle (Intérieur, Economie/Finances, Jeunesse et Sports) destinée à dégager des synergies régionales et nationales ; la réactivation des commissions régionales de lutte contre le trafic de produits dopants ; - une mise en garde sur les risques d achat à distance (internet) de produits dopants ou de compléments alimentaires considérés comme tels, non conformes à la législation en vigueur ; - le développement de la sensibilisation des élèves dans les écoles, en lien avec le ministère de l Education nationale, et dès le plus jeune âge, au respect de l étique dans le sport et la protection de la santé. 2- Législation et réglementation En France, le combat contre le dopage dans le sport est mené à la fois par l AFLD, autorité publique indépendante, mais également par le ministère des Sports et les autres administrations de l Etat engagées dans la lutte contre le trafic de produits dopants (CNOSF, fédérations sportives, etc.). L Agence mondiale antidopage (AMA) s appuie pour sa part sur les organisations nationales de lutte contre le dopage (dont l AFLD) pour s assurer du respect des règles liées au dopage définies dans le Code mondial antidopage entré en vigueur en 2004 ( 29 ). La France, ainsi que 161 autres Etats, ont signé en octobre 2005 la convention UNESCO de lutte contre le dopage. Celle-ci fait depuis de longues années consensus sur le plan politique même si des marges de progrès existent, tant dans la diversification des moyens de détection du dopage que pour les actions de contrôle des compétitions internationales. Désormais, l infraction pénale est étendue à la détention de certains produits dopants par le sportif, mais aussi à la fabrication, la production, l importation, l exportation et le transport illicite de produits dopants. Citons comme axes de progrès juridiques et réglementaires à mettre en œuvre : 1. une répression pénale en priorité pour les trafiquants et leurs réseaux (naturellement accompagnée de sanctions disciplinaires pour les sportifs) ; 2. le développement de la coopération de l AFLD avec les fédérations sportives internationales ; 169

170 3. la nécessité de ne plus distinguer dans la «liste des produits interdits» les substances exclues en permanence de celles uniquement prohibées pendant les compétitions ; 4. garantir, avec la même vigilance, l harmonisation dans tous les sports des procédures de délivrance des autorisations à usage thérapeutiques (AUT) ; 5. une obligation légale pour les laboratoires pharmaceutiques d indiquer plus clairement sur les conditionnements la dose précise d utilisation pour les médicaments mis sur le marché inscrits sur la liste annuelle mondiale des produits dopants ; 6. la création d un Observatoire des accidents médicaux, effets secondaires et complications liés au dopage ; 7. l autopsie du corps de tout sportif décédé sur le terrain, comportant un examen anatomo-pathologique et toxicologique ; 8. le développement de toutes les collaborations utiles dans le but de rassembler le maximum d informations à la fois sur les produits, les méthodes d analyse et leur vente sur internet, en lien avec les fournisseurs d accès et l Office central de lutte contre les atteintes à l environnement et à la santé publique (OCLAESP) ; 9. l attribution d un budget pérenne à la recherche afin qu elle puisse notamment évaluer les effets secondaires des substances dopantes et adapter les nouvelles méthodes de détection aux nouveaux produits dopants ou méthodes utilisées ; 10. l encadrement des paris en ligne (désormais autorisés en France) pouvant déboucher sur la tentation accrue de fraude compte tenu des enjeux financiers et de la pression éventuelle des parieurs sur les sportifs. 170

171 Bibliographie (1) RIEU M., QUENEAU P., Rapport à l Académie de médecine, La lutte contre le dopage : un enjeu de santé publique, février 2012 (2) DELMAS A., Audit de la pratique des jeunes, FFESSM, 2009 (3) LAURE P., Le dopage, Presses universitaires de France, 1995 (4) Pope H, Katz D, «Affective and psychotic symptoms associated with anabolic steroid use», The American journal of psychiatry, vol. 145, n o 4, 1988, p (5) P. Fudala, R. Weinrieb, J. Calarco et al., «An evaluation of anabolic-androgenic steroid abusers over a period of 1 year: seven case studies», Annals of clinical psychiatry : official journal of the American Academy of Clinical Psychiatrists, vol. 15, n o 2, 2003, p / S. Bhasin, T. Storer, N. Berman, et al, «The effects of supraphysiologic doses of testosterone on muscle size and strength in normal men», N. Engl. J. Med., vol. 335, n o 1, 1996, p. 1-7 / R. Tricker, R. Casaburi, T. Storer, et al, «The effects of supraphysiological doses of testosterone on angry behavior in healthy eugonadal men--a clinical research center study», vol. 81, n o 10, 1996, p / D. O'Connor, J. Archer, W. Hair, F. Wu, «Exogenous testosterone, aggression, and mood in eugonadal and hypogonadal men», Physiol. Behav., vol. 75, n o 4, 2002, p (6) MARAI S., FIGUEREDO V.M., MORRIS L., Cocaïne and the Heart, Clinical Cardiology, 2010 (7) F. Grace F, N. Sculthorpe, J. Baker, B. Davies, «Blood pressure and rate pressure product response in males using high-dose anabolic-androgenic steroids (AAS)», J Sci Med Sport, vol. 6, n o 3, 2003, p (8) Steve Tokar, «Liver Damage And Increased Heart Attack Risk Caused By Anabolic Steroid Use», University of California - San Francisco, 2006 (9) E. Barrett-Connor, «Testosterone and risk factors for cardiovascular disease in men», Diabete Metab, vol. 21, n o 3, 1995, p (10) C. Bagatell, R. Knopp R, W. Vale, J. Rivier, W. Bremner, «Physiologic testosterone levels in normal men suppress high-density lipoprotein cholesterol levels», Ann Intern Med, vol. 116, n o 12 Pt 1, 1992,p / C. Mewis, I. Spyridopoulos, V. Kühlkamp, L. Seipel, «Manifestation of severe coronary heart disease after anabolic drug abuse», Clinical cardiology, vol. 19, n o 2, 1996, p (11) L. Socas, M. Zumbado, O.Pérez-Luzardo, et al, «Hepatocellular adenomas associated with anabolic androgenic steroid abuse in bodybuilders: a report of two cases and a review of the literature», British journal of sports medicine, vol. 39, n o 5, 2005 / I. Velazquez, B. Alter, «Androgens and liver tumors: Fanconi's anemia and non-fanconi's conditions», Am. J. Hematol., vol. 77, n o 3, 2004, p (12) R. Marcus et S. Korenman, «Estrogens and the human male», Annual Review of Medicine, vol. 27, 1976, p (13) M. Meriggiola, A. Costantino, W. Bremner, A. Morselli-Labate, «Higher testosterone dose impairs sperm suppression induced by a combined androgen-progestin regimen», J. Androl., vol. 23, n o 5, 2002 / J. Hoffman, N. Ratamess, «Medical Issues Associated with Anabolic Steroid Use: Are they Exaggerated?», Journal of Sports Science and Medicine, juin 2006 / A. Matsumoto, «Effects of chronic testosterone administration in normal men: safety and efficacy of high dosage testosterone and parallel dose-dependent suppression of luteinizing hormone, follicle-stimulating hormone, and sperm production», J. Clin. Endocrinol. Metab., vol. 70, n o 1, 1990, p (14) DUCLOS M., GUINOT M., COLSY M., MERLE F., BAUDOT C., CORCUFF JB, LEBOUC Y., High Risk of Adrenal Insufficiency after a Single Articular Steroid Injection in Athletes, University Hospital (CHU) Clermont-Ferrand, Hospital G. Montpied, Department of Sport Medicine and Functional Explorations, Clermont-Ferrand, France, 2007 (15) Brower, KJ, et al. Symptoms and correlates of anabolic-androgenic steroid dependence. 171

172 British Journal of Addiction. 1991, Vol. 86, pp (16) Gridley, DW et Hanrahan, SJ. Anabolic-androgenic steroid use among male gymnasium participants : Knowledge and motives. Sports Health. 1994, Vol. 12, pp (17) Malone, DA, et al. Psychiatric effects and psychoactive substances use in anabolicandrogenic steroid users. Clinical Journal of Sports Medicine. 1995, Vol. 5, pp (18) Perry, P J, et al. Anabolic steroid use in weightlifters and bodybuilders : An internet survey of drug utilisation. Clinical Journal of Sports Medicine. 2005, Vol. 15, pp (19) Kanayama, G, Hudson, JI et Pope, HG Jr. Features of men with anabolic-androgenic steroid dependence ; A comparison with non-dependent AAS users and with AAS nonusers. Drug and Alcohol Dependence. 2009, Vol. 102, 1-3, pp (20) Midgley, S, Heather, N et Davies, JB. Depedence-producing potential anabolicandrogenic steroids. Addiction Research. 1999, Vol. 7, pp (21) Copeland, J, Peters, R et Dillon, P., Anabolic-androgenic steroid use disorders among a sample of Australian competitive and recreational users. Drug and Alcohol Dependence. 2000, Vol. 60, 1, pp (22) Iversen, L., Speed, Ecstasy, Ritalin: the Science of Amphetamines, Oxford University Press, Oxford, 2006 (23) ESCAPAD 2011, Estimations 2011 des consommations de produits psycho actifs à 17 ans, OFDT (24) MONDENARD (de) J.-P., Dictionnaire du dopage : substances, procédés, conduites, Éditions Masson, 2004 (25) VENISSE J.L., BAILLY D., REYNAUD M., Conduites addictives, conduites à risques : quels liens, quelle prévention? - Ed. Masson, Coll. Médecine et Psychothérapie, 2002 (26) MARIJON E., TAFFET M., CELESMAJER D.-S., DUMAS F., PERRIER M.-C., MUSTAFIC H., TOUSSAINT J.-F., DESNOS M., RIEU M., BENAMEUR N., LE HEUZET J.- Y., EMPANA J-P., JOUVEN X.. Sports-Related Sudden Death in the General Population. Circulation, 2011 ; 124(6) : ). (27) DELMAS A. Audit de la pratique des jeunes, FFESSM, 2009 (28) Ministère chargé des sports, mars 2013 (29) LAURE P., BINSINGER C., Les médicaments détournés, - Masson, 2003 (30) Loi n du 3 juillet 2008 relative à l a lutte contre le trafic de produits dopants (31) Agence mondiale antidopage, «le Code»,

173 STRATEGIES SPECIFIQUES DE REDUCTION DES DOMMAGES ADAPTEES AUX POPULATIONS ET SITUATIONS SPECIFICIQUES LES JEUNES «L approche réduction des risques et dommages» chez les jeunes L approche réduction des risques et des dommages est de plus en plus acceptée comme stratégie à employer auprès des jeunes car elle intègre les taux élevés de consommation de substances dans cette préiode, l efficacité limitée des programmes de prévention générale et la difficulté d élaborer des programmes ciblant les adolescents à risque élevé. Elle est axée sur les risques et les répercussions de la consommation, plutôt que sur la consommation en tant que telle. Elle considère l abstinence comme l une des options pour réduire les dommages de la consommation de substances sur la société et la santé. Chez les jeunes, risques et dommages se caractérisent par la difficulté à reconnaître des situations comme risquées. Une consommation identique à celle du ou des groupes de références (parents, fratrie, pairs) est considérée normale, d où l importance d un mise en perspective normative par comparaison au groupe de même âge et de même sexe. Par ailleurs, l anticipation des conséquences négatives sur les succès scolaire ou professionnel est peu opérante chez les jeunes. Les programmes sont axés sur les problèmes et dommages résultant des consommations «ici et maintenant» : Difficultés relationnelles, conduite du véhicule avec des facultés affaiblies, relations sexuelles non protégées, mauvais résultats scolaires ou infection par une maladie transmissible comme le VIH. Un programme de réduction des dommages présente quatre caractéristiques principales : le principal objectif doit être la diminution des conséquences néfastes associées à la consommation de substances par tous les moyens choisis par le jeune, y compris l abstinence ou la réduction des consommations ; une position neutre prise par rapport à l abstinence le concept de dommages doit être pris en compte dans un continuum de risques (sociaux, familiaux, somatiques, judiciaires, scolaires ); les diminutions des répercussions néfastes sont présentées comme des résultats mesurables conjointement. Il s agit d un processus actif et interactif : du point de vue de la prise de décisions, l approche de la réduction des dommages n est pas une stratégie passive imposée aux participants. Les adolescents qui optent pour cette démarche doit s intéresser à la gestion d eux même, de façon à être capables de prévoir les situations à risque et de retrouver des options pratiques adaptées à la situation vécue et tenant compte des buts visés (SOMERS, J.M. Harm reduction and the prevention of alcohol problems among secondary school students. University Microfilms International, 1995). Sa mise en œuvre se caractérise par trois problématiques particulières aux adolescents : l autonomie en cours d acquisition, d où l importance des compétences acquises une capacité à prendre des décisions éclairées quant à la consommation de substances, les risques et méfaits spécifiques associés à cette consommation, d où les limites à poser à un certain marketing et publicité 173

174 les possibilités uniques offertes en matière de politiques «drogues» ciblant les jeunes : abstinent ou usager actif Différents temps d intervention Le terme «jeune» n est pas nécessairement circonscrit par l âge, l occupation ou le lieu de résidence. L adolescence se caractérise par une autonomie grandissante et une variabilité de développements affectif, social et intellectuel qui influence la capacité à prendre des décisions, tant d un point de vue général que pour des comportements illégaux liés à la consommation de substances. Cette période peut être découpée en plusieurs temps qui se recouvrent partiellement : De la naissance jusqu aux premières expériences, donc de 0 à ans ; La première période précède les usages et construit les compétences psycho-sociales pour les maitriser et les gérer à bon escient. Elle est aussi celle où vont s accumuler les données qui en feront l attractivité ou au contraire le repoussoir. Cette période est le moment opportun pour la mise en place de programmes de prévention universels Expérimentations, début des usages et premières confrontations sur ces usages, donc de à ; La deuxième période est celle des premières expériences, qui accentuent ou non l attractivité et mobilisent les compétences pour y résister. Facteurs de protection et vulnérabilités sont sollicités. Les actions de prévention secondaire, ciblées et sélectives seront plus adaptées à cette période Jeune adulte : débuts de prise en charge pour les uns, intégration des usages dans le mode de vie pour les autres ou arrêts de consommation. La troisième est celle de l entrée dans la vie adulte, avec ses facteurs spécifiques et les premières stratégies d arrêt. L articulation entre les programmes de prévention secondaires et les stratégies de soins dans les services spécialisés est à renforcer et développer. Programmes de prévention Les programmes de réduction des risques et des dommages se déclinent dans tous les programmes de prévention portant sur la consommation de substances des jeunes. Ils peuvent être universels, sélectifs ou prescrits : Les programmes universels cherchent à prévenir ou retarder le début de la consommation de substances, principalement par l éducation préventive offerte dans le système scolaire par des programmes parents/enfants dont l efficacité minimale a été démontrée. Les interventions sélectives et prescrites ciblent des personnes ayant des caractéristiques ou des facteurs de risque spécifiques et un niveau de maturité, d autonomie, de consommation de substances qui nécessite des objectifs adaptés, y compris ne visant pas l abstinence. Il faut rappeler là l importance capitale de l association des parents et adultes entourant le jeune pendant cette période, intégrant des aspects individuels et collectifs On peut également signaler l importance jouée par les approches intégrées de renforcement communautaire appuyées sur l ensemble des communautés scolaires, comme le programme «life skills». Ces programmes proposent des approches qui visent également des changements profonds chez les adultes, partenaires indispensables des actions de prévention à destination des adolescents. 174

175 1/ Première période : Elle construit le socle de la personnalité et installe un contre - poids éducatif aux influences sociales par des actions de prévention universelle type «life skills» qui renforcent les compétences psycho-sociales spécifiques (estime de soi ; capacité à dire non ; construction de solution.) et le développement d habitudes de vie contrôlées. 1 D autres outils sont possibles, comme améliorer l accueil des parents, mieux s articuler avec les PAEJ, les missions locales, diffuser les groupes de parole adultes et l aide à la parentalité. Les programmes de prévention de l usage, ciblés parents/enfants ou ado sont encore trop souvent intuitifs. Le cumul de différentes cibles de prévention semble efficace pour aider les parents à adapter leurs stratégies éducatives et renforcer la cohésion familiales: par exemple durée d exposition aux écrans, premières consommation «directes» ou «indirectes», exposition au tabagisme passif, etc l aide au changement de comportement des parents : consommation de TV (plus de trois heures par jour), d alcool (trois verres par jour en moyenne, de tabac, etc.) Cette prévention doit s accompagner d un développement de programmes de changements personnels et de dispositifs de soin pour les dépendances comportementales. Le renforcement des législations protégeant des influences du marketing, homogénéisée au regard des addictions, (interdiction de messages préparant à l usage, etc ) va dans ce sens. 2/ Deuxième période Elle est celle des expérimentations possibles, celle où le pré-adolescent côtoie des expérimentateurs ou des usagers à risque. Les actions préventives identifient les conséquences de la consommation et modifient des perceptions erronées et la résistance à l influence des pairs. Elles visent des groupes d adolescents restreints et homogènes vis-à-vis de la consommation. Il est logique de prévoir des programmes d intervention précoce et de repérage des premiers usages et des programmes de réduction des dommages. Cependant il a été démontré que la réduction des dommages n est pas une approche systématiquement valable pour fins d éducation à l entrée au collège pour trois raisons principales : la faible prévalence de la consommation de substances chez les élèves, des niveaux de développement et de maturité très variés la tendance à mal interpréter le concept de réduction des dommages jusqu à croire qu il justifie la consommation. Exemples de programmes : Le projet School Health and Alcohol Harm Reduction Project (projet pour la réduction des méfaits de l alcool et la santé scolaire, ou SHAHRP) visait à réduire les méfaits liés à l alcool portait sur l efficacité d un programme universel de réduction des dommages à l école, (14 écoles secondaires publiques de Perth, en Australie-Occidentale, réparties au hasard dans un groupe d intervention ou dans un groupe témoin). Les auteurs ont conclu qu une intervention en classe axée sur la réduction des dommages pourrait permettre aux jeunes d acquérir des connaissances et des aptitudes non transmises dans leurs cercles d amis. Dans le contexte français, il faut prendre en considération le rôle d intervenant de santé joué par les personnels infirmiers et médecins scolaires. Cependant, l intervention de 1 State, Penn. "College Drinking Likely Reduced By Pre-College Talk Between Parents And Teens." Medical News Today. MediLexicon, Intl., 21 Mar

176 professionnels spécialisés en addictologie conjointe reste nécessaire et une intervention spécifique axée sur la réduction des dommages implique une formation préalable des personnels de santé scolaire. Le projet Smoking Cessation for Youth (abandon du tabac chez les jeunes), également réalisé à Perth, en Australie-Occidentale, était une intervention universelle en milieu scolaire de minimisation des dommages visant à aider les fumeurs occasionnels ou réguliers de 14 et 15 ans à renoncer au tabac ou à diminuer leur consommation, tout en faisant valoir aux jeunes non fumeurs les avantages de vivre sans fumée. Vingt mois après le début du projet, les élèves du groupe d intervention étaient beaucoup moins susceptibles de fumer régulièrement ou d avoir fumé au cours des 30 derniers jours. Une étude connexe s est penchée sur les répercussions d une politique scolaire sur le tabac et a permis de constater que dans les écoles imposant des mesures disciplinaires et offrant de la formation ou du counseling, les taux de tabagisme étaient inférieurs à ceux des écoles qui n imposaient que des mesures disciplinaires. Le projet SCIDUA (Integrated School- and Community-based Demonstration Intervention Addressing Drug Use Among Adolescents), réalisé en Nouvelle-Écosse (Canada), porte sur la réduction des dommages liés à l alcool et au cannabis. Les auteurs ont mis en évidence une diminution importante de la prévalence des risques attribuables à l alcool et au cannabis et des répercussions néfastes pour les élèves des écoles où avait lieu l intervention, par rapport aux élèves du reste de la province. Globalement, très peu de programmes de réduction des dommages en milieu scolaire faisant appel à des méthodologies rigoureuses sont recensés dans la littérature. Les résultats présentés fournissent des données pour préconiser cette approche en tant que démarche globale d éducation en milieu scolaire, et ce, dès la fin du collège. En ce qui concerne son acceptabilité chez les plus jeunes élèves, force est de constater qu une seule approche ne peut convenir à tous : il est nécessaire de réaliser une évaluation approfondie du contexte pour chaque programme. Il semble que les programmes associant professionnels en addictologie et l entourage ont de meilleurs résultats. Fin de deuxième période et troisième période : Faciliter la rencontre et l accès aux soins La prise en charge sanitaire et sociale des jeunes usagers de substances psychoactives a été développée ces dernières années par le renforcement du dispositif des jeunes consommateurs créé en (Cf. guide édité par la Fédération addiction, Paris, 2012 vert) et son lien avec la médecine de ville et les acteurs de premiers recours (santé scolaire, éducateurs, acteurs de la réduction des risques en milieu festif cf plus haut et doc de Mourges. Bohelay). Un autre accès important est représenté par les services d urgences et les équipes de liaison. Ces dispositifs rencontrent des jeunes usagers, mineurs ou jeunes adultes, au décours des conséquences somatiques aigues, et quelque fois psychiatriques, provoquées par leurs usages.. L articulation entre les dispositifs d urgence, les CJC et les dispositifs d aval doivent être renforcés, et les outils utilisés partagés. De même, la place attribuée à la l interpellation policière et à la sanction judiciaire doit être examinée. (cf. contribution à la Conférence de consensus de la Fédération addiction, analyse des stages de sensibilisation et analyse des réponses pénales à l usage de substance par Ivana Obradovic). L objectif commun reste de rencontrer un maximum de ces jeunes usagers, dans toutes leurs spécificités d usages, et le plus tôt dans leur trajectoire de vie. 176

177 C est donc un continuum de réponse, alliant compétences sociales et thérapeutiques, réponses éducatives et soignantes, actions préventives, réduction des risques et sanctions qui est nécessaire. Selon le rapport portant sur l évaluation du dispositif des «Consultations Jeunes Consommateurs» ( ), plus de 1400 consultants ont été adressés par la justice. Or, lorsque l adressage émanant d une tierce instance, le jeune peut se trouver dans une position de non-engagement voire d opposition. Mais le constat des cliniciens travaillant dans le domaine des addictions à l adolescence est partagé. En effet, plus les conduites addictives sont sévères, et moins les jeunes qui vont mal demandent de l aide et plus ils s éloignent des institutions sociales et de santé. D autre part, dans beaucoup de situations, la demande de soins pour un jeune émane d un adulte. Une réflexion serait donc à mener concernant ces jeunes dont la contrainte peut être un premier pas vers une prise en charge thérapeutique. Un protocole de collaboration a été mis en place par des équipes Suisses depuis 2008 entre les juges du Tribunal des Mineurs et les responsables de la Consultation Adolescents. Les objectifs de ce protocole étaient l optimisation de l engagement des jeunes en thérapie, l augmentation de la rétention en traitement et la clarification et intensification de la collaboration Tribunal-Centre de traitement. Un bilan intermédiaire après 36 mois de collaboration a permis de mettre en évidence qu il n existait pas de différence entre le groupe de jeunes «volontaires» et «ordonnés» en termes de rétention en traitement. L engagement en traitement est également important puisque la quasi-totalité des jeunes orientés par la justice ont démarré une prise en charge. Mais ces prises en charge ne peuvent s envisager que par le biais d un partenariat étroit entre les juges et les soignants. De même, face à ces jeunes où les problématiques sont à cheval entre les addictions et les conduites délinquantes, une prise en charge ambulatoire à haute intensité semble s imposer dans la plupart des cas. Selon l évaluation 2004 à 2007 de l OFDT des Consultations Jeunes Consommateurs, environ 4% des jeunes patients reçus sont réorientés vers une autre structure. Un travail avec leur amont et leur aval en augmenterait l accès et les réorientations nécessaires. Des conventions devraient donc être envisagées entre ces structures pour organiser sur des territoires de santé les partenariats nécessaires. Ils impliqueraient les différents partenaires de la mission CJC telle qu elle est réorganisée par la MILDT et la DGS : CSAPA, Services hospitaliers d Addictologie (Sevrages simples et complexes), Services de Psychiatrie/Pédopsychiatrie (particulièrement dans les cas où existe un «double diagnostic»). 2 Développer l offre de soins Il semble nécessaire de développer une offre de soins adaptée aux spécificités psychopathologiques de la période adolescente et des conduites addictives qu elles induisent (modalités de consommations, influence des groupes de pairs, fréquence de comorbidités psychiatriques, etc.). Les principaux outils utilisés, et efficaces selon les études, sont l intervention brève, les thérapies cognitivo-comportementales et les thérapies familiales 3. Les études portant sur la prise en charge des conduites addictives à l adolescence dégagent des pistes intéressantes, mais leur nombre limité et les effectifs faibles ne permettent pas 2 Chan Y, Dennis ML, Funk RR, Prevalence and comorbidity of major internalizing and externalizing problems among adolescents and adults presenting to substance absuse treatment. Journal of substance absuse treatment, 34(1), Lansford JE, Erath S et al. (2008). The developmental course of illicit substance use from afe 12 to 22 : links with depressive, anxiety and behavior disorders at age 18. Journal of child psychology and psychiatry 49(8), Waldron HB, Turner CW. Evidence based psychosocial treatments for adolescent substance abuse.j Clin Child Adolesc Psychol. 2008; 37(1):238-61) Lipsey et al, Comparative Effectiveness of Adolescent Substance Abuse Treatment: Three Meta-analyses With Implications for Practice. Nashville, TN: Peabody Research Institute, Vanderbilt University; This publication provides a current and comprehensive review of published adolescent drug abuse treatment outcome studies). 177

178 encore de déterminer les facteurs influençant le rétablissement de ces jeunes, particulièrement lorsqu il existe une comorbidité psychiatrique. 4 Une revue récente de la littérature souligne d ailleurs l importance de développer des stratégies permettant une meilleure observance de ces jeunes patients aux traitements (alliance thérapeutique particulièrement semblant être un élément primordial dans l observance des traitements). 5 Différents niveaux de traitements doivent être proposés 6 en fonction de l évaluation des professionnels : Intervention brève, prise en charge spécialisée ambulatoire et/ou résidentielle. Or à l heure actuelle en France, les prises en charge proposées relèvent essentiellement de l ambulatoire. Mais pour les patients les plus sévères, il semble nécessaire de développer des structures hospitalières et des structures médicosociales d aval, spécialisées dans les prises en charges des adolescents présentant des conduites addictives (unités d hospitalisation, accueil de jour, CSAPA résidentiel). Le développement de ces structures d aval ainsi que le renforcement des liens ville-hôpital structures médicosociales et socioéducatives permettraient d optimiser les prises en charge de ces patients. Il semble nécessaire d intégrer à ces prises en charge des problématiques fréquemment associées aux conduites addictives telles que la santé mentale (Chan et al, 2008 ; Lansford et al, 2008), le décrochage scolaire, les conduites délinquantes, conduites à risque Un accompagnement socio-éducatif est nécessaire pour les patients plus sévères dans le cadre d une prise en charge globale ce qu offrent précisément les CSAPA soins résidentiels Collaboration nécessaire avec l Aide Sociale à l Enfance et la Protection Judiciaire de la Jeunesse Il existe peu de données épidémiologiques concernant les conduites addictives parmi les adolescents et jeunes adultes suivis par l aide sociale à l enfance et/ou la protection judiciaire de la jeunesse. Or, cette population semble être beaucoup plus vulnérable quant aux consommations de substances psychoactives. Il conviendrait de mener des enquêtes épidémiologiques au sein de ces populations afin d avoir une meilleure visibilité des conduites addictives parmi ces jeunes et de pouvoir envisager de mettre en place des actions de prévention ciblées au sein de ces populations à risque. Un travail collaboratif est nécessaire et indispensable avec l Aide Sociale à l Enfance et la Protection Judiciaire de la Jeunesse, conditionnant et optimisant la prise en charge de ces jeunes patients. Cette collaboration est à même de limiter la récidive. Plusieurs actions seraient à envisager : Formations, rencontres entre professionnels, partage d outils communs, consultations avancées Annexe 1-Etudes de validation et de recherche 4 PageyB, Deering D, Sellman D. Retention of adolescent with substance dependence and coexisting mental health disorders in outpatient alcohol and drug group therapy. International Journal of Mental health Nursing ; 19(6) : Winters KC, Botzet AM, Fahnhorst T. Advances in adolescent substance abuse treatment outcome. Current Psychiatry Reports. 2011; 13(5): ASAM. ASAM Patient Placement Criteria for the Treatment of Substance-Related Disorders (Second Edition Revised): (ASAM PPC-2R) 2001 Available at Brown SA, Anderson KG, Ramo DE, Tomlinson KL. Treatment of adolescent alcohol-related problems. A translational perspective. Recent Dev Alcohol. 2005;17: Gardner M, Steinberg L. Peer influence on risk taking, risk preference, and risky decision making in adolescence and adulthood: an experimental study. Dev Psychol. 2005;41(4): Winters KC. Treating adolescents with substance use disorders: an overview of practice issues and treatment outcome. Subst Abus. 1999;20:

179 - Validation outils de repérage : la DEP-ADO qui n est validée que pour les ans devrait bénéficier d un projet de validation chez les 18_25 ans où aucun questionnaire de repérage validé existe. - Etudes sur les représentations des produits chez les jeunes afin de mieux cibler les actions de prévention - Etudes sur l implication des familles : guide famille et entourage FA - Efficacité des psychothérapies pas de refs 2-Construction d un programme de prévention Les professionnels Un programme de prévention devrait être co-animé par des professionnels aux compétences évaluées et des pairs plus âgés, les animateurs agissant comme responsable et les pairs assurant la crédibilité du message. Il faudrait limiter le changement de programmes et la rotation des animateurs. Durée Bien qu il soit difficile de cerner la durée idéale d un programme, il semble plus efficace de conceptualiser et de planifier un programme de prévention en fonction de l âge des participants et de leur degré de consommation. Un seul et même programme ne saurait être appliqué à tous les adolescents. Ceci implique une réflexion approfondie sur les besoins spécifiques des jeunes ciblés lors de la conception, du choix et de l application d un programme et donc de compétences spécifiques en méthodologie appliquée à la prévention des addictions, développées par des intervenants en addictologie attachés aux CJC, incarnant le continum de la prévention comme celui de l offre pour faciliter l accès aux soins et le parcours du patient le cas échéant. Les parents / entourage / famille doivent être impliqués tout au long de la prise en charge, régulièrement. La nécessité d une approche globale surtout à l entraine la nécessité d une prise en charge transdisciplinaire socio-éducative. Les actions monocentrées permettent difficilement d agir sur la consommation de psychotropes à l adolescence. D un de vue développemental et multifactoriel, les difficultés liées à l usage de psychotropes sont à l adolescence une problématique parmi d autres. Aussi, en partant du principe que la prévention de l apparition de difficultés spécifiques peut avoir des effets indirects sur d autres sphères problématiques de la vie d un adolescent, les programmes de prévention de l usage de drogues à l adolescence gagneront à s arrimer aux autres pratiques préventives afin d augmenter leur efficacité. Les sites et dispositifs internet. Les dispositifs de santé publique commencent à développer une interactivité au service des parents et des adolescents : tchat, FAQ, aide à distance sont des solutions à développer sur les questions. La prestation d interventions brèves sur le Web est une suite logique de la prestation en personne ou par courrier conventionnelle. Un essai contrôlé randomisé, réalisé dans un établissement de soins primaires situé sur un campus néo-zélandais, comportait un dépistage en ligne de 15 minutes sur la consommation d alcool et des commentaires personnalisés; un groupe témoin quant à lui ne recevait qu un dépliant. À la sixième semaine, on notait une diminution de 20 % à 30 % de la consommation d alcool et des problèmes connexes chez le groupe d intervention par rapport au groupe témoin; de plus, à six mois, le groupe d intervention continuait à éprouver moins de problèmes scolaires. Même si l étude reposait sur un petit échantillon, elle a permis de montrer qu il est possible, grâce à des renseignements détaillés fournis par un étudiant en toute confidentialité et anonymat dans des applications Web, d offrir de façon économique et opportune des commentaires «personnalisés» qui répondent aux besoins de cet étudiant. 179

180 3-Former et sensibiliser les professionnels Plusieurs outils sont disponibles et ont montrés leur efficacité quant au dépistage de conduites addictives chez les jeunes. Pourtant, l utilisation de ces outils est loin d être systématique par les professionnels concernés. Il n existe pas de «gold standard» pour le repérage, l évaluation et le diagnostic des conduites addictives. D autre part, beaucoup de professionnels ne sont pas formés à l utilisation de ces outils, limitant ainsi leurs usages. Ref: - Van Hook et al. The «six T s» : Barriers to screening teens for substance in primary care. J Adolesc Health ; 40 : Ozer et al. Provider self-efficacy and the screening of adolescents for risky health behaviors. J Adolesc Health. 2004; 35: ) Il conviendrait donc de former et de sensibiliser les professionnels au contact de jeunes aux problématiques liées aux conduites addictives et à leur repérage pour qu une évaluation plus systématique soit réalisée au sein de cette population. L acte de prévention devrait être valorisé et reconnu comme un acte de soin. Cette formation devrait s accompagner d une information sur le réseau de soins d aval en addictologie et un recours de grande proximité à la deuxième ligne constituée par les intervenants de CJC, au sien même des lieux de vie des jeunes Les acteurs concernés seraient : - soins de premier recours (Médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, gynécologues, autre médecins spécialisés) - Urgences somatiques et psychiatriques - Psychiatrie/pédopsychiatrie - Milieu scolaire - Milieu socio-éducatif - Milieu judiciaire - Milieu sportif et culturel 180

181 LES FEMMES Existe-t-il une spécificité de genre en matière de traitements? Hormis sur la question de la grossesse et de la maternité, le lien entre genre et addictions est peu documenté dans notre pays, tout particulièrement pour ce qui concerne les dispositifs existants et les types d intervention mis en œuvre. La remarquable revue de littérature sur Femmes et Addictions (ESCOTS, SUDERIE 2013) permet un tour d horizon essentiellement dans la littérature anglo-saxonne, mais confirme les travaux commencés depuis 2 ans dans le cadre de la MILDT et de la Fédération Addiction. Or, l étude des traitements spécifiques montre que les femmes ont à gagner à pouvoir bénéficier de réponses adaptées(rapport DES NATIONS UNIES,2004) dans le cadre de dispositifs de première ligne ou d accompagnement psycho socioéducatif et de soins tant dans le champ somatique(gynécologiques, comorbidités infectieuses )que psychiatrique. Le besoin de «renarcissisation», de restauration de leur «estime de soi», par des approches corporelles (dont l'activité physique) ainsi que des activités à dimension socio esthétique est souvent rapporté. Les lieux mixtes sont souvent stigmatisants pour les femmes. Les besoins de postcuresou de places en SSR d'addictologie ou de structures semi résidentielles strictement féminines pourraient être soutenus. Un temps spécifique hebdomadaire distinct d'accueil des femmes (une expérimentation de ces modalités a déjà été enclenchée dans le plan gouvernemental en cours) en CARRUD et en CSAPA serait utile. La question de l abord thérapeutique des couples est peu abordée dans le dispositif. L'approche genrée en fait si elle bénéficie aux femmes est également bénéfique aux hommes. REDUCTION DES DOMMAGES CHEZ LES FEMMES ENCEINTES Propositions émanant du Groupe d Etudes Grossesse et Addictions. 1- Création de filières de soins régionales Sensibiliser les personnels des maternités, des PMI, des CSAPA et CAARUD, des équipes de liaison d addictologie (ELSA et ECIMUD), de la médecine libérale, des Réseaux, à cette problématique pour un message clair et uniforme. Soutenir les actions d enseignement et d information des professionnels : cursus initial et formation continue, DU et DIU, Entretien prénatal précoce, interventions brèves, entretiens motivationnels, auprès de toutes les professions concernées médicales (généralistes, sages-femmes, obstétriciens, pédiatres, pédo-psychiatres, psychiatres, addictologues, ) paramédicales (IDE, puéricultrices, psychologues, travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés, TISF, ). Favoriser le financement et la collaboration entre les Réseaux de Santé périnatals et addictologiques en incluant dans leurs missions prioritaires cette problématique. Favoriser la prise en charge spécifique des femmes dans les structures d addictologie. 2- Postes de sages-femmes référentes en addictologie Favoriser la création de postes de sages-femmes référentes en addictologie dans les maternités et/ou dans les ELSA, pour favoriser le repérage et la prise en charge des 181

182 femmes, sensibiliser l ensemble du personnel de la maternité et de l ELSA et améliorer l accueil de ces grossesses à risques par des équipes pluri-disciplinaires. 3- ELSA Favoriser la création ou l amélioration des ELSA dans les hôpitaux comportant une maternité et la création d équipes mobiles pouvant intervenir dans les maternités publiques et privées du Réseau qui en sont dépourvues et au domicile des familles. Une étroite collaboration entre les sages-femmes référentes, les ELSA et les équipes locales de pédo-psychiatrie et de psychiatrie assurera le soutien des équipes de périnatalité. 4- Création d Unités Kangourou Compte tenu des séjours en maternité de plus en plus courts, favoriser la création d «unités kangourou» en maternité (1 lit de suites de couches et 1 lit de néonatologie dans la même chambre) ; ces structures ont aussi la vocation de prendre en charge d autres problèmes néonataux (moyenne prématurité, retards de croissance intra-uterins, infections, ) sans séparer l enfant de sa mère et permettent des séjours plus longs qu en suites de couches. Pour ces dyades concernées par des problèmes d addictions, ces soins en chambre kangourou ont pour effet d améliorer très nettement la relation mère/enfant, de diminuer la sévérité du syndrome de sevrage néonatal et de prévenir les séparations. Il serait souhaitable de créer des actes valorisant le travail médico-psycho-social très chronophage autour de ces familles. Il serait aussi souhaitable d étudier la possibilité administrative de délocalisation de lits de sevrage complexe en maternité et en néonatologie pour assurer la surveillance étroite de femmes enceintes et de leur fœtus, et de nouveau-nés présentant un syndrome de sevrage sévère. Remboursement intégral de toutes les formes de substituts nicotiniques pour les femmes enceintes et pendant l allaitement. Améliorer l aval en augmentant la disponibilité : De structures d accueil mère-père-enfant : SSR périnataux, centres parentaux, unités mère-enfant psychiatriques, CHRS, par une analyse régionale des besoins par les réseaux De structures de prise en charge des enfants exposés in utero aux substances psycho-actives et tout particulièrement à l alcool : CAMSP +++ Bibliographie 1- ANAES (HAS), APPRI. Conférence de consensus : Grossesse et tabac. - Paris, ANAES, 2004, 11p. 2-Beck F., Tovar M.-L., Spilka S., Guignard R., Richard J.-B. Les niveaux d usage des drogues en France en 2010, exploitation des données du Baromètre santé Seror E, Chapelon E, Bué M, Garnier-Lengliné H, Lebeaux-Legras C, Loudenot A, Lejeune C. Alcool et grossesse. Archives de Pédiatrie, Vol 16, Issue 10, Oct 2009, P Lejeune C, Simonpoli A-M, Gressens P. Conséquences obstétricales et pédiatriques de la consommation de cocaïne pendant la grossesse Original Research Article. Archives de Pédiatrie, Volume 16, Supplement 1, September 2009, Pages S56-S63 5- Lejeune C. Conséquences périnatales des addictions. Archives de Pédiatrie, Vol 14, Issue 6, June 2007, P Lejeune C. Abus, dépendances et polyconsommations : stratégies de soins. Spécificités de prise en charge de certaines populations : Femmes enceintes et périnatalité. Audition publique de la Haute Autorité de Santé, Paris 1 et 2 février Alcoologie et Addictologie 2007; 29 :

183 LA PRECARITE Accueil des personnes en grande précarité Des accueils inconditionnels et accessibles / Aller vers «la démarche consistant à aller se soigner nécessite paradoxalement que l on soit un minimum «en forme» (6)... Et la relation d aide passera pour les plus exclus par la réouverture d un nouveau contrat social où les attendus réciproques soignés - soignants doivent être adaptés à la situation et aux capacités des personnes (7). Les lieux d'accueil à seuil adaptés pour les personnes en précarité usagers précaires (CAARUD, ESI...) constituent des lieux de pause, de respiration, de parenthèse où pouvoir rencontrer des personnes avec lesquelles avoir une qualité de communication contrastant avec leurs relations habituelles au corps social, sans jugement ni mépris, sans stigmatisation, sans projection d un a priori d incurabilité... Ces services d accueil ou de contact, en proximité des lieux de vie ou d errance et de consommation, : boutiques, accueil de nuit, bus d échanges de seringues, équipes mobiles de prévention, équipes mobiles Psychiatrie et Précarité Leur projet est fondé sur une appréhension «pragmatique» des phénomènes d'addiction par le biais des risques (gestion ou réduction), et visant à la préservation des individus. Accueillir sans condition d accès ou contreparties préalables (rendez-vous, engagement vers le soin), c est choisir d abandonner la logique contractuelle qui est celle du travail de soin traditionnel. La couverture nationale d'accès à la RdR est imparfaite : - les actions de RdR sont réalisées dans moins de 350 commune et agglomérations (sans tenir compte des interventions ponctuelles en milieu festif); de plus un quart de ces communes ne disposent pas d'équipes de RdR mais seulement d'automates ou PES en pharmacie. Les objectifs du plan quinqenal MILDT 1999 n'ont jamais été atteints. - La RdR ne couvre pas le territoire et est en particulier absente en périphérie des villes de province et en milieu rural, où le peu de ressources se conjugue avec le peu de recours du fait de la volonté d'invisibilité des usagers. (9). Les CAARUD sont absents dans 25 départements et 2 départements n ont ni CAARUD ni CSAPA. Il y a nécessité d'instaurer d instaurer l égalité d accès aux programmes existants à l ensemble des usagers de drogues et en particulier les plus marginalisés Le droit à l'hébergement Toutes formes de thérapeutiques vis-à-vis des personnes en grande précarité supposent de s intéresser à une amélioration dans leurs conditions de vie. Les personnes en situation de précarité vont solliciter les structures d abord dans des objectifs utilitaires, mais néanmoins légitimes : hébergement, subsides, gestion du manque à travers la substitution plutôt que du côté du soin visant à la résolution de leur problématique addictive. Répondre à ces demandes s'inscrit dans un processus de RdR et constitue souvent préalable du soin au sens large, somatique, psychiatrique, psychologique, social Les hébergements sociaux et des soins résidentiels médico-sociaux doivent à la fois être diversifiés, et mieux répondre aux besoins (carences flagrantes actuelles) : chambre d hôtel, hôtels sociaux, lits de repos ou de crise, Sleep In, centres de transition, centres résidentiels, 183

184 centre d hébergement d urgence Ils doivent offrir des possibilités de séjours à court, moyen ou long terme, sans que la brièveté ne constitue un échec, mais une étape potentiellement porteuse dans un parcours de réhabilitation ; sans que la durabilité ne constitue les conditions de la chronicisation et de la mise à l écart. L'enjeu actuel en période de crise budgétaire est l'articulation des ressources de soin et des dispositifs sociaux. Rappelons que comme pour d'autres publics, le droit à l'hébergement présente une dimension inconditionnelle, qui ne peut donc être conditionnée au soin comme il est habituel de l'opposer aux personnes présentant des addictions, en tout cas lorsqu'elles sont patentes. La loi du 5 mars 2007 ouvre aux personnes qui sollicitent l accueil dans une structure d hébergement, des recours semblables à ceux dont disposent les demandeurs de logement. Toute personne qui demande à être accueillie dans une structure d hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, peut théoriquement, si elle n a pas reçu de réponse adaptée à sa demande, saisir la commission de médiation, constituée dans chaque département depuis le 1er janvier 2008, si il remplit deux conditions: être de nationalité française ou titulaire d une carte de séjour en cours de validité et ne pas parvenir à accéder à un hébergement décent par ses propres moyens. Diverses actions vont améliorer l'accès et le maintien des personnes souffrant d'un trouble addictifs aux solutions d'hébergements 1 - Les consultations avancées des CSAPA dans les structures des dispositifs Accueil Hébergement Insertion permettent de transmettre la culture de la RdR, participent de l'accès aux soins des résidents présentant des problématiques addictives... Elles permettent par ailleurs de développer une mission de formation des équipes sociales 2 - L'adaptation des dispositifs de soins résidentiels aux publics les plus précaires (Centres Thérapeutiques Résidentiels, Appartement Thérapeutiques, familles d accueil) doivent continuer d'évoluer pour accueillir des personnes précarisées au point d être totalement désaffiliées du corps social et dont les demandes thérapeutiques sont peu élaborées. Ouvrir les services à ces publics particuliers correspond au devoir de s adapter aux besoins des patients, et non d adapter les patients à des cadres de référence. Ils doivent par ailleurs satisfaire une mission obligatoire de RdR pour les publics qu'ils recoivent. 3 Logement d'abord et Addictions Les liens entre précarité résidentielle et abus d alcool ou de drogues ne jouent pas uniquement dans le sens de la trajectoire descendante. Le logement (comme le travail) constituent un appui essentiel pour la réadaptation. Le rapport sur la santé des personnes sans chez soi, présenté en 2009 a fait des ouvertures sur des propositions alternatives aux systèmes en place en France, inspirées de modèles anglo-saxons, à partir de deux lignes de force convergentes d'une part le concept de "rétablissement", né aux Etats Unis d'une revendication des personnes vivant avec un problème de santé mentale pour recouvrer une citoyenneté active. Le rétablissement va au delà de la réhabilitation psycho-sociale, et de la stabilisation de la maladie psychiatrique considérée comme irrémédiablement chronique. Il appuie sur les compétences et capacités des personnes elles-mêmes, et vise à réformer l'organisation des soins et l'accompagnement. D'autre part, "le logement d'abord" qui reconnait la situation à l'égard du logement comme un déterminant clé de la santé, et l'absence de logement comme une perte de chance majeure par rapport au soin. L'accès à un logement de droit commun est considéré comme la condition préalable à l'engagement dans les soins et à un parcours d'insertion pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques. 184

185 En France, le programme expérimental "un chez soi d'abord" est mis en place depuis 2011 sur 4 sites (Marseille, Toulouse, Lille et Paris). Il vise à développer de nouvelles réponses pour l'accès au logement et pour les soins des personnes sans abri souffrant de troubles psychiques sévères, éventuellement associés à des troubles addictifs. L'accès au logement est priorisé : accès inconditionnel à un logement autonome pour des personnes sans abri, souffrant de troubles psychiatriques avec pou sans addictions, qui en sont "normalement" totalement éloignées. Un accompagnement intensif est réalisé par une équipe pluridisciplinaire. L'accès au logement est inconditionnel au sens où il n'est pas décidé par l'équipe d'accompagnement, mais en amont, pour ce qui est de l'expérimentation par l'équipe de recherche sur des critères précis de précarité extrême et de diagnostic psychiatrique (schizophrénie ou troubles bipolaires, avec ou sans addictions). La participation active des usagers est recherchée, et favorisée par l'inclusion de travailleurs pairs dans l'équipe. Des dispositifs et associations promoteurs dans le champ de la Réduction des risques sont présents à différents titres dans les comités de pilotage, national (Fédération Addiction), et départementaux (Marseille, Toulouse, Lille, Paris), voire dans l'organisation même du programme expérimental "Un chez soi d'abord"(has, Clémence Isaure, Charonne, )... Pour ces acteurs, la logique de l'accompagnement dans la perspective du "Rétablissement" parait puiser aux mêmes fondamentaux que la RdR : faire avec les personnes là où elles sont et là où elles en sont, viser avec pragmatisme la prévention des dommages liés à leurs comportements, l'amélioration de la santé et du confort de vie, dans une inconditionnalité maximale, et le non-jugement... Ce programme expérimental s'inscrit dans des perspectives de révision au fond : - Refondation des dispositifs Accueil Hébergement Insertion dans une politique plus globale du Logement D'abord - questionnement de l'accompagnement des personnes vivant avec un trouble psychiatrique - participation des usagers à leur propres soin A noter que une expérimentation "housing first" existe au USA (Chicago) pour des femmes usagères de crack. Ceci fait écho chez intervenants en RdR du Nord Est Parisien, aux prises depuis plusieurs années avec des évacuations de squats de crackeurs qui se ré-ouvrent systématiquement à l'issue de chaque séquence. Les espaces de consommations à moindre risque Les Salles de Consommation de drogues à Moindre Risque (SCMR) constituent un outil important en matière de réduction des risques liés à l usage des drogues. Il existe 78 salles de consommation officielles dans le monde dont 76 en Europe. Elles ont chacune leur spécificité, mais leur objectif principal est de réduire les risques liés à l'usage de drogues, tout particulièrement par voie injectable, en milieu urbain et pour les populations les plus précaires. Cette proposition, complémentaire des dispositifs existant, s adresse donc plus spécialement aux personnes encore éloignées des dispositifs de soins mais aussi des dispositifs de réduction des risques et d accès aux soins tels que les CAARUD (Centres d accueil et d accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues), lieux d échange de seringues et de réduction des risques qui sont déjà relativement structurés en France, ce qui donne à la question des SCMR une tonalité particulière dans notre pays. Dans le prolongement des conclusions du Rapport d expertise collective de l Inserm, différentes associations dont la Fédération Addiction, initialement fédérées dans le Collectif du 19 mai (2009), ont relancé le débat en France sur l opportunité de l expérimentation de salles de consommation supervisée comme outil complémentaire de réduction des risques liés aux usages de drogue par voie intraveineuse. 185

186 Les missions des salles de consommation : réduire les risques liés aux consommations, favoriser l accès aux droits et l accès aux soins, reconstruire une base d adhésion aux règles de la vie sociale, réguler les relations à l environnement et à la société. La perspective de s'en tenir à de rares salles expérimentales peut faire craindre la mise en échec de l'expérience par une effet de saturation et concentration des usagers. L'avenir devrait s'ouvrir à des perspectives plus larges : autres salles dans d'autres villes, autres pratiques que celle limitée à l'accompagnement de l'injection, autres modes d'organisation tel que le développement d'espaces de consommations dans les CAARUDs, voire dans les CSAPAs (expériences espagnole ou néerlandaise...). Jusqu'à présent, les consommations sont sensément exclues dans, parfois même autour (problématique de voisinage), des établissements médico-sociaux CSAPA et CAARUD. Il en est évidemment de même dans les hôpitaux et les SSSR. Pourtant ces consommations intramuros existent, et donnent lieu à des interactions soignants - soignés peu productives en terme de RdR, à des exclusions temporaires ou définitives des usagers (par excellence des établissements résidentiels, mais aussi des CAARUDs). Ces interdits et exclusions génèrent en eux-mêmes des dommages (consommations cachées et donc hors des mesures de prévention). Des expériences et recherches ont remis en cause ce tabou de non-consommation au vu et sus des professionnels, avec les programmes ERLI et AERLI... ça et là des coups de canif à la règle de "non-consommation" ont vraisemblablement été expérimentés, rarement assumée comme une initiative institutionnelle... Ces pratiques balbutiantes doivent pouvoir faire l'objet de la recherche de "bonnes pratiques". Les acteurs de la RdR se sont mis au travail sur ces perspectives, par le biais de séminaires organisés en janvier et avril par le Réseau Français de Réduction des Risques et la Fédération Addiction. Soutenir une dynamique de santé communautaire La Réduction des risques a été d abord justifiée par des visées préventives en santé publique... Elle balaye pourtant un large spectre de la prévention jusqu'aux interventions de "dernier recours", renouant le contact avec les usagers plus marginalisés, en passant par toutes les étapes du soin. La RdR constitue une philosophie de l approche des conduites addictives, qui dépassent les objectifs de prévention, d une part pour rejoindre les pratiques de soins, d autre part pour réhabiliter la place sociale des usagers de drogues. (Coppel). L éducation à la santé est citée parmi les dix huit modes d intervention possibles en réduction des risques (décret ). Une chose est de travailler à l éducation des usagers visant un changement de leurs pratiques et attitudes vis-à-vis de leur santé. Une autre chose est de poursuivre directement l objectif qu ils deviennent eux-mêmes agent de transmission des messages et acteurs de prévention. Dans cette optique, les professionnels deviennent des partenaires des usagers ayant vocation de les entendre et de les aider à préserver leur santé, mais aussi susceptibles de se mettre en capacité de soutenir et de faire la place à leur organisation propre. A ce titre, la réduction des risques travaille à plus de cohésion sociale (travailler sur les composantes de la vie sociale locale) pour une resocialisation réelle des usagers addictés en suscitant des interactions entre les personnes fréquentant un même quartier (usagers de drogues, riverains, services et institutions ), en réduisant la rupture manifeste des usagers d avec le reste de la communauté du quartier, en faisant passer une compréhension des phénomènes de toxicomanies comme inscrites dans les modes de vie urbains. Au delà des textes et règlement qui vont présider à leur financement et à leur contrôle, les structures dites de réduction des risques (CAARUD), devenant établissements médico- 186

187 sociaux, usagers experts... pairs intervenants vont devoir, selon l esprit et les termes de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l action sociale et médico-sociale, développer la concertation avec les usagers de ces services dans la conception et l organisation des prestations qui leur sont proposées. La Participation des usagers et la Promotion des travailleurs pairs Dans la droite ligne de la santé communautaire et de ses usagers relais, se pose la question de la participation des usagers, y compris ceux en situation de grande précarité, à l'organisation des soins qui leur sont proposés. Cette place est centrale dans les lois promulguées en 2002 (loi rénovant l'action sociale et médico-sociale et loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) avec la création par exemple dans le secteur médico-social et social des Conseils de la Vie Sociale (CVS) ou autres instances de consultation des usagers. Un pas de plus est franchi avec l'inclusion dans les équipes de suivi des médiateurs de santé pairs. Cette stratégie existe en psychiatrie dans la mise en oeuvre des GEM - Groupe d'entraide Mutuelle - et dans le programme "médiateurs de santé-pairs" de l'oms qui prévoit l'intervention dans les équipes de soins psychiatriques des usagers experts ayant une expérience de vie avec la maladie mentale. Une expérimentation est actuellement coordonnée par le Centre Collaborateur de l'organisation Mondiale de la Santé - CCOMS de Lille testant ces hypothèses dans des établissements psychiatriques volontaires. A noter que en matière de réduction des risques, cette nécessité d'intégrer des usagersexperts avait présidé à la constitution première des équipes des nouvelles structures de réduction des risques dans les années 2000, mais n'a pu trouver jusque là de traduction dans la création de nouveaux statuts professionnels, par exemple dans les établissements médico-sociaux que sont les CAARUDs ou dans la mobilisation et valorisation des Comités Consultatifs des Personnes Accueillies (CCPA). L association des usagers à la conception et à la mise oeuvre des politiques qui les concernent est une préoccupation qui traverse les politiques publiques dans des champs très divers : les transports, la santé, l'éducation, la politique de la ville. La politique de l'hébergement et de l'accès au logement s'est inscrite dans ce mouvement. La création du Conseil consultatif des personnes accueillies ou accompagnées (CCPA), à l'initiative du délégué interministériel à l'hébergement et à l'accès au logement, et plus récemment celle des CCRPA en région, traduit la volonté d'associer les usagers aux différents niveaux de gouvernance et de constituer des lieux de dialogue pérennes. Les traitements de substitution opiacés chez les usagers de drogues en grande précarité Les TSO, premier outil de la RdR en matières d'usages d'opiacés - outil de gestion du manque ou de la descente (psychostimulants) - objet d'une éducation thérapeutique du patient substitué pour une augmentation des compétences des personnes par elles-mêmes (part d'auto-substitution dans la gestion de leur traitement par les usagers) L efficience de ces traitements en tant qu outils de soin et de réduction des risques est de la première responsabilité des prescripteurs... la charge leur revient de faire de la prescription d opiacés l occasion d une prise en charge médicale globale, un tremplin pour la prévention, les dépistages et les soins somatiques ; ils doivent se donner des objectifs et des indicateurs quant aux bénéfices du traitement, s inscrire dans des réseaux susceptibles de fournir les partenaires nécessaires pour des interventions complémentaires au suivi médical 187

188 On soulignera l étroitesse actuelle des propositions de substitution, insuffisamment adaptées aux pratiques d usage : - en terme de spécialités, de formes galéniques, - de protocoles de délivrance, Ce qui favorise leurs détournement (sniffés, fumés, injectés) et leur association à d autres substances. Pour éviter et combattre des remises en cause équivoques des traitements de substitution opiacés à partir des leurs évidentes limites vis-à-vis des publics les plus polyconsommateurs et les plus précaires, on ne peut que souhaiter la réalisation des recommandations de la conférence de consensus 7 de juin 2004 : - Aller au devant des publics précarisés à travers des dispositifs avancés avec substitution - Réponse rapide en terme d inclusion et dispensation - Tolérer une souplesse dans la régularité - Offrir parallèlement des services médicaux, sociaux, juridiques - Orienter après un temps adapté à chacun vers des dispositifs de soins plus conventionnels Réduire les risques avec l alcool En population générale, l'oms place l'usage nocif d'alcool en troisième rang des facteurs de risques de décès prématuré et d'incapacité à l'échelle mondiale. Si la consommation abusive d'alcool n'est pas une fatalité chez les personnes en situation de grande précarité elle reste néanmoins très présente chez les personnes en grande précarité (étude Samenta (16) - étude de la santé des personnes sans chez soi (4) ). Le concept de réduction des risques appliqué à la consommation d'alcool est à développer : réduire l'exposition au produit en contrôlant la consommation. La consommation contrôlée comme option du soin fait l'objet de vive controverse en France, mais commence à avoir une existence reconnue. La multiplication et la diffusion de ces expériences, depuis l'éducation aux risques liés aux consommations lusqu'à à l'accompagnement à des consommations contrôlées... représente un enjeu fort dans les manières de "prendre" soin des publics en situation de précarité. Les programmes de RdR en matière d'alcool vise à des interventions prenant les personnes là où elles en sont et les aidant : - à comprendre les risques associés à leurs comportements - à fixer eux-mêmes leurs objectifs de soin - à minimiser les risques personnels et sociaux associés à leurs consommations - fournir une alternative à la tolérance zéro en tenant compte des besoins de chacun - faciliter un accès aux soins malgré le maintien d'une consommation d'alcool On voit bien les enjeux en terme de : - actualisation des connaissances et refléxions des soignants sur de nouvelles pratiques - information et accompagnement des intervenants sociaux en contact des publics précarisés ou en voie de précarisation (9) Renforcer la lutte contre le VHC et traiter les infections VHC chez les usagers actifs et en situation de précarité 7 ANAES et FFA, Conférence de consensus. Stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés : place des traitements de substitution, Texte des recommandations, 23 et 24 juin 2004, 23p. ANAES et AFSSAPS, Recommandations professionnellles, Réduire les mauvaises utilisations des médicaments de substitution des opiacés, Texte des recommandations, juin 2004, 23p. 188

189 L'échec relatif de la prévention du VHC chez les usagers de drogues (virus plus résistant et plus contaminant que le VIH) en particulier en début de des trajectoires d injecteurs soit conduire à la mobilisation de tous les acteurs (intervenants en structures d addictologie et de réduction des risques, médecins, hépatologues, usagers...) et à l expérimentation d actions nouvelles. Au plan de l'épidémie, Il s'agit de réduire le réservoir contaminant (information, dépistage, accès aux soins et aux traitements). Au plan des personnes contaminées : dépister le plus précocément possible, prévenir les les complications de l'infection chronique, traiter le plus largement possible information - informer sur les comportements à risque (injection, partage des seringues et du petit matériel, réutilisation de matériel d injection) - Diffuser des messages de prévention concernant les risques liés aux premières injections - sensibiliser un nombre important de patients à une possible maladie hépatique et agir sur les consommations hépatotoxiques (Alcool...) Prévenir le passage à l'injection et réduire les pratiques d injection Les contaminations par le VHC ont souvent lieu lors des toutes premières injections, dans un contexte généralement peu propice aux messages de prévention, plus que dans des contextes de dépendance installée - programme de réduction des risques auprès des plus jeunes (intervention en milieu festif, programmes d'échange de seringues ciblant les plus jeunes...) - information des usagers aguerris et potentiellement contaminants, souvent à leur insu, des risques qu ils font courir lors d initiations. - action communautaire.(type "brake the cycle"). amélioration de l accessibilité au matériel d injection et développement de nouveaux outils de RdR, adaptés à l'évolution des usages dépistage. Renforcer l accès au dépistage - répéter les dépistages (suivant les prises de risques et une fois par an chez les usagers de drogues) - promouvoir les techniques non invasives de dépistage (TROD, FibroScan ) Traitements : améliorer les délais de prise en charge, et donc prévenir les contaminations secondaires. - développer les guichets uniques (dépistage simplifié, bilans biologiques, mise en route et suivi des traitements) et donc les possibilités de soins VHC dans les mêmes unités de lieu et de temps pour des patients rétifs aux prises en charge institutionnelles Ne pas récuser un traitement antiviral au seul motif de consommations encore actives 189

190 . Inclure ces traitements dans un projet global médico-psycho-social prenant en compte les différents besoins des patients (suivi psychologique, logement...).. Développer les approches transdisciplinaires et les partenariats (hépatologie, addictologie, psychiatrie, travail social, ville, hôpital, CSAPA, CAARUD...).. Travailler sur les représentations stigmatisantes souvent attachées aux usages de drogues et à l hépatite C.. Développer l offre de soins en matière de traitements de substitution dans de bonnes conditions d accessibilité et de sécurité.. Vacciner contre le VHB. Pour les plus précaires, quelques points suivants paraissent cruciaux : - guichet unique - programme global où le volet social déterminant - ne pas récuser le traitement en cas de consommation active (alcool en particulier), ou de perspective d insertions limitées Quelles psychothérapies pour répondre à une «clinique de la non demande» 14? L'offre de soin psychique par rapport aux personnes addictes et précaires doit satisfaire à une approche pragmatique Après une période de mise à l'écart, en tout cas dans le champ de la réduction des risques liés aux usages de drogues, la prise en compte des leviers psychiques des comportements et la reconnaissance des co-morbidités font opèrer un retour vers les psychothérapies, mais à travers quelles obédiences? Le secteur médico-social reste à ce jour très tourné vers les références psychanalytiques, tandis que le sanitaire a opté vers le cognitivo-comportemental. Les princeps de la RdR vont privilégier une clinique du lien pour établir une alliance thérapeutique forte, de respecter les choix propres du patient, soutenir le processus de changement, éclairer la compréhension de sa problématique d usage, de ses rapports à lui-même et au monde avec et sans produits, de ses prises de risques liées aux consommations, de favoriser le souci de lui-même et de sa santé Il s'agira également plus collectivement de sortir les soignants des contre-transferts négatifs vis-à-vis des usages actifs de substances psycho-actives comme faisant obstacles à toute réinscription sociale Ces grands principes ne paraissent pas en situation d incompatibilité avec l ensemble des psychothérapies, que celles-ci s appuient sur des références psychanalytiques, cognitivocomportementales ou humanistes. Femmes / addictions et précarité Des risques particuliers chez les femmes précaires et addictes : violence, prostitution, risques sexuels, grossesses non désirées et/ou non suivies. 190

191 Les femmes, sous-réprésentées dans le monde des précaires, portent des fragilités particulières. Le sexe constitue une monnaie d échange contre l hébergement, la survie, la protection, le produit. Ces femmes vont dépendre, hors même la prostitution de rue, d une microsociété et principalement des hommes assurant l accès au produit et les conditions de survie élémentaire. Ailleurs ou conjointement, la prostitution va favoriser le recours à des drogues susceptibles d aider à supporter le commerce du corps et la souffrance sexuelle, la vie de la rue, le proxénète, la violence, l humiliation... - Les femmes qui ont des enfants se présentent moins souvent que les hommes dans les lieux de soins par crainte de retrait de la garde des enfants; elles préfèrent «se débrouiller» seules... - Risque pour la grossesse et l'enfant à naître - consommations de substances psycho-actives et grossesse : opiacés, médicaments, alcool - grossesse et TSO Les besoins propres des femmes doivent être reconnus dans les dispositifs de première ligne et centres de soins en addictologie... avec des services prenant en compte leurs risques spécifiques comme les grossesses non désirées, la perte de la garde de leurs enfants, les violences conjugales et les risques infectieux ainsi que les risques spécifiques pour l enfant à naître en cas de grossesse. La prise en charge globale médico-sociale doit s inscrire dans la durée et se prolonger audelà de la période de grossesse Des lieux d accueil mère-enfant doivent être crées pour les femmes les plus en difficulté. Les réseaux Périnatalité ont le mérite de l'exemplarité : une autre organisation des soins permet d infléchir dans un nombre significatif de cas des parcours tout tracés de grossesses non suivies, de pathologies périnatales, de placement d enfant Ceci passe par organiser la coordination et la communication entre différentes structures impliquées dans le suivi des femmes enceintes et des nouveaux-nés : structures hospitalières (maternité, néonatologie), PMI, pédopsychiatrie, ASE, médecine de ville, CMS divers acteurs extrahospitaliers, associatifs. Co-morbidités Psychiatrie et Addiction Des malentendus cliniques traversent constamment les relations entre la psychiatrie et l'ensemble des acteurs sanitaires, sociaux, et médico-sociaux : divergences diagnostiques que les plus récentes classifications ne parviennent pas accorder, difficultés de collaboration avec exclusion de fait d'un certain nombre de sujets "co-morbides" chez les personnes addictes par exemple, souffrance psychique chez les personnes en précarité ne faisant pas diagnostic psychiatrique, primauté de la demande et craintes justifiées d'instrumentalisation sécuritaire... A la fois signes et remèdes à ces situations d'impasse, les équipes Psychiatrie et Précarité ont été créées dans les années 90 afin permettre l'intégration de ces personnes en grande précarité et souffrant de troubles psychiatriques dans les filières de soins, faire du réseau et rendre compte d'une clinique spécifique. Bibliographie 1. Aquatias S. : Cannabis : du produit aux usages. Fumeurs de haschich dans les cités de la banlieue parisienne, Sociétés contemporaines, 1999, (36, «Les pratiques sociales des drogues»),

192 2. Avril E. Spécificités de prise en charge de certaines populations, les population précaires in Abus, dépendances et polyconsommations : stratégies de soins, revue d'alcoologie et addictologie, dec tome 29, n 4 3. Gentelini M,. Problèmes sanitaires en prison, Paris, Flammarion, Girard V, Estacahandy Pascale, Chauvin Pierre, La santé des personnes sans chez soi, Greacen T., Jouet E., "Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie" - ERS Joubert M., Chauvin P., Facy F., Ringa V., Précarisation, risque et santé, Paris, INSERM, 2001, (Questions en Santé Publique), Kovess - Masfety V. : Précarité et santé mentale. Rueil Malmaison, Doin, Lopez D., Consommations de drogues illicites et exclusion sociale : état des connaissances en France, OFDT, Paris, Tendances n 24, octobre Morel A., Chappart P., Couteron JP.L'aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie, Collection: Aide-Mémoire, Dunod OFDT, Drogues et dépendances, données essentielles, La découverte, Charte pour une nouvelle politique des addictions Conférence de consensus "Sortir de la rue" rapport du jury d'audition (2007) 13. Engagement des jeunes dans les trafic : Quelle prévention? Actes de la Journée d échange et de réflexion du 22 octobre 2012 organisée par la Mairie de Paris, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis et le Forum français pour la sécurité urbaine 14. L'errance des jeunes dans les villes européennes, usagers de drogues, d'alcool et autres substances psycho-actives : de l'expérience à l'expertise. DVD Fédération Addiction Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues, Edition Inserm, octobre 2010, collection expertise collective 16. Samenta, rapport sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d'ile de France, INSERM, observatoire du samu social de Paris,

193 EN MILIEU CARCERAL La prison est à haut risque sur le plan des dommages, en particulier infectieux (cf chapitre XXX). Elle dispose cependant d un dispositif de réduction des risques limité comparativement à celui disponible au dehors, malgré le principe d équivalence pour les dispositifs de soins et de prévention édicté en 1993 par l OMS, repris en France par la Loi de 1994 portant sur le transfert de l organisation des soins de la Justice à la Santé. Ce dispositif est défini par la circulaire DGS/DH/DAP n du 5 décembre 1996relative à la prévention de l infection par le VIH en milieu pénitentiaire. Il prévoit la mise à disposition de préservatifs et lubrifiants, la distribution d eau de javel tous les 15 jours à tous les détenus, la prescription des traitements de substitution (initiation, reconduction), la prophylaxie post-exposition en cas d accident d exposition, l information-éducationcommunication sur le VIH pour les détenus mais aussi les personnels, le dépistage et bien sûr l accès au traitement pour les sujets infectés par le VIH. Un certain nombre de mesures (listées dans le référentiel de 2005 de la réduction des risques) ne sont pas prévues, en particulier les programmes d échange de seringues, considérés par l Organisation Mondiale de la Santé comme une mesure de première ligne (1). La récente étude ANRS-PRI 2 DE portant sur la disponibilité et l accessibilité des mesures de réduction des risques en prison en France a montré un déficit global tant sur le plan de la disponibilité et de l accessibilité que de l information aux détenus et aux personnels(2). De même, l enquête PREVACAR (3)portant sur la prévalence du VIH et du VHC en détention en France a montré que les sujets infectés par le VIH présentaient une immunodépression plus importante que ceux au dehors (les ¾ présentaient moins de 350 CD4), étaient plus souvent au stade SIDA (28%), et que parmi ces derniers, 6% avaient refusé ou interrompu leur traitement en détention. Et des sources toujours plus nombreuses et concordantes rappellent l existence de pratiques à risque en détention, liées à l usage de drogues mais aussi d autres comportements. Différents travaux ont montré que seule la mise à disposition simultanée de TSO et de matériel d injection stérile était en mesure de réduire l incidence de l infection par le VHC chez les usagers de drogues (4, 5), suggérant l importance de déployer pour les populations à risques un ensemble de mesures complémentaires. L UNODC (6) a récemment publié un document décrivant les 15 mesures essentielles à appliquer simultanément en détention pour prévenir l infection par le VIH, incluant les PES mais aussi la prévention de la transmission mère-enfant, la prévention des violences sexuelles, le dépistage et la prise en charge de la tuberculose. L expertise collective Inserm (7) sur la réduction des risques chez les usagers de drogues suggérait par ailleurs en 2010 le développement d une réelle «politique» de prévention des risques, associant des actions de sensibilisation, de formation des professionnels et le déploiement global de stratégies de réduction des risques. Le guide méthodologique portant sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice inclut dans sa version actualisée en 2012 un chapitre sur la prévention et la réduction des risques infectieux avec un rappel portant sur les missions des CAARUD. Le principe d équivalence devrait donc être appliqué en France, reposant sur la mise à niveau des mesures déjà existantes (amélioration de l accessibilité aux TSO, de l accessibilité aux préservatifs et lubrifiants, à l eau de javel, de l information sur la prophylaxie post-exposition, le renouvellement du dépistage, etc ) et le déploiement des autres mesures disponibles en milieu libre comme les programmes d échange de seringue mais aussi de mesures pour le tatouage, piercing et autres transformations corporelles, la prévention de l overdose à la sortie de prison.. Jurgen et al. (8), dans une revue portant sur les interventions visant à réduire la transmission du VIH chez les usagers de drogues incarcérés, ont souligné les bénéfices mis en évidence par l ensemble des évaluations lors de la mise en œuvre de programmes d échange de 193

194 seringues,en termes de partage de seringues, d usage de drogues, de pratiques d injection et de séroconversion pour le VIH et le VHC, mais aussi l absence de problèmes engendrés dans le domaine de la sécurité (que ce soit pour l utilisation des seringues comme arme, le trafic ou l usage de drogues). Lors de cette revue, 50 établissements pénitentiaires disposaient de programmes d échange de seringues dans 12 pays différents d Europe et d Asie Centrale. Une note de la MILDT datant de 2012 recense les dispositifs d échange de seringueen cours et souligne d une part, les bénéfices directs et indirects associés à la mise en œuvre des programmes d échanges de seringue, l absence d effets négatifs en terme de sécurité, mais aussi les difficultés à les mettre en œuvreen prison en raison des réticences politiques et pénitentiaires, ceci malgré un risque infectieux bien établi dans le contexte pénitentiaire (9). Cette note préconisait de «développer des programmes dont l efficacité a été démontrée par des recherches, comme les programmes d échange de seringues, qui ont déjà été expérimentés avec bénéfice dans une quinzaine de pays pourvus de systèmes carcéraux variés.» L expérimentation de programmes d échange de seringues sur des maisons d arrêts sélectionnées et volontaires, devrait être initiée en France.. Des mesures préparatoires de formation et de sensibilisation des personnels sanitaires, pénitentiaires et des détenus sont nécessaires. Le développement de mesures de réduction des risques dans un environnement plutôt réticent habituellement et peu formé suggère l implication de professionnels déjà expérimentés provenant des CAARUD ou CSAPA (compétences techniques mais aussi pédagogiques) et de réfléchir à l organisation de relais au sein de la détention par des «pairs» formés, en coordination avec les unités sanitaires. La réduction des dommages suppose très probablement aussi la prévention de l initiation à l usage de drogues ou de dépendances aux psychotropes (benzodiazépines mais aussi TSO détournés de leur usage) en détention chez des sujets auparavant «naïfs», de même que la prévention de l initiation à l injection et au sniff. Des données épidémiologiques complémentaires restent cependant nécessaires. Sur le plan alcoologique, le repérage et l évaluation systématique des conduites de consommations à l entrée en détention, l orientation vers les professionnels spécialisés des sujets présentant une consommation problématique, la mise en place de permanences ou interventions associatives (Alcooliques Anonymes, Vie Libre ), de réinsertion et médico-sociales, ainsi qu une préparation active à la sortie (mise en place de relais, rencontre des partenaires, permissions permettant de rencontrer les structures relais ) sont autant de mesures destinées à réduire les dommages liés à l alcool. Enfin, aussi bien chez les sujets dépendants à l alcool qu aux drogues, les alternatives à l incarcération(type placement extérieur en structures résidentielles ou semi-résidentielles) ont montré leur intérêt(10) et méritent d être développées (placements extérieurs probatoires d une conditionnelle par exemple) tant sur le plan de la prise en charge des conduits addictives que de la prévention de la récidive, fréquente. 194

195 Bibliographie 1. WHO. Effectiveness of interventions to address HIV in prisons. Geneva: WHO- UNODC-UNAIDS, Michel L, Jauffret-Roustide M, Blanche J, Maguet O, Calderon C, Cohen J, et al. Limited access to HIV prevention in French prisons (ANRS PRI2DE): implications for public health and drug policy. BMC Public Health. 2011;11:400. Epub 2011/05/ S le C LSY, Chiron E, Chemlal K, Valantin MA, Serre P, Caté L, Barbier C, Jauffret-Roustide M.. HIV and HCV prevalence among French prison inmates in 2010: A challenge for public health policy. Eurosurveillance. in press. 4. Van Den Berg C, Smit C, Van Brussel G, Coutinho R, Prins M. Full participation in harm reduction programmes is associated with decreased risk for human immunodeficiency virus and hepatitis C virus: evidence from the Amsterdam Cohort Studies among drug users. Addiction. 2007;102(9): Turner KM, Hutchinson S, Vickerman P, Hope V, Craine N, Palmateer N, et al. The impact of needle and syringe provision and opiate substitution therapy on the incidence of hepatitis C virus in injecting drug users: pooling of UK evidence. Addiction. 2011;106(11): Epub 2011/05/ UNODC. HIV prevention, treatment and care in prisons and other closed settings: a comprehensive package of interventions Inserm. Réduction des risques chez les usagers de drogues. Expertises Collectives ed. Paris: National Institute for Health and Medical Research; Jurgens R, Ball A, Verster A. Interventions to reduce HIV transmission related to injecting drug use in prison. Lancet Infect Dis. 2009;9(1): Epub 2008/12/ Obradovic I. Réduction des risques en milieu pénitentiaire. Revue des expériences étrangères. Note n , à l attention de la MIL DT (Mission interministérielle lutte contre la drogue et la toxicomanie) Available from: Perry A, Coulton S, Glanville J, Godfrey C, Lunn J, McDougall C, et al. Interventions for drug-using offenders in the courts, secure establishments and the community. Cochrane Database Syst Rev. 2006(3):CD Epub 2006/07/

196 LE MILIEU FESTIF Intervenir en milieu festif est donc un accompagnement transversal qui s appuie sur une continuité d approches : la prévention, le repérage précoce, l approche expérientielle, la réduction des risques, l accès aux soins médico-psycho-sociaux. L intervention suppose une approche transversale qui s inscrive dans le tissu local et prenne en compte l environnement dans sa globalité. Avant la fête : - Observer, connaître et partager un diagnostic Il faut dans l idéal s attacher à ce que ce soit le contexte qui détermine les modalités d intervention. Un diagnostic du contexte festif et de ses caractéristiques (publics, usages, risques ) permet de cibler et d adapter l intervention au plus près. - Créer une culture commune d intervention (principes, postures ) entre les différents intervenants. - Créer des partenariats et communiquer. Identifier tous les acteurs qui gravitent autour de la fête (police, Collectivités Territoriales, organisateurs, services des urgences, ), les informer de l action, de ses buts, de ses principes, leur expliquer ce qu est la RDR, communiquer sur le dispositif d intervention, dans l idéal faire signer une Charte par les différents partenaires qui s engagent sur des principes de Réduction Des Risques. - Soutenir les parents dans une démarche de prévention et de Réduction Des Risques (fêtes privées ), ainsi que les autres adultes au contact des jeunes. Pendant la fête : L intervention en milieu festif porte à la fois directement sur le contexte festif et sur sa périphérie (zones «off», camping, parking ). L intervention découle du diagnostic avec plusieurs modalités : - Le stand : le point d ancrage de l intervention. Il permet le repérage du dispositif par le public, l accès libre aux documents de communication et outils de réduction des risques, et doit être attractif. Selon le contexte, il peut évoluer dans sa forme (tables, tentes, panneaux, camion etc.). - Les équipes mobiles ou «maraudes» : elles vont à la rencontre des publics, y compris à la périphérie des lieux de fêtes (zones «off», campings, parkings ). - Le «chill out» : en général sous tente, cet espace d accueil est un lieu de détente et d échanges au calme où il est possible de se reposer, de discuter. En rupture avec l espacetemps de la fête, il doit être convivial, confortable, sécurisant. - La «relax-zone» : lieu d accueil des personnes en souffrance suite à la prise d un produit psychotrope («Bad trip», malaise, angoisse), elle doit être à l écart du son de la fête et nécessite un espace et un équipement spécifique (tente, lits de camp, couvertures voire matériel médical). - L espace de remise du matériel d injection : dans certains contextes précis (tecknivals, multisons), il peut être important de différencier le stand généraliste d un espace à l abri des regards, où sera remis le matériel d injection. Souvent stigmatisés, les usagers de drogues par voie intraveineuse peuvent hésiter à venir demander du matériel de façon visible. Ce mode opératoire permet des entretiens plus riches et un meilleur retour du matériel usagé. - La réassurance : Accompagnement d une détresse liée à la consommation d une substance ou à d autres évènements survenus sous l empire d un produit psychotrope, il s agit d une démarche d apaisement, d écoute, d accompagnement, qui peut avoir lieu dans divers espaces. - Le choix des outils (documents d informations, matériel de réduction des risques etc.), la composition de l équipe, le nombre d intervenants, le choix des horaires d interventions L outil premier est l intervenant, la présence humaine et la relation qui peut s ouvrir. Le matériel de réduction des risques adapté aux modes de consommation (kit d injection ; kit sniff ; kit base ; roule-ta-paille ; papier aluminium ; petit matériel pour injection etc.), aux pratiques sexuelles (préservatifs masculins et féminins, lubrifiants, sexokits, digues 196

197 dentaires), aux risques auditifs (bouchons d oreilles, casques pour les enfants) ; Les outils de mesure alcool (Ethylotests, réglettes alcool, éthylomètres, simulateurs d alcoolémie) ; Les supports d information : brochures, communication écrite, flyers La veille sanitaire (dont la Chromatographie sur Couche Mince CCM) ; L eau potable fraîche et gratuite est un outil indispensable. Elle peut être proposée en même temps que des collations sucrées ou salées, des fruits, des boissons chaudes Après la fête : - Sensibiliser et impliquer les acteur-relais à la nécessité de prendre en compte les risques liés à certaines pratiques (formation des professionnels de la fête, des personnels de sécurité notamment dans les établissements privés ) - Permettre le lien avec d autres structures : CAARUD, Urgences... - Favoriser l accès aux soins : Consultations Jeunes Consommateurs (CJC), CSAPA, Hôpital - Soutenir les initiatives où les jeunes sont directement associés, développer la formation des intervenants secouristes : Croix Rouge, Croix Blanche, Protection Civile... - Soutenir et développer des actions de prévention de proximité (prise en compte de l importance de la première rencontre), - Former les personnels de l'etat et des collectivités locales aux stratégies d'accompagnement de la réduction des risques, pérenniser et reconnaître les dispositifs existants pour favoriser leurs capacités à innover, - Soutenir les groupes de réflexion et de travail communs entre les différents acteurs (élus, Services de l État, établissements commerciaux, jeunes, acteurs de prévention et de RDR), - Evaluer les interventions en milieux festifs (pertinence par rapport aux besoins, observation des usages et des risques, demandes des publics ) afin de faire évoluer et d adapter au plus près le dispositif. 197

198 PATIENTS SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES Repérage SUR LE PLAN INDIVIDUEL La dimension addictologique des patients à double diagnostic est fréquemment sous évaluée et sous traitée dans les services de psychiatrie, nécessitant un repérage systématique. De même, la dimension psychiatrique est fréquemment sous évaluée et sous traitée dans les services d addictologie, nécessitant également un repérage systématique. Des formations addictologiques spécifiques pour les équipes psychiatriques et des formations psychiatriques spécifiques pour les équipes addictologiques amélioreraient le dépistage et la prise en charge. Le développement d outils spécifiques à visée diagnostique, de suivi ou de prise en charge, est également attendu en France. Prise en charge 1-Pas de traitement d un trouble sans traiter l autre De nombreux auteurs ont insisté sur l intérêt de traiter simultanément les troubles psychiatriques et les addictions, en associant étroitement les équipes psychiatriques et addictologiques (Farren & Mc Elroy 2008). La prise en charge globale a pour effet une amélioration symptomatique. L intérêt du travail en réseau et le développement des équipes de liaison ELSA sont évidents. Il faut souligner que les patients psychiatriques ont plus de difficultés à arrêter leurs conduites addictives (Boggs et al. 2013). En outre, peu d études randomisées en double aveugle contre placebo sur de grands nombres de sujets présentant des troubles psychiatriques ont été réalisées spécifiquement dans des populations à double diagnostic pour évaluer l efficacité des traitements antidépresseurs, thymorégulateurs et antipsychotiques. 2-Efficacité des médicaments à visée addictologique dans les doubles diagnostics Plusieurs études spécifiques ont retrouvé que, bien que mal connus, les médicaments à visée addictologique pouvaient être efficaces et bien tolérés chez les patients bipolaires, en particulier la naltrexone (Brown et al. 2009) et l acamprosate (Tolliver et al. 2012) dans l alcoolodépendance, les traitements de substitution méthadone et buprénorphine dans la dépendance aux opiacés (Ostacher et al. 2010). Certaines études spécifiques ont retrouvé que la naltrexone (Petrakis et al. 2006, Wobrock & Soyka 2008) et le disulfiram (Mueser et al. 2003) étaient efficaces et bien tolérés chez les patients schizophrènes alcoolodépendants ainsi que les traitements de substitution méthadone et buprénorphine chez les patients schizophrènes dépendants aux opiacés. Dans la Conférence d experts «Tabac et psychiatrie» de 2009, l intérêt de la prise en charge de l arrêt du tabac chez les patients psychiatriques a été souligné et détaillé, en particulier l efficacité et la bonne tolérance des traitements de substitution nicotiniques et l absence d aggravation des pathologies psychiatriques à l arrêt du tabac. Le traitement psychothérapique des patients à double diagnostic est plus long que chez les patients sans comorbidités psychiatriques, nécessitant des compétences particulières pour les entretiens motivationnels (Jones et al. 2011). 198

199 3- Des modules de prise en charge psychothérapeutiques spécifiques Suivant le modèle de prise en charge conjointe des deux troubles, plusieurs modules de prise en charge individuelle ou de groupe ont été développés (10, 11, 12). Cette offre de soins spécialisée reste très insuffisante en France aujourd hui. SUR LE PLAN SOCIETAL L articulation entre les structures addictologiques et psychiatriques est encore très insuffisante et doit être développée : définir les missions et les collaborations de l addictologie et de la psychiatrie, notamment pour les patients souffrants des deux pathologies ; planification régionale de ces articulations. Les établissements de santé ayant une activité de psychiatrie doivent proposer une prise en charge des patients ayant des troubles addictifs par l attribution de financements DAF pour : la création d'une équipe de liaison en addictologie dans tous les établissements psychiatriques en France. la création ou la consolidation de lits d'addictologie de niveau II, ciblés pour les comorbidités psychiatriques (une unité par établissement psychiatrique), avec : - la finalisation en niveau II des dispositifs existants (hôpitaux de jours, consultations pour les services qui n'ont qu'une partie des quatre structures de chaque service de référence), - la création de SSR addictologie spécialisés dans les problèmes cognitifs dans les établissements psychiatriques en lien avec les CMRP (centres de la mémoire). Dans certains établissements publics de santé mentale, l'intersecteur d'addictologie quand il existe, pourra en partenariat avec le CHU être constitué en structure de niveau III à vocation universitaire pour développer des compétences d'enseignement et de recherche. Ce partenariat permettra également de développer les prises en charge intégrées. 199

200 Bibliographie Farren CK, Mc Elroy S. Treatment response of bipolar and unipolar alcoholics to an inpatient dual diagnosis program. J Affect Disord. 2008;106(3): Boggs DL, Kelly DL, Liu F, Linthicum JA, Turner H, Schroeder JR, McMahon RP, Gorelick DA. Cannabis withdrawal in chronic cannabis users with schizophrenia. J Psychiatr Res. 2013;47(2):240-5 Brown ES, Carmody TJ, Schmitz JM, Caetano R, Adinoff B, Swann AC, John Rush A. A randomized, double-blind, placebo-controlled pilot study of naltrexone in outpatients with bipolar disorder and alcohol dependence. Alcohol Clin Exp Res. 2009;33: Tolliver BK, Desantis SM, Brown DG, Prisciandaro JJ, Brady KT. A randomized, doubleblind, placebo-controlled clinical trial of acamprosate in alcohol-dependent individuals with bipolar disorder: a preliminary report. Bipolar Disord. 2012;14(1): Ostacher MJ, Perlis RH, Nierenberg AA, Calabrese J, Stange JP, Salloum I, Weiss RD, Sachs GS; STEP-BD Investigators. Impact of substance use disorders on recovery from episodes of depression in bipolar disorder patients: prospective data from the Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder (STEP-BD). Am J Psychiatry. 2010;167(3): Petrakis IL, Nich C, Ralevski E. Psychotic spectrum disorders and alcohol abuse: a review of pharmacotherapeutic strategies and a report on the effectiveness of naltrexone and disulfiram. Schizophr Bull. 2006;32(4): Wobrock T, Soyka M. Pharmacotherapy of schizophrenia with comorbid substance use disorder--reviewing the evidence and clinical recommendations. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry. 2008;32(6): Conférence d experts. Arrêt du tabac chez les patients atteints d affections psychiatriques. OFT, FFP Paris 2009, 224 p. Jones SH, Barrowclough C, Allott R, Day C, Earnshaw P, Wilson I. Integrated motivational interviewing and cognitive-behavioural therapy for bipolar disorder with comorbid substance use. Clin Psychol Psychother. 2011;18(5): Weiss RD, Najavits LM, Greenfield SF. A relapse prevention group for patients with bipolar and substance use disorders. J Subst Abuse Treat. 1999;16(1): Weiss RD, Kolodziej ME, Najavits LM, Greenfield SF, Fucito LM. Utilization of psychosocial treatments by patients diagnosed with bipolar disorder and substance dependence. Am J Addict. 2000l;9(4): Hoppes K. The application of mindfulness-based cognitive interventions in the treatment of co-occurring addictive and mood disorders. CNS Spectr. 2006;11(11): Review 200

201 EN ENTREPRISE Dans les milieux professionnels les mesures de prévention et de réduction des dommages liés aux addictions doivent être conformes au respect des libertés individuelles et aux principes généraux de prévention des risques professionnels inscrits au Code du travail (article L ). Ces principes généraux imposent aux employeurs d éviter les risques, d évaluer les risques qui ne peuvent être évités, de combattre les risques à la source, d adapter le travail à l homme, de prendre les mesures de protection collective, etc. En complément de ces principes généraux, deux articles du Code du travail, spécifiques aux usages de substances psychoactives, règlementent l action en faveur de la santé et de la sécurité des biens et des personnes. L article R indique qu «aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail». L article R «interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse». Dans le cadre de la réforme de la médecine du travail, la loi n du 20 juill et 2011 donne notamment pour nouvelle mission aux équipes pluridisciplinaires de santé au travail (médecins du travail, intervenants en prévention des risques professionnels, infirmiers. Article L ) celle de prévenir la consommation d alcool et de drogues sur le lieu de travail. Ces mobilisations règlementaires de l entreprise et de son service de santé au travail, correspondent à deux recommandations du Livre blanc de l addictologie française (FFA, 2011) (1) : Proposition 19 : «Inscrire la prévention dans la vie de l entreprise en dotant les CHSCT de missions de prévention en matière de consommation de produits psychoactifs» Proposition 80 : «Inciter tous les établissements de santé au travail à intégrer un volet addiction dans leur projet d établissement et leur CPOM (Contrat pluriannuel d objectifs et de moyens)». En 2002 déjà, le Rapport Reynaud au DGS (Usage nocif de substances psychoactives - La documentation française, 2002) (2) recommandait de mettre en place «une politique globale d entreprise ou d établissement à l égard de l usage nocif des substances psychoactives, afin de rendre plus aidant le milieu de travail. Pour être efficace, la politique concernant les consommations de substances psychoactives, doit mobiliser, outre la médecine du travail, la direction et les représentants des personnels (syndicats et CHSCT). Elle doit aborder le sujet et ne plus en faire un tabou sans oublier la notion de plaisir ; éviter toute moralisation et toute culpabilisation ; travailler sur la culture de l entreprise afin d apprendre à respecter la non-alcoolisation, et, en cas de consommation, valoriser la modération». Suivant ces recommandations générales, les stratégies de réduction des dommages liés aux consommations de substances psychoactives préconisées par l INRS (3) et le Guide MILDT/DGT (2012) (4) et le groupe Pompidou (5) proposent d intégrer la prévention des consommations de substances psychoactives à la démarche de prévention globale de l entreprise selon un canevas en sept grandes étapes : 1. Mettre en place un comité de pilotage (avec le CHSCT ou avec l employeur, des salariés et le service de santé au travail pour les petites et très petites entreprises) 2. Faire un constat concerté préalable des consommations de substances psychoactives et des problèmes qu elles soulèvent dans l entreprise 3. Organiser ou clarifier le cadre réglementaire concernant les protocoles d intervention, de prise en charge et de contrôle : les conduites à tenir face aux situations de consommations (tabac, alcool, drogues illicites) et/ou de troubles comportementaux et cognitifs en milieu de travail, l utilisation éventuelle d outils de dépistage 4. Déterminer ou clarifier les rôles de chacun dans ce cadre réglementaire 201

202 5. Définir les signaux et les indicateurs d alerte, d orientation et de suivi 6. Travailler avec des relais (Service de santé au travail, Caisse d assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), Agence régionale pour l amélioration des conditions de travail (ARACT), Centres de soins, d accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA)) pour établir le constat préalable (étape 2) ou pour l orientation et le suivi des personnes en difficultés 7. Repérer cliniquement les consommations à risque de substances psychoactives par les services de santé au travail (6) 8. les personnels d encadrement sont souvent les premiers acteurs impliqués dans la gestion des problématiques addictives en milieu professionnel. Il est recommandé de leur proposer une formation spécifique afin de mener une réflexion sur l attitude à adopter face aux conduites addictives. Comment en parler avec un personnel en difficulté? comment aider et accompagner celui-ci tout en maintenant une activité professionnelle de qualité. 9. Inscrire dans le document unique des entreprises privées et publiques le risque dû aux conduites addictives et en particulier celui lié à la consommation de produits psycho-actifs. Il en découlera ainsi un plan de prévention, d action et de formation. A ce canevas, les travaux de la Société française d alcoologie (SFA) associée à la Société Française de Médecine du Travail (SFMT) (Recommandations pour la pratique clinique de médecins du travail, SFA/SFMT 2013) (7) préconisent d ajouter une investigation systématique des déterminants professionnels des consommations d alcool, de tabac, de drogues illicites et de médicaments psychotropes et d encourager la pratique de l intervention brève au bénéfice des salariés concernés. Cela sous-entend deux prérequis indispensables : une posture professionnelle de type «clinique du travail» (7) (8) (9) et une formation au RPIB des médecins et infirmiers de santé au travail. (10) (11) (12). Dans les entreprises et les services de santé au travail, en complément des dommages, il s agit de décrire aussi les consommations (socialement réglées, nocives ou avec dépendance) et leurs liens avec le travail : quelles sont les conditions de consommations individuelles ou collectives, les effets attendus, les bénéfices perçus, leurs fonctions pour le travail (analgésiques / troubles musculo squelettiques (TMS), psychostimulants / surcharge horaire, alcool / convivialité, hypnotiques / horaires décalées, cannabis / stress) et leurs conséquences bénéfiques ou indésirables (mésusages, burnout, augmentation des doses, consommations illicites, décompensations, dépendance) (13) (14). Cette investigation des déterminants professionnels des consommations de substances psychoactives est un double changement de paradigme : elle déplace l action des employeurs et des services de santé au travail d une approche individuelle des consommations vers une approche collective, elle déplace l analyse des dommages vers celle des consommations (réglées, nocives ou avec dépendance) (15). L interaction entre médecins du travail et médecins généralistes dans le cadre d un travail en réseau est une des clés de l amélioration de l état de santé en lien avec les conditions de travail (16). Il apparaît crucial de les inciter à aller au-devant des salariés et des patients sur la question des addictions. Toute une part de la santé au travail réside dans cette zone imprécise où le travailleur ne manifeste aucun trouble apparent mais où il souffre (17). Pour comprendre la santé et la sécurité nous devons déplacer le centre de gravité de l investigation de la pathologie, des dommages, vers celle de la normalité (18) (8) (9) : Comment font la plupart des sujets pour faire face aux contraintes de leur travail et de leur santé? Leurs consommations de substances psychoactives a-t-elle une place dans leur économie physique et psychique? Répondre à ces questions, comme à toutes celles posées par le canevas INRS, MILDT/DGT (3) (4), permet de trouver d autres leviers pour 202

203 prévenir les consommations et, ce faisant, de réduire la probabilité d apparition de dommages Bibliographie 1. Livre blanc de l addictologie, Fédération française d addictologie (FFA), mai 2011, 2. Reynaud et coll. Usages nocifs de substances psychoactives, La documentation française, INRS. Addictions et travail. Dossier web, MILDT-DGT. Repères pour une politique de prévention des risques liés à la consommation de drogues en milieu professionnel, Groupe Pompidou. Conférence sur «Alcool, drogues et prévention en milieu professionnel : quels enjeux, quels défis pour les gouvernements, l entreprise et les personnels?» Conseil de l Europe 14/15 mai 2012 Déclaration finale. 6. Demortière, Michaud, Dewost, Consommation excessive d'alcool chez les salariés. Du repérage précoce à la prise en charge, Document du médecin du travail (DMT), INRS, Recommandations pour la Pratique Clinique «Dépistage et gestion du mésusage de substances psychoactives (SPA) susceptibles de générer des troubles du comportement en milieu professionnel» Texte court. Alcoologie et Addictologie 2013 ; 35 (1) : Clot et Lhuilier (s/dir), Agir en clinique du travail, Toulouse, Erès (2009) 9. Lhuilier D., Litim M. (2009). Le rapport santé-travail en psychologie du travail, Mouvements, 58, Demortière, Pessione, Batel, Problèmes liés à l alcool en médecine du travail, DMT, INRS, Michaud p., Kunz v., Demortière g., carre a., Lancrenon s., Menard c., Arwidson p., Les interventions brèves sont efficaces en santé au travail. Premiers résultats de l étude EIST. Évolutions N 14-Mai 2008 INPES 12. Demortière, Passe d entrée : le repérage précoce et l intervention brève. Le Concours Médical, Tome 135, N 1 janvier Hautefeuille M., Dopage et vie quotidienne, Petite Bibliothèque Payot, Poche, 240 pages, Hautefeuille M. Le dopage des cadres ou le dopage au quotidien, L Information psychiatrique 2008 ; Negura, Maranda, Genest, La consommation de Spa en lien avec le travail L impératif d adapter les services aux causes réelles, (2011) 16. Ménard C., Richard J.-B., Demortière G., Beck F., L implication des médecins du travail face aux pratiques addictives, Archives des Maladies Professionnelles et de l'environnement, 2012, 73, Dejours c. Travail, usure mentale - De la psychopathologie à la psychodynamique du travail, Bayard éditions, (1980), Paris, (réédité en 2000) 18. Dejours c. Travail vivant, Tomes 1 et 2, Payot, (2009) 203

204 PROPOSITIONS D EVOLUTIONS SOCIO-ECONOMIQUES, LEGISLATIVES, REGLEMENTAIRES, FISCALES COMPARAISON DES DOMMAGES, DES BENEFICES ET DES REPRESENTATIONS DES DIFFERENTES ADDICTIONS Evaluation par des experts de la gravité des dommages liés à la consommation des différents produits psychoactifs Afin d aider à définir une politique des addictions dans les domaines sanitaires, sociaux et répressifs, plusieurs études ont été conduites par des experts en addictologie pour évaluer comparativement les dommages liés aux différents produits, en s appuyant sur des données validées. Les travaux de référence ont été conduits en 2007 et 2010 par l équipe Britannique de David Nutt puis complétés par l équipe Française de M. Reynaud et par l équipe Néerlandaise de Wim Van Den Brink. (Bourgain et al, 2012; Nutt et al. 2007; Nutt et al. 2010; van Amsterdam et al., 2010). Dans ces études, les experts devaient attribuer un score quantitatif évaluant le niveau de dommages à l'usager et à la société de chaque substance addictive. Les résultats concordants de ces études en ont renforcé l'intérêt, malgré quelques différences de design. L'alcool y est apparu comme la substance responsable du plus haut niveau de dommages parmi celles étudiées, y compris l'héroïne. La première publication ayant montré un décalage entre le statut légal des substances et leur niveau de dangerosité a provoqué une importante controverse dans le milieu scientifique et le grand public (Nutt et al., 2007 ; Obot, 2011). Le point de vue de scientifiques soulignant la dangerosité de substances légales supérieures à d'autres substances illégales semblait heurter l'opinion générale des politiques et de la population (Costes et al, 2010; Rossow, 2011). La polémique crée par la première étude publiée par David Nutt a amené celui-ci à affiner encore sa méthodologie, en utilisant l Analyse de Décision MultiCritères (MCDA). Cette méthode est utilisée par les décideurs qui ont à faire face à des décisions complexes, liées à des objectifs multiples et conflictuels par exemple pour l élimination des déchets nucléaires. Elle a permis une mesure globale des dommages associés à la consommation de 20 produits addictifs en demandant à un panel d experts en addictologie de quantifier pour chaque produit 16 types de dommages différents couvrant un vaste ensemble de dommages à l utilisateur et de dommages à la société. Les critères d analyse retenus évaluaient Les dommages aux consommateurs incluant : - les dommages physiques : mortalité directe, mortalité indirecte, dommages spécifiques, dommages reliés à la consommation - la dépendance, les troubles mentaux spécifiques et reliés à la consommation - les dommages sociaux incluant les pertes de revenus et les difficultés relationnelles. les dommages à autrui incluant : - les blessures et souffrances physiques et psychiques - les crimes et délits, les conséquences familiales, les couts économiques, les atteintes à la communauté. 204

205 Les résultats du travail des experts en «conférence de décisions» ont donné lieu à une nouvelle publication dans le Lancet en 2010, concluant, que l alcool est le produit le plus à risque, suivi de l héroïne, de la cocaïne, du tabac et du cannabis Figure: Evaluation des dommages globaux - Etude de Nutt et al, 2010 Notre équipe a mené un travail comparable à celui de Nutt auprès d un échantillon de 48 experts en addiction, membres de la Fédération Française d Addictologie (Bourgain et al, ). Les évaluations de dommages que nous avons réalisées reposent sur une grille simplifiée organisée autour de 6 types différents dommages. Pour les 7 produits communs aux deux études, les résultats sont très proches. Dans notre étude l alcool est également le produit le plus à risque pour l usager et pour la société. Suivent ensuite l héroïne et la cocaïne. Les dommages associés au cannabis et au tabac sont de même ordre de grandeur, le tabac étant caractérisé par des dommages élevés pour l usager. Figure 1 : Evaluation des dommages globaux, étude Bourgain et al, 2012 Toutes ces études avec des méthodologies proches, plus ou moins sophistiquées, aboutissent toutes aux mêmes résultats Le coefficient de corrélation entre les deux évaluations est de Bourgain C, Falissard B, Blecha L, Benyamina A, Karila L, Reynaud M., 2012, A damage/benefit evaluation of addictive product use. Addiction. 107 :

206 Figure 2 : Corrélation entre les études de Nutt et al (2010) et Bourgain et al (2012) Pour résumer, les experts européens s accordent sur les éléments suivants : - l alcool est le produit le plus dangereux entrainant des dommages sanitaires et sociaux majeurs. - Puis viennent l héroïne et la cocaine - Puis le tabac, causant surtout des dommages sur la santé - Puis le cannabis, causant prioritairement des dommages sociétaux Ces différentes études mettent ainsi en évidence une discordance frappante entre le statut légal des produits et la gravité des dommages induits par leur consommation. Evaluation des représentations de la dangerosité des produits dans la population française. 1-Représentation de la dangerosité des produits dans la population générale Puis nous avons prolongé notre première étude en reprenant la méthodologie développée pour interroger les experts en l adaptant pour le grand public. En collaboration avec le département IPSOS Santé, nous avons réalisé une enquête auprès d un échantillon représentatif de 1016 personnes âgées de 16 à 24 ans en utilisant un auto-questionnaire en ligne portant sur 6 produits : l alcool, le cannabis, le tabac, l héroïne, la cocaïne et les jeux d argent. Pour évaluer les dommages associés à la consommation de chacun, les personnes interrogées étaient amenées à évaluer sur une échelle de 0 à 10, 6 types différents de dommages : dommages aigus pour la santé du consommateur, dommages chroniques sur sa santé, dépendance pour le consommateur, coûts sanitaires pour la société, coûts légaux pour la société et dommages sociaux. Une mesure des dommages globaux est obtenue en sommant les évaluations des 6 catégories de dommages. Elle varie donc sur une échelle de 0 à 60. Les résultats sont particulièrement instructifs, illustrant la peur sociale des dommages liés aux substances psycho-actives. 206

207 Comparaison des évaluations brutes globales des dommages par la population générale et par les experts. Les évaluations globales de dommages par le grand public sont nettement supérieures aux évaluations de ces mêmes dommages par les experts Pour les 3 principales drogues illégales (Cannabis, Cocaïne, Héroïne), les évaluations des dommages pour l utilisateur et pour la société faites par la population sont plus élevées que celles des experts : o Les dommages associés au cannabis sont significativement plus importants quand ceux-ci sont évalués par la population générale, plutôt que par les experts (+ 51%). o Le grand public considère en effet que les dommages du cannabis pour le consommateur et pour la société sont de même ordre que ceux de l alcool. Pour les experts au contraire, le cannabis est beaucoup moins dangereux au niveau individuel comme au niveau collectif. Alors que pour les experts, l alcool est le produit ayant les scores les plus élevés de dommages sur les utilisateurs et sur la société, pour la population générale, il se classe au : o au 3 ème rang, à peu près au même niveau que le cannabis, pour les dommages individuels et globaux. o 4 ème rang après l héroïne, la cocaïne et le cannabis dans l évaluation des dommages sociaux, ce qui traduit une sous évaluation des dommages liés à l alcool, avec en particulier une sous évaluation des dommages sociaux 207

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