MARCHÉS FINANCIERS ET INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS SEPTEMBRE 2015
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- Jean-François Marcil
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1 MARCHÉS FINANCIERS ET INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS SEPTEMBRE 2015
2 DES TAUX D INTÉRÊT TRÈS BAS DEPUIS LONGTEMPS SANS REDÉCOLLAGE SENSIBLE DE LA CROISSANCE MONDIALE Les taux d intérêt réels à court et moyen terme sont nuls ou négatifs depuis 2/3 ans, soit depuis plus longtemps que pendant la période inflationniste des années Malgré tout, pas de franche reprise de la croissance dans le monde, en lien surtout avec une absence de redécollage des investissements des entreprises (cf. OCDE, 2015). Paradoxe entre : des investisseurs financiers qui ont acheté des actions avec une aversion au risque apparemment faible et à des cours suggérant des anticipations de profits futurs importants et les industriels qui perçoivent un degré de risque business élevé, qui investissent donc avec prudence, notamment si le projet est innovant donc risqué. + les gains de productivité de l industrie mondiale ont ralenti depuis la crise de
3 UNE PÉRIODE DE TAUX D INTÉRÊT RÉELS NÉGATIFS DÉJÀ PLUS LONGUE QUE CELLE DES ANNÉES
4 UNE CAPITALISATION BOURSIÈRE MONDIALE RELATIVEMENT ÉLEVÉE (AU MOINS JUSQU À L ÉTÉ 2015) 4
5 DES TAUX DURABLEMENT TRÈS BAS SOULÈVENT D IMPORTANTS PROBLÈMES POUR LE SECTEUR FINANCIER Dégradation de la rentabilité des banques : Les banques transforment des dépôts à court terme en engagements à long terme : leur marge est liée à l écart entre taux courts et taux longs. Or les politiques monétaires ont ramené les deux à presque 0. L effet défavorable pour les banques n est pas compensé par le repli des défauts sur prêts ou la hausse des plus-values sur actifs. Selon la BRI, la baisse des taux directeurs de 1 % à 0 % diminuerait la rentabilité bancaire de 0,4 %. Au total, la rentabilité des banques et l offre de crédit ne sont pas très dynamiques quand les taux sont durablement bas. Dégradation de la rentabilité des assurances : Quand les taux sont durablement bas, la valeur actualisée des engagements futurs (pensions, provisions pour sinistres ) augmente -> rentabilité plus faible des assurances. Les fonds de pension tablent souvent sur un rendement réel de 4 %/an à long terme pour faire face aux passifs futurs. On en est aujourd hui très loin. «À la recherche du rendement perdu» (search for yield) : les investisseurs financiers recherchent des actifs qui offrent du rendement, quitte à s exposer à plus de risque. D où des marchés d actions plutôt dynamiques en tendance sur les dernières années. 5
6 TAUX D INTÉRÊTS BAS ET VALEUR DES ENGAGEMENTS FUTURS POUR LES ASSUREURS 6
7 DANS LE MÊME TEMPS, LA RENTABILITÉ FINANCIÈRE DE L INDUSTRIE EUROPÉENNE S EST TASSÉE DEPUIS 10 ANS La rentabilité des industries pour les actionnaires (Return on Equity - RoE) a baissé presque partout dans le monde, en Europe et plus encore dans les émergents (mais une exception: les USA). Le RoE des industries dans le monde (sauf USA) est devenu inférieur (pays émergents) ou à peine égal (Europe) au coût du capital en moyenne. Conséquence : investir dans le capital d une industrie n est en moyenne plus forcément rentable aujourd hui pour un financier lequel, par ailleurs, est aujourd hui à la recherche de rendements plus élevés à cause des taux très bas. Pour l industrie, lever du capital pour financer des investissements à long terme devient de moins en moins aisé. Une fois le capital rémunéré, il ne reste plus beaucoup de fonds aux industries européennes, en moyenne, pour financer les investissements industriels. 7
8 RENTABILITÉ FINANCIÈRE (RETURN ON EQUITY) ET COÛT DU CAPITAL POUR L INDUSTRIE DANS LE MONDE 8
9 UNE CAUSE POSSIBLE : LES GAINS DE PRODUCTIVITÉ LIÉS À LA RÉORGANISATION DE LA SUPPLY CHAIN MONDIALE FLÉCHIRAIENT L OCDE estime que les gains de rentabilité liés à la «réorganisation de la chaîne logistique mondiale» (e.g., aux délocalisations d activités vers les pays émergents) commencent à s essouffler. Un indice parmi d autres : dans le secteur industriel, la productivité par tête n a guère progressé depuis la crise dans presque tous les pays. La réorganisation de la supply chain a permis de doper la rentabilité des entreprises occidentales mais son effet n est pas durable comme l est l investissement dans la R&D : l outsourcing n est qu une réallocation géographique d une technologie donnée. Conséquence : effet mécaniquement à la baisse sur la rentabilité d exploitation des industries, donc sur leur RoE. surtout pour les entreprises qui ont trop peu investi dans les innovations. 9
10 DANS L INDUSTRIE, LES DIVIDENDES OU RACHATS D ACTION PROGRESSENT PLUS VITE QUE LES CASH FLOWS DESTINÉS AUX INVESTISSEMENTS Pour doper le RoE, les actionnaires poussent à augmenter les distributions de dividendes ou les rachats d actions. De fait, dans l industrie US ou européenne sur les dernières années, les cash flow utilisés à la distribution de dividendes et aux rachats d actions ont progressé plus vite que ceux destinés au financement d investissements. Cette tendance est d autant plus entretenue que les investisseurs financiers sont à la recherche de rendement à cause des taux bas et des engagements futurs contractés avec leurs clients. Selon l OCDE, une stratégie de portefeuille consistant à vendre les actions d entreprises à CAPEX élevés pour acheter celles d entreprises à CAPEX faibles et rachetant leurs actions se traduirait sur 6 ans ( ) par un rendement cumulé de près de 50% aux USA et en Europe. les dirigeants d entreprises sont de plus en plus rémunérés en fonction de l évolution du cours de l action de l entreprise. La part des stocks & options dans la rémunération des membres des COMEX du S&P 500 est passée de 25 % dans les années 1980 à 60 % sur puis 82 % sur (source : Roosevelt Institute). 10
11 L INDUSTRIE AMÉRICAINE A MASSIVEMENT RACHETÉ SES ACTIONS POUR SOUTENIR SA RENTABILITÉ FINANCIÈRE 11
12 LES POLITIQUES MONÉTAIRES ONT PU CONTRIBUER À L INSTABILITÉ FINANCIÈRE QUI PÈSE SUR L ACTIVITÉ Les politiques monétaires ont longtemps été concentrées sur la lutte contre l inflation : Conséquence : elles n ont été restrictives qu en cas de risque d inflation -or ce n est pas forcément le cas en période de boom- et elles ont été très expansionnistes en période de krach pour éviter la déflation. Donc : pas assez restrictives en phase haute, très expansionnistes en phase base : à la longue, le biais pourrait être plutôt «laxiste». Ce biais/asymétrie peut favoriser ou accompagner le développement de bulles financières (Savings & loans US en 1991, bulle «dotcom» en 2001, bulle subprimes en 2008 ) qui ont des effets économiques de plus en plus problématiques : Quand la bulle grossit : le secteur financier attire davantage d emplois alors que ses gains de productivité sont assez faibles. BRI: la bulle aurait pesé sur la croissance annuelle de la productivité du travail de - 0,2 % aux USA (- 0,7 % en Espagne, - 1,0 % en Irlande). Quand la bulle éclate : instabilité financière surtout si faillites bancaires. Après l éclatement de la bulle : le traitement monétaire de crises issues d une situation de surendettement (subprimes) conduit à créer beaucoup de liquidités, à baisser les taux donc à ne pas décourager l endettement! 12
13 UNE INSTABILITÉ FINANCIÈRE TENDANCIELLEMENT CROISSANTE 13
14 COMMENT EN SORTIR? PRODUCTIVITÉ INDUSTRIELLE, RÉGULATIONS FINANCIÈRES ET POLITIQUE BUDGÉTAIRE Les recettes d hier (délocalisations, endettement & sous-investissements de productivité) ne fonctionnent plus ou posent problème. Il conviendrait de : Sanctuariser la part des cash flows consacrés aux investissements et concentrer les efforts sur les investissements high tech pour redresser la productivité. Puisque RoE < CoE (Cost of Equity), l actuelle atonie mondiale des investissements va probablement perdurer -> besoin de politiques économiques adaptées : Politique budgétaire : a) réduire les impôts pour redresser la rentabilité des entreprises, b) réduire les déficits pour recouvrer de la marge de manœuvre en cas de nouveau krach, c) réduire l incertitude réglementaire et fiscale qui pèse lourdement sur les décisions d investissement, d) concentrer la dépense fiscale sur la R&D. Régulation financière : poursuivre effort de Bâle III en faveur de mécanismes contracycliques, question de la réglementation des modes de rémunération des dirigeants au niveau européen. Politique monétaire : passer d un objectif de maîtrise de l inflation à court terme à celui de stabilité macrofinancière incluant le besoin d éviter les bulles financières. Eviter d être procyclique pendant les booms. Mutation en cours. Actualité pérenne de l entreprise familiale (moins de pression courttermiste des actionnaires, plus grande capacité, a priori, à préserver l investissement dans l outil de production). Implications en termes de politique fiscale (transmission ). 14
15 Sources des graphiques : OCDE, Business and finance outlook, BRI, Annual report, 2015, The Economist. 15
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