POUR ÉLABORER UN MÉCANISME TRANSPARENT ET DURABLE D ÉTABLISSEMENT DES TAUX DE COTISATION À L ASSURANCE-EMPLOI



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Transcription:

POUR ÉLABORER UN MÉCANISME TRANSPARENT ET DURABLE D ÉTABLISSEMENT DES TAUX DE COTISATION À L ASSURANCE-EMPLOI COMMENTAIRES DU CONSEIL DU PATRONAT DU QUÉBEC PRÉSENTÉS AU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

CPQ Mai 2003 Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada 2 e trimestre 2003

POUR ÉLABORER UN MÉCANISME TRANSPARENT ET DURABLE D ÉTABLISSEMENT DES TAUX DE COTISATION À L ASSURANCE-EMPLOI COMMENTAIRES DU CONSEIL DU PATRONAT DU QUÉBEC PRÉSENTÉS AU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL LE CONTEXTE ACTUEL Au cours des deux dernières années, les taux de cotisation de l assurance-emploi ont été établis par le ministère des Finances, sans aucune consultation préalable. Qui plus est, la Commission de l assurance-emploi (ci-après «la Commission»), qui recommandait traditionnellement à Développement des ressources humaines Canada et au ministère des Finances l établissement des taux basé sur les prévisions économiques et les analyses actuarielles de l actuaire en chef de la Commission, a été complètement écartée du processus. Cette situation est d autant plus paradoxale que l article 66 de la Loi sur l assurance-emploi stipule l obligation pour la Commission de fixer les taux des cotisations ouvrières et patronales pour chaque année. LA COMMISSION DE L ASSURANCE-EMPLOI : AUTORITÉ, POUVOIR ET PROCESSUS DE DÉCISION Comme le Conseil du patronat du Québec (CPQ) l a déjà mentionné à la Chambre des communes, en février 2001 1, l actuelle Commission n a pas suffisamment d autonomie, de pouvoir, ni d autorité. Elle fonctionne comme un ministère et, pour cette raison, elle est régie par les lignes directrices du Conseil du Trésor et les politiques relatives au personnel de la Commission de la fonction publique : «[...] Elle (la Commission de l assurance-emploi du Canada) est composée de quatre commissaires nommés par le gouverneur en conseil. Les quatre commissaires sont les suivants : le sous-ministre du Développement des ressources humaines, qui est le président de la Commission, un sous-ministre 1 Conseil du patronat du Québec. L assurance-emploi : un régime d assurance à revoir, Commentaires présentés au Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, Montréal, février 2001.

délégué, qui en est le vice-président, une personne nommée après consultation des organisations ouvrières et une autre nommée après consultation des organisations patronales.» 2 Quoique le Régime d assurance-emploi continue d être financé exclusivement par les cotisants, les deux commissaires qui représentent les employeurs et les travailleurs, malgré leurs efforts louables pour présenter un certain consensus de leur organisation respective, n exercent qu une influence minime. Un organisme indépendant du pouvoir politique devrait compter beaucoup plus de représentants patronaux et ouvriers mais, en aucun cas, il ne devrait avoir un sousministre comme président. Par ailleurs, le Rapport de la Commission d enquête sur l assurance-chômage, ou rapport Forget, dit clairement (p. 275) qu un examen de l histoire du Régime d assurance-chômage révèle que les grandes orientations adoptées depuis 1940 n ont pas été le fruit de négociations avec les groupes patronaux et syndicaux, mais plutôt le résultat d interventions politiques et bureaucratiques : «Ce fusionnement a été d une importance historique pour le Régime d assurancechômage, car il a consacré l abandon du double principe, posé en 1940, voulant premièrement qu une gestion assurée par une commission autonome protège l'assurance-chômage des pressions politiques et, deuxièmement, que le droit de propriété des travailleurs sur le régime leur garantisse une représentation au sein de la Commission. Ce principe fut ébranlé une première fois par la modification de 1946, puis de nouveau en 1966 [ ] Le fusionnement de 1977 a fait évoluer encore davantage la situation [...] En fait, le gouvernement a "exproprié" le régime.» 3 Cette perte d autonomie de la Commission s explique aussi par le fait que les centres d emploi du Canada ont été, pendant des décennies, la vitrine de la présence fédérale au palier local à travers le pays, qui donnait la possibilité au gouvernement fédéral de verser de l argent (de l assuranceemploi) directement aux particuliers. 2 Projet de loi C-11, Loi constituant le ministère du Développement des ressources humaines, sanctionné à Ottawa le 29 mai 1996, p. 6 et 7. 3 Rapport de la Commission d enquête sur l assurance-chômage, Ottawa, novembre 1986, p. 273. 2

Bref, il est incongru de constater que les employeurs et les travailleurs sont considérés comme des groupes de pression, notamment en ce qui a trait à la détermination des cotisations, et non comme des propriétaires à part entière du Régime de l assurance-emploi, comme c est le cas depuis 1990. TRANSPARENCE ET IMPUTABILITÉ Pour corriger cette situation, l établissement des taux de cotisation doit se faire par un organisme indépendant du pouvoir politique. Cet organisme pourrait être une commission de l assuranceemploi paritaire où seuls les représentants des employeurs et des travailleurs siégeraient et détiendraient un pouvoir décisionnel pour la détermination des taux. Selon le CPQ, seule l autonomie de cette commission pourrait garantir la transparence de la fixation des taux. Nous jugeons qu une réforme est essentielle à cet égard pour, non seulement représenter les intérêts des cotisants, mais aussi pour redonner au Régime la transparence et l intégrité d un véritable Régime d assurance-emploi. De plus, cette autonomie implique que le vérificateur général du Canada doit revenir sur sa décision de 1986, selon laquelle les revenus (cotisations) et les dépenses (prestations et coûts de fonctionnement) de l assurance-emploi devraient être intégrés aux revenus et dépenses du gouvernement fédéral. Nous ne remettons pas en cause l idée selon laquelle le Régime d assurance-emploi doit demeurer un programme d assurance public et obligatoire, financé par un impôt sur la masse salariale. Seulement, la Commission ne doit plus être assujettie à l autorité des ministres en ce qui a trait au financement du Régime. Les pouvoirs administratifs pourraient être également délégués à la Commission, tout en reconnaissant qu ils suivront des principes qui respectent et protègent l intérêt public. Par conséquent, le débat devra porter sur les pouvoirs qui pourraient être enchâssés dans la Loi et qui, pour leur application, relèveraient du Parlement, et sur les pouvoirs administratifs (autres que financiers) qu il serait possible de laisser à la discrétion d une nouvelle commission. 3

L assurance-emploi doit être conçue comme un moyen de mettre en commun les risques de pertes financières associées au chômage. En d autres termes, c est un Régime d assurance en cas de perte du revenu salarial et, par conséquent, ce n est pas un bien public, mais un droit exclusif des assurés. Le coût des prestations et les frais administratifs doivent être entièrement payés par les cotisants et non par l État. C est ce qui a cours actuellement. Le contresens, c est que l entière responsabilité de gestion financière du Régime échappe aux cotisants. Il faut corriger cette situation. Voyons maintenant les modalités d établissement des taux, comme le suggère le budget fédéral 2003-2004. Les taux de cotisation devraient être établis à partir de conseils d experts indépendants L actuaire en chef de la Commission doit être mandaté pour recommander l établissement des taux de cotisation auprès de la Commission chaque année. À cette fin, tout comme le fait le gouvernement fédéral depuis quelques années, l actuaire en chef pourrait demander à des institutions spécialisées du secteur privé de lui fournir les prévisions économiques sur un horizon de deux ou trois ans, y compris les prévisions sur le taux de chômage. C est à partir de prévisions sur le taux de chômage que l on peut déterminer l évolution des coûts (prestations). Développement des ressources humaines Canada et la Commission sont à même de déterminer l évolution des frais de gestion, comme ils le font déjà depuis longtemps. Les recettes prévues au titre des cotisations devraient correspondre aux coûts prévus du programme Cette formulation est imprécise. Il faudrait plutôt dire : les recettes devraient correspondre aux frais de gestion du programme et à l établissement d une réserve. Cette réserve, que l actuaire en chef estime au minimum à dix milliards de dollars, semble suffisante pour affronter les hausses de coûts occasionnées par une récession et ce, sans augmentation des cotisations. Cette réserve devrait être constituée sur une période de cinq ans. Au-delà de cette période, si la réserve n a pas été utilisée, les intérêts sur le capital devraient servir à réduire davantage les taux de cotisation. 4

Par ailleurs, nous tenons à réitérer que le Régime de l assurance-emploi doit revenir à sa mission première, qui consiste à être un régime de remplacement du revenu. «Dans sa forme actuelle, le Régime d assurance-chômage est le plus grand programme de redistribution au pays, mais le nom mis à part, il n a presque rien d un régime d assurance. Il n existe pratiquement aucune industrie, où que ce soit au Canada, dont les membres reçoivent la valeur réelle des cotisations versées, peu importe la période étudiée. Le régime est donc essentiellement un régime d aide sociale relié aux gains.» 4 Or, la gamme impressionnante de programmes sociaux qui, au cours des ans, se sont greffés au régime d assurance-chômage et de l assurance-emploi, et qui ne sont pas en lien avec le chômage comme tel, non seulement sont demeurés intégrés au Régime mais, en plus, d autres s y sont ajouté. On pense aux prestations parentales qui ont été bonifiées ou, encore, au supplément familial. Toutes ces mesures à caractère social n ont rien à voir avec un régime d assurance-emploi et coûtent très cher. Prévisions du compte d assurance-emploi (2002) (en millions $) Prestations de maladie 640 Prestations de grossesse 808 Prestations d adoption 7 Prestations parentales 1 385 TOTAL 2 840 Source : DRHC, Actuariat de la Commission de l assurance-emploi, septembre 2001. 4 St. John s Status of Women Council, mémoire, dans le Rapport de la Commission d enquête sur l assurance chômage, Ottawa, nov. 1986, p.21. 5

Si ces programmes sociaux étaient financés par les impôts de tous les Canadiens plutôt que par le compte de l assurance-emploi, le taux de cotisation pour 2004 aurait pu être fixé à 1,63 $ plutôt qu à 1,98 $, soit 35 cents de moins. En effet, chaque changement de 10 cents du taux de cotisation affecte les recettes (ou les dépenses) d environ 840 millions de dollars. Nous le réitérons, il ne s agit pas de remettre en cause le bien-fondé de ces mesures à caractère social; elles ne rencontrent simplement pas l objectif de la mission de l assurance-emploi, qui est d assurer un certain revenu pendant la recherche d un emploi. Ces mesures devraient être financées directement par le gouvernement dans le contexte d autres programmes. Le CPQ est d avis que le gouvernement fédéral doit continuer à jouer un rôle majeur dans la poursuite d objectifs sociaux et économiques en utilisant les leviers macroéconomiques que sont les politiques fiscales, monétaires et les paiements de transfert aux provinces et aux divers agents économiques. Nous ne croyons pas que le Régime d assurance-emploi soit le mécanisme qui convienne pour réaliser ces objectifs, ni que les cotisations d assurance-emploi doivent être utilisées à cette fin. L établissement des taux de cotisation devrait atténuer l effet sur le cycle conjoncturel Les cycles économiques sont des fluctuations récurrentes et généralisées de l activité économique. Que ce soit de sommet à sommet ou de creux à creux, ils peuvent durer de un à dix ou douze années et être d amplitude variable. De 1947 à 1992, treize cycles économiques ont eu cours, ce qui indique des cycles d une durée moyenne de trois ans et demi. L expansion de huit ans entre 1982 et 1990 a été la deuxième plus longue depuis celle des années 60 (1961 à 1970) tandis que la dernière expansion atteignait huit ans en 2000. La longévité de ces deux dernières expansions a incité des économistes à se demander si l activité économique devient plus stable et les cycles plus longs, d autant plus que les périodes de récession tendent à être plus courtes. En revanche, plusieurs auteurs ont soutenu qu il n y a que très peu de relation entre la durée d une expansion et la probabilité qu elle se termine. En 6

d autres termes, les cycles économiques sont assez bien définis, mais on est encore loin de leur trouver une explication générale. On sait que la dernière expansion ne se déroule pas dans le même cadre que les deux précédentes, ou que celle des années 60. Les taux d inflation, d intérêt et de croissance des salaires restent faibles. On ne voit pas non plus les importants déficits gouvernementaux des années 80 ou du début des années 90. Un dernier élément de contexte pourrait être l observation de l augmentation constante des taux de chômage au cours des quatre dernières décennies. Mais il est possible que cette tendance se brise puisque le taux de chômage a baissé, en moyenne, depuis le milieu des années 90. En somme, il ne sera jamais possible d apparier exactement les taux de cotisation aux cycles économiques. Il faudra probablement évaluer un ensemble de scénarios et choisir, parmi toutes les éventualités, celle qui offre la meilleure perspective de stabilité. Des révisions fréquentes seront nécessaires et inévitables chaque année. Le Régime d assurance-emploi a toujours été considéré comme un «stabilisateur automatique» du revenu des personnes en recherche d emploi, pour employer une expression économique. C est dans ce sens que les prestations de chômage atténuent les effets des mauvaises conjonctures économiques. Cependant, les taux de cotisation doivent être également stables dans le temps, tant pour prévenir l augmentation des taxes sur la masse salariale des employeurs que pour éviter une diminution du revenu des employés. Seule une réserve adéquate, à laquelle nous avons fait référence précédemment, peut garantir cette stabilité dans le temps et, par conséquent, estomper les effets négatifs de mauvaises conjonctures économiques. 7

Les taux de cotisation devraient être relativement stables au fil du temps Selon l actuaire en chef de la Commission 5, un taux stable se situant entre 1,70 % et 2,20 % pourrait couvrir les coûts du Régime sur une longue durée, en utilisant les excédents des bonnes années pour combler les déficits des autres années. Le taux inférieur, soit 1,70 %, correspond à un taux de chômage moyen de 7,25 %. Au taux supérieur de 2,20 % correspondrait un taux de chômage de 9,9 %. On peut noter que la valeur stable de cotisation sur une longue durée et le niveau des réserves sont liés, car des réserves plus élevées permettront des taux de cotisation moindres à terme, grâce aux intérêts sur ces réserves. Techniquement, la réserve devrait atteindre son apogée après que le taux de chômage, ayant atteint son plus bas niveau, s apprêtera à remonter au-delà du niveau moyen pour le cycle économique. Comme nous l avons mentionné précédemment, on estime qu une réserve de dix à quinze milliards de dollars devrait, à la veille d une récession, permettre de rencontrer tous les coûts à survenir au cours de celle-ci. Par conséquent, l objectif d une certaine stabilité des taux de cotisation au cours d un cycle économique devrait viser à produire des taux qui permettraient de rencontrer les coûts qui découlent de la fluctuation du chômage plus une «prime» pour la réserve. LA RÉPARTITION DES TAUX DES COTISATIONS OUVRIÈRES ET PATRONALES Contexte historique Depuis 1972, les employeurs paient 1,40 $ de cotisation d assurance-emploi pour chaque dollar payé par les employés (article 68). Ils paient ainsi 58 % des coûts du programme d assuranceemploi alors que les travailleurs paient le reste. Avant 1972, la contribution des employés et des travailleurs était égale. 5 Rapport de l actuaire en chef sur les taux de cotisation de l assurance emploi pour 2000, p. 9, 20 octobre 1999. 8

Lorsqu il a été adopté dans le programme d assurance-chômage en 1972, le multiplicateur de 1,4 de l employeur se fondait sur deux éléments : d abord, la fixation prévue de taux particuliers pour 1974 et 1975 et, en second lieu, le fait que les taux de cotisation qui en découleraient devaient demeurer inférieurs à ceux de la législation précédente. Le multiplicateur de 1,4 pour l employeur a été établi en vertu de l établissement de taux particuliers parce que l'on estimait que l imputation de mises à pied aux employeurs et des autres coûts du secteur privé aux employés (principalement les prestations spéciales et les prestations régulières ne découlant pas d'une mise à pied d'un employeur) auraient pour effet de faire porter aux employeurs une plus large part des coûts du secteur privé qu'aux employés. Ces coûts du secteur privé avaient pour objet d exclure le coût des prestations provenant d un taux de chômage élevé, de plus de 4 %, ce qui devait être imputé au gouvernement fédéral. Le multiplicateur de 1,4 avait été établi comme un taux «par défaut» pour tous les employeurs en attendant l adoption de taux particuliers. Il a été maintenu en 1977 malgré le fait que les dispositions du projet sur l établissement de taux particuliers aient été retirées. Il a été également maintenu lorsque le gouvernement fédéral a décidé, en 1990, de ne plus contribuer au financement du Régime de l assurance-emploi. Y a-t-il une justification pour que les employeurs paient 1,4 fois le taux des employés? La décision de faire en sorte que les employés et les employeurs contribuent à un régime d assurance s appuie de façon générale sur la notion de responsabilité. Cette notion peut s expliquer de multiples façons : En ce qui a trait aux pensions, on maintient généralement que les travailleurs sont responsables de prendre les mesures pour subvenir à leurs besoins pendant leurs vieux jours. On soutient, par ailleurs, que l employeur devrait également contribuer en payant, par exemple, pour la «dépréciation» de son capital humain. 9

Le fait que les employés ou les employeurs - ou encore les deux - contribuent au financement d un régime de prestations les amène à s intéresser à sa conception et à son fonctionnement. Une contribution au financement d un régime procure aux employés un sens de l admissibilité, voulant que les prestations leur soient payées en vertu de droits acquis. Pour les employeurs, leur contribution leur permet également de profiter de la fidélité et de la bonne volonté de l employé en raison de l ensemble des avantages sociaux. Rien n indique précédemment que le financement conjoint à l assurance-emploi doit s effectuer selon un ratio en particulier, bien qu il ait été de 50/50 par le passé. Bon nombre de régimes de retraite complémentaires et de nombreux avantages sociaux sont financés sur cette base par exemple, même si d autres arrangements sont possibles pour des raisons liées à l impôt. Pour ce qui est des régimes publics, alors que le Régime d'assurance-emploi canadien affiche un ratio de partage de 7 à 5 entre les employeurs et les employés, le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec ont un ratio de 50/50. Il n y a donc aucune justification économique, et encore moins administrative, pour que le taux de cotisation des employeurs à l'assurance-emploi soit plus élevé que celui des travailleurs. LE NOUVEAU CONTEXTE À l heure actuelle, les employeurs paient 60 % des coûts de l assurance-emploi et les employés 40 % malgré le fait que seulement 7,3 milliards de dollars sur un total de 18,8 milliards sont utilisés pour de réelles prestations d assurance-emploi. Dans le passé, le gouvernement pouvait avancer l argument selon lequel les employés étant les bénéficiaires du Régime, les employeurs sont responsables des licenciements et, par conséquent, ils devraient partager les coûts de l'assurance-emploi. Avec seulement environ 43 % des coûts utilisés pour des prestations réelles d assurance-emploi, et le gouvernement ajoutant 900 millions de dollars de plus en prestations de congés parentaux qui ne sont d aucune façon reliés au marché du travail, la distorsion du ratio des prestations réelles par rapport aux autres prestations est devenue encore plus grande. 10

Par conséquent, le moment est on ne peut plus propice pour non seulement réduire le taux de cotisation, mais également pour avoir un partage plus équitable entre le taux de cotisation des salariés et celui des employeurs. Le CPQ a déjà recommandé au ministre des Finances, le 25 septembre 2000, de considérer une réduction graduelle du multiplicateur de 1,4 pour la cotisation des employeurs. Les estimations produites par les services actuariels de la Commission de l assurance-emploi indiquent qu une diminution du multiplicateur de 1,4 à 1,0 de 2001 à 2004 coûterait 820 millions de dollars en 2001, 1,6 milliard en 2002, 2,5 milliards en 2003 et 3,3 milliards en 2004. Compte tenu des prévisions d excédents au compte de l assurance-emploi jusqu en 2006, il y a une grande marge de manœuvre pour réaliser une répartition plus équitable des taux de cotisations ouvrières et patronales sur une période de quatre ans. CONCLUSION Élaborer un mécanisme transparent et durable pour établir les taux de cotisation à l assuranceemploi rend impérieux une réforme du Régime. En effet, si seul un mécanisme de détermination des taux est mis en application en 2005, le gouvernement fédéral continuera, comme par le passé, à intégrer les recettes et les dépenses de l assurance-emploi aux recettes et dépenses générales du gouvernement. Les cotisants au Régime que sont les employeurs et les employés resteront des témoins passifs, et aucune réserve ne sera constituée pour assurer la stabilité des taux au fil du temps. Dans un tel contexte, il n y aura pas d amélioration de la gestion des dépenses, et les cotisants n auront aucune responsabilité en ce qui a trait à la reddition des comptes. S il incombe au gouvernement de s assurer que le Régime d assurance-emploi doit demeurer un programme d assurance public et obligatoire, financé par un impôt sur la masse salariale, une commission de l assurance-emploi autonome pour établir les taux de cotisation est seule garante de transparence. 11

Le maintien d une réserve suscitera des demandes pour accroître les prestations, pour réduire les taux de cotisation ou pour affecter les fonds à diverses fins. C est une raison de plus pour établir une commission autonome. Par ailleurs, le Régime de l assurance-emploi doit revenir à sa mission première, qui consiste à être un régime de remplacement du revenu. Toutes les mesures à caractère social évaluées à environ 3,1 milliards de dollars, en 2002, devraient être financées par d autres programmes. Cela permettrait un fardeau de taxes sur la masse salariale moins lourd sur les épaules des employeurs et des revenus additionnels plus importants pour les employés. Cela favoriserait également la création d emplois. Quant au mécanisme d établissement des taux, on peut le résumer en quelques points : D abord, à l aide de l expertise de certains organismes du secteur privé, l actuaire en chef de la Commission de l assurance-emploi détermine les prévisions pour le taux de chômage. Deuxièmement, il faut établir le taux stable de cotisation qui permettrait d acquitter tous les coûts du Régime au cours d un cycle économique, taux qui s établit probablement entre 1,70 % et 2,20 %. Plus on portera les réserves à un niveau élevé, plus les revenus d intérêt permettront de réduire ce taux. Troisièmement, une somme d au moins dix milliards de dollars semble suffisante pour affronter les hausses de coûts occasionnées par une récession et ce, sans augmentation des cotisations. Quatrièmement, il peut parfois être opportun de tenir compte de facteurs additionnels, telles la difficulté, en tout temps, de faire des prévisions précises, la tendance haussière du chômage au cours des décennies antérieures, la possibilité d amendements au Régime ou l éventualité d événements ou de catastrophes imprévus. C est pourquoi il faut s attendre à des ajustements occasionnels du taux de cotisation. Les erreurs inévitables de prévision ne permettent pas une stabilité totale. Cinquièmement, il faut rétablir la parité des taux de cotisation entre employeurs et employés. 12

Finalement, il ne s agit pas aujourd hui de fixer les taux de cotisation des dix prochaines années, mais bien de tenir compte de perspectives raisonnables en fixant les taux annuellement, trois mois avant la fin de l année civile. CPQ Mai 2003 13