Office fédéral des assurances sociales Effingerstrasse 20 3003 Berne Paudex, le 12 mars 2014 AM/ir/sov Réforme de la prévoyance vieillesse 2020 : prise de position Madame, Monsieur, Nous avons examiné le dossier cité en titre et vous transmettons nos commentaires à son sujet. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Les défis démographiques et économiques allongement de l espérance de vie, taux de natalité bas, faiblesse persistante des taux d intérêt auxquels est confrontée la prévoyance vieillesse suisse doivent être relevés dans un avenir proche, afin de pouvoir consolider un système qui a largement fait ses preuves jusqu à ce jour. Il nous apparaît juste de placer la réforme dans une vision d ensemble 1 er et 2 ème piliers et de proposer un projet unique et global, même si cela n est pas sans risque et peut multiplier les critiques et objections. Nous sommes par ailleurs attachés au maintien d un juste équilibre entre AVS et 2 ème pilier. Conjuguée à l AVS/AI, la prévoyance professionnelle doit continuer de permettre aux assurés de conserver leur niveau de vie antérieur et il est donc pertinent que les objectifs de la réforme s orientent sur le maintien du niveau de prestations des deux piliers ainsi que sur la garantie de l équilibre financier de l AVS et de la prévoyance professionnelle. Toute velléité de renforcer le premier pilier au détriment du second comme tente, soit dit en passant, de le faire la gauche avec son initiative AVS plus - doit être combattue. Cela étant posé, si nous estimons nécessaire de maintenir les prestations, toute extension de ces dernières doit cependant être proscrite, au vu des problèmes de financement auxquels sont confrontées ces deux branches d assurances. S agissant de l âge de la retraite et compte tenu de la nette prolongation de l espérance de vie, en particulier chez les femmes, et des impasses budgétaires qui attendent la prévoyance vieillesse, son élévation à 65 ans pour les femmes sur une période de six ans, ce qui est acceptable -, tant dans l AVS que dans la prévoyance professionnelles se justifie pleinement. Nous allons même plus loin, puisque nous considérons qu un relèvement général de la retraite au-delà de 65 ans qui pourrait être très progressif, par exemple d un mois chaque année - doit être sérieusement envisagé et non pas balayé d un revers de main, comme le fait le Conseil fédéral dans son rapport. Il s agit là d une solution préférable à d autres types de financement, telle qu une augmentation de la TVA ou, pire encore, des cotisations (voir plus loin).
2 CONSIDÉRATIONS RELATIVES À L AVS Flexibilisation de la retraite Le projet prévoit la possibilité d une rente anticipée à partir de 62 ans et d une rente ajournée jusqu à 70 ans. En soi, l anticipation, même une année plus tôt qu actuellement, ne pose pas de problème dès lors qu une réduction actuarielle, garantissant la neutralité des coûts, est appliquée. En revanche, l atténuation de la réduction pour les bas revenus est techniquement très compliquée et constitue une extension de prestations malvenue, surtout lorsqu on sait qu elle ne bénéficiera qu à 5'000 personnes et que les faibles montants de rente concernés ne permettront pas de prendre une retraite anticipée en l absence d un bon plan du 2 ème pilier. Quant à l ajournement jusqu à 70 ans, il est déjà pratiqué actuellement. Pour le reste et de manière générale, nous relevons que les dispositions relatives à la flexibilisation sont touffues et compliquées à souhait, qu elles relèvent quasiment de «l usine à gaz» et qu il est absolument indispensable de les simplifier. En voici quelques exemples non exhaustifs : l assuré pourrait décider d anticiper sa rente selon un rythme mensuel, ce qui compliquera notablement la tâche des organes d exécution. Il serait préférable d en rester à un rythme d une année, comme c est le cas actuellement; l anticipation comme l ajournement serait possible non seulement pour la rente entière, mais également pour une partie de la rente (entre 20% et 80%!). Là aussi, les difficultés d application seront énormes et coûteuses. Nous préconisons l anticipation ou l ajournement soit d une rente entière, soit d une demi-rente; la faculté d anticiper une partie de rente et ensuite d en ajourner également une partie donne des possibilités innombrables aux assurés, qui n ont aucune justification, notamment au vu des montants en jeu. Nous ne sommes plus ici dans une démarche de flexibilisation, mais dans celle d une véritable retraite à la carte, peu compatible avec les exigences d une assurance telle que l AVS; la suppression de la franchise de cotisation pour les assurés qui continuent de travailler au-delà de la retraite reviendrait à supprimer une incitation à poursuivre son activité et pourrait dissuader nombre d entreprises à continuer à engager ces assurés, ce qui va à l encontre de l objectif visé par la réforme. En résumé, la réglementation prévue est irréaliste. Elle entraînera des coûts administratifs inconsidérés pour les caisses AVS, notamment en raison des nombreux calculs à effectuer et sera également compliquée pour les assurés, qui auront davantage de peine à comprendre les conséquences financières de leur choix. Nous sommes bien au-delà de ce qu on peut communément entendre par «retraite flexible». Il est donc impératif d en revenir à quelque chose de plus simple, de plus schématique, tout en maintenant, comme c est le cas aujourd hui d ailleurs, des possibilités d anticipation et d ajournement de la rente pour ceux qui le souhaitent. Prestations de survivants Bien qu il faille s attendre à ce que les adaptations prévues dans le projet concernant les conditions d octroi de la rentre de veuve et de veuf soient combattues au niveau politique, nous soutenons les mesures proposées. Tout d abord, parce que nous sommes convaincus que nous ne pouvons pas renoncer, vu l importance du déficit de financement enregistré par l AVS, aux économies de quelque 400 millions de francs qu engendrerait la mise en œuvre de cette mesure. Ensuite, parce qu il faut en l occurrence aussi tenir compte du fait que de plus en plus de femmes possèdent désormais de très bonnes formations; on peut donc exiger des veuves sans enfant qu elles se réinsèrent dans la vie active après le décès de leur conjoint et, lorsque cela n est pas possible, les soutenir au moyen de prestations sous condition de ressources ciblées. La réglementation transitoire prévue est d ailleurs de nature à éviter des effets indésirables du point de vue social.
3 Il s agira toutefois de supprimer les effets de seuil indésirables ou les risque d inégalité de traitement : par exemple, une femme qui, au décès de son mari, aurait un enfant de 19 ans qui ne serait pas en formation, mais qui reprendrait des études plus tard, par exemple à 20 ans, n aurait, au vu du projet, pas de droit à la rente! Indépendants / Egalité de traitement en matière de cotisations Compte tenu du fait que les indépendants paient seuls leurs cotisations et que beaucoup n ont pas des revenus élevés (60% d entre eux bénéficient aujourd hui du barème dégressif), la nouvelle réglementation proposée n est pas satisfaisante. Nous demandons le maintien du taux actuel ainsi que celui du barème dégressif. On pourrait tout au plus admettre que ce dernier ne soit plus systématiquement adapté à l augmentation des rentes. Il est à noter par ailleurs que l augmentation proposée des cotisations des indépendants entraînerait à coup sûr un nombre considérable de demandes de réductions de cotisation, comme le permet la loi, chose très rare aujourd hui. Quant à la déduction actuelle des rachats effectués dans le 2 ème pilier, elle encourage les indépendants à se constituer une bonne prévoyance professionnelle et doit à nos yeux être maintenue. Relèvement de la TVA en faveur de l AVS Malgré l allégement, à vrai dire assez limité, du budget de l AVS apporté par la réforme (environ 1,4 millard de francs), il subsistera, du fait de l évolution démographique, un manque de financement de quelque 7,2 milliards à l horizon 2030. Le combler par une augmentation de la TVA de 2 points n est pas acceptable. Cela signifierait une réduction importante du pouvoir d achat des ménages, qui entraînerait à son tour une baisse de chiffre d affaires dans de nombreuses branches. Le rapport explicatif est d ailleurs peu convaincant concernant les effets d une telle hausse, partant de l idée, un peu simpliste, que l augmentation des prix à la consommation entraînera, dans bien des cas, une hausse des salaires. Comme nous l avons déjà mentionné dans le chapitre «Considérations générales», il nous apparaît bien plus que la question du relèvement de l âge de la retraite au-delà de 65 ans pour assurer durablement le financement de notre sécurité sociale ne doit plus être un tabou. De nombreux Etats européens s engagent dans cette voie et la Suisse devrait, elle aussi, l envisager. Affirmer, comme le fait le rapport, que le marché du travail suisse actuel ne permettrait pas d absorber les travailleurs plus âgés, est un raisonnement des plus discutables, au regard de la pénurie de personnel dans de nombreux secteurs, des compétences recherchées et de l appel soutenu à la maind œuvre étrangère. L âge d entrée dans la vie active des jeunes générations, toujours plus tardif, plaide également en ce sens. Au vu de l évolution démographique, les entreprises doivent être à même de relever le défi d employer davantage et plus longtemps les seniors. Mécanisme d intervention Le mécanisme d intervention tel que proposé par le Conseil fédéral est un signe évident qu il ne croit guère que les mesures prévues dans son projet suffiront à assurer durablement le financement de l AVS. Toujours est-il qu il est à nos yeux justifié d introduire un frein à l endettement, ou une règle de stabilisation, dans l AVS, comme dans les autres branches d assurances sociales, destiné à prévenir en temps utile toute dérive financière. Cependant, nous nous opposons catégoriquement à l introduction d un mécanisme d intervention incluant l augmentation automatique des cotisations salariales. Si mesures automatiques il doit y avoir, elles doivent s orienter exclusivement sur les dépenses, et non sur des recettes supplémentaires, et être accompagnées, en parallèle, par des propositions de modifications législatives visant à la consolidation financière de l assurance.
4 Cela étant, notre proposition d élévation générale de l âge de la retraite devrait prévenir l activation d un tel mécanisme d intervention. C est d ailleurs aussi le sens de la motion de Courten, déposée au Conseil national, et qui mériterait qu on y porte une attention particulière (motion 13.3542) Contribution de la Confédération Nous ne voyons pas la nécessité, pour la Confédération, de réduire sa participation financière à l AVS, accroissant ainsi de quelque 550 millions le besoin de financement déjà important de cette assurance. Nous préconisons donc une participation inchangée de la Confédération aux dépenses de l AVS. Autres questions spécifiques à l AVS Principe de l assujettissement au lieu de travail : il s agit là d une bonne proposition, qui correspond d ailleurs à ce qui est appliqué au niveau international. Assurance continuée : la réduction de l affiliation préalable pour pouvoir bénéficier de l assurance continuée (trois ans plutôt que cinq ans) est une bonne chose. Lorsqu on sait que de cette assurance continuée dépend aussi le maintien dans l institution de prévoyance de l entreprise, la situation actuelle constitue une entrave de taille pour les entreprises à vocation internationale qui envoient leurs cadres à l étranger et souhaitent leur offrir un bon niveau de prévoyance. Nous préconisons même une diminution jusqu à deux ans de cette exigence d affiliation. Système de contrôle interne : les caisses AVS sont aujourd hui déjà soumises à un contrôle strict, puisqu elles sont contrôlées, de par la loi, deux fois par année et par des réviseurs spécialement formés à cet effet. Et des «systèmes de contrôle interne» sont aujourd hui déjà intégrés dans les règlements. Nous nous opposons à l adaptation proposée au niveau de la loi, car elle imposerait aux caisses un surcroît de charges administratives inutile en les obligeant à adapter tous les règlements par l intermédiaire de procédures lourdes et pesantes, sans leur apporter d améliorations matérielles. Sûretés : nous nous opposons à l augmentation du montant minimal des sûretés. Cela pénaliserait les petites caisses et on peine à y voir une justification, dès lors que les fonds sont transférés quotidiennement à la Centrale de compensation. L exigence de sûretés apparaît de nos jours dépassée. CONSIDÉRATIONS RELATIVES À LA LPP Taux de conversion minimal Pour la prévoyance professionnelle, fondée sur le système de capitalisation, il est indispensable d instaurer un équilibre entre les rentes qui devront être versées, d une part, et les cotisations et les rendements obtenus, d autre part. Or, utiliser un taux de conversion trop élevé pour le calcul des rentes signifie que les promesses de prestations ne pourront être tenues, au vu de la prolongation de l espérance de vie et de la faiblesse persistante du «troisième cotisant». Une diminution du taux de conversion est donc inéluctable. Faut-il pour autant l abaisser de 6,8% à 6% sur quatre ans, comme le prévoit le rapport du Conseil fédéral? Tout d abord, il nous semble qu un étalement de la diminution du taux, par exemple sur six ans, aurait un effet moins brutal et diminuerait la pression sur les mesures de compensation (voir plus loin). Mais aussi et surtout, si l on nous suit dans notre proposition d un relèvement de l âge de la retraite, ce qui permettrait d augmenter le capital d épargne, il est évident que la diminution de ce taux pourrait être moins radicale et les conséquences financières au titre des mesures de compensation moins douloureuses. Le taux de conversion étant un sujet politiquement sensible, cela aurait de plus, comme effet bénéfique, de moins entamer la confiance des citoyens dans le 2 ème pilier. Faut-il rappeler à cet égard qu il n y a pas si longtemps une proposition de baisse à 6,4% a été balayée en votation populaire (73% de «non» )?
5 Aussi sommes-nous d accord avec un abaissement du taux de conversion, mais dans une proportion moindre que prévu et davantage étalé dans le temps, couplé avec un relèvement progressif de l âge de la retraite au-delà de 65 ans. Mesures de compensation Comme nous l avons déjà dit, nous sommes favorables au maintien du niveau des prestations, afin de ne pas affaiblir le 2 ème pilier, ce qui rend nécessaires les trois mesures d accompagnement prévues : abaissement de la déduction de coordination, relèvement des bonifications de vieillesse et mesures en faveur de la génération de transition. Mais nous répétons que, grâce à notre proposition de relèvement de l âge de la retraite, qui permettrait une diminution moindre du taux de conversion, ces mesures pourraient être sensiblement atténuées et donc être moins coûteuses pour les salariés et les employeurs en termes d augmentation de cotisations. S agissant plus particulièrement de la troisième mesure versement unique aux plus de 40 ans par le Fonds de garantie -, le mécanisme proposé paraît beaucoup trop complexe (gestion d un compte témoin double pendant 25 ans au moins!) et aura pour effet d accroître les frais administratifs; il conduira à une redistribution systématique à l intérieur des caisses et entre elles et il comporte de nombreuses incertitudes. A l instar de l Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP), nous demandons une solution décentralisée. Les caisses de pensions doivent assurer une garantie de prestations en francs, sur dix ans, et ce pour la rente de vieillesse projetée sans intérêts à l âge de 65 ans, conformément aux paramètres en vigueur. Le financement de la garantie de prestation doit être l affaire des institutions de prévoyance. Cette procédure permettrait à ces dernières de prendre des mesures de manière responsable. Une baisse du taux de conversion sur un plus long terme, comme cela a déjà été évoqué, aurait ici tout son sens. Baisse du seuil d entrée dans la LPP Certes, cette mesure coûtera aux entreprises et aux salariés, mais elle aura pour conséquence qu environ 90% des salariés bénéficieront de l assurance obligatoire. Nous pouvons donc y souscrire, dans la mesure où elle est de nature à renforcer le 2 ème pilier. Autres questions spécifiques à la LPP Extension de l assurance facultative : la proposition est à saluer. Elle permettra aux personnes qui perdent leur emploi entre 58 et 60 ans et qui continuent à cotiser au 2 ème pilier de déduire leurs cotisations du revenu imposable. Versement des avoirs de libre passage sous forme de rente : l obligation faite à la caisse supplétive de verser l avoir de vieillesse sous forme de rente viagère si l assuré le demande est une bonne mesure, sociale et efficace. Fixation ex post du taux d intérêt minimal LPP : la fixation rétroactive du taux conduit à des complications importantes et inutiles en matière de gestion et doit être rejetée. Amélioration de la prévoyance professionnelle des indépendants travaillant seuls : nous saluons l élargissement des possibilités données à ces indépendants de s affilier à des fondations collectives et communes. Liquidation partielle : le cadre légal actuel est trop rigide et la proposition de déléguer au Conseil fédéral la compétence de définir les cas dans lesquels il est possible de renoncer à une liquidation partielle nous semble opportune. Possibilité de rachat : nous approuvons le droit donné à l assuré de pouvoir racheter les prestations au-delà de l entrée dans l institution de prévoyance (par exemple à la suite d un héritage), ce qui est de nature à augmenter sa rente de retraite.
6 Suppression de la compétence du Conseil fédéral de fixer le taux d intérêt technique : il est juste de laisser à chaque institution de prévoyance la compétence de fixer ce taux. Cela accroît leur autonomie et souligne le caractère privé et décentralisé de la prévoyance professionnelle. Mesures d ordre institutionnel dans la prévoyance professionnelle : l ensemble des mesures décrites aux pages 78 à 85 du rapport du Conseil fédéral ne font qu augmenter la densité législative et ne contribuent aucunement à consolider les bases financières de la prévoyance professionnelle. Elles ne font que surcharger un projet qui l est déjà passablement et doivent être rejetées. Nous vous remercions de l attention que vous porterez à ces lignes et vous prions d agréer, Madame, Monsieur, l expression de nos sentiments les meilleurs. Centre Patronal Alain Maillard