L'extension de la sécurité sociale aux populations non couvertes



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Transcription:

Association internationale de la sécurité sociale Colloque des directeurs d'institutions de sécurité sociale des pays francophones d'afrique Limbé, Cameroun, 28-30 janvier 2004 L'extension de la sécurité sociale aux populations non couvertes Rapport du Bénin Directeur général adjoint Caisse nationale de sécurité sociale Bénin ISSA/AFR/RM/CAMEROUN/04/2b

L'extension de la sécurité sociale aux populations non couvertes Rapport du Bénin Directeur général adjoint Caisse nationale de sécurité sociale Bénin Introduction A l instar de la plupart des pays dans le monde, l un des problèmes majeurs de la sécurité sociale au Bénin est que la plus grande partie de la population ne bénéficie d aucune protection. L extension de la sécurité sociale aux populations exclues est donc une des principales priorités de l Etat béninois qui a pour souci de réaliser, progressivement, des programmes de protection sociale cohérents et adaptés à ses réalités. Le présent rapport passe en revue l expérience béninoise en matière d élargissement des avantages de la sécurité sociale à la majorité exclue. Il examine, d abord, les caractéristiques essentielles des mécanismes de sécurité sociale existant dans le pays. Il présente, ensuite, les faiblesses de ces mécanismes et les caractéristiques des nouveaux dispositifs qui ont été créés avant d aborder les stratégies envisagées pour le long terme et les difficultés qui subsistent. Les premiers régimes de sécurité sociale mis en place au Bénin et leurs caractéristiques Les premiers régimes de sécurité sociale mis en place au Bénin sont ceux destinés aux personnes exerçant leurs activités professionnelles dans le secteur formel. Il s agit essentiellement du régime général de sécurité sociale administré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et du régime spécial destiné aux fonctionnaires civils et militaires géré par le Fonds national de retraite du Bénin (FNRB). Le régime général de sécurité sociale Le régime général, géré par la CNSS, a été mis en place au Bénin par l arrêté no 225 ITLS/D du 26 janvier 1956, arrêté portant organisation et fonctionnement de la Caisse de compensation des prestations familiales du Territoire du Dahomey. Trois ans plus tard, la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles a été instituée par l ordonnance no 10 PCM du 21 mars 1959.

2 Enfin, par l ordonnance 73-3 du 17 janvier 1973, la branche des pensions de vieillesse, d invalidité et de survivants a été créée. Ainsi, la CNSS couvre, actuellement, six des neuf risques définis par la convention no 102 de l Organisation internationale du Travail (OIT). Ces risques sont les suivants: les risques de maternité (grossesse, maternité, perte de salaire afférent); les risques de charge de famille (enfants à charge); les risques professionnels (accidents du travail et maladies professionnelles); le risque de vieillesse normale; le risque d invalidité; le risque décès (protection des survivants). Ces différents risques sont regroupés dans trois branches de prestations à savoir: la branche des prestations familiales qui a pour mission la gestion des risques de maternité et de charges de famille; la branche des pensions de vieillesse, d invalidité et de survivants; la branche des risques professionnels qui a en charge la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles. En ce qui concerne les catégories de personnes assurées, susceptibles de bénéficier des différentes prestations servies par la CNSS, elles sont constituées des travailleurs salariés du secteur privé soumis aux dispositions du Code du travail, des travailleurs des collectivités locales et des travailleurs des organismes publics autonomes. Le financement du régime de sécurité sociale géré par la CNSS devait, conformément aux textes, être assuré par les cotisations des employeurs et des travailleurs, les dons et legs, les produits des placements et les subventions de l Etat. Mais les ressources de la CNSS sont, aujourd hui, essentiellement constituées des cotisations des employeurs et des travailleurs, des produits des placements et des loyers. Pour être éligible à la CNSS, il faut être travailleur salarié et remplir certaines conditions spécifiques à chaque type de prestations. Le régime des fonctionnaires Dans le domaine de la sécurité sociale, les agents permanents de l Etat (fonctionnaires), et leurs ayants droit bénéficient des allocations familiales qui sont considérées comme des compléments de salaires, des pensions et des rentes viagères. Il convient de noter que des dispositions existent en matière d assurance maladie et de prestations d accidents du travail, mais sous formes diffuses à travers des mécanismes de prise en charge des soins de santé prévoyant le remboursement aux fonctionnaires assurés de 80 pour cent des dépenses, à l exception des frais pharmaceutiques. L Etat assure cet important service public mis en place en 1961 par la loi 61-12 du 8 juin 1961 fixant le régime de pension de la Caisse de retraite du Dahomey par l intermédiaire de la Direction générale du budget du ministère des Finances. En ce qui concerne les catégories de personnes assurées, il s agit de l ensemble du personnel des Départements de la fonction publique et du personnel des forces armées.

3 Pour accomplir sa mission, le Fonds national de retraite du Bénin dispose de huit sources de recettes prévues à l article 78 de la loi no 86-014 du 26 septembre 1986 portant code des pensions civiles et militaires. Ces sources de recettes sont: les retenues de 6 pour cent prélevées sur le traitement des agents permanents de l Etat civils et militaires affiliés et les contributions correspondantes des budgets des employeurs. Ces contributions, dont le taux est de 14 pour cent, ainsi que la retenue sur les traitements des affiliés, sont portées mensuellement au crédit du compte ouvert au nom du FNRB dans les écritures du Trésor. Les autres sources de recettes sont les versements effectués pour rachat des services accomplis sous les régimes de retraite coordonnés avec le présent régime, les versements effectués pour la validation des services auxiliaires et des stages, les revenus des capitaux, les dons et legs, les ressources accidentelles, et toutes subventions éventuelles de l Etat destinées notamment à assurer l équilibre financier du Fonds. Pour être éligible, il faut être fonctionnaire ou personnel des forces armées avec une rémunération provenant du budget national, et remplir certaines conditions particulières spécifiques à chaque type de prestations. Les faiblesses des régimes de sécurité sociale existants La source première des faiblesses des régimes de sécurité sociale institutionnels est qu ils constituent une importation des systèmes existant dans les pays européens colonisateurs, sans aucune adaptation notable au contexte et aux réalités africaines. De ce fait, leur champ d application personnel est encore limité aux travailleurs salariés, aux fonctionnaires et aux personnes à leur charge. La population couverte par ces systèmes représente à peine 20 pour cent de la population totale. L extension de ce champ d application pose d énormes problèmes en raison, du fait, que le marché du travail est caractérisé par une forte proportion de travailleurs relevant du secteur informel. Or, c est un secteur dont l organisation ne permet pas la transposition du système de sécurité sociale institutionnel. De plus, les revenus des travailleurs de ce secteur sont généralement bas et rarement en espèces. Au niveau du régime des fonctionnaires, le principe d unité de caisse ne permet pas de prêter une attention particulière aux dépenses rattachées au Fonds national de retraites du Bénin. Une telle situation et la non-production de la situation financière annuelle du Fonds à l Assemblée nationale ont largement contribué au défaut d une adéquation entre les recettes et les dépenses dudit Fonds. Cette disproportion importante entre les charges et les recettes effectives risque de mettre en cause la survie même du Fonds national de retraites du Bénin sur lequel les fonctionnaires affiliés ont pourtant fondé tous leurs espoirs pendant longtemps. Pour la Caisse nationale de sécurité sociale, un nombre important de personnes ayant la qualité d employeurs sont insolvables. Les conséquences d une telle situation sont graves, car l institution se retrouve face à un dilemme: soit payer des prestations pour lesquelles elle n a pas reçu les cotisations en contrepartie, provoquant ainsi un déséquilibre financier entre ses ressources et ses charges; soit pénaliser l assuré en ne lui faisant pas bénéficier des prestations auxquelles il a droit et pour lesquelles la part ouvrière lui aurait été retenue.

4 Les deux régimes de sécurité sociale existant ne fournissent pas à leurs membres des prestations qui suffisent à répondre à leurs besoins. Enfin, l un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés, aujourd hui, les régimes de sécurité sociale est la dégradation continue du rapport actifs/inactifs. Ainsi, au Bénin sur environ 7 millions d habitants, à peine 2 millions bénéficient d une protection sociale qui est souvent en inadéquation avec leurs besoins réels; en revanche, plus de 5 millions ne bénéficient d aucune forme de sécurité sociale, d où le besoin de l extension de la sécurité sociale aux couches marginalisées du secteur informel qui s'exprime avec acuité. Mais au regard des besoins exprimés par les populations non couvertes, la question de l extension de la sécurité sociale aux couches sociales marginalisées du secteur informel exige absolument que la notion de risque social soit bien cernée car les facteurs de risques sont nombreux et indistinctement engendrés par les facteurs naturels (écologie, catastrophes naturelles, etc.), les facteurs sociaux (démographie, santé, éducation, etc.), les facteurs culturels (traditionnels, modernités, etc.), les facteurs économiques et politiques (chômage, faiblesse des revenus, difficulté d accès aux moyens de production, etc.). En résumé, les besoins de sécurité sociale des travailleurs du secteur informel peuvent être résumés en quatre points à savoir: les dépenses de santé; la vieillesse; l invalidité; les prestations de survivants; la protection et la scolarisation des enfants. Le besoin d une prestation de retraite est beaucoup plus ressenti par les corps de l artisanat urbain ou rural qui sont mieux organisés. Sinon, la plupart des indépendants sont conscients qu ils n ont pas de retraite et qu ils doivent s organiser pour travailler jusqu à la veille de leur mort. Mais les groupes les plus vulnérables se situent hors des effectifs de la main-d oeuvre occupée à plein temps et sont constitués par: les personnes âgées; les enfants (placés, seuls); les grands malades (sidéens); les femmes à faibles revenus (chef de famille, domestique, etc.). En résumé, au Bénin, dans le secteur informel urbain, la santé est la priorité absolue; dans l inventaire des besoins exprimés par les populations, la santé de la mère et de l enfant constitue la principale préoccupation des intéressés. Ensuite vient le besoin de scolarisation des enfants, en effet, une revendication maintes fois avancée par les groupes interrogés a été celle de l aide à la scolarisation. Il est certain que les frais correspondants constituent une charge importante pour les familles traditionnellement nombreuses. Outre ces deux éléments prioritaires, il est également fait mention des prestations à long terme, s agissant de la retraite et des périodes d inactivité dues à la maladie; les allocations familiales sont mentionnées dans certaines villes.

5 Pour ce qui est de l artisanat rural ou urbain, cette catégorie est nettement mieux organisée et les besoins exprimés sont plus complets. Au-delà de la couverture des soins de santé et de l aide à la scolarisation, l analyse des priorités exprimées révèle un souci d intégration du paramètre retraite, qui traduit une identification au modèle salarial. Ces préoccupations sont identiques chez les populations de l informel concurrentiel. Nouveaux dispositifs mis en place Les faiblesses des régimes de sécurité sociale déjà en place et les besoins parfois divergents des populations non couvertes par rapport aux prestations de sécurité sociale destinées à ces dernières, n ont pas permis d envisager la réalisation d une extension de la sécurité sociale aux populations marginalisées s appuyant sur les régimes existants. En effet, le système moderne de sécurité sociale s est avéré inopérant pour cette catégorie de la population, qui regroupe les paysans, les artisans et les commerçants qui travaillent pour la plupart pour leur propre compte. Ils ont des systèmes traditionnels de protection sociale dont le plus important et le plus généralisé est l entraide qui est l une des valeurs fondamentales des sociétés africaines. Mais, de nos jours, se développe un individualisme en milieu urbain comme en milieu rural, ce qui diminue en partie la solidarité qui existait dans les milieux traditionnels béninois. Pour combler ce vide qui se crée, des expériences en cours tendent à remplacer l entraide traditionnelle spontanée et informelle par des mutuelles basées sur la solidarité. Dans ce cadre, plusieurs mutuelles de santé ont été mises en place par des groupements de paysans, des coopératives de production et des organisations non gouvernementales (ONG). Ce dispositif de protection privé a été renforcé par la mise en place de deux mutuelles de sécurité sociale créées par l Etat béninois dans certains départements du Sud et du Nord, à savoir, la Mutuelle de sécurité sociale des travailleurs du secteur informel de Cotonou et ses environs (MSSC) et la Mutuelle de sécurité sociale pour le secteur informel de Parakou (MSSP). Les mutuelles de sécurité sociale pour le secteur informel de Cotonou et de Parakou ont été créées, respectivement, en 2000 et en 2001, dans le but d enrayer la pauvreté, d une part, de permettre aux populations de se faire soigner en cas de maladie dans les centres de santé et de bénéficier de pensions de vieillesse, d invalidité ou de survivants, d autre part, grâce à leurs cotisations préalables. Elles s intéressent aux associations professionnelles d artisans, d artistes, d agriculteurs, d éleveurs, de pêcheurs, de commerçants, des travailleurs indépendants et des coopératives. Toutefois, les populations déjà affiliées aux régimes existants peuvent souscrire pour la retraite complémentaire. Les mutuelles prennent en charge les personnes des différentes catégories susmentionnées, leur(s) conjoint(es), les personnes âgées à leur charge et les enfants d au plus vingt et un ans. Pour être éligible, il faut remplir les conditions suivantes: résider dans le domaine d intervention de la mutuelle;

6 s acquitter de ses droits d adhésion et cotiser régulièrement; être membre honoraire ou participant; jouir de ses droits civiques et civils; être présent à l Assemblée générale. Le financement des mutuelles de sécurité sociale provient d une subvention de l Etat béninois, des cotisations des membres, des droits d adhésion, des souscriptions des membres honoraires, des dons et legs, des taxes spécifiques de sécurité sociale prélevées par les pouvoirs publics locaux, des produits de placement des fonds, des majorations de retard et toutes autres sources de financement attribuées auxdites mutuelles par leurs statuts et règlements intérieurs. La cotisation pour la branche maladie est de 2 000 francs CFA pour quatre personnes. En retour, les mutualistes bénéficient de 90 pour cent des frais de consultation et de 70 pour cent des frais médicaux et hospitaliers. Il y a également les cotisations de la branche vieillesse qui varient de 2 000 à 50 000 francs CFA et permet d accéder à la retraite. Les organes de gestion des Mutuelles de Cotonou et de Parakou sont: le Conseil d administration; le Conseil de surveillance; la Gérance. Les caractéristiques de chacune des deux mutuelles se présentent comme suit: Mutuelle de sécurité sociale pour le secteur informel de Cotonou et ses environs: Nombre des adhésions par année Année 2000 2001 2002 2003 Total (30 septembre) Effectif des inscrits 44 94 154 395 687 Ressources de la mutuelle de 2000 à 2003 Année 2000 2001 2002 2003 Total Montant 1 070 900 2 690 660 5 704 615 7 312 520 16 778 695 Ces fonds, actuellement déposés dans un compte bloqué, constituent une garantie substantielle pour lesdites mutuelles afin de les rendre autonomes plus tard. S agissant des charges, elles se repartissent en deux catégories: les dépenses de fonctionnement; les dépenses de prestations. Les dépenses de prestations sont constituées des frais des actes médicaux dispensés aux adhérents par l hôpital Saint-Luc de Cotonou.

7 Mutuelle de sécurité sociale pour le secteur informel de Parakou: Nombre des adhésions par année Année 2001 2002 2003 Total Inscrits 118 51 15 184 Ressources de la mutuelle de 2001 au 30 septembre 2003 Année 2001 2002 2003 Total Montant 1 808 550 3 786 331 2 761 353 8 356 234 Pour ce qui est des charges, elles sont constituées des dépenses de fonctionnement et des dépenses de prestations. Cette dernière catégorie de dépense est relative aux frais des actes médicaux dispensés par l hôpital de Boko et le Centre de santé Al-Houda de Parakou. L impact des mutuelles sur les populations cibles peut s apprécier à travers les constats ciaprès. La situation de santé de la population bénéficiaire de cette expérience s est améliorée avec le démarrage des activités de ces deux mutuelles. En outre, l expérience de ces dernières a amélioré le système de solidarité qui existait au niveau de ces régions. L atout le plus important des mutuelles de sécurité sociale est qu elles permettent aux populations concernées d avoir accès à des soins de qualité avec des médicaments essentiels souvent disponibles. Cependant, l installation des mutuelles de sécurité sociale comporte une contrainte essentielle due au niveau de développement économique et sanitaire du Bénin, qui ne permet pas d envisager dans l immédiat une assurance maladie obligatoire et généralisée. Par ailleurs, les mutuelles de sécurité sociale sont encore en expérimentation sous forme de projet et soutenues par l Etat béninois. Les stratégies envisagées pour le long terme En vue du développement des mutuelles dans le contexte socio-économique du Bénin, plusieurs stratégies sont envisagées. Celles-ci, dans leur grande majorité, visent à prendre en compte nos réalités et les moyens ainsi que la capacité d adaptation des populations du secteur informel dont les paysans constituent un élément important. L évolution des mutuelles va donc se développer par les actions et réalisations suivantes. Développement de la solidarité Le système épargne santé et de solidarité, qui a été mis en place avec la prédominance de l épargne santé, s orientera graduellement vers la mutualisation, c est-à-dire vers la prise en charge des gros risques dans le cadre d une solidarité plus importante.

8 Amélioration du suivi des mutuelles L amélioration du suivi et de l encadrement des mutuelles de sécurité sociale nécessitera le recrutement d un certain nombre de personnel qualifié au cours des années à venir. Diversification des productions des paysans et aide à leur développement culturel En vue de permettre aux adhérents d être en mesure de faire face aux cotisations pour garantir leurs soins de santé et ceux de leur famille et promouvoir à leur niveau un développement socioculturel, les mesures suivantes ont été envisagées. Il s agit de: mener des actions permettant aux membres adhérents d avoir des revenus complémentaires. Dans ce sens, le développement des activités secondaires est un moyen sur lequel comptent les responsables des mutuelles de sécurité sociale; développer le volet culturel chez les paysans est important pour leur épanouissement. Autres actions envisagées En dehors de l assurance santé qui octroie actuellement des prestations, les initiateurs de ce projet envisagent d autres actions dans le but d améliorer les conditions de vie des adhérents. Ces actions peuvent être énumérées comme suit: Prévoyance: Il s agit de mettre au point des produits complémentaires en maladies, invalidité et décès du soutien de famille. Action sanitaire et sociale: Diagnostic des besoins; promotion d actions en matière d hygiène et de nutrition; formation des formateurs. Les difficultés Quant aux difficultés, elles se situent au niveau suivant: l insuffisance d information qui entraîne un manque d engouement des populations vis-à-vis de ces projets; l incompréhension qui naît, parfois, entre les centres de santé et les mutualistes qui ne disposent pas généralement de la grille tarifaire des actes; la faiblesse de la participation des adhérents au système, entraînant ainsi une faiblesse du niveau des prestations; l absence de coordination entre la multiplicité de dispositifs de protection sociale existant dans le pays; les membres du Conseil d administration ont tendance à confondre leur statut à celui des membres des Conseils d administration des autres institutions publiques à budget autonome. De ce fait, ils réclament des rétributions pour les responsabilités qu ils assument et dont le non-versement les conduit à accorder peut d intérêt à la vie de ces mutuelles. Pour remédier à toutes ces insuffisances, il importe de mettre en place une structure nationale de coordination des dispositifs de protection sociale existant dans le secteur informel et de la rattacher au Comité national d orientation de la prévoyance sociale créé par décret no 97-639 du 31 décembre 1997.

9 Par ailleurs, la sensibilisation intense de la population cible de nos villes et campagnes dans leur lieu de travail, des associations, groupements professionnels ou organisations, et la création des mutuelles de base dans chaque agglomération permettront de conquérir un nombre important d adhérents.