Droit de préemption et cession de parts de SCI 1 Rappel du champ d application du droit de préemption urbain... 2 2 L extension du champ d application du droit de préemption urbain... 3 3 La procédure de préemption... 5 1
La loi Alur du 24 mars 2014 élargit le périmètre d application du droit de préemption dont bénéficient les communes notamment aux cessions de la majorité des parts d une société civile immobilière (SCI). Bien qu en pratique cette modification des règles du droit de l urbanisme ne devrait pas avoir de conséquences trop importantes, il appartient au rédacteur de l acte de cession d être vigilant pour les cessions susceptibles d être concernées. L essentiel Les cessions de parts d une SCI entrent dans le champ d application du droit de préemption urbain lorsqu elles portent sur la majorité des parts ou si elles ont pour effet de rendre l acquéreur majoritaire dans la SCI à l issue de l opération. Les cessions de parts de SCI familiales, constituées entre parents et alliés jusqu au 4 ème degré ne sont pas concernées. L installation d un périmètre de préemption n est pas automatique et dépend des délibérations de la commune. Les cessions de parts de SCI peuvent être réalisées par acte authentique, par acte contresigné d avocat ou par acte sous seing privé (et donc par un professionnel de l expertise comptable). 1 Rappel du champ d application du droit de préemption urbain Les communes dotées d un plan local d urbanisme approuvé ou d un plan local d occupation des sols rendu public peuvent, conformément à l article L 211-1 du Code de l urbanisme, mettre en place un droit de préemption urbain. L article L 211-4 du Code de l urbanisme excluait du champ d application du droit de préemption urbain la cession de la majorité des parts d une société civile immobilière (SCI) lorsque le patrimoine était constitué d une unité foncière, bâtie ou non bâtie, dont la cession aurait été soumise au droit de préemption. Le Conseil d Etat a défini l unité foncière comme un îlot de propriété d un seul tenant, composé d une parcelle ou d un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision 1. Toutefois, ce même article instaurait un droit renforcé permettant à la commune, par délibération motivée, de préempter les parts d une SCI pour les cessions susvisées. Ce droit de préemption urbain renforcé était inapplicable lorsque la SCI était exclusivement constituée entre parents et alliés jusqu au 4 ème degré. 1 CE 27 juin 2005, n 264667 2
La cession d une minorité de parts d une SCI n était pas soumise au droit de préemption renforcé. 2 L extension du champ d application du droit de préemption urbain La loi pour l accès au logement et à un urbanisme rénové (Alur) modifie le champ d application du droit de préemption urbain. Elle instaure à l article L 213-1 du Code de l urbanisme un paragraphe 3 ) aux termes duquel les cessions de parts de SCI, réalisées à compter du 27 mars 2014, entrent dans le champ d application du droit de préemption urbain lorsque les trois conditions suivantes sont remplies : - la cession porte sur la majorité des parts d une SCI ou conduit un acquéreur à détenir la majorité des parts de la société ; s Les opérations visées sont la cession mais aussi l apport et l échange de parts de SCI. s La cession d une minorité des parts de la SCI peut désormais entrer dans le champ d application du droit de préemption. Exemple : une SCI, dont le capital est divisé en 1 000 parts, constituée entre A et B, A détenant 400 parts et B 600 parts. B cède 250 parts à A. La cession ne porte pas sur la majorité des parts mais a pour effet de rendre A majoritaire à l issue de la cession. Elle entre donc dans le champ d application du droit de préemption. - le patrimoine de la SCI est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession est soumise au droit de préemption ; s Le texte de loi parle d une unité foncière. La question qui se pose est de savoir si une SCI détenant plusieurs unités foncières entrerait dans le champ d application du droit de préemption urbain. Cette question semble appeler une réponse négative (voir notamment Damien Dutrieux, JCP, Notariale et Immobilière n 14, 3 avril 2009, act.288). Cette position se justifie au regard de la lettre du texte de loi mais également de l objectif d intérêt général du droit de préemption. 3
En conséquence, dès lors que la SCI possède au moins deux unités foncières (deux biens immobiliers), elle semble exclue du périmètre du droit de préemption des communes. - la SCI n est pas exclusivement constituée entre parents et alliés jusqu au 4 ème degré. Le Code de l urbanisme ne précise pas si cette condition relative à la constitution de la SCI entre parents et alliés doit être appréciée avant la cession ou à l issue de la cession. Dans le silence des textes, afin de sécuriser la cession, il peut être préconisé que seules les SCI constituées avant la cession et à l issue de la cession entre parents et alliés jusqu au 4 ème degré soient exclues du droit de préemption. Les SCI sont souvent constituées entre personnes d un même groupe familial, aussi ces modifications ne devraient-elles concerner qu un nombre limité de cessions. De plus, l intérêt pour une commune d acquérir des parts de SCI doit être relativisé. s Les donations et les legs entrent également dans le champ d application du droit de préemption des communes mais uniquement lorsqu elles sont effectuées entre personnes ayant des liens de parenté au-delà du 6 ème degré. Par ailleurs, les transmissions à titre gratuit entre conjoints ou partenaires de PACS sont placées hors du champ d application du droit de préemption. La notion «d aliénation à titre gratuit» utilisée dans l article L 213-1-1 du code de l urbanisme pose problème au regard de la notion de succession. Il semble que, dès lors que le défunt avait choisi ses légataires au moyen de dispositions testamentaires, il faille considérer qu une telle succession soit assimilée à une aliénation à titre gratuit et entre donc dans le champ d application du droit de préemption. A contrario, une dévolution successorale ne devrait pas être considérée comme une aliénation à titre gratuit à défaut de manifestation de volonté de la part du défunt préalablement à son décès et devrait ainsi être exclue du droit de préemption. En pratique, il conviendra d être vigilant en présence d une SCI dont les parts sont détenues : - en partie par une personne morale (holding par exemple) ; - par des associés issus d une famille recomposée ; - par des concubins ou des partenaires de PACS. Dans ce cas, la SCI n est plus exclusivement constituée entre parents et alliés jusqu au 4 ème degré. 4
Exemple du calcul du degré de parenté Pour calculer le degré de parenté entre deux personnes, il faut remonter à l ancêtre commun. Monsieur et Madame X ont eu deux enfants lesquels ont également chacun un enfant. Il y a 4 degrés de parenté entre les cousins (petit enfant 1 et petit enfant 2) qui se calcule comme suit : 1 2 Monsieur et Madame X Enfant 1 Enfant 2 Petit enfant 1 Petit enfant 2 Pour rappel, la cession qui ne respecterait pas le droit de préemption de la commune sera entachée de nullité relative. Cela signifie que seule la commune peut agir en nullité de la vente réalisée sans respecter son droit préemption. Cette action en nullité est prescrite au terme d un délai de 5 années. L article 153 de la loi précitée envisageait de réserver la rédaction de l acte de cession de la majorité des parts d une SCI à un notaire, un avocat ou un professionnel de l expertise comptable. L objectif de cet article étant d obliger le recours pour toute cession de parts d une SCI soumise au droit de préemption urbain à un professionnel du droit afin que ce dernier veille à purger le droit de préemption ainsi mis en place. Cette disposition de la loi a été censurée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n 2014-691 DC du 20 mars 2014. Dès lors, la cession de parts d une SCI peut être réalisée, comme auparavant, soit par acte authentique, soit par acte contresigné d avocat, soit par acte sous seing privé (et donc par un professionnel de l expertise comptable). 3 4 3 La procédure de préemption Préalablement à la cession, le propriétaire des parts doit envoyer, en recommandé avec accusé réception, par dépôt contre décharge ou par voie électronique, une déclaration d intention d aliéner mentionnant le prix et les conditions de la vente. Le formulaire est disponible sur le site www.servicepublic.fr, cerfa n 10072*02. 5
La déclaration d intention d aliéner doit être déposée auprès de la commune dans laquelle est situé l immeuble détenu par la SCI. La commune dispose d un délai de deux mois à compter de la date réception de la déclaration pour répondre au titulaire des parts de la SCI et lui formuler son intention d utiliser son droit de préemption : - soit en acceptant l offre ; Si la commune préempte et donne son accord sur le prix fixé par le cédant, ce dernier ne peut plus renoncer à la vente. - soit en formulant une offre d acquisition différente. Dans ce cas, le cédant dispose d un délai de deux mois pour accepter ou refuser la nouvelle proposition, ou renoncer à la vente de ses parts. A défaut d accord sur le prix, et si le cédant ne renonce pas à la vente, le prix sera fixé judiciairement par le juge de l expropriation. Procédure d agrément des nouveaux associés et droit de préemption : quelle articulation? Dans les SCI, la cession de parts à un tiers est soumise à l agrément des associés. Cet agrément, donné dans le cadre d une assemblée générale extraordinaire ou d une consultation écrite, est voté à l unanimité ou selon la majorité fixée dans les statuts. Dans le silence de la loi, la question se pose donc de savoir ce qu il adviendrait en cas de préemption des parts par la commune et de refus d agrément par les associés. En effet, le refus d agrément imposerait le rachat des parts de l associé-cédant soit par la société en vue de les annuler soit par l un des associés. Mais, compte tenu du droit de préemption, ce rachat serait impossible. Dans cette situation : - soit l associé-cédant se trouverait dans l impossibilité de vendre ses parts ; - soit les autres associés seraient dans l obligation d accorder l agrément. Juridiquement, aucune de ces positions n est viable. Toutefois, compte tenu de l objectif d intérêt général de cette disposition, il semble difficile de remettre en cause la préemption de la commune par un refus d agrément. Pour en savoir plus Loi n 2014-366 du 24 mars 2014 pour l accès au logement et un urbanisme rénové Articles L 213-1 et L 213-1-1 du code de l urbanisme 6