Troubles du transit L. Teillet Diarrhées Service de Médecine Gériatrique Hôpital Sainte-Périne - Hôpital Ambroise Paré (AP-HP) UFR Paris Île de France ouest laurent.teillet@spr.aphp.fr Diarrhées aiguës Définition clinique : «émission quotidienne de selles liquides ou non, trop fréquentes et trop abondantes (plus de 300 g par jour)» Augmentation du débit quotidien d'un ou de plusieurs des constituants normaux des selles. Motif fréquent d'appel ou de consultation. Démarche diagnostique pas de particularité liée à l âge A part, le syndrome dysentérique Évacuations glaireuses et sanglantes mêlées ou non à des matières fécales Associe habituellement aux évacuations anormales des épreintes et une sensation de ténesme Atteinte pariétale du tube digestif Fausses diarrhées Stase fécale et hypersécrétion réactionnelle par le recto-sigmoïde Symptomatique d'un ralentissement du transit, (distal). Matières hétérogènes constituées d'un liquide fécal contenant des scybales. La diarrhée peut avoir été précédée d'un bouchon de selles moulées. La fausse diarrhée alterne habituellement avec des périodes de constipation Relève du même traitement que la constipation Pas de traitements qui ralentissent le transit! Fausses diarrhées Tumeurs villeuses rectales Augmentation de l incidence avec l âge Hypokaliémie profondes parfois révélatrices Intervention de Delorme Abus de laxatifs irritants 1
Exploration d une diarrhée aiguë Habituellement, la diarrhée aiguë reste bénigne et le transit habituel reprend vite Lorsque la diarrhée aiguë dure plus de 3 jours : - L examen clinique... - Les examens paracliniques à demander de première intention sont la recherche de parasites et de germes pathogènes dans les selles, et la recto-sigmoïdoscopie - Coprocultures : Salmonelles, Shigelles, Vibrions, certaines souches de Colibacilles, le Staphylocoque doré, différents types de Clostridium, Campylobacter, Yersinia. Parmi les différentes causes de diarrhée aiguë du sujet âgé - infectieuses : bactéries (le germe lui-même ou sa toxine), parasites, virus mais aussi sepsis (intra abdominal) - toxiques, médicamenteuses - néoplasiques Parmi les différentes causes de diarrhée aiguë du sujet âgé - rarement et dans un contexte particulier, ischémiques. - plus rarement inflammatoires (RCH) - très rarement chez le sujet âgé, allergiques ou par intolérance alimentaire Une étiologie à l hôpital : les diarrhées liées à l antibiothérapie (infection à Clostridium difficile) Une autre crainte en institution : la toxi-infection alimentaire (TIAC) Deux patients au moins. Le même plat... Typiquement, le tableau (botulisme excepté) associe diarrhée hydrique, douleurs abdominales, vomissements, parfois de la fièvre, éventuellement un collapsus. Son évolution est le plus souvent bénigne et spontanément résolutive. Facteurs de gravité des diarrhées aiguës l âge, les facteurs de comorbidité les signes de déshydratation avec ou sans collapsus et/ou hypothermie. Ils doivent conduire à une enquête bactério- et parasitologique Diarrhées aiguës - Principes du traitement hospitalisation : contexte (caractère de gravité) diète hydrique progressivement élargie éventuellement antisecrétoires intestinaux : acétorphan éventuellement antiseptiques intestinaux dont l'utilité n'est pas démontrée éventuellement médicaments antispasmodiques et ralentisseurs du transit : codéine, diphénoxylate, loperamide? réhydratation parentérale? antibiothérapie? 2
Diarrhée des voyageurs Un voyageur sur trois environ, sortant de son pays fait un épisode diarrhéique, le plus souvent sans gravité et de durée brève (24-48 heures), l obligeant (30% des cas) à garder le lit, voire être hospitalisé ou à modifier son voyage (40 % des cas). Les germes en cause sont essentiellement Escherichia coli (pathogène par son entérotoxine), et Shigella dysenteriae. Ces germes sont sensibles au trimethoprimesulfamethoxasole ainsi qu'aux fluoroquinolones. Prophylaxie? Salmonella non typhique, Clostridies, Lamblias, virus, amibes, sont également parfois en cause. Diarrhées motrices nombre élevé d'émissions contrastant avec un volume fécal quotidien modéré horaire matinal et postprandial précoce des selles caractère souvent impérieux précédé par des coliques présence dans les selles de débris végétaux efficacité des ralentisseurs du transit absence habituelle de retentissement sur l'état général test au carmin inférieur à 8 heures Principaux groupes étiologiques de diarrhées motrices - causes hormonales (hyperthyroïdie, tumeurs carcinoïdes, syndrome de Zollinger-Ellison) - certaines neuropathies (diabète) - certaines causes alimentaires (allergie, intolérances) Constipation - le plus souvent, on ne retrouve pas de cause : TFI Critères du diagnostic Au cours des 12 derniers mois, présence 12 semaines au minimum d'au moins 2 symptômes (lors de plus de 25% des défécations) : efforts de poussée selles dures, difficiles à émettre sensation d'évacuation incomplète sensation d'obstruction ou de blocage anorectal manœuvres digitales et/ou < 3 défécations par semaines Critères du diagnostic En pratique, le patient se plaint de selles trop rares et/ou difficiles à émettre Toujours éliminer la constipation symptôme, liée à une lésion organique, ou secondaire à une maladie extradigestive n 1 = Cancers colo-rectaux Whitehead et al. Gastroenterol Int 1991;4:99-113 Thompson et al. Gut 1999;45:1143-1147 AGA. Gastroenterology 2000;119:1761-1778 Romero et al. Mayo Clin Proc 1996;71:81-92 3
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Critères du diagnostic En pratique, le patient se plaint de selles trop rares et/ou difficiles à émettre Toujours éliminer la constipation symptôme, liée à une lésion organique, ou secondaire à une maladie extradigestive Cancers colo-rectaux Maladies neurologiques (Parkinson, AVC, para- et tétraplégies ) Maladies endocriniennes (hypothyroïdie, diabète) Anomalies métaboliques (hypokaliémie, hypercalcémies) Médicaments... AGA. Gastroenterology 2000;119:1761-1778 Romero et al. Mayo Clin Proc 1996;71:81-92 Démarche diagnostique Examen clinique Explorations complémentaires Examen morphologique devant toute constipation récente, ou toute modification du transit habituel : coloscopie (> sigmoïdoscopie) lavement opaque coloscopie virtuelle Ailleurs, la constipation est un problème : souvent banalisé, primitif en apparence, associant des troubles de la progression et/ou de l'évacuation Peu (pas) de données françaises 2 à 28% de la population des EU 2 500 000 consultations par an, dont 100 000 consultations de gastro-entérologie prescription de laxatifs après 85% des consultations 50, 60% des sujets âgés en institution Problème "banal", mais souvent chronique et difficile à résoudre : habitudes anciennes laxatifs au long cours interactions avec la pathologie interactions avec les modifications motrices liées au vieillissement le traitement n est pas univoque et comporte plusieurs étapes Étape 1 Élimination des laxatifs irritants : du débit d eau et d électrolytes dans la lumière digestive effets délétères sur la physiologie du tractus digestif (dépendance, maladie des laxatifs) 5
Étape 1 Étape 2 Quelques indications licites : constipation récente (maladie, alitement) traitement indispensable, mais constipant atrophie musculaire pariétale perte du réflexe de défécation Sous contrôle médical attentif! Dépister les périodes propices de motilité digestive : lever périodes post-prandiales Maintenir une activité motrice et physique autant que possible... Étape 3 Diète hydrique suffisante Fibres alimentaires (cellulose, hémicellulose, pectine) : en quantité suffisante en augmentant progressivement la posologie en atteignant idéalement 30 g/j, en connaissant l'action bénéfique sur tous les types de constipation Étape 3 : fibres (g/100 g) Céréales : son de blé 48 riz complet 10 farine blanche 3 Légumineuses : haricots blancs 25 lentilles, soja 12 petits pois 6 Fruits : pruneaux 15 bananes 4 pommes 2 Produits industriels :Infibran 50 All Bran 30 Corn flakes 3 Étape 4 : Prescriptions complémentaires souvent nécessaires : approche plus personnalisée Laxatifs lubrifiants (sans effet sur le péristaltisme) : Huile de paraffine Gilbert Lansoyl Laxamalt Lubentyl Parlax Transitol Étape 4 : Mucilages (pouvoir hygroscopique important) : ispaghul, Spagulax, Mucivital psyllium, Transilane, Psylia gomme de sterculia, Inolaxine, Karayal 6
Étape 4 : Étape 5 : Antispasmodiques, en cas de constipation douloureuse, souvent associés aux fibres ou aux mucilages (côlon spastique) : trimébutine Débridat mébévérine Duspatalin pinavérium Dicétel En cas : de constipation ancienne et/ou de forte consommation de laxatifs irritants et/ou d alitement et de mobilité réduite les mesures précédentes restent valables leur efficacité est aléatoire et souvent insuffisante Il est pourtant nécessaire de maintenir un transit aussi régulier que possible pour préserver une certaine sensation de bien-être et pour éviter les complications... Constipation et incontinence Constipation et incontinence Un fécalome peut être révélé par une incontinence toujours rechercher un fécalome ne jamais traiter une incontinence récente par un ralentisseur du transit Des efforts de poussée répétés et prolongés peuvent provoquer une neuropathie pudendale, responsable d'une incontinence Le traitement de la constipation peut réduire le nombre d'épisodes d'incontinence et la charge de travail des soignants Étape 5 : Agents osmotiques : Sucres sorbitol lactulose Duphalac lactitol Importal PolyEthylène Glycol Transipeg, Forlax Étape 5 : Agents locaux : Lavements et suppositoires Laxatifs irritants : sels de magnésium Docusate de Na +, ou Jamylène anthracéniques, bisacodyl Six semaines de traitement au minimum avant d'envisager un échec et des explorations spécialisées (temps de transit, manométrie, défécographie) Chirurgie de la constipation? 7
Conclusions Le dépistage et la prise en charge de la constipation pourraient être mieux systématisés (confort du patient, prévention des complications, optimisation des coûts) Les règles hygiéno-diététiques et la pharmacopée permettent d'être efficace dans une très vaste majorité de cas. Les autres traitements sont exceptionnellement mis en œuvre Vomissements VOMISSEMENTS Motif très fréquent de consultation ou d appel Doivent inquiéter, d autant qu ils se répètent : troubles hydro-électrolytiques médicaments nécessaires Le diagnostic de bénignité (majorité des cas), ne pourra être que d élimination : «le vomissement est-il symptomatique d une affection grave?» VOMISSEMENTS ET FIÈVRE Pathologie digestive avant tout accidents de la lithiase biliaire : cholécystite angiocholite migration lithiasique ± pancréatite occlusions fébriles : sigmoïdite appendicite cancer du colon VOMISSEMENTS ET FIÈVRE syndromes péritonéaux : perforations d organe creux diffusion d une collection abcédée éventuellement : méningite pyélonéphrite PFLA VOMISSEMENTS ET FIÈVRE faire : interrogatoire et examen clinique... (un drame abdominal peut se résumer à un minimum de signes locaux) NFS et ionogramme sanguin BHC et TP RT et ASP ECBU et hémocultures échographie au moindre doute ECG, d autant qu existent des modifications hémodynamiques 8
VOMISSEMENTS ET MÉDICAMENTS vomissement isolé le plus souvent : digitaliques +++ macrolides (erythromycine) fibrates biguanides etc. VOMISSEMENTS ISOLES Question : «pathologie sévère débutante... ou pathologie bénigne et sans lendemain?» penser à : - l occlusion intestinale (tout peut se voir) - l infarctus myocardique - la lithiase de la VBP - les déficits sodés -les RAU -l HIC 9