L information biomédicale des Laboratoires Oriade - Mai 2014 Les maladies inflammatoires chroniques de l intestin (MICI) Maladie de Crohn (MC), Rectocolite hémorragique (RCH) Le diagnostic de MICI doit faire l objet d une attention particulière... La suite en page 2 >
Le diagnostic de MICI doit faire l objet d une attention particulière lors de la poussée initiale comme lors des poussées ultérieures. Leur traitement est de plus en plus efficace mais non dénué d effets secondaires. Les biologistes du groupe Oriade ont demandé une actualisation sur ce sujet difficile au Pr Bruno Bonaz de la Clinique Universitaire d Hépato-Gastroentérologie du CHU de Grenoble. Pr Bonaz, comment définissez-vous les pathologies regroupées sous la dénomination MICI? Les MICI sont dominées par 2 grandes entités nosologiques : la Maladie de Crohn (MC) et la Rectocolite Hémorragique (RCH). Il s agit de maladies chroniques invalidantes, évoluant sur un mode habituellement discontinu avec des périodes de poussée avec lésions destructrices et de rémission. Bien que l on ait pu déterminer l implication d un certain nombre de facteurs : génétiques, environnementaux (notamment le tabac dans la maladie de Crohn) et immunologiques, les causes intimes de l hyperactivité du système immunitaire digestif restent inconnues. Ces maladies peuvent être diagnostiquées à tout âge de la vie mais se révèlent en moyenne entre 20 et 30 ans (150 pour 100 000 individus en Europe occidentale) et 15% d entre elles sont découvertes chez l enfant. Le diagnostic différentiel est très important même si les traitements sont globalement les mêmes (hormis les 5 aminosalicylés qui sont efficaces dans la RCH mais pas dans la MC). Pr Bonaz, pourriezvous nous préciser la conduite à tenir dans le cadre du diagnostic biologique initial d une MICI? Pendant longtemps, le diagnostic reposait essentiellement sur des critères cliniques, morphologiques et surtout histologiques, mais souvent difficiles d interprétation, surtout au début de l affection et dans certaines formes peu typiques. A présent, de nouveaux outils biologiques, peuvent apporter une aide précieuse au diagnostic étiologique non invasif ainsi qu au suivi de ces pathologies : Le dosage de la calprotectine fécale (CF) : Il s agit d un test de réalisation simple (20 g de selles suffisent). La CF est la principale protéine contenue dans le cytosol des polynucléaires neutrophiles. Elle est libérée dans la lumière digestive lors d une inflammation. Sa présence en grande concentration dans les selles permet d orienter le diagnostic vers une MICI. La variabilité inter-individuelle de ce test nécessite que le patient soit son propre témoin pour l interprétation des taux en suivi. Ce test est hors nomenclature (HN 60 ). Selon une étude récente, le dosage de la calprotectine fécale serait un indicateur fiable de récidive post-opératoire de la maladie de Crohn. Un taux > 100 μg/g à 6 mois et/ou à 12 mois indiquerait un risque de récidive à 18 mois.
Par ailleurs, le dosage de la calprotectine fécale pourrait être un marqueur d efficacité du traitement : chez les patients ayant une récidive à l endoscopie à 6 mois, l intensification du traitement s accompagne d une diminution de la calprotectine fécale, de 252 μg/g en moyenne à 6 mois à 109 μg/g à 18 mois. Suspicion de maladie inflammatoire chronique de l intestin Dosage de la calprotectine fécale > 250 ug/g < 50 ug/g = = Endoscopie MICI peu probable Mise en route du traitement approprié Planifier investigations complémentaires Deux Auto anticorps sanguins peuvent être recherchés : - Dans la Maladie de Crohn : Les ASCA IgG et IgA ( Ac dirigés contre des épitopes oligomannosidiques de la levure de Saccharomyces cerevisiae.ils sont retrouvés chez un grand nombre de sujets. Leur présence à un taux significatif aurait une valeur prédictive positive (VPP) d environ 95%. Mais la présence d ASCA est retrouvée aussi chez 44 % des patients atteints de maladie de Behcet avec atteinte intestinale. - Dans la RCH, ce sont les panca (Ac Anti-Cytoplasme des Polynucléaires Neutrophiles) que l on observe. - Leur présence à un taux significatif offre une sensibilité de 70% pour 2 pathologies souvent associées : la RCH et la Cholangite Sclérosante primitive. La spécificité de cet examen est d environ 85%. C est donc la combinaison des résultats des ASCA et des ANCA qui est très intéressante pour établir un diagnostic différentiel : ASCA+/pANCA- ASCA- /panca+ VPP de 95% VPP de 93% Maladie de Crohn RCH
Et quid du diagnostic différentiel avec d autres pathologies lors de la première poussée? Les principaux autres diagnostics différentiels d une poussée inaugurale de MICI sont les colites infectieuses, médicamenteuses (aux AINS particulièrement), ischémiques, diverticulaires et systémiques (associées au lupus, à la Polyangéite Microscopique, au Purpura Rhumatoïde, à la maladie de Wegener, à la maladie de Behcet). L aspect endoscopique ne permet pas de différencier une poussée inaugurale de MICI d une colite infectieuse, à l exception de la colite pseudomembraneuse spécifique du Clostridium Difficile, encore que dans les MICI, l aspect endoscopique n est pas typique. Une situation plus compliquée est celle d un malade avec une coproculture positive et qui ne répond pas aux antibiotiques. L association poussée inaugurale de MICI colique et colite infectieuse est possible. Une autre difficulté rencontrée pour le diagnostic différentiel est celle des infections à germes non recherchés dans les coprocultures standards. Ce sera le contexte clinique qui orientera le diagnostic et induira les recherches microbiologiques et histologiques spécifiques : syndrome hémolytique et urémique pour E. coli entéro hémorragique, prise récente d antibiotique pour Klebsiella Oxytoca et Clostridium Difficile, sans oublier la recherche de tuberculose chez les malades originaires d Afrique ou d Asie. Lorsque les colites sont limitées au rectum et au sigmoïde, il faut les distinguer du syndrome de l ulcère solitaire du rectum et des MST. Les MST du rectum peuvent être asymptomatiques (dans 85 % des cas) ou associées à un syndrome rectal avec des rectorragies, des émissions glaireuses, des douleurs-pelviennes, de la diarrhée ou une constipation. Des signes généraux comme de la fièvre, des arthralgies, ou des myalgies peuvent être présents. L examen clinique recherche des adénopathies inguinales (Chlamydia, Syphilis), des vésicules cutanées évoquant un herpès ou un chancre. La biologie dispose à présent de techniques sensibles et spécifiques pour dépister Chlamydia/Gonocoque sur écouvillonnage anal (PCR avec recherche couplée) Chez la personne âgée, le diagnostic de poussée inaugurale de MICI est rare mais possible, et celui de colite ischémique doit être systématiquement évoqué, à fortiori en cas de colite «suspendue» respectant le rectum. Indépendamment du diagnostic initial, qu en est- il des diagnostics différentiels lors des poussées, chez un malade déjà porteur d une MICI? Un malade atteint de MICI qui a des symptômes n est pas systématiquement victime d une poussée de sa maladie! Comme tout sujet, il peut être sujet à une infection ou à une complication iatrogène (colites aux AINS). Ces diagnostics doivent être évoqués lorsque les symptômes sont inhabituels, qu il y a une notion de contage ou que le malade ne répond pas au traitement. Comme le reste de la population, les patients atteints de MICI sont concernés par les infections à Clostridium Difficile et ceci même en l absence d une antibiothérapie préalable. L infection par Clostridium Difficile aggrave le pronostic des MICI.
Elle augmente le taux d hospitalisation, de colectomie et de mortalité. Le plus souvent, l infection à Clostridium Difficile se présente cliniquement et endoscopiquement comme une poussée de MICI. Ainsi, les pseudomembranes ne sont retrouvées que chez 13 % des malades ayant une RCH associée à une infection à clostridium difficile. Celle-ci doit donc être recherchée systématiquement devant chaque suspicion de poussée de MICI. Le diagnostic positif d infection à Clostridium Difficile repose sur la recherche de toxines (A et B) dans les selles. Uniquement en cas de poussée sévère de la MICI, ne répondant pas aux corticoïdes ou aux immunosuppresseurs, une recherche de CMV doit être pratiquée, en seconde intention (PCR quantitative au niveau sanguin et sur biopsies coliques). Et pour le suivi biologique et thérapeutique? Compte tenu des possibilités de complications, le médecin sera vigilant aux paramètres suivants : NFS CRP - Leucocytose (inflammation-infection), leucopénie (Imurel) - Anémie : microcytaire (carence martiale) ou macrocytaire (carence B9/B12, Imurel) ou inflammatoire, - Thrombocytose (signe d inflammation), ou thrombopénie (hyperplasie nodulaire régénérative du foie sous Imurel) - Lymphopénie (entéropathie exsudative, Imurel) - Augmentée (Inflammation) - Reste normale dans 20-30% des maladies de Crohn - Souvent normale dans RCH : critère de gravité quand augmentée - Patients sous anti-tnf (Rémicade, Humira) répondent mieux quand la CRP initiale est élevée - Inversement, une CRP élevée sous anti-tnf peut-être en faveur d une résistance au traitement Ionogramme sanguin - Perturbations hydro-électrolytiques Bilan hépatique - Cholestase anictérique (cholangite sclérosante primitive, Imurel) - Cytolyse (translocation bactérienne contemporaine poussée, Imurel) Ferritinémie Albuminémie - Carence martiale - Signe de dénutrition et de gravité de la MICI (entéropathie exsudative ; risque colectomie) Bilan de dénutrition - Albumine, pré-albumine, transferrine, fibronectine - Avant et sous nutrition entérale Dosage des immunoglobulines IgA anti-transglutaminase - Association possible MICI-maladie cœliaque Coproculture - Avec recherche systématique de C. Difficile
Et quid du suivi des patients sous traitement anti TNF ou immunosuppresseurs? Plus de 10 % des patients souffrant de MICI sont traités par les anti-tnf. Les anti-tnf sont prescrits en première intention en cas de lésion ano-périnéales modérées à sévères dans la MC et en cas de colite grave dans la RCH. Ils sont le plus souvent prescrits en deuxième intention, en cas d échec des immunosuppresseurs (IS) et/ou des corticoïdes pour les MC et en cas d échec des aminosalicylés (5-ASA) et des IS pour les RCH. On se donne habituellement à peu près trois mois avec les IS (Imurel en particulier) pour juger de leur (in)efficacité sur les signes cliniques et biologiques. Il faut attendre 6 mois à un an pour mesurer l effet du médicament sur les lésions à la coloscopie. Une autre raison de passer aux anti-tnf est d ailleurs la résistance aux IS, appréciée cette fois sur les lésions morphologiques, même si la biologie et la clinique paraissent normales. Au chapitre des risques, une élévation significative de l incidence des infections minimes à modérées, et une augmentation des infections sévères opportunistes ou une réactivation, justifient un bilan antérieur avant prescription de ces traitements : - Sérologies HIV, HBV, HVC, VZV, herpès - Anticorps anti-nucléaires avant Rémicade - Test lymphocytaire à l antigène tuberculeux Elispot ou Quantiféron (couplé à Rx Pulm) Pr Bonaz, pouvez-vous préciser quand le médecin traitant doit adresser un patient au spécialiste? Pour faire le diagnostic différentiel dans les cas douteux et pour initier le traitement des MICI. En effet, les anti-tnf sont des médicaments coûteux aux effets puissants dont la prescription initiale est, pour certains hospitalière. Elle peut être ensuite renouvelée en ville par un gastro-enterologue. L infliximab est délivré en perfusion tous les deux mois, l occasion de recalculer le rapport bénéfice/risque. L adalimumab est injecté par le malade lui-même, en sous-cutané, toutes les deux semaines (parfois toutes les semaines) et le patient revu en consultation tous les trois à 6 mois en fonction de son état. Ensuite, pour analyser le risque de survenue de tumeurs, en raison d une augmentation très faible, mais significative du nombre de certains lymphomes et cancers de la peau (mélanomes) sous traitement. Et enfin pour faire le diagnostic différentiel dans les cas douteux. Pr Bonaz, pouvez-vous nous parler des perspectives en biologie concernant les MICI? Les perspectives en biologies sont les suivantes : - Les Anti-molécules d adhésion (anti-intégrine, telle que le Védolizumab), dans les MICI. - L intérêt du dosage des anti-tnf et des anticorps anti-médicaments : certains patients développent des Ac anti-médicaments comme les anticorps anti-infliximab (ATI) ou anti-adalimumab (ATADA). Ceux-ci peuvent conduire à un échec thérapeutique si leur taux est trop élevé ; de nouvelles techniques de recherche de ces anticorps anti médicaments par dosages fonctionnels semblent prometteuses. - Les marqueurs HLA : DR7 ; DRB3*0301 ; DQ4
À retenir! Les principaux diagnostics différentiels d une poussée inaugurale de MICI colique sont les maladies non organiques, les colites infectieuses, ischémiques et médicamenteuses (aux AINS surtout). Les principaux diagnostics différentiels d une rectite sont le syndrome de l ulcère solitaire du rectum et les MST. Les principaux diagnostics différentiels d une MC iléocolique sont les colites infectieuses, la tuberculose intestinale, la maladie de Behcet et l ischémie mésentérique. La recherche de la toxine du Clostridium Difficile doit être systématique chez un malade ayant une MICI du côlon avec les symptômes d une poussée. La recherche de signes histologiques ou moléculaires de réactivation du CMV doit être systématique chez les malades en poussée de MICI, notamment la RCH sévère qui ne répondent pas au traitement corticoïde ou immunosuppresseur. Il faut penser à rechercher une complication néoplasique chez les patients qui ont une MICI ancienne et qui sont symptomatiques après une longue période de quiescence. Calprotectine fécale HN 60 ANCA remboursé B40 ASCA HN 57 Contacts Pr Bruno Bonaz : bbonaz@chu-grenoble.fr Références Calprotectine fécale biomarqueur pour le diagnostic de MICI : analyse des principaux facteurs de variabilité à partir d une large expérience monocentrique F. Alzieu et al, SNFGE, 2011. Wright E et coll. : Faecal calprotectine helps determine the need for post-operative colonoscopy in Crohn s disease. Prospective longitudinal endoscopic validation. Results from the POCER Study. 21st United European Gastroenterology Week (UEG WEEK 2013) (Berlin, Allemagne) : 12-16 octobre 2013.) Intérêt du dosage de l infliximabémie et des anticorps anti infliximab dans la réponse thérapeutique sous infliximab dans les MICI S. Paul et al poster SNFGE, 2012)