Quel avenir pour le financement à long terme des entreprises non cotées?



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Transcription:

Quel avenir pour le financement à long terme des entreprises non cotées? Rapport de Cécile ANDRÉ-LERUSTE 6 octobre 2011 1

Quel avenir pour le financement à long terme des entreprises non cotées? Rapport inter-commissions de Madame Cécile ANDRE-LERUSTE Présenté au nom de la Commission fiscale et de la Commission économique et financière et adopté par l'assemblée générale du 6 octobre 2011 Chambre de commerce et d'industrie de Paris 27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8 http://www.etudes.ccip.fr Registre de transparence N 93699614732-82 2

AVANT-PROPOS Dans le prolongement de ses travaux, la CCIP souhaite nourrir le débat sur le financement à long terme des entreprises non cotées dans un contexte qui connaît de profondes transformations. Cette question est depuis longtemps une source de préoccupation pour les pouvoirs publics. La faible appétence des épargnants français pour le risque, l insuffisante profitabilité des entreprises, en particulier des plus petites, l absence de fonds de pension ont concouru à créer une forte dépendance des entreprises aux financements bancaires. Bien que les réformes intervenues dans les années 1980 et 1990 aient constitué une étape importante dans la modernisation du système financier français, celui-ci reste caractérisé par l importance du financement intermédié (via les banques) au détriment d un financement direct (via les marchés financiers). La crise financière de 2008, par ses effets sur la santé du système bancaire, a suscité de fortes inquiétudes sur le financement de court terme des entreprises. Même si les craintes d un credit crunch ne se sont pas matérialisées, cette crise aura mis en évidence les inconvénients d une trop grande dépendance des entreprises aux crédits bancaires et de leur trop faible capacité à s autofinancer. Trois ans après la faillite de la banque Lehman Brothers, le système financier international s apprête à entrer dans une nouvelle phase avec l adoption de nouvelles règles prudentielles qui visent à éviter la répétition de crises financières de plus en plus coûteuses. La mise en œuvre progressive des normes Bâle III (pour le système bancaire) et Solvabilité II (pour les compagnies d assurance) vise à renforcer la solidité des acteurs financiers et la stabilité du système dans son ensemble. Elles sont donc les bienvenues. Pour autant, il ne faut pas que ces réformes conduisent les banques à réduire leurs engagements dans le financement des PME. Ce risque est à prendre avec d autant plus de considération que l investissement direct dans le capital des entreprises est faible et que la fiscalité de l épargne n incite pas les ménages à investir dans les entreprises. Aussi, l avenir du financement à long terme des entreprises ne saurait être envisagé sans une remise à plat de la fiscalité et du système public de soutien au financement des entreprises. Au-delà de ces réformes, la CCIP entend sensibiliser les chefs d entreprises à la nécessité de renforcer prioritairement leurs fonds propres et à considérer des sources alternatives de financement comme le recours aux marchés de la dette. C est pourquoi elle vient de mettre en place un programme de formation continue destiné aux dirigeants de TPE-PME sur les «techniques de financement des entreprises». 1 1 http://www.entreprises.ccip.fr/web/pme/les-techniques-de-financement-des-entreprises. 3

Les engagements de la CCIP en faveur du financement des entreprises Accès au crédit bancaire Études : Rapport de G. Soularue, «Restaurer des relations de confiance entre les réseaux bancaires et les TPE-PME» (juillet 2010). Trois axes d actions sont proposés par la CCIP : Améliorer la connaissance sur la situation du crédit aux TPE-PME. Renforcer la proximité entre les chargés d affaires bancaires et les TPE-PME. Renforcer les compétences des TPE-PME en matière financière en mobilisant les réseaux consulaires. Baromètre CCIP sur les relations banques-entreprises (publication annuelle). Mise en place en 2011 d un groupe de travail sur les conséquences de Bâle III sur le financement bancaire des entreprises. Actions : Engagement de la CCIP comme Tiers de confiance dans le cadre de la Médiation du crédit avec la mobilisation du centre de contact client au service du médiateur dès janvier 2009. Mise en place en 2010 d un programme de formation continue sur les «techniques de financement des entreprises», destiné aux dirigeants des TPE-PME. Organisation des Entretiens Friedland sur le thème : «Banques et entreprises : même combat?» avec la participation d universitaires, des représentants de la profession bancaire et des entreprises (juin 2010). Financement non bancaire Études : Rapport d A. d Hautefeuille, «Des PME aux ETI : quels financements alternatifs pour les entreprises?» (septembre 2009). Les propositions de la CCIP s articulent autour de trois grands axes : Faciliter l accès des entreprises aux marchés de titres. Favoriser l allocation de l épargne longue vers les placements en titres d entreprise. Encourager l entrée des investisseurs de long terme dans le capital des PME et des ETI. La CCIP est membre actif de l Observatoire du financement des entreprises et participe régulièrement aux travaux de cet organisme créé en mai 2010 suite aux États généraux de l industrie. La CCIP participe également aux travaux des autres instances de la Place (comité de suivi ETEBAC et SEPA ). 4

SOMMAIRE GLOSSAIRE...6 INTRODUCTION...8 PARTIE 1 : REPENSER UNE FISCALITÉ COHÉRENTE ET STABLE AU SERVICE DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES...11 Proposition 1 : Inciter les PME à réinvestir leurs bénéfices dans les fonds propres...13 Proposition 2 : Ne pas obérer les fonds propres de l entreprise à l occasion de la transmission...13 Proposition 3 : Doubler le plafond du dispositif Madelin...15 Proposition 4 : Repenser la cohérence de la fiscalité de l assurance-vie selon la durée et le risque...17 Proposition 5 : Encourager l épargne salariale investie en titres d entreprises...17 PARTIE 2 : CONFORTER LE RÔLE DES INTERMÉDIAIRES FINANCIERS TRADITIONNELS...18 Proposition 6 : Développer le cautionnement mutuel pour faciliter l accès des PME au crédit...20 Proposition 7 : Relever le plafond du Livret de développement durable destiné au financement des PME...20 Proposition 8 : Solliciter un engagement des assureurs à hauteur de 40 Md de leurs actifs dans les titres de PME-ETI non cotées...22 PARTIE 3 : FAVORISER L ACCÈS DES PME-ETI AUX MARCHÉS DE LA DETTE...23 Proposition 9 : Sensibiliser via le réseau des CCI les PME-ETI à se financer sur les marchés de la dette...25 Proposition 10 : Développer un marché de la dette PME en créant une plateforme de place d émission d obligations sécurisées adossées aux prêts PME...25 PARTIE 4 : SIMPLIFIER LES DISPOSITIFS PUBLICS DE SOUTIEN AU FINANCEMENT DES ENTREPRISES...26 Proposition 11 : Rationaliser le système public de soutien au financement des entreprises et mieux coordonner ses interventions...28 FAITS ET CHIFFRES...29 Fiche 1 : Une faible présence du capital-investissement dans les premiers stades de la vie de l entreprise...30 Fiche 2 : Y a-t-il une pénurie d épargne en France?...31 Fiche 3 : Tableau sur les principaux dispositifs d épargne...33 Fiche 4 : Bâle III : les nouvelles normes prudentielles des banques...36 Fiche 5 : Le cautionnement mutuel en Europe...37 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES...38 5

GLOSSAIRE Assurance-vie : contrat par lequel l assureur prend l engagement, en contrepartie du versement de primes (ou cotisations), de verser à l assuré ou aux bénéficiaires que celui-ci aura désignés, un capital ou une rente, soit en cas de décès, soit en cas de survie de l assuré (ou dans les deux cas pour certains contrats), selon des modalités définies dans le contrat. Les contrats d assurance-vie sont soumis à un régime fiscal spécifique (exonération, à la sortie et dans certaines limites, des droits de succession et de l impôt sur le revenu). On distingue divers types de contrats : Contrat en unités de compte : contrat dont les garanties (les sommes assurées) sont exprimées par référence à un ou plusieurs supports (actions, obligations, parts ou actions d OPCVM, parts ou actions de sociétés immobilières, etc.). Ainsi, l épargne investie évolue en fonction des valeurs qui servent de référence. Dans ce type de contrat, le risque est assumé par l assuré car l assureur s engage uniquement sur le nombre d unités de compte et non sur leurs valeurs qui sont soumises aux fluctuations des marchés financiers. Contrat en euros : contrat dont les sommes assurées sont exprimées en euros. Le versement d un capital ou d une rente est garanti au terme du contrat et dans les conditions fixées par le contrat. Dans un contrat en euros, le risque financier est assumé par l assureur. Contrat multisupport : contrat proposant plusieurs supports d investissement appelés supports à capital variable (OPCVM, épargne immobilière) sur lesquels le souscripteur répartit son épargne en fonction de ses objectifs (rendement, durée de l épargne notamment). Ce type de contrat peut contenir également un support à taux garanti (support exprimé en euros) qui permet de sécuriser une partie de l épargne. BCE : Banque centrale européenne. BEI : Banque européenne d investissement. Business angels : particuliers investisseurs, généralement issus du monde des affaires, qui apportent, outre une mise de fonds dans le capital de nouvelles entreprises à potentiel, leurs compétences et leur tissu relationnel. Capacité d autofinancement : aussi appelée «cash-flow», elle correspond à l ensemble des ressources financières dégagées par une entreprise sur un exercice (bénéfices + amortissement et provisions). Crédit d investissement : les crédits d investissement sont des crédits à moyen terme (2 à 7 ans) ou à long terme (au-delà de 7 ans) destinés à financer les nouvelles immobilisations des entreprises. Crédit de trésorerie : les crédits de trésorerie sont des crédits bancaires à court terme (moins de 2 ans). Il s agit : - de la «facilité de caisse» : autorisation d être débiteur pendant des périodes très courtes ; - du «découvert» : autorisation d être débiteur pendant des durées de quelques semaines à quelques mois ; - et du «crédit de campagne» : pour les besoins financiers des productions à forte saisonnalité. Dette mezzanine : il s agit d une forme de dette subordonnée qui s interpose entre la dette senior (qui peut elle-même avoir plusieurs niveaux de subordination) et les capitaux propres. L investisseur en dette mezzanine ne sera donc remboursé qu après le remboursement complet de toutes les tranches de la dette senior. Compte tenu du niveau de risque encouru, il exigera une rémunération élevée généralement assortie de bons de souscription d actions qui pourront améliorer la rentabilité de son crédit. Dette senior : la dette senior est une dette bénéficiant de garanties spécifiques et dont le remboursement se fait prioritairement par rapport aux autres dettes, dites dettes subordonnées. Il s agit donc d une dette privilégiée. Dette subordonnée : une dette est dite subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des autres créanciers (créanciers privilégiés, créanciers chirographaires). En contrepartie du risque supplémentaire accepté, les créanciers subordonnés exigent un taux d intérêt plus élevé que les autres créanciers. ETI : entreprise de taille intermédiaire. Il s agit d entreprises qui, d une part, ont un effectif compris entre 250 et 4 999 personnes et, d autre part, ont un chiffre d affaires annuel n excédant pas 1,5 milliard d euros ou un total de bilan n excédant pas 2 milliards d euros. FCPI : les fonds commun de placement dans l innovation sont une sous-catégorie des FCPR. En contrepartie de parts attribuées aux épargnants apportant leurs capitaux, les gérants de FCPI réalisent des opérations de capital-risque à concurrence au moins de 60 % de l actif du fonds dans des entreprises qualifiées d innovantes. FCPR : ce sont des fonds communs de placement à risques collectant des capitaux auprès d épargnants et les employant en opérations de capital-risque. À la différence des SCR, les FCPR n ont pas de personnalité juridique. Ce sont des copropriétés de valeurs mobilières gérées par des sociétés ad hoc (banques, entreprises d investissements agréées). FEI : Fonds européen d investissement. FIP : les fonds d investissement de proximité sont des FCPR dont l actif doit être constitué pour 60 % au moins de titres de PME non cotées (dont au moins 10% de titres d entreprises de moins de 5 ans) qui sont implantées dans des régions limitrophes. 6

Fonds propres : appellation générique évoquant dans une entreprise les ressources financières durables qui «appartiennent» directement ou indirectement à celle-ci : capital, réserves, bénéfice, report à nouveau, subvention d investissement, provisions réglementées, par opposition aux financements externes (provenant de tiers). En création d entreprise, les fonds propres évoquent l apport personnel ou le capital social de l entreprise. LBO (Leveraged buy-out) : montage financier de rachat d entreprise faisant intervenir un effet de levier, c est-à-dire par recours à un fort endettement bancaire. Ligne de crédit : une ligne de crédit est une forme de crédit dans lequel la banque met à disposition de son client un montant maximum sous forme de prêt, et sert à financer différentes opérations ou contrats que le client conclura ultérieurement. Livret de développement durable (LDD) : anciennement «compte pour le développement industriel» (CODEVI), c est un des produits d épargne réglementée dont le montant des dépôts est plafonné (6000 euros) et dont les intérêts sont exonérés d impôts. Marchés de la dette : par opposition aux marchés des actions, les marchés de la dette regroupent les marchés financiers où se négocient les titres de dette (obligations, titres de créances négociables) : marché monétaire pour les titres de court terme et le marché obligataire pour les dettes émises à moyen et long terme. PEC : petites entreprises communautaires de moins de 50 salariés et de moins de 10 millions de total bilan. PME : petites et moyennes entreprises. Il s agit d entreprises qui, d une part, ont un effectif inférieur à 250 personnes et, d autre part, ont un chiffre d affaires annuel n excédant pas 50 millions d euros ou un total de bilan n excédant pas 43 millions d euros. PMI : petites et moyennes entreprises industrielles. Prêt d honneur : crédit à moyen terme, généralement de 2 à 5 ans, accordé à un créateur ou repreneur d'entreprise, par une association ad hoc (organisme extra-bancaire), accordé sans prise de garantie personnelle et assorti, en règle générale, d'un taux d intérêt nul. Ratio de liquidité : il a pour objectif de rendre les établissements de crédit aptes à faire face aux demandes de remboursement des déposants. Cet objectif est atteint lorsque les liquidités (numérateur) sont égales aux exigibilités (dénominateur) ; soit un ratio de liquidité de 100% qui doit être respecté en permanence. Ratio de solvabilité : le ratio de solvabilité a pour objectif de renforcer la solidité et la stabilité du système bancaire et d atténuer les inégalités concurrentielles entre les banques. Ces objectifs sont atteints par une adéquation des fonds propres par rapport aux risques. Le ratio est donc un rapport entre un numérateur représentatif des fonds propres et un dénominateur représentatif de l ensemble des risques pondérés (risque de crédit, risque de marché et risque opérationnel). Il doit être supérieur ou égal à 8% actuellement (10,5% sous les règles de Bâle III). Quasi-fonds propres : appellation générique couvrant une palette de titres (obligations convertibles, obligations à bon de souscription d actions, obligations remboursables en actions ) qui n ont pas la nature comptable des fonds propres mais s en approchent. Ce sont des ressources stables qui peuvent, pour certains titres, être transformés en fonds propres. Société de capital-risque (SCR) : c est une société qui a pour objet social de prendre des participations minoritaires dans les sociétés non cotées au moment de leur création et pendant leur tout premier développement, dans le but de dégager à moyen terme (environ 5 ans) une plus-value substantielle en revendant ces participations. Société de caution mutuelle (SCM) : établissement de crédit spécialisé dans l octroi de garantie à l occasion d opérations engagées par un de ses membres (commerçants, industriels, artisans, sociétés commerciales et membres de professions libérales). Les SCM apportent leur caution lorsqu un cautionnement est exigé par la loi, ou en dehors de toute obligation légale pour garantir le remboursement d un emprunt bancaire pour le financement d investissements professionnels. Titre hybride : les titres hybrides sont des instruments financiers qui combinent les caractéristiques des capitaux propres et des titres de dettes : obligations convertibles en actions, obligations remboursables en actions, obligations à bons de souscription d actions TPE : très petite entreprise. Il n existe pas de définition européenne de la TPE. On l assimile généralement à la microentreprise (entreprises occupant moins de 10 salariés). La DGCIS la définit, quant à elle, comme une entreprise dont l effectif est inférieur à 20 salariés. Ce rapport exclut de son champ d étude les grandes entreprises qui ont, a priori, une plus grande latitude pour diversifier leurs sources de financement (intermédié ou non) et peuvent jouer de leur taille pour obtenir les meilleures conditions de financement aussi bien auprès des banques que sur les marchés. Cette capacité de substitution des sources de financement au gré du contexte n est pas à la portée de l immense majorité des PME-ETI non cotées, ciblées dans ce rapport. 7

INTRODUCTION Une baisse structurelle du taux d autofinancement des entreprises Depuis la fin des années 90, l investissement des entreprises françaises est de plus en plus financé sur ressources externes (crédits bancaires ou capitaux longs) et de moins en moins par autofinancement. Ce partage entre financement interne et financement externe a varié au gré de l évolution de la situation financière des entreprises. Mais, au-delà de ces fluctuations, la dépendance des entreprises françaises aux financements externes est de nature largement structurelle. Taux d autofinancement des entreprises non financières françaises (Epargne brute/investissement en %) 100 90 80 70 60 50 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 Source : INSEE. Il en découle, en particulier pour les PME-ETI, une très grande sensibilité à la situation du système financier, à sa bonne santé comme aux évolutions de son environnement réglementaire. Une sous-capitalisation chronique des entreprises françaises Selon l INSEE 2, 21% des entreprises démarrent avec moins de 2 000 euros de capital, et seulement 14% avec plus de 40 000 euros. Or, quel que soit le secteur d activité, la pérennité de l entreprise et son développement dépendent du montant de l investissement initial du créateur. Cette sous-capitalisation de départ des PME françaises a, d une part, pour effet immédiat une moindre capacité à résister aux chocs conjoncturels, d où une mortalité importante dans les premières années. D autre part, pour les entreprises restantes, la souscapitalisation a des conséquences non négligeables sur leurs modalités de financement (recours à une palette d outils de financement plus orientés vers l endettement à court terme pénalisant à long terme leur croissance et leur pérennité). Création d entreprises et création d emplois : comparaison internationale Année 2008 France Allemagne Grande-Bretagne Etats-Unis Nombre d entreprises créées avec au moins 1 salarié 42 000 70 000 76 000 557 000 Nombre d emplois créés 115 000 303 740 425 000 3 760 000 Nombre d entreprises créées avec au moins 1 salarié (à population égale) 42 000 52 500 76 000 111 000 Nombre moyen de salariés par entreprise la première année 2,7 4,3 5,6 6,6 Création d emplois par les entreprises employeuses (à population égale) 115 000 227 805 425 000 3 760 000 Source : Fondation IFRAP & Réformateurs Libéraux, «Rapport commun sur le financement du démarrage des entreprises, pour l emploi et la justice sociale», mai 2011. 2 INSEE PREMIERE, «Nouvelles entreprises cinq ans après : plus d une sur deux est toujours active en 2007», N 1274 - Janvier 2010. 8

Les comparaisons internationales démontrent une capacité des entreprises américaines ou britanniques à croître beaucoup plus rapidement que nos entreprises françaises. Une dépendance au financement bancaire à défaut d autres ressources Contrairement aux grandes entreprises qui peuvent jouer de leur taille pour diversifier leurs sources de financement et accéder plus facilement aux financements de marché, les entreprises petites et moyennes restent très dépendantes du crédit bancaire. Le poids des dettes bancaires atteint ainsi près des deux tiers de l endettement financier des PME en général et plus des trois quarts pour les PMI en 2007. Poids des dettes bancaires dans le financement des PME/PMI Source : Banque de France, base FIBEN. Entreprises hors holdings. Cette dépendance est accentuée par la prépondérance des relations monobancaires qui limite le champ des possibles, notamment pour les petites entreprises : 86% des TPE n ont qu une seule banque, contre 43% des PME indépendantes et seulement 21% des grandes entreprises. Elle s explique également par un accès limité des petites et moyennes entreprises à des sources alternatives de financement en fonds propres ou quasi-fonds propres comme le capital-risque, le capital-développement ou le marché de la dette (obligations, titres de créances négociables ) réservé quasi-exclusivement aux entreprises d un chiffre d affaires supérieur à 700-800 M. Enfin, le souci d indépendance du dirigeant qu il soit d ordre managérial ou d origine patrimoniale peut aussi être un obstacle à l ouverture du capital à des investisseurs extérieurs. Ce recours à l endettement bancaire fait ressortir la faiblesse des fonds propres des entreprises et engendre des cycles d endettement/désendettement peu adaptés aux besoins de développement des PME. Les banques sont néanmoins un partenaire incontournable du financement de long terme des entreprises. Dans ces conditions, il ne faudrait pas que la perspective d une réduction de l effet de levier et de la mise en place de ratios de liquidité dans le cadre de Bâle III ait un impact négatif sur le financement à long terme des entreprises et plus particulièrement les PME-ETI (cf. fiche 4). Des dispositifs fiscaux en faveur du financement dans les PME, instables et mal ciblés A cette problématique de règles prudentielles des banques commune à tous les pays, s ajoute une dimension spécifiquement française liée à la fiscalité. Les dispositifs de soutien au financement des entreprises sont dispersés, souvent mal ciblés et sans cohérence avec l objectif recherché. Le dispositif ISF-PME créé par la loi TEPA en 2007 a permis de drainer plus de 1 milliard d euros dans les fonds propres des entreprises. Mais la dernière réforme de la fiscalité du patrimoine portant sur l ISF a encore une fois modifié les règles du jeu. La grande instabilité de la fiscalité du patrimoine et sa complexité sont d autant plus regrettables que les entreprises françaises parviennent difficilement à attirer l épargne abondante des ménages qui demeure majoritairement 9

constituée d actifs très peu risqués. En 2010, plus de 81% de l encours total de placements financiers des particuliers sont placés en livrets d épargne liquides et en contrats d assurance-vie en euros, encouragés par une fiscalité quasi-nulle sur ce type de produits. Répartition du patrimoine financier des ménages par actifs de risque (Poids en % et écarts en points) (*) via l ensemble des canaux de distribution. (**) y compris celles détenues en direct dans le cadre de l épargne salariale. Source : AFG, AMF, Banque de France. Attirer l épargne des ménages français vers le financement de long terme des entreprises suppose une remise à plat de la fiscalité des produits d épargne d autant que la concurrence pour capter les capitaux disponibles s annonce sévère entre d un côté l État pour financer la dette publique et de l autre les acteurs de la finance pour satisfaire les nouvelles exigences prudentielles (Bâle III, Solvabilité II). S il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences de ces évolutions majeures, on peut craindre que le maillon faible du financement à long terme soit de nouveau le segment des entreprises de petite taille et de taille moyenne et intermédiaire qui n ont pas les mêmes latitudes que les grandes entreprises pour accéder aux marchés financiers nationaux et internationaux. Dans ce contexte en profond changement, la CCIP avance des propositions pour pallier les risques pesant sur le financement à long terme de l économie française et, plus particulièrement, de ses entreprises. Indépendamment des mesures à prendre pour conforter le rôle des banques et des compagnies d assurance dans le financement des entreprises, la priorité doit donc être donnée à : - une redéfinition d un cadre fiscal stable et cohérent, favorable au financement direct et indirect des entreprises non cotées ; - une facilitation de l accès des PME-ETI aux marchés de la dette ; - et une rationalisation du système public de soutien au financement des entreprises. 10

PARTIE 1 Repenser une fiscalité cohérente et stable au service du financement des entreprises 11

La création et la transmission : des étapes de la vie d une PME particulièrement difficiles à financer Le cycle de la vie d une entreprise est composé de trois grandes étapes : la création, le développement et la transmission. Dans la phase de développement, la rentabilité de l entreprise ainsi que son potentiel de croissance peuvent être analysés objectivement grâce aux comptes annuels, à la connaissance du secteur dans lequel évolue l entreprise et aux capacités des dirigeants de l entreprise. Ainsi, investir dans une telle entreprise, ou simplement lui faire un prêt, représente généralement un risque rationnel que les banques, les assureurs et les investisseurs privés hésitent moins à prendre. En revanche, peu d éléments permettent d évaluer le risque encouru lors d un investissement ou d un prêt à une entreprise en création. Compte tenu de l absence d historique de leur situation financière, les jeunes entreprises de moins de trois ans sont quasiment exclues du financement bancaire. Leur capacité à financer de nouveaux projets d investissement et de développement implique de compter sur leurs propres forces et de gérer l affectation de leurs résultats dans une logique de renforcement des fonds propres. Ce problème de financement est aussi saillant au moment de la transmission à titre gratuit des PME familiales. En présence d héritiers qui n ont pas encore fait leurs preuves, les investisseurs externes refusent généralement de financer cette période de passage de relais alors que l entreprise a des besoins vitaux de fonds propres. Elles doivent en particulier se restructurer suite au changement de direction et distribuer des dividendes aux associés qui doivent s acquitter de droits de mutation très lourds. Si la mise en place du pacte Dutreil pallie en partie ces difficultés, des efforts doivent être poursuivis, notamment en matière de paiement différé et fractionné. Cette possibilité n est pas offerte aux holdings «passives» et ne peut s obtenir qu à la condition que la société octroie une garantie à l administration fiscale. Or, cette dernière refuse généralement le nantissement des titres au motif qu une telle garantie est soumise aux aléas futurs de l évolution de la valeur de la société, valeur pourtant admise pour les droits de mutation. Un taux implicite 3 d imposition sur les bénéfices en France supérieur à la moyenne européenne L impôt sur les sociétés, en taxant à l identique les bénéfices réinvestis dans l entreprise et les dividendes distribués aux actionnaires, alourdit le coût des capitaux propres et réduit la capacité d autofinancement. Selon une étude du Trésor 4, le taux implicite des sociétés non financières françaises (27,5% en 2008) est supérieur à la moyenne européenne. Les comparaisons entre entreprises au niveau national montrent, par ailleurs, des différences de taux implicites au profit des plus grandes, sur 2007. Taux implicite d imposition en Europe en 2008 Taux implicite des sociétés non financières en 2007 Source : Eurostat, Taxation trends in the European Union, 2010. Source : Liasses fiscales DGFIP ; calculs DG Trésor. Le poids de l IS explique sans doute en partie la difficulté des TPE et PME françaises indépendantes à grandir et devenir des ETI. Reconsidérer les règles de l IS est un axe prioritaire pour consolider les capitaux propres des TPE et des PME et les inciter à réinvestir leurs bénéfices. Ainsi la qualité de la structure de leur bilan en serait améliorée aux yeux des banquiers. 3 Ratio entre les recettes d impôt sur les sociétés et son assiette économique mesurée par l excédent net d exploitation. 4 Trésor-Eco, «Le taux de taxation implicite des bénéfices en France», n 88 Juin 2011. 12

PROPOSITION 1 : INCITER LES PME A REINVESTIR LEURS BENEFICES DANS LES FONDS PROPRES Devant l insuffisance des moyens de financement qui s offrent aux entreprises lors de leurs premières années de croissance, les réseaux consulaires ont naturellement vocation à jouer un rôle éminent en matière pédagogique pour sensibiliser les chefs d entreprises aux enjeux liés au renforcement des fonds propres notamment en termes d accessibilité du crédit. Dans ce cadre, ils peuvent s inspirer du programme de formation continue sur les «techniques de financement des entreprises» mis en place par la CCIP. Pour la CCIP, il est nécessaire de favoriser l investissement par autofinancement. Actuellement, seules les jeunes entreprises innovantes et certaines sociétés en raison de leur statut, de leur activité ou de leur implantation 5 bénéficient d un régime fiscal d IS avantageux. Dans un souci de simplification, la CCIP propose de rationaliser ces dispositifs et de mettre en place un seul régime fiscal cohérent et attractif dont le taux d imposition varierait selon le cycle de croissance et les besoins de financement de toute nouvelle PME juridiquement indépendante. Ce régime reviendrait à : - Exonérer d IS les bénéfices réinvestis dans le capital de l entreprise pendant les trois années suivant sa création. - Appliquer un taux réduit d IS de 15% aux bénéfices réalisés les cinq années suivantes à condition qu ils soient réinvestis dans le capital de l entreprise. A défaut de réinvestissement des bénéfices réalisés et au-delà de la 9 ème année, le taux de droit commun s appliquerait. Toutefois, pour les entreprises ayant moins de 50 salariés et un chiffre d affaires inférieur à 7,6 millions d euros, la part de bénéfice ne dépassant pas 38 120 euros resterait taxée au taux réduit d IS de 15% sans aucune condition. 0 à 3 ans 4 à 8 ans 9 ans et plus Bénéfices réinvestis dans les fonds propres Exonération totale d IS Taux réduit d IS : 15% Taux d IS de droit commun Bénéfices non réinvestis Taux d IS de droit commun Taux d IS de droit commun PROPOSITION 2 : NE PAS OBERER LES FONDS PROPRES DE L ENTREPRISE A L OCCASION DE LA TRANSMISSION Forte de son expérience dans l accompagnement de l entreprise au moment de la transmission, la CCIP insiste sur la nécessité de préserver les fonds propres dans cette phase et propose de : - Élargir la possibilité d un paiement différé de 5 ans puis fractionné de 10 ans des droits de mutation aux transmissions de sociétés holdings dites «passives». - Exiger de l administration fiscale qu elle accepte systématiquement comme garantie du paiement le nantissement des titres transmis si le chef d entreprise le propose. 5 Entreprises nouvelles créées dans certaines zones du territoire (art. 44 sexies CGI), entreprises implantées ou créées dans les zones franches urbaines (art. 44 octies CGI). 13

Des faiblesses du capital-investissement sur les segments amont de la chaîne de financement Bien que le marché français du capital-investissement soit le deuxième marché en Europe (derrière le Royaume- Uni), les segments du capital-risque et du capital-développement sont encore peu développés. Sur la période 2005-2008, ces segments ont représenté respectivement 6% et 12% de l activité du secteur, contre 79% pour les opérations de LBO. Les difficultés d accompagnement en fonds propres se concentrent généralement sur les stades les plus amont du développement des TPE-PME (en phase d amorçage et premiers développements) qui mettent en jeu des petits tickets d investissement de l ordre de quelques centaines de milliers d euros. En deçà d une certaine taille d entreprise, l intervention des capitaux-investisseurs est difficile, en raison notamment du coût élevé d examen et de montage des petits dossiers et d une moindre incitation fiscale à la prise de risque dans le capital des PME pour les investisseurs externes. Investissements dans l année par le capital-risque et part des premiers stades (amorçage et création) en Europe En millions d'euros 1999 2004 2007 Allemagne 2 584 (38,8%) 965 (36,6%) 1 065 (40,0%) Espagne 481 (19,3%) 1 257 (5,5%) 990 (11,3%) France 1 590 (32,7%) 1 572 (26,2%) 1 358 (23,6%) Italie 541 (27,2%) 481 (4,7%) 294 (7,7%) Royaume-Uni 2 537 (10,0%) 3 607 (22,7%) 4 762 (13,0%) Suède 414 (58,3%) 632 (36,7%) 738 (38,6%) Source : European Venture Capital Association. La loi de finances pour 2011 qui a modifié les règles du jeu du dispositif ISF-PME 6, ouvrant aux contribuables la possibilité d investir dans les PME et de réduire leur ISF, va à contre-courant de ce qui se pratique actuellement, notamment au Royaume-Uni. Le plafond du dispositif britannique «Enterprise Investment Scheme» permettant aux investisseurs privés d injecter des fonds dans les entreprises nouvellement créées, vient récemment d être relevé à des niveaux bien supérieurs aux plafonds français : il passe de 500 000 actuellement à 1 million par personne à partir d avril 2012. Par ce dispositif, les investisseurs privés anglais contribuent au financement des entreprises à hauteur de 1 Md par an pour les 2/3 avec un investissement moyen supérieur à 100 000. Par comparaison, les plafonds du dispositif Madelin sont beaucoup plus faibles (50 000 pour une personne seule et 100 000 pour un couple). 6 Les assujettis à l ISF ne peuvent plus déduire que 50% de leur dépense d investissement dans une PME, contre 75 % auparavant. La réduction d ISF en cas d investissements directs ou au travers de holdings dans une PME est ramenée de 75% à 67,5% dans la limite de 45 000 euros. L avantage associé aux investissements au travers de fonds est lui ramené de 50 à 45%, dans la limite de 18 000 euros. 14

PROPOSITION 3 : DOUBLER LE PLAFOND DU DISPOSITIF MADELIN POUR LES SOUSCRIPTIONS AU CAPITAL DES PETITES ENTREPRISES EN PHASE D AMORÇAGE, DE DEMARRAGE OU D EXPANSION La CCIP propose de doubler les plafonds des versements effectués au titre de souscription au capital de PEC (Petites Entreprises Communautaires : moins de 50 salariés et moins de 10 millions de total bilan) non cotées, sous condition de conservation des titres pendant 5 ans. Le plafond de la réduction d impôt sur le revenu de 22% serait relevé dans la limite de 100 000 pour un célibataire et de 200 000 pour un couple. Cette mesure favoriserait une plus grande participation des business angels au capital des PME en limitant le nombre des nouveaux entrants. L'entrepreneur qui veut créer ou développer son entreprise préfère bien souvent lever 500 000 euros auprès de 2 ou 3 actionnaires plutôt qu auprès de 20 ou 50. 15

Une préférence marquée des ménages pour des actifs financiers liquides, renforcée par un cadre fiscal incohérent Les entreprises françaises parviennent difficilement à drainer vers elles l'épargne abondante des ménages. Ces derniers ressentent une aversion marquée pour les placements en titres d entreprises jugés trop risqués. Alors même qu'ils bénéficient d'une certaine forme d'assurance en cas de perte sur l investissement (possibilité de déduire du revenu imposable le montant des pertes supportées, article 163 octodecies A du CGI, cf. infra), les investisseurs particuliers privilégient toujours les placements liquides et peu risqués (livrets d épargne disponible, contrats d assurance-vie en euros ). Patrimoine financier des ménages : 3 622 Md en 2010 Source : INSEE, Banque de France, AMF. Actifs des ménages Patrimoine brut Patrimoine immobilier Patrimoine financier dont dépôts et livrets fiscalisés dont livrets défiscalisés dont épargne contractuelle (PEL) dont valeurs mobilières dont assurance-vie et épargne retraite Autres actifs Md en 2009 10060 6090 3320 470 340 210 940 1360 650 Poids 100% 61% 33% 5% Cette faible appétence pour les investissements risqués se trouve renforcée par un cadre réglementaire qui, quoique se voulant incitatif, s'appuie sur une multiplicité de dispositifs d épargne 7, dotés de régimes fiscaux propres ne répondant pas à une même stratégie fiscale. Ainsi, le court terme est parfois avantagé (pas de taxation du livret A), parfois pénalisé (assurance-vie retirée avant 4 ans taxée à 35 %) et la détention d actions n est pas toujours encouragée (traitement fiscal indifférencié de l assurance-vie quel que soit le support, contrats en unités de compte ou en euros). Un intérêt croissant des salariés pour les dispositifs d épargne salariale Selon l Association française de la gestion financière (AFG), les encours d épargne salariale sous gestion atteignent, en 2010, près de 90 Md (+ 4,5%), confirmant ainsi l intérêt croissant porté à ces dispositifs par les entreprises et leurs salariés notamment au sein des PME. Ils se répartissent entre les fonds d actionnariat salarié 8 à hauteur de 35,6 Md et les fonds «diversifiés» 9, eux même investis largement en actions, pour 53 Md. Au total, les fonds investis principalement en actions représentent 44,5 Md, contribuant ainsi de manière significative au financement en fonds propres des entreprises. Évolution des actifs sous gestion en épargne salariale 3% 2% 9% 13% 6% Source : AFG. 7 Cf. fiche 3 sur les principaux produits d épargne. 8 Principalement FCPE de l article L.214-40 du code monétaire et financier et SICAV AS. 9 Principalement FCPE de l article L.214-39 du code monétaire et financier. 16

PROPOSITION 4 : REPENSER LA COHERENCE DE LA FISCALITE DE L ASSURANCE-VIE SELON LA DUREE ET LE RISQUE Orienter l épargne longue des ménages vers le renforcement des fonds propres des entreprises suppose de gagner la confiance de l investisseur au moyen d une fiscalité lisible et pérenne. Celle-ci devrait accorder aux épargnants des avantages fiscaux en fonction du risque des placements et de la durée de détention des titres. Ainsi, la CCIP propose de moduler la fiscalité des contrats d assurance-vie pour bien distinguer les contrats en euros de ceux en unités de compte, constitués essentiellement de titres d entreprises. Une telle politique encouragerait l investissement dans les PME-ETI, et particulièrement celles non cotées jugées plus risquées. PROPOSITION 5 : ENCOURAGER L EPARGNE SALARIALE INVESTIE EN TITRES D ENTREPRISES Plutôt que d envisager une "prime sur les dividendes", le développement des mécanismes d épargne salariale notamment dans les entreprises de moins de 50 salariés où ils ne sont pas obligatoires peut œuvrer au partage des fruits de la croissance de l entreprise, et au financement des entreprises. Par conséquent, il convient de mettre en place des outils simplifiés et incitatifs au niveau de entreprises comme des salariés : - Fusionner les dispositifs de participation et d intéressement en créant un dispositif unique d épargne salariale basé sur l intéressement qui se caractérise par une grande simplicité et une large souplesse dans les critères et les modalités de calcul. - Stabiliser le cadre de l épargne salariale, par exemple en évitant de modifier, à chaque loi de finances, le champ d application de ces dispositifs et le taux du forfait social 10. 10 Le taux est passé de 2% en 2009, 4% en 2010, à 6% puis 8% en 2011. 17

PARTIE 2 Conforter le rôle des intermédiaires financiers traditionnels 18

Des exigences bancaires en matière de garanties qui peuvent limiter l accès des entreprises au crédit Pour limiter le risque de crédit et diminuer sa couverture en fonds propres, les banques peuvent parfois effectuer des demandes de garanties (nantissement du fonds de commerce, hypothèque de biens immobiliers, caution personnelle ), ce qui décourage souvent les entrepreneurs et pénalise le financement de leurs projets. Face à cette situation, des systèmes de mutualisation du risque se sont développés pour faciliter l accès des PME au crédit. C est le cas d OSEO qui joue un rôle majeur dans le domaine de la garantie des financements bancaires, soutenu par les fonds régionaux et européens. Au-delà d OSEO, il existe des sociétés de caution mutuelle, comme la SIAGI ou les SOCAMA, qui gèrent des fonds de garantie mutuels alimentés par les versements des emprunteurs, dans le cadre de conventions signées avec les banques. L action de ces acteurs est soutenue par le Fonds européen d investissement, notamment à travers le «Programme cadre pour la compétitivité et l innovation (CIP)». Le champ d intervention de ces acteurs reste toutefois limité, dans la plupart des cas, à des catégories d entreprises ou des secteurs spécifiques (artisanat, commerce, professions libérales, associations, agriculture ) avec certains critères en termes de taille (TPE) et de chiffres d affaires (jusqu à 20 M pour la SIAGI). Des évolutions réglementaires porteuses de risques pour l offre de crédit aux PME-ETI Les effets des futures règles de Bâle III, dont la mise en œuvre s étalera jusqu en 2019, commencent à transformer en profondeur la gestion actif-passif des bilans des établissements de crédit et leurs choix stratégiques en matière d allocation de fonds propres aux différentes lignes de métiers. Même si l accroissement des exigences prudentielles concerne surtout la couverture des risques de marché, les contraintes de liquidité 11 imposées par les nouveaux ratios 12 vont, selon les banques, peser sur l activité de crédit, notamment aux PME- ETI. En particulier, ces nouveaux ratios risquent d amoindrir leur capacité de transformation des ressources de court terme (dépôts à vue, épargne disponible) en emplois de longue durée (prêts de long terme). Autrement dit, la mise en œuvre de ces ratios les obligerait à réduire la maturité des prêts qu elles accordent à leurs clients et/ou à rechercher des ressources longues et donc coûteuses (dépôts à terme, rapatriement de l épargne non bilantielle comme l assurance-vie ), ce qui se traduirait, en fin de compte, par une hausse du coût du crédit (effet prix) et/ou une contraction de l offre de crédit aux entreprises (effet volume). Les études du FMI ou encore de l OCDE 13 s attachent à estimer l impact à moyen terme de la mise en conformité avec les règles de Bâle III sur la croissance du PIB par grandes zones géographiques sans analyser l impact microéconomique en matière de distribution de crédit aux entreprises. Il est difficile, à ce stade, d en mesurer avec précision la portée sur le financement des PME et des ETI. Selon la CCIP, le régulateur doit veiller à une transposition des nouvelles normes dans un esprit qui préserve l accès des entreprises aux financements bancaires. Des études d impact de Bâle III sur l offre de crédit aux PME devraient être réalisées par des organismes indépendants. Par ailleurs, il conviendrait de prévenir toute éventuelle distorsion de concurrence liée à Bâle III entre l Europe et les États-Unis où seule une minorité de banques seront soumises aux règles. Il est vraisemblable que le paysage bancaire va évoluer dans les mois à venir. Certains réseaux, notamment les réseaux mutualistes et la Banque postale, vont accentuer leur positionnement sur le segment des TPE-PME qui redeviendra leur cœur de métier. 11 Bâle III introduit deux nouveaux ratios de liquidité, l un à court terme et l autre à long terme, dont l objectif est de prémunir les banques contre une nouvelle crise de liquidité comme celle de 2008. 12 7% pour les fonds propres «durs» ou core tier 1 composés des actions ordinaires et des résultats mis en réserve soit plus que le triple des exigences actuelles de 2%. 13 FMI, «Bank behavior in response to Basel III: a cross-country analysis», WP/11/119, May 2011. OCDE, «Macroeconomic impact of Basel III», Economics department working paper No.844, February 2011. 19

PROPOSITION 6 : DEVELOPPER LE CAUTIONNEMENT MUTUEL AU PROFIT DES PME Pour faciliter l accès au crédit des entreprises de taille petite et moyenne, il convient de soutenir le développement des structures de cautionnement mutuel. Certaines catégories d entreprises, notamment les jeunes entreprises en forte croissance ou les entreprises en transmission, pourraient ainsi accéder plus facilement aux concours bancaires pour financer leurs projets. Pour une plus grande efficacité, le champ des entreprises éligibles aux interventions des sociétés de caution mutuelle devra être élargi à toutes les PME financièrement saines mais sans actif à proposer en garantie. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer les moyens des acteurs du cautionnement mutuel : - en augmentant l enveloppe de soutien accordée par le Fonds européen d investissement dans le cadre du programme CIP 14 ; - en améliorant l articulation de leurs interventions avec celles d OSEO et des fonds régionaux de garantie pour couvrir tout le spectre des besoins des entreprises en matière de garanties. PROPOSITION 7 : RELEVER LE PLAFOND DU LIVRET DE DEVELOPPEMENT DURABLE (LDD) SOUS RESERVE DE S ASSURER DU FLECHAGE DE LA COLLECTE ADDITIONNELLE VERS LE FINANCEMENT DES PME Face aux nouvelles exigences prudentielles en matière de liquidité, il est nécessaire que les banques puissent attirer dans leurs bilans une plus grande part de l épargne disponible des ménages. Le relèvement du plafond du LDD (ex-codevi), de 6 000 à 8 000 pourrait dynamiser ce livret d épargne réglementée destiné au financement des PME dans un contexte marqué par la baisse du rendement des autres placements financiers comme l assurance-vie. Son encours est presque trois fois inférieur à celui du livret A (69 Md contre 201 Md à fin mars 2011). Dans cette optique, l Observatoire de l épargne réglementée doit veiller au bon fléchage vers le financement des PME de la collecte additionnelle du LDD non centralisée au fonds d épargne de la Caisse des dépôts. 14 À titre d exemple, la SIAGI a bénéficié, en 2010, d un engagement du FEI d un montant de 75 M pour proposer une garantie sans caution personnelle dédiée aux opérations de transmission-reprise et de croissance d entreprise. 20