Les menaces pour le marché européen. Face à la mondialisation du marché du vin, l Europe plie mais ne rompt pas



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2 5 9 12 La nouvelle donne de la consommation mondiale de vin Diversification de la production européenne Les menaces pour le marché européen Conclusion Décembre 2015 Face à la mondialisation du marché du vin, l Europe plie mais ne rompt pas LES PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES DE COFACE a consommation européenne de vin a baissé ces dernières années, à l image de celle de la France qui a été divisée par trois en 50 ans. A l opposé, elle croît dans les autres régions, grâce surtout à la consommation des ménages des deux premières économies de la planète que sont les Etats-Unis et la Chine. Cette dernière deviendra d ailleurs le premier consommateur mondial de vin avant 2030 (devant les Etats-Unis et la France) L Par les économistes du Groupe Coface et portera la croissance de ce secteur durant les 15 prochaines années. Cela étant, la production augmente à nouveau depuis cinq ans dans certaines régions. C est le cas pour une partie de l Europe, notamment en Espagne et, dans une moindre mesure, en Italie. Nous retrouvons la même tendance en Afrique du Sud, en Australie, aux Etats-Unis, ou encore au Chili, des pays où émergent les acteurs qui produisent ces fameux «vins du nouveau monde». RETROUVEZ TOUS LES AUTRES S DU http://www.coface.fr/actualites-publications/publications En Europe, face à cet écart grandissant entre l offre et la demande, les acteurs européens cherchent des débouchés dans le reste du monde, mais cette nouvelle donne internationale aura un effet différencié selon les pays. Si la qualité française est toujours reconnue à travers le monde, le modèle espagnol, fondé sur une production plus massive au regard des surfaces cultivables, semble plus vulnérable à la nouvelle concurrence internationale.

2 DECEMBRE 2015 Face à la mondialisation du marché du vin, l Europe plie mais ne rompt pas Guillaume BAQUE Économiste Paul CHOLLET Responsable des études sectorielles et défaillances Guillaume RIPPE-LASCOUT Économiste 1 LA NOUVELLE DONNE DE LA CONSOMMATION MONDIALE DE VIN Baisse de la consommation européenne La consommation de vin a reculé de 16,6% entre 2000 et 2014 en Europe (1), à cause de nouvelles habitudes de consommation. Les trois pays qui Graphique n 1 Evolution de la consommation de vin des principaux consommateurs (2000-2014/Mhl) 35 30 25 20 15 10 5 2000 2007 Prévisions 2014 ont le plus réduit leur consommation (cf. graphique n 1) entre 2003 et 2013 sont également les premiers producteurs du continent, c est-àdire l Espagne (-34%), l Italie (-26%), la France (-17%). A l opposé, la consommation del Allemagne et celle du Royaume-Uni ont augmenté de respectivement 3% et 9%. Au total, les européens ont réduit leur consommation d environ 17 000 hectolitres, ce qui représente 60% de la consommation annuelle française en 2013. Une étude sur la France, réalisée par FranceAgriMer (2) conclut que le vin est passé d une composante de repas à une boisson culturelle. Le pays demeure pourtant le premier consommateur de vin par habitant au monde (43,8 litres par an, contre 28,3 pour l Union européenne à 15). Ces tendances à la baisse perdureront, en raison notamment des mesures prises pour réduire l alcool au volant responsable de 20% des accidents mortels en Allemagne et 30% en France. Depuis le 1 er janvier 2015, le taux d alcoolémie autorisé au volant en France, pour les jeunes conducteurs, est passé de 0,5 gramme par litre de sang à 0,2, ce qui devrait diminuer encore la consommation de vin dans ce pays, au profit de boissons moins dosées en alcool. 0 Etats-Unis France Italie Allemagne Chine Royaume-Uni Russie Argentine Espagne Australie Source : OIV (1) Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni (2) FranceAgriMer, Filière vin, Octobre 2015

3 Augmentation de la consommation mondiale Malgré le recul de la consommation européenne, nous observons une croissance de 6% de la consommation mondiale de vin entre 2000 et 2014 (3). Tout d abord rapide, la progression de la consommation en volume (+11,5% entre 2000 et 2007) a été interrompue par la crise financière globale de 2008. Après deux années de contraction (-4,7% entre 2007 et 2009), la consommation mondiale stagne depuis 2010 autour de 240 millions d hectolitres (Mhl)/an. Dit autrement, depuis 2010, la baisse de la consommation européenne est compensée par son augmentation dans le reste du monde. Dans le détail, la croissance de la consommation mondiale de vin est tirée par celles des Etats-Unis et de la Chine qui ont augmenté respectivement de 29% et de 37% entre 2000 et 2014 (cf. graphique n 1). Deux autres pays ont nettement progressé dans ce domaine depuis 2000. En Russie, la consommation de vin, qui a certes baissé en 2014 en lien avec la contraction de l activité, avait auparavant fortement augmenté jusqu en 2007 (+170%). Le deuxième pays est l Australie qui accroît ses commandes de vin à un rythme régulier, de +2,5% en moyenne par an. Surplus de demande en provenance d Asie d ici dix ans Pour que la consommation de vin augmente dans un pays, il faut qu en plus d habitudes sociales et culturelles adaptées, au moins une des conditions suivantes soit respectée : augmentation de la population, plus grande urbanisation, croissance de l activité. L Asie est la région du monde qui remplit ces trois conditions. Forte augmentation de la population Selon Coface, la population mondiale dépassera les 8 milliards d habitants en 2023, contre 7,3 milliards en 2014 (cf. graphique n 2). Le rythme de croissance annuelle moyen durant la décennie à venir (+1,1%) sera similaire à celui observé ces dix dernières années (+1,2%). Une étude de la FAO et de l OCDE (4) estime que près de la moitié des habitants supplémentaires d ici 2024 viendront d Asie, alors qu au sein même de cette région, un pays comme le Japon verra sa population diminuer de 3 millions d habitants. Cet accroissement de la population mondiale représente une opportunité pour le secteur viticole, d autant plus qu il s accompagne d une urbanisation qui facilite la distribution des produits alimentaires. Forte urbanisation En 2014, 53,4% de la population mondiale vivaient dans une aire urbaine, contre 46,5% en 2000. Les Nations Unies projettent que ce ratio sera de 66% en 2050. Cette progression est essentiellement due aux régions d Asie du Sud- Est et d Afrique subsaharienne qui voient leur population migrer massivement vers les villes (cf. graphique n 3). En 2014, la part de la population urbaine était de 56% en Asie et de 37% en Afrique subsaharienne, contre 36% et 31% en 2000. L urbanisation chinoise suit la tendance du continent. Puisque 53% de la population citadine mondiale vit en Asie en 2014, les perspectives sont prometteuses. Les pays d Europe et d Amérique latine ont atteint un niveau d urbanisation mature, 74% et 80% de leurs habitants vivant en ville (chiffres relativement stables depuis 1985). Toutefois, ils ne représentent respectivement que 14% et 13% de la population urbaine mondiale. Tant par son évolution à venir que par sa taille, l urbanisation en Asie modifiera les comportements alimentaires et d achats des populations. Graphique n 2 Evolution de la population mondiale, 1990-2025 Taux de croissance de la population Population mondiale, ED, Md Graphique n 3 Evolution de l urbanisation dans le monde entre 1985 et 2014 et taille de la population urbaine en 2014. Lecture : L Asie du Sud-Est possède la plus grande population urbaine en 2014, qui représente 56% de la population asiatique totale et qui a crû de 82% entre 1985 et 2014. 1,9 8,5 180% Taille de la population urbaine 1,8 1,7 1,6 1,5 1,4 1,3 1,2 y = -0,186ln(x)+1,781 1 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 Sources : Coface, Banque mondiale 8 7,5 7 6,5 6 5,5 5 Variation de l urbanisation 1985/2014 160% 140% 120% 100% 80% 60% Afrique 40% subsaharienne Amérique latine 20% Amérique Europe du Nord 0 0% 20% 40% 60% 80% 100% Population urbaine / Total Source : UN Chine Asie du Sud-Est (3) OIV : Organisation Internationale du vin (4) Agricultural Outlook 2015-2024, OCDE-FAO, 2015 (5) World Urbanization Prospects, United Nations, 2014

4 Une classe moyenne qui consomme du vin Une étude d Anderson & Wittwer rappelle qu au 20 ème siècle en Asie, le vin était uniquement consommé par une élite. L évolution positive de la demande vient également de l augmentation des richesses qui a conduit, entre 2000 et 2010, la part du vin dans la consommation asiatique d alcool à doubler pour atteindre 3% (6). Dans cette région, comme en Afrique, la croissance de l activité devrait être plus forte durant la prochaine décennie que dans le reste du monde (cf. tableau n 1). Si la croissance chinoise devait continuer à ralentir pour atteindre 5% en moyenne entre 2020 et 2025 (7), le renforcement de la classe moyenne profitera au secteur (cf. encadré n 1, page 8). En effet, selon une étude de l OCDE (8), le nombre de foyers disposant d un revenu annuel qui dépasse 35 000 dollars devrait tripler en Chine d ici 2022. Si la croissance potentielle (9 des économies asiatiques est élevée, celle des pays développés a été maintes fois révisée à la baisse par les grandes institutions depuis la crise financière de 2008. En effet, Graphique n 4 Evolution des consommations de vin, en milliers d hectolitres 40 000 35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 2003 2005 2007 Sources : OIV, FranceAgriMer Tableau n 1 Croissance potentielle du PIB 2020-2025 Croissance potentielle 2020-2025 Allemagne 1,10% Australie 2,60% Chine 5,0% Espagne 1,70% Etats-Unis 2,0% France 1,30% Hong Kong 3,50% Italie 1,20% Royaume-Uni 1,20% Russie 1,50% Singapour 3,20% Sources : IMF, EC, DGTresor 2009 2011 2013 2015 France Italie Russie y = 35344x -0,078 2017 2019 2021 Chine États-Unis Espagne y = 23697x 0,0826 y = 30504x -0,113 y = 11104e 0,0409x y = 9405e 0,0233x -3500 y = 15530x -0,172 2023 2025 2027 selon les pays, l endettement élevé des agents privés ou publics, le vieillissement de la population ou un déclin démographique conduisent à s interroger sur une possible stagnation de la croissance future des économies avancées. Le tableau n 1 offre une lecture différenciée de l évolution de l activité de ces économies dans les dix prochaines années. Un rapport (10) du FMI sur l économie américaine, mentionne que la croissance potentielle des Etats-Unis se situe autour de 2% par an jusqu en 2025 (soit 1,1% de plus qu en Europe à 28, selon un rapport de la Commission européenne (11) ). Cet écart met en évidence la capacité des ménages américains à conserver une dynamique favorable à la consommation de vin. L analyse de la consommation de vin des marchés nous amène à conclure qu en 2025, la Chine consommera davantage de vin que la France (cf. graphique n 4). En effet, la consommation de vin par habitant y demeure faible (1,3 litre/habitant en 2013, contre 44,5 en France), ce qui laisse une place importante à une progression encore plus rapide de la consommation en cas d incitations : publicités, effets de mode, etc. Au-delà du cas français, les cartes seront donc rebattues d ici 2027. La Chine devrait alors être le premier consommateur mondial de vin, devançant de peu les Etats-Unis (cf. tableau n 2). Par ailleurs en Russie, si la consommation est fragilisée depuis 2014 par la contraction de l activité, à moyen terme le rythme de consommation de vin devrait s accélérer pour dépasser en 2027 celle du Royaume-Uni. Tableau n 2 Classements des dix premiers pays consommateurs de vin Rang 2013 Rang 2027 Etats-Unis 1 2 (-1) France 2 3 (-1) Italie 3 4 (-1) Allemagne 4 5 (-1) Chine 5 1 (+4) Royaume-Uni 6 7 (-1) Russie 7 6 (+1) Argentine 8 8 Espagne 9 9 Australie 10 10 Sources : OIV, Coface La consommation mondiale devrait donc continuer de croître dans la prochaine décennie, tirée par la consommation asiatique, américaine et dans une moindre mesure russe. Nous estimons que, de 2012 à 2027, cette croissance sera d environ 10% (12), soit 0,65% par an. Ce résultat est évidemment porteur pour l ensemble du marché. Cela étant, l émergence de nouveaux producteurs et de plusieurs modèles de production pourraient remettre en jeu la suprématie des acteurs européens dans le secteur. (6) K.Anderson & G. Wittwer, «Asia s evolving role in global wine markets», April 2015 (7) Rééquilibrage et croissance potentielle en Chine, Albert, Jude, Rebillard, DGTrésor, 2015 (8) K. Kharas «The emerging middle class in developing countries», OECD, 2010 (9) La croissance potentielle représente celle que l économie peut maintenir à long terme, hors effets de court terme (10) IMF United States Article IV, Juillet 2015 (11) The 2015 ageing report, European Commission, 2015 (12) Calculs Coface sur la base de l évolution de la consommation des dix premiers acteurs

5 2 DIVERSIFICATION DE LA PRODUCTION EUROPEENNE Si depuis le début des années 1960, leur part dans la production mondiale baisse de neuf points (48% entre 2013-2015, contre 57% au début des années 1960), les principaux producteurs de vin (13) occupent et maintiennent une position dominante sur le marché (cf. graphique n 5). Cette baisse a profité aux «pays du nouveau monde» (PNM) (14), dont le poids dans la production mondiale a été multiplié par deux en 50 ans, au détriment de la production des autres acteurs de la planète. Ces derniers ont vu leur part dans la production mondiale passer de 26% à 17% sur la même période, entraînant mécaniquement une concentration des acteurs. Baisse de l offre européenne Les trois premiers producteurs mondiaux sont européens La production de vin dans le monde est dominée par l Italie (18%), la France (17%) et l Espagne (13%) qui sont à l origine de 48% de la production mondiale en 2015 (15) (cf. graphique n 5), pour une production européenne représentant 60% de la production mondiale. Ces pays dominent les autres producteurs européens avec des niveaux de production 5 à 12 fois plus élevés que les productions allemandes, portugaises, russes et roumaines (comparé à celle de l Italie en 2015). malgré une production en baisse depuis 30 ans, au profit des PNM Même si au cours des cinq dernières années la production européenne de raisin augmente au même rythme que celle du vin dans le monde (3%), celle-ci n avait pas été entretenue par les producteurs européens sur les 25 années précédentes. En effet, quand la production de raisin sur les dix dernières années (moyenne 2003-2013) était supérieure de 7% à celle des trente dernières années (moyenne 1983-2013) pour les PNM, celle de l Europe (pour la même comparaison) diminuait de 10% (cf. graphique n 6). La baisse voulue de la production européenne La baisse générale de la production en Europe est visible à partir du milieu des années 1980, date à laquelle la croissance de la production mondiale s est intensifiée. Elle est principalement due à la forte baisse des superficies récoltées (-14,1%) entre M1 et M2 (16), qui ont diminué trois fois plus vite que l ensemble des superficies récoltées dans le monde (-4,2% seulement). Si la croissance des rendements (+11,9%) est à l origine de l augmentation de la production mondiale de raisin (+7,7%), celle plus relative des rendements européens (+4,2%) n a pas permis d amortir la forte chute de sa production (-10,2%). De fait, concomitamment à la forte restructuration du secteur vitivinicole (17) européen sur les trente dernières années, du fait de la surproduction liée au ralentissement de la consommation, la croissance de la production mondiale a dû être assurée par de nouveaux producteurs. Graphique n 5 Parts (moyenne sur cinq ans/trois ans) dans la production mondiale de vin de 1963 à 2015 (estimée pour 2015) Graphique n 6 Evolution de la production, de la superficie récoltée et du rendement de raisin - Monde (M) - Europe (E) - (base 100 en 1961) 100% 90% 80% 70% Reste du monde Allemagne Afrique du Sud Australie, Nelle-Zélande 245 225 205 185 Production M Superficie M Rendement M Production E Superficie E Rendement E 60% 50% 40% 30% Chili Argentine Chine Etats-Unis Espagne 165 145 125 102 20% Italie 85 10% France 65 0% 63-67 83-87 03-07 13-15 45 1961 1964 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1991 1995 1998 2001 2004 2007 2010 2013 Sources : FAO Stat, OIV Octobre 2015 Source : FAO (13) Espagne, France, Italie (14) Pays du nouveau monde : Afrique du Sud, Argentine, Australie, Chili, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande (15) Eléments de conjoncture vitivinicole, OIV, 2015 (16) Les chiffres ci-après sont comparés en moyenne 2003-2013 (M1) / moyenne 1983-2003 (M2). En référence au graphique n 8, la production (P) est représentée selon la fonction suivante : P (tonnes) = R (Rendements en hg/ha) X SR (Superficies Récoltées en ha) (17) Ensemble des activités de la viticulture et de la viniculture

6 profite à d autres acteurs Les zones ayant connu les meilleurs taux de croissance de leur production de raisins ces dix dernières années sont l Asie (+52%), l Amérique du Sud (+45%) et l Amérique du Nord (+32%). Mais l Asie est de loin le deuxième producteur mondial en volume (32% de la production mondiale en 2013, contre 26% en 2003). L écart se réduit avec la production européenne, puisqu il s élève à six points de pourcentage en 2013, contre 21 en 2003. L Asie produit donc trois fois plus de raisins que l Amérique du Sud (11%), l Amérique du Nord (10%), cinq fois plus que l Afrique et dix fois plus que l Océanie. La croissance de la production de raisin s est considérablement accélérée ces der-nières années dans cette zone, grâce aussi à son expérience viticole de longue date, puisqu elle était déjà le deuxième producteur mondial de raisins en 1961. Le potentiel de l Asie est énorme, mais demeure sous-exploité, dans la mesure où seulement 13% de son vignoble est consacré au vin (contre 42% aux Etats-Unis et 85,6% pour les trois principaux producteurs européens). La baisse de la production européenne a donc laissé progressivement de la place à d autres zones de production, mais la restructuration aura permis d instaurer un modèle viticole européen qui repose sur une compétitivité prix. L Europe : une «zone forte» de production où les principaux producteurs ont une offre complémentaire La production européenne reste la première zone de production mondiale L atout traditionnel de la production en Europe réside dans le nombre de surfaces récoltées (SR), qui représente 50% du total mondial en 2013, alors que toutes les autres zones (hors Océanie) fondent le développement de leur production sur la croissance des rendements (cf. graphique n 7). En 2013, l Europe est la seule zone où les rendements sont inférieurs (-24%) au rendement mondial moyen, malgré une augmentation des ren- dements européens de 18% en 10 ans. Si l on se réfère au vieil adage «plus le rendement est élevé, plus la qualité est diluée», tout porte à croire qu en se restructurant le vignoble européen est devenu un acteur compétitif, positionné sur une production qualitative. Un rapport de la Commission européenne (18) d octobre 2014 confirme «qu entre l an 2000 et 2012, les vins européens ont, dans l ensemble, amélioré leur compétitivité au sein du marché mondial en termes de valeur, tout en maintenant leur position en termes de volumes et ce, malgré la perte globale de parts de marchés (aussi bien en valeur qu en volumes)». La restructuration du domaine viticole européen n a pas remis en cause l identité des trois principaux producteurs. Au contraire, elle a même contribué à les rendre plus compétitifs et complémentaires. dans laquelle se distinguent plusieurs modèles de production L Espagne est le seul producteur (sur les trois premiers) à avoir vu sa production viticole augmenter sur les 50 dernières années (cf. graphique n 8). Si cette augmentation en Espagne et la baisse en France et en Italie illustrent au moins deux modè-les de production, l analyse des origines de cette baisse permet de dégager un troisième modèle. Tout d abord, le niveau des superficies récoltées baisse pour l ensemble des producteurs depuis 30 ans (cf. graphique n 8), du fait de l OCM vin (19) notamment, mis en place en 2008, et vecteur de la restructuration vitivinicole européenne. Graphique n 7 Evolution (2003-2013) et poids en % dans le monde 2013 - *Rendements **Production ***Superficie récoltée 180% 160% 140% 120% 100% 80% 60% 40% 20% 0% Evolution 2003-2013 Poids 2013 1963-1983 1983-2003 2003-2013 Graphique n 8 Indice de croissance des superficies récoltées (SR), des rendements (R) et de la production (P) de raisins des trois principaux producteurs de vin (base 100-1961) - 1-2-3 étant le rang occupé sur la moyenne (2003-2013). -20% R* P** SR*** R P SR R P SR R P SR R P SR R P SR SR-3 R-1 P-1 SR-2 R-2 P-3 SR-1 R-3 P-2 Afrique Amérique Amérique Asie Europe Océanie Italie France Espagne du Nord du Sud Source : FAO Source : FAO (18) Etude sur la compétitivité des vins européens, Commission européenne, 2014 (19) OCM vin : suppression des aides à la distillation et mise en place d aides à l arrachage définitif, à la restructuration et à l investissement dans les chais.

7 Néanmoins, le volume des superficies récoltées en Espagne demeure en moyenne supérieur de 35% à celui de la France sur la période M1. Enfin, les surfaces récoltées de l Italie baissent plus fortement que celles de la France (respectivement -20% et -12%) sur la même période. Les évolutions de rendement diffèrent très fortement entre l Espagne et ses voisins sur les dernières années, preuve de la volonté des hispaniques d accentuer leur production en volume. La croissance moyenne de la production de raisin de l Espagne (+18% entre M1 et M2) provient principalement d une augmentation des rendements (+42%), tandis que l Italie et la France ont vu leur production fondre de 18% sur la même période, à cause d une croissance faible des rendements en Italie (+2%) et négative en France (-8%). Aux extrêmes, nous retrouvons les modèles de production espagnol (production orientée sur l augmentation des volumes) et français (production recentrée sur la création de valeur) et, au milieu, le modèle italien. Notons néanmoins que la croissance des rendements en Italie est beaucoup moins élevée sur la période M1 (contrairement à celle des rendements en Espagne), ce qui laisse penser que le modèle de la production de raisins en Italie tend à se rapprocher de celui de la France. Ceci nous permet de définir trois modèles de production pour les principaux producteurs, et trois positionnements en gammes différents. Graphique n 9 Exportations de vins en valeur (milliers dollar américain) et en volume (tonnes) en 2014, et leurs Pds (Poids) dans les exportations mondiales en 2014 FRANCE ITALIE ESPAGNE Volume ; Pds 22% Valeur ; Pds 10% Volume ; Pds 19% Valeur ; Pds 20% Volume ; Pds 14% Valeur ; Pds 30% Sources : TradeMap, UN Contrade 2014 0 5 000 000 10 000 000 Double positionnement de l Europe, à la fois qualitatif et quantitatif Ces modèles reflètent des positionnements produits complémentaires, clairement identifiables au travers de la structure de leurs exportations (cf. graphique n 9). A l image du ratio de qualité (exportations en valeur/exportations en volume), la France (ratio de 7) est la mieux positionnée qualitativement, suivie de l Italie (3,3) et de l Espagne (1,5) en 2014. L Italie a, dans une moindre mesure, orienté sa production vers la recherche de qualité, avec une croissance de son ratio quasi similaire à celle de la France (respectivement 240% et 250%) entre 2001 et 2014. Enfin, le rapport qualité/quantité des exportations en Espagne demeure sensiblement identique sur la même période, signe d une politique vouée à la recherche de volumes. Une étude d octobre 2015 (20) mentionne qu au niveau mondial, la concurrence sur les volu-mes se joue principalement sur le marché du vin en vrac, où sont positionnés un certain nombre de PNM, mais aussi l Espagne (premier exportateur mondial de vin en 2014) et dans une moindre mesure l Italie sur les trois dernières années (cf. graphique n 9). Si les trois principaux producteurs européens ont une offre de production globalement complémentaire, sont-ils tous compétitifs à l international en valeur et en volume? Compétitivité des vins européens en termes de rapport qualité/prix Sur les marchés mondiaux, et selon un rapport de la Commission européenne (21), le rapport prix européens/prix PNM est supérieur à un pour le vin en bouteille et inférieur à un pour le vin «en vrac», pour la moyenne des années (2000-2012). Comme le montre l étude, «cela laisse penser que les vins en bouteille européens sont de meilleure qualité que ceux des concurrents et vice-versa, que les vins en vrac exportés sont d une qualité moindre». Cela se confirme avec le graphique n 10 page 8, qui souligne que la répartition par produit des trois premiers exportateurs (et producteurs) du monde est corrélée à leurs modèles de production respectifs. On retrouve un niveau de volume important de ventes en «vrac» pour l Espagne (57%) et dans une moindre mesure pour l Italie (28%). On constate que les niveaux en volume sont en moyenne trois fois supérieurs aux valeurs générées et ne dément pas le positionnement «bas de gamme» des vins en vrac européens. On constate également la forte valeur ajoutée dégagée par la vente des vins pétillants, dont la valeur générée est deux fois supérieure aux volumes réalisés. Enfin les vins en bouteilles sont majoritaires en volume (55%) et en valeur (67%) et traduisent, globalement, la qualité de la production européenne. (20) Les synthèses de FranceAgrimer, 2015 (21) Etude sur la compétitivité des vins européens, Commission européenne, 2014

8 Graphique n 10 Répartition par produits des exportations de vin des trois premiers exportateurs mondiaux en volume (2014) 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% Volume Valeur L Europe est donc globalement très bien positionnée sur la production de vin de qualité (vin + pétillant). Néanmoins, sa production de vin «en vrac» de moyen et bas de gamme est moins compétitive. Alors que la consommation de vin en Europe baisse, l offre des trois principaux producteurs de la région augmente de 2% en moyenne sur les cinq dernières années. Cette hausse est d ailleurs supérieure à la consommation annuelle moyenne de 0,65% attendue jusqu en 2027 (cf. première partie). Si ce niveau de croissance de la production est conservé, les producteurs européens devront donc trouver des relais de croissance à l export et se différencier dans un contexte d augmentation de l offre globale grâce aux pays du nouveau monde. 0% Bouteille Pétillant Vrac Bouteille Pétillant Vrac Bouteille Pétillant Vrac ESPAGNE Source : OIV, Avril 2015 ITALIE FRANCE Encadré n 1 Sybille Marlin, co-fondatrice en 2013 de Epicura Cette société commercialise la nouvelle marque de vins français «Louis François». Comment vous est venue l idée de créer Epicura? La France possède des vins de grande qualité, qui sont reconnus mondialement. Mais son offre est actuellement très morcelée notamment à cause de multiples appellations de noms de domaines et de châteaux. Elle est donc assez peu lisible pour majorité des consommateurs français et étrangers. C est en partant de ce constat que nous avons décidé de lancer Louis François. Notre objectif est de donner aux consommateurs de tous pays les moyens de se repérer grâce à notre marque. Celle-ci est non seulement gage de qualité, mais aussi un moyen didactique d approcher le terroir, puisque nos vins sont sélectionnés pour exprimer leur capacité à exprimer pleinement le terroir où ils ont été élevés. En cela, la présence à nos côtés dans Epicura de Benjamin Roffet, Meilleur sommelier de France 2010 et Meilleur ouvrier de France 2010, est primordiale. Quels sont pour vous les atouts de la concurrence étrangère, notamment du «nouveau monde»? Le «nouveau monde» a globalement une approche décomplexée du vin. Il s adresse simplement aux consom- mateurs en parlant principalement de cépage. La notion de marque dans l offre de vin du «nouveau monde» est habituelle et participe à la lisibilité de l offre. Cela nous a inspiré! Mais nous souhaitions conserver les éléments clés du marché français du vin : l appellation, le millésime Ainsi la gamme Louis François se compose actuellement de 17 vins d appellation d origine contrôlée (AOC) issus de huit régions viticoles françaises. C est une approche novatrice qui allie tradition et modernité. Pourquoi avoir ciblé la Chine? Sylvain François, qui est à l origine d Epicura, travaille depuis de longues années avec la Chine. Expert en vin, il a su percevoir une demande chinoise de vin de qualité à la lecture accessible. Notre marque est d ailleurs maintenant commercialisée en Chine dans plusieurs provinces et utilisée en Chine dans des cours sur le vin, signe du pouvoir didactique qu offre notre lecture. Nous sommes sûrs que le marché chinois nous offrira de nombreuses opportunités car l activité, certes en ralentissement, continue d afficher des chiffres de croissance impressionnants. La classe moyenne ne cesse de grandir et les chinois ont des dispositions pour apprécier le vin. Grâce à la cérémonie traditionnelle du thé, leur palais est en effet habitué à distinguer et à découvrir des arômes. Les mesures chinoises anti-corruptions vous ont-elles affectées? De nombreuses marques de vin et spiritueux ont connu un net ralentissement à ce moment-là. Nous étions au démarrage de notre commercialisation et cela n a clairement pas facilité les choses. Aujourd hui, pour nous, la situation est plus fluide Voyez-vous d autres marchés à forts potentiels? Notre approche étant différente et nouvelle, de nombreux marchés ont du potentiel pour nous. C est d ailleurs ce que nous avons pu constater à Vinexpo, lors du lancement de notre marque en juin dernier. Aujourd hui, nous ciblons également le continent africain, qui voit sa consommation de vin augmenter cinq fois plus vitre que la consommation mondiale moyenne. Nous sommes d ailleurs en phase de démarrage de commercialisation en Côte d Ivoire. Malgré une demande plus faible qu en Asie, nous y voyons l opportunité de nous faire connaître sur un marché en devenir.

9 3 LES MENACES POUR LE MARCHE EUROPEEN L accroissement de la classe moyenne dans les pays émergents a engendré une nouvelle demande en vin. Le commerce extérieur mondial de vins (22) s est ainsi accrû de 169% en valeur entre 2001 et 2014. Les habitudes de consommation ayant tendance à converger vers des standards occidentaux, les marques ont également un rôle prépondérant (cf. encadré page 8). A titre d exemple en 2015, 39% des consommateurs de vins en Chine le sont car cela reflète des «personnes modernes et sophistiquées», contre 31% en 2014 selon le Wine Intelligence. Toutefois, d autres facteurs viennent soutenir la demande de vins importés comme la fiscalité ou encore le taux de change. L Europe, un leader du commerce mondial de vins Si depuis 2005, la France a perdu son statut de premier exportateur en volume au profit de l Italie, elle n en demeure pas moins le troisième exportateur mondial, derrière l Italie et l Espagne, et le premier en valeur (29,6% des exportations mondiales en valeur en 2014 selon UN COMTRADE). Mais si les trois champions européens représentent près des deux tiers du commerce extérieur de vins en valeur (59%) et en volume (54%), leur part décroît à travers le temps. Depuis 2001, c est 5,7 points de pourcentage en valeur qui ont été perdus face à la montée en puissance de pays d Amérique, d Afrique du Sud ou encore d Océanie. Sur une période plus récente, l Italie est restée la plus dynamique avec une augmentation de 25% de ses exportations en valeur et de 14% en volume entre 2008 et 2014 (cf. graphique n 11). Mais la montée en puissance du Chili (CL) et de la Nouvelle-Zélande (NZ) est patente. Notons qu une baisse du volume exporté concomitante à une augmentation de la valeur témoigne d une montée en gamme des exportations, c est notamment le cas pour l Espagne (ES) bien que le rapport qualité/ quantité soit le plus faible des trois grands exportateurs européens (voir page 6), l Argentine (AR) et les Etats-Unis (US). Malgré une forte progression, la Chine n en reste pas moins un acteur mineur avec 3 800 tonnes exportées contre 1 467 000 tonnes en 2014 pour la France. En effet, en intégrant Hong-Kong et Macao, le commerce extérieur en vins demeure limité. En valeur, la Chine est devenue le 27 ème acteur mondial, contre le 29 ème en 2008, avec 57 milliards de dollars exportés. mais également le principal importateur Le Royaume-Uni et l Allemagne sont respectivement les deuxième et troisième importateurs mondiaux de vins en valeur, et premier et deuxième en volume. Ils concentrent ainsi 29% des importations mondiales en valeur et 28% en volume. Mais l évolution de ces marchés matures ne se fait pas au détriment des exportateurs historiques européens. La part de marché des trois premiers acteurs (France, Italie et Espagne) reste stable en Allemagne, autour de 80% en valeur et 77% en volume, alors qu elle progresse sensiblement au Royaume-Uni pour atteindre 61% en valeur et 47% en volume (cf. graphique n 12). De fait, la montée en puissance des nouveaux producteurs (Afrique du Sud, Australie, Chili, Etats-Unis, etc.) ne semble pas constituer un risque majeur pour les exportateurs européens sur le marché domestique. Graphique n 11 Evolutions des exportations en volume (milliers de tonnes) et en valeur (millions d USD) des 20 premiers acteurs mondiaux de vins entre 2008 et 2014 Graphique n 12 Part de marché de la France, l Italie et de l Espagne dans le total des importations de vin 300 200 CL IT 100% 90% Royaume-Uni valeur Royaume-Uni volume Allemagne valeur Allemagne volume Volume 2014-08 AU BE 100 ZA FR AR UK -500 500 1 000 1 500 PT US -100-200 -300 NZ ES Valeur 2014-08 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Source : UN Comtrade Source : UN Comtrade (22) Les données relatives au commerce extérieur sont issues du UN COMTRADE. Le vin se réfère à la référence «2204 : Vins de raisins frais, vins enrichis en alcool ; autres moûts de raisin»

10 Une demande en vins étrangers qui se déplace, mais pas seulement en Asie Depuis 2012, les Etats-Unis briguent la première place d importateur de vins en valeur mais demeurent en troisième position en volume, derrière l Allemagne et le Royaume-Uni. Si la part de marché des importations des trois premiers acteurs européens (Espagne, France et Italie) s est réduite jusqu en 2012, elle semble se redresser depuis lors pour atteindre 66% en valeur et 44% en volume en 2014. L Asie du Sud-Est reste un marché très convoité par les exportateurs, mais les «vieux» marchés sont toujours dynamiques. Les importations aux Etats-Unis ont ainsi augmenté de 516 millions de dollars entre 2008 et 2014 (cf. graphique n 13). On retrouve également l Allemagne (DE), le Japon (JP) et le Canada (CA). Toutefois, c est bien la Chine (23) qui affiche un appétit sans commune mesure : en six ans seulement, 1,8 milliard de dollars et quelques 238 000 tonnes de vins supplémentaires ont été importés. Mais cette progression délivre aussi un autre enseignement, celui de la hausse du prix moyen car avec un volume supplémentaire importé identique aux Etats-Unis, la valeur est 3,5 fois plus élevée en Chine. Toutefois ce phénomène s inverse depuis 2013. Une normalisation de la consommation en Chine qui s accompagne de risques pour les acteurs européens Hong Kong est devenu le principal hub du vin étranger en Asie du Sud-Est depuis 2008 en ayant fait le choix de supprimer les taxes sur les vins importés. En novembre 2015, le gouvernement hongkongais a annoncé une nouvelle suppression de taxes sur les exportations de vins à destinations de Beijing, Tianjin, Shanghai, Guangzhou et Shenzhen ce qui devrait accroître sa position de porte d entrée vers la Chine. Hong Kong a ainsi réexporté vers la Chine 61% de ses importations en valeurs en 2014 (80% en volume). Cette nouvelle mesure fiscale viendra soutenir la baisse générale des prix assurant ainsi une plus forte démocratisation du vin étranger en Asie du Sud-Est. Depuis son accession à la tête du Parti en mars 2013, Xi Jinping a fait de la lutte anti-corruption une priorité de son mandat. Les moyens mis en œuvre par son gouvernement visent à éliminer les faits de corruptions parmi les membres du Parti à travers de généreux cadeaux. Cette campagne a pesé sur l activité des marques de luxe. Sur le marché du vin, un ralentissement de la consommation s observe ainsi que sur les produits hauts de gamme. Mais ce retour à la normale reste bénéfique pour le marché chinois autrefois de très haut de gamme. Le marché se normalise et devient ainsi plus concurrentiel : la consommation de vin se démocratise et le prix moyen baisse. Par ailleurs, le gouvernement chinois encourage la consommation de vins «tranquilles», à plus faible teneur en alcool que les produits habituellement consommés comme l alcool de riz. Car la première raison pour laquelle les chinois consomment du vin rouge est pour ses bienfaits sur la santé selon le Wine Intelligence. Avec 40% des consommateurs chinois âgés de 18 et 29 ans, la compétitivité des importations s appuie fortement sur le prix. C est dans ce contexte que plusieurs traités bilatéraux (FTA) (24) ont été signés avec la Chine pour exonérer de taxes les importations de vin : Nouvelle-Zélande (exonération progressive de 2005 à 2012), Chili (2005 à 2016) et Australie (2014 à 2018). De fait, la progression des exportations chiliennes et australiennes est supportée par la suppression de ces taxes (cf. graphique n 14). L Australie enregistre ainsi une hausse en valeur de 47% de ses exportations de vins à destination de la Chine à fin octobre 2015 sur un an selon Wine Australia. Graphique n 13 Evolutions des importations en volume (milliers de tonnes) et en valeur (millions d USD) des 20 premiers acteurs mondiaux de vins entre 2008 et 2014 300 Graphique n 14 Evolutions des importations chinoises par pays en volume (milliers de tonnes) et en valeur (millions d USD) des sept premiers partenaires (25) entre 2008 et 2014 900 120 Volume 2014-08 Source : UN Comtrade 200 IT 100 FR IE DE US JP LT CA NL -1 500-1 000-500 500 1 000 1 500 2 000 CH UK BE RS SG -100 Valeur 2014-08 CN 800 700 600 500 400 300 200 100 0 Source : UN Comtrade Valeur Volume (ED) FR AU UK CL US IT ES 100 80 60 40 20 0 (23) Le périmètre Chine comprend Macao et Hong-Kong, retraité du commerce intracommunautaire (24) Free-trade agreements (25) Les sept premiers partenaires représentent 88% du total des exportations en valeur et 91% en volume en 2014

11 Ainsi, la ratification de traités bilatéraux augmente significativement la compétitivité des vins en provenance d Australie, du Chili et de Nouvelle Zélande. D autant plus que la normalisation de la consommation chinoise s accompagne d une demande accrue pour les vins d entrée de gamme. Par ailleurs, la compétitivité des exportateurs se mesure également par le taux de change. En proie à des difficultés internes liées notamment à la baisse du prix des métaux, le peso chilien s est sensiblement déprécié depuis 2013 par rapport au dollar. Ainsi, en 2014, la devise chilienne s est dépréciée de 12,7% par rapport au yuan chinois. Les exportations de vins chiliens ont ainsi bénéficié de ce gain de compétitivité/prix. Le volume de vins chiliens exportés vers la Chine a en effet progressé de 39 000 tonnes entre 2008 et 2014 (cf. graphique n 14 page 10). Entre janvier et novembre 2015, une nouvelle dépréciation de 13,6% s observe. Sur la même période, le rand sud-africain s est déprécié de 17% ce qui pourrait accroître la position de l Afrique du Sud en Chine (12 ème plus important exportateur de vins vers la Chine en 2014). Malgré ces pressions, et notamment les effets des mesures anti-corruptions sur les importations de vin haut de gamme, la France a en Chine une position qui semble se stabiliser en 2014. Elle brigue 43% des exportations vers la Chine en valeur (50% en 2011) et 33,3% en volume (35,2%). C est le pays dont les exportations ont le plus progressé entre 2008 et 2014, que ce soit en valeur ou en volume (cf. graphique n 13, page 10). La part de marché des trois principaux acteurs européens en Chine (Espagne, France et Italie) atteint 53,2% en valeur (58,7% en 2011) et 51,9% en volume en 2014 (61,5%). Mais l augmentation de la consommation asiatique peut également profiter aux producteurs locaux. En Chine, la production domestique concentre entre 80 et 90% du marché selon les estimations. Essentiellement autour de trois acteurs : Dynasty, Changyu et Great Wall. En 2014 près de 1 200 domaines de production viticole ont été recensés. La production du vieux continent reflète une dimension historique : l héritage d une culture. A l inverse, le développement de la production dans les marchés émergents illustre des velléités commerciales. Ces derniers chercheront ainsi à créer une audience avant d accroître leur offre commerciale. L augmentation de la production de vins chinois est également supportée par l utilisation croissante de vins de gros étrangers assemblés avec du vin local. La législation chinoise impose en effet que seuls 10% du contenant soit issus de Chine. Si la production chinoise parvenait toutefois à progresser significativement en qualité comme en volume, elle ne saurait peser sur la croissance de vins importés avant cinq ans selon l université australienne d'adélaïde (26). Un risque modéré pour les exportateurs européens, mais une possible fragilisation à long terme Si les relais de croissance se situent en Asie, le marché historique n en demeure pas moins important. Or, les exportateurs traditionnels que sont l Espagne, la France et l Italie conservent leurs parts marchés domestiques. En Chine, les perspectives de consommation de vin sont promises à un avenir radieux, même si ce marché semble entrer dans une nouvelle phase de normalisation. La démocratisation du vin s accompagne mécaniquement d une baisse de prix. Or, la compétitivité des acteurs en Europe pâtit d accords de libreéchange avec l Australie, le Chili et la Nouvelle- Zélande dont les exportations de vins se voient, ou se verront progressivement, exonérées d impôts. Dans une moindre mesure, la dépréciation du taux de change améliore la compétitivité prix d exportateurs en Afrique du Sud ou au Chili. A ce stade, cette concurrence nouvelle ne semble pas pénaliser les acteurs français du secteur, dont le taux de défaillance reste nettement plus faible que la moyenne nationale (cf. encadré n 2). Encadré n 2 Graphique n 15 Carte de France des défaillances (01-2006 à 10-2015, APE 1102) Bretagne Sources : Coface, Scores & Décisions Basse- Normandie Pays-de-la Loire 5 Poitou- Charentes 1 Aquitaine Haute- Normandie 1 Midi- Pyrénées Nord Pas-de-Calais Picardie Lorraine Île-de-France Champagne- Ardenne Centre Limousin 1 Auvergne Languedoc- Roussillon Bourgogne 5 4 Rhône-Alpes 2 Franche- Comté 2 10 8 Provence-Alpes- Côte d Azur Alsace 2 2 Corse Les défaillances d entreprises viticoles en France Depuis 2006, on dénombre en moyenne cinq défaillances d entreprises par an ayant le code APE 1 102 qui correspond à la vinification. Il s agit par ailleurs de petites structures de moins de dix salariés. Avec un stock de entreprises (27) en 2013, le taux de défaillances apparaît faible (0,35% en 2013, contre 1,41% tous secteurs d activités confondus). Cette situation reflète le dynamisme à l exportation des viticulteurs français. La plus grande présence de défaillances d entreprises dans le Sud-Est ou l Aquitaine résulte du plus grand nombre d entreprises viticoles dans ces régions. (26) K. Anderson & G. Wittwer, «Asia s evolving role in global wine markets», April 2015, page 15 (27) «Dénombrement des entreprises et des établissements au 1 er janvier 2014 - Champ total», octobre 2015, Insee (hors DOM TOM)

12 4 CONCLUSION Si le positionnement qualitatif des exportateurs du vieux continent ne semble pas remis en cause, les parts de marchés des producteurs orientés sur le bas et moyen de gamme seront confrontées à la montée en puissance d autres acteurs étrangers comme ceux en Australie et au Chili. Ces acteurs bénéficient d un vin meilleur marché, avec des écarts de prix parfois renforcés par des accords de libre-échanges. Les producteurs espagnols sont les plus menacés par l émergence des vins du nouveau monde. L Italie, à travers l évolution de son positionnement à l exportation, monte en gamme et ne sera que peu affectée. Enfin, les producteurs français sont peu menacés comme le montre l évolution des défaillances (cf. encadré n 2, page 11). Toutefois, la progression des vins du nouveau monde, au-delà de leurs prix attractifs, provient également de clés de lectures simplifiées (cf. encadré n 1, page 8) qu ils offrent aux consommateurs non avertis. Si la consommation de vin croît rapidement dans les pays émergents, les clés de ces marchés sont peut-être davantage entre les mains des producteurs du nouveau monde. RESERVE Le présent document reflète l opinion de la direction de la recherche économique de Coface, à la date de sa rédaction et en fonction des informations disponibles ; il pourra être modifié à tout moment. Les informations, analyses et opinions qu il contient ont été établies sur la base de multiples sources jugées fiables et sérieuses ; toutefois, Coface ne garantit en aucun cas l exactitude, l exhaustivité ou la réalité des données contenues dans le présent document. Les informations, analyses et opinions sont communiquées à titre d information et ne constituent qu un complément aux renseignements dont le lecteur dispose par ailleurs. Coface n a aucune obligation de résultat mais une obligation de moyens et n assumera aucune responsabilité pour les éventuelles pertes subies par le lecteur découlant de l utilisation des informations, analyses et opinions contenues dans le présent document. Ce document ainsi que les analyses et opinions qui y sont exprimées appartiennent exclusivement à Coface ; le lecteur est autorisé à les consulter ou les reproduire à des fins d utilisation interne uniquement sous réserve de porter la mention apparente de Coface et de ne pas altérer ou modifier les données. Toute utilisation, extraction, reproduction à des fins d utilisation publique ou commerciale est interdite sans l accord préalable de Coface. Le lecteur est invité à se reporter aux mentions légales présentes sur le site de Coface. Photo : Fotolia - Maquette : Les éditions stratégiques COFACE SA 1, place Costes et Bellonte 92270 Bois-Colombes France www.coface.fr