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Transcription:

Revirement de jurisprudence??? La taxation forfaitaire de l article 164C CGI est contraire à la liberté de circulation des capitaux L arrêt Kramer du 26 décembre 2013 Les faits M. et Mme B...A..., de nationalité allemande et domiciliés à Monaco, ont été imposés à l impôt sur le revenu en France au titre des années 1998 et 1999, en application du premier alinéa de l article 164 C du code général des impôts précité, sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle du bien immobilier dont ils sont propriétaires à Odratzheim (Bas-Rhin) ; Convention avec Monaco (format PDF) Convention avec Monaco - successions (format PDF) M. et Mme A...ont contesté les impositions mises à leur charge et les pénalités correspondantes ; la cour administrative d appel de Marseille a annulé ce jugement et accordé aux requérants la décharge des impositions et pénalités en litige ; Le conseil confirme Conseil d'état, 9ème et 10ème ssr, 26/12/2013, 360488 Aff Kramer M. Olivier Japiot, rapporteur M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public Les faits... 1 La liberté de circulation vue par le traite de l union européenne... 1 L arrêt évolutionnaire de la CJUE du 13 mars 2014 aff M Bouanich... 2 Les jurisprudences antérieures... 2 Le revirement de jurisprudence du conseil... 2 Les conséquences de cette décision peuvent être considérables,... 3 Conseil d État N 360488 du 26 décembre 2013... 5 La liberté de circulation vue par le traite de l union européenne Les textes communautaires 1/10

L article 63 du Traité sur le Fonctionnement de l UE (TFUE) pose le principe selon lequel toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont prohibées. Toutefois, une exception est prévue par la «clause de gel» de l article 64 du TFUE : cette clause autorise en effet les Etats membres à maintenir une restriction à la liberté de circulation des capitaux lorsque (i) la restriction existait au 31 décembre 1993 et (ii) elle concerne des investissements directs, y compris les investissements immobiliers. La question fondamentale, qui avait donné lieu à une jurisprudence contrastée, était la suivante : un investissement immobilier de type patrimonial constituait-il un «investissement direct» au sens de l article 64 du TFUE? L arrêt évolutionnaire de la CJUE du 13 mars 2014 aff M Bouanich CJUE C-375/12,13 mars 2014 Margaretha Bouanich La liberté de circulation des capitaux interdit de refuser de prendre en compte une retenue a la source payée à un fisc étranger pour déterminer les impôts permettant de calculer le plafonnement de l ISF Les jurisprudences antérieures Le TA de Montreuil avait jugé le 25 février 2011 que des personnes résidentes d Etats tiers à l UE devaient bénéficier d un traitement fiscal identique à celui qui s appliquait aux résidents de France. Le tribunal avait écarté l application de la «clause de gel», au motif que les investissements immobiliers n étaient pas des «investissements directs» au sens de la nomenclature européenne. Le Conseil d Etat, dans un arrêt Holzer du 28 juillet 2011, avait jugé en sens inverse au motif que l article 64 du TFUE vise les «investissements directs, y compris les investissements immobiliers». La CAA de Marseille, suivant sa jurisprudence traditionnelle et infirmant le TA de Nice dans quatre arrêts du 13 mars 2012,a jugé que la «clause de gel» n était pas applicable en cas d investissements immobiliers purement patrimoniaux, Cour Administrative d'appel de Marseille, 24/04/2012, 08MA04100, Mme FELMY, président Mme Anita HAASSER, rapporteur M. GUIDAL, rapporteur public Le revirement de jurisprudence du conseil Conseil d'état, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 26/12/2013, 360488 M. Olivier Japiot, rapporteur M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public 2/10

Par un arrêt n C-181/12, Yvon Welte, du 17 octobre 2013, la Cour de justice de l Union européenne (CJUE) a jugé que si les notions d investissements directs et d investissements immobiliers n étaient pas définies par le traité, il ressortait de l énumération figurant dans la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 et des notes explicatives s y rapportant que la notion d investissement direct concernait les investissements auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l exercice d une activité économique et qu il ressortait de l intitulé même de la rubrique II de cette annexe que les investissements immobiliers visés à cette rubrique ne comprenaient pas les investissements directs visés à la rubrique I de cette annexe. La Cour en a déduit que, lorsqu il se réfère aux investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l article 57, paragraphe 1 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) vise les seuls investissements immobiliers qui constituent des investissements directs relevant de la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361 et qu en revanche, des investissements immobiliers de type patrimonial, effectués à des fins privées sans lien avec l exercice d une activité économique, ne relèvent pas du champ d application de cet article... En l espèce, résidents monégasques, de nationalité allemande, propriétaires en France d une résidence secondaire et qui ont été imposés à l impôt sur le revenu en France en application du premier alinéa de l article 164 C du code général des impôts.,,,l acquisition de cette résidence secondaire, qui n a pas été effectuée en vue de l exercice d une activité économique, ne constitue pas un investissement direct au sens de l article 57, paragraphe 1, du TCE. Par suite, le ministre ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par ces stipulations, de maintenir des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers existant au 31 décembre 1993. Les conséquences de cette décision peuvent être considérables, La décision du Conseil d Etat semble signer la suppression de l article 164 C. Toutefois, l inexistence d accord d échange de renseignements avec un pays tiers peut justifier une atteinte à la liberté de circulation des capitaux (CJUE, 18 déc. 2007, Statteverket c. A, aff. C-101/05). L autre problème, plus important en pratique, consiste à savoir si la décision produit un effet en matière de fiscalité des plus-values immobilières (CGI art. 244 bis A). Enfin, en matière d imposition sur la fortune certaines conventions exonèrent d impôt sur la fortune certain résident e étranger ayant des immeubles en France Surtout, le conseil d état va donner des idées à la banque mondiale qui gère les traites de protections des investissements et pour laquelle la réponse à la question 3/10

de savoir si les biens patrimoniaux peuvent bénéficier de la protection ne semble avoir été trouvé 4/10

Conseil d État N 360488 du 26 décembre 2013 ECLI:FR:CESSR:2013:360488.20131226 Mentionné dans les tables du recueil Lebon 9ème et 10ème sous-sections réunies M. Olivier Japiot, rapporteur M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public SCP PIWNICA, MOLINIE, avocat(s) lecture du jeudi 26 décembre 2013 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu le pourvoi, enregistré le 25 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d Etat, présenté par le ministre de l économie et des finances ; le ministre demande au Conseil d Etat : 1 ) d annuler l arrêt n 08MA04100 du 24 avril 2012 par lequel la cour administrative d appel de Marseille, après avoir annulé le jugement n 0404908 du 15 avril 2008 du tribunal administratif de Nice, a déchargé M. et Mme B...A...des cotisations d impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 et des pénalités correspondantes ; 2 ) réglant l affaire au fond, de rejeter l appel de M. et MmeA... ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Traité sur le fonctionnement de l Union européenne ; Vu la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ; Vu la directive 88/361 du 24 juin 1988 ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; 5/10

Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Japiot, Conseiller d Etat, - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme A...; 1. Considérant qu aux termes du paragraphe 1 de l article 56 du traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction issue du traité d Amsterdam applicable à l année d imposition en litige, devenu article 63 du traité sur le fonctionnement de l Union européenne : Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ; qu aux termes du paragraphe 1 de l article 57 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 64 du traité sur le fonctionnement de l Union européenne : L article 56 ne porte pas atteinte à l application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers (...) ; qu aux termes du paragraphe 1 de l article 7 de la convention fiscale entre la France et la Principauté de Monaco, signée le 18 mai 1963 : Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France (...) ; qu aux termes de l article 164 C du code général des impôts : Les personnes qui n ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d un tiers, sont assujetties à l impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l impôt. Les dispositions du premier alinéa ne s appliquent pas aux contribuables de nationalité française qui justifient être soumis dans le pays où ils ont leur domicile fiscal à un impôt personnel sur l ensemble de leurs revenus et si cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu ils auraient à supporter en France sur la même base d imposition. (...) ; 2. Considérant qu il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B...A..., de nationalité allemande et domiciliés à Monaco, ont été imposés à l impôt sur le revenu en France au titre des années 1998 et 1999, en application du premier alinéa de l article 164 C du code général des impôts précité, sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle du bien immobilier dont ils sont propriétaires à Odratzheim (Bas-Rhin) ; que M. et Mme A...ont contesté les impositions mises à leur charge et les pénalités correspondantes ; que le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande par un jugement du 15 avril 2008 ; que le ministre de l économie et des finances se pourvoit en cassation contre l arrêt du 24 avril 2012 par lequel la cour administrative d appel de Marseille a annulé ce jugement 6/10

et accordé aux requérants la décharge des impositions et pénalités en litige ; 3. Considérant que, pour accorder aux contribuables la décharge de l imposition forfaitaire à laquelle ils ont été assujettis, en application de l article 164 C du code général des impôts, à raison de leur habitation en France, la cour administrative d appel s est fondée sur ce que, du fait de la combinaison de ces dispositions avec les stipulations précitées du paragraphe 1 de l article 7 de la convention fiscale entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, des ressortissants français placés dans la même situation n étaient pas assujettis à cette imposition et sur ce que cette différence de traitement constituait une atteinte à la liberté de circulation des capitaux incompatible avec les stipulations de l article 56 du traité instituant la communauté européenne, sans que le ministre puisse se prévaloir de la possibilité, prévue par l article 57 du même traité, de maintenir des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers existant au 31 décembre 1993, dès lors que l investissement en litige n entrait pas dans le champ de cette stipulation ; 4. Considérant que par un arrêt C-181/12, Yvon Welte, du 17 octobre 2013, la Cour de justice de l Union européenne a jugé que si les notions d investissements directs et d investissements immobiliers n étaient pas définies par le traité, il ressortait de l énumération figurant dans la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 et des notes explicatives s y rapportant que la notion d investissement direct concernait les investissements auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l exercice d une activité économique et qu il ressortait de l intitulé même de la rubrique II de cette annexe que les investissements immobiliers visés à cette rubrique ne comprenaient pas les investissements directs visés à la rubrique I de cette annexe ; que la Cour en a déduit que, lorsqu il se réfère aux investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l article 57, paragraphe 1 vise les seuls investissements immobiliers qui constituent des investissements directs relevant de la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361 et qu en revanche, des investissements immobiliers de type patrimonial, effectués à des fins privées sans lien avec l exercice d une activité économique, ne relèvent pas du champ d application de cet article ; qu il en résulte qu en jugeant, après avoir relevé que l acquisition par M. et Mme A... d une résidence secondaire en France n avait pas été effectuée en vue de l exercice d une activité économique, qu un tel investissement ne constituait pas un investissement direct au sens de l article 57, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne, la cour administrative d appel de Marseille, n a pas, contrairement à ce que soutient le ministre, commis d erreur de droit ; 4. Considérant qu il résulte de ce qui précède que le ministre de l économie et des finances n est pas fondé à demander l annulation de l arrêt qu il attaque ; 5. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, de mettre à la charge de l Etat la somme de 3000 euros à verser à M. et MmeA..., au titre des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; 7/10

D E C I D E : Article 1er : Le pourvoi du ministre de l économie et des finances est rejeté. Article 2 : L Etat versera à M. et Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l économie et des finances et à M. et Mme B...A... Abstrats : 15-05-01-03 COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE. RÈGLES APPLICABLES. LIBERTÉS DE CIRCULATION. LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX. - LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX ENTRE LES ETATS MEMBRES ET ENTRE LES ETATS MEMBRES ET LES PAYS TIERS - CLAUSE DE GEL (ARTICLE 57 1 DU TCE) - 1) NOTION D INVESTISSEMENT DIRECT - DÉFINITION PAR LA CJUE [RJ1] - CONSÉQUENCE - INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS DE TYPE PATRIMONIAL, EFFECTUÉS À DES FINS PRIVÉES SANS LIEN AVEC L EXERCICE D UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE - EXCLUSION DU CHAMP DE LA CLAUSE DE GEL - 2) ESPÈCE - IMPOSITION FORFAITAIRE DES PERSONNES PHYSIQUES NON FISCALEMENT DOMICILIÉES EN FRANCE MAIS Y DISPOSANT D UNE OU PLUSIEURS HABITATIONS (ARTICLE 164 C DU CGI) - ACQUISITION D UNE RÉSIDENCE SECONDAIRE, NON EFFECTUÉE EN VUE DE L EXERCICE D UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE - INVESTISSEMENT DIRECT - ABSENCE - FACULTÉ DU MINISTRE DE SE PRÉVALOIR DE LA CLAUSE DE GEL - ABSENCE [RJ2]. 19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. - IMPOSITION FORFAITAIRE DES PERSONNES PHYSIQUES NON FISCALEMENT DOMICILIÉES EN FRANCE MAIS Y DISPOSANT D UNE OU PLUSIEURS HABITATIONS (ART. 164 C DU CGI) - IMPOSITION CONTESTÉE AU REGARD DE LA LIBERTÉ DE CIRCULATION DES CAPITAUX - ADMINISTRATION SE PRÉVALANT DE LA CLAUSE DE GEL (ART. 57 1 DU TCE) - 1) NOTION D INVESTISSEMENT DIRECT - DÉFINITION PAR LA CJUE [RJ1] - CONSÉQUENCE - INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS DE TYPE PATRIMONIAL, EFFECTUÉS À DES FINS PRIVÉES SANS LIEN AVEC L EXERCICE D UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE - EXCLUSION DU CHAMP DE LA CLAUSE DE GEL - 2) ESPÈCE - ACQUISITION D UNE RÉSIDENCE SECONDAIRE, NON EFFECTUÉE EN VUE DE L EXERCICE D UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE - INVESTISSEMENT DIRECT - ABSENCE - FACULTÉ DU MINISTRE DE SE PRÉVALOIR DE LA CLAUSE DE GEL - ABSENCE [RJ2]. Résumé : 15-05-01-03 1) Par un arrêt n C-181/12, Yvon Welte, du 17 octobre 2013, la Cour de justice de l Union européenne (CJUE) a jugé que si les notions d investissements directs et d investissements immobiliers n étaient pas définies par le traité, il ressortait de l énumération figurant dans la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 et des notes explicatives s y rapportant que la notion d investissement direct concernait les investissements auxquels procèdent les 8/10

personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l exercice d une activité économique et qu il ressortait de l intitulé même de la rubrique II de cette annexe que les investissements immobiliers visés à cette rubrique ne comprenaient pas les investissements directs visés à la rubrique I de cette annexe. La Cour en a déduit que, lorsqu il se réfère aux investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l article 57, paragraphe 1 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) vise les seuls investissements immobiliers qui constituent des investissements directs relevant de la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361 et qu en revanche, des investissements immobiliers de type patrimonial, effectués à des fins privées sans lien avec l exercice d une activité économique, ne relèvent pas du champ d application de cet article...,,2) En l espèce, résidents monégasques, de nationalité allemande, propriétaires en France d une résidence secondaire et qui ont été imposés à l impôt sur le revenu en France en application du premier alinéa de l article 164 C du code général des impôts.,,,l acquisition de cette résidence secondaire, qui n a pas été effectuée en vue de l exercice d une activité économique, ne constitue pas un investissement direct au sens de l article 57, paragraphe 1, du TCE. Par suite, le ministre ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par ces stipulations, de maintenir des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers existant au 31 décembre 1993. 19-04-01-02 Résidents monégasques, de nationalité allemande, propriétaires en France d une résidence secondaire et qui ont été imposés à l impôt sur le revenu en France en application du premier alinéa de l article 164 C du code général des impôts.,,,1) Par un arrêt n C-181/12, Yvon Welte, du 17 octobre 2013, la Cour de justice de l Union européenne (CJUE) a jugé que si les notions d investissements directs et d investissements immobiliers n étaient pas définies par le traité, il ressortait de l énumération figurant dans la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 et des notes explicatives s y rapportant que la notion d investissement direct concernait les investissements auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l exercice d une activité économique et qu il ressortait de l intitulé même de la rubrique II de cette annexe que les investissements immobiliers visés à cette rubrique ne comprenaient pas les investissements directs visés à la rubrique I de cette annexe. La Cour en a déduit que, lorsqu il se réfère aux investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l article 57, paragraphe 1 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) vise les seuls investissements immobiliers qui constituent des investissements directs relevant de la rubrique I de l annexe I de la directive 88/361 et qu en revanche, des investissements immobiliers de type patrimonial, effectués à des fins privées sans lien avec l exercice d une activité économique, ne relèvent pas du champ d application de cet article...,,2) Par suite, en l espèce, l acquisition par les intéressés d une résidence secondaire en France, qui n a pas été effectuée en vue de l exercice d une activité économique, ne constitue pas un investissement direct au sens de l article 57, paragraphe 1, du TCE. Dès lors, le ministre ne peut se prévaloir de la possibilité, prévue par ces stipulations, de maintenir des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers existant au 31 décembre 1993. 9/10

[RJ1] CJUE, 17 octobre 2013, Yvon Welte, aff. C-181/12.,,[RJ2] Comp. CE, 28 juillet 2011, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ M. et Mme Holzer, n 322672, p. 429. 10/10