Note de Veille. 1.8% du PIB par an est le prix à payer pour la guerre contre le terrorisme, quid de celui d une attaque éventuelle?



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Transcription:

Note de Veille 1.8% du PIB par an est le prix à payer pour la guerre contre le terrorisme, quid de celui d une attaque éventuelle? En 214, l Institute for Economics & Peace estime l impact économique de la violence à 14,3 billions de dollars, soit 13,4% du PIB mondial et l équivalent des économies brésilienne, canadienne, française, allemande, espagnole et britannique cumulées. Les dépenses militaires représentent 43% du total des dépenses mondiales liées à la lutte contre la violence et la montée du radicalisme. J. Stiglitz et L. Bilmes avancent, dans le célèbre livre «The three trillion dollar war», publié en 28, le chiffre de 3 milliards de dollars comme coûts supportés par les Etats- Unis dans sa guerre contre le terrorisme en Irak. La menace terroriste, un phénomène nouveau qui, pour les tunisiens, supplante les défis économiques et sociaux auxquels est confronté le pays. Malheureusement, la Tunisie n est pas à l abri de ce fléau et se retrouve à présent au cœur d une guerre contre le terrorisme : Une guerre qui aura, immanquablement, un coût financier et humain. Les attentats de mars et juin 215 et la montée du radicalisme ne font que détériorer la position et le classement de la Tunisie à l échelle mondiale, impliquant un coût médiatique se traduisant par un coût financier. Ainsi, si en 214 la Tunisie avait occupé la 46ème position sur 162 pays selon l Indice Mondial du Terrorisme élaboré par l Institute for Economics & Peace ; on doit s attendre, pour 215, à un déclin sans précédent. Evolution de l'indice de Paix et de terrorisme de la Tunisie 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1,5 29 21 211 212 213 214 Indice de Paix Indice de Terrorisme Source: Global Terrorism Index, Institute for Economics & Peace IACE-CTVIE 215 1

La lutte contre le terrorisme a donc un coût financier, humain et médiatique. Dans l impossibilité d évaluer le coût humain et médiatique de cette guerre, nous essayons d évaluer le coût financier d une éventuelle attaque terroriste en Tunisie. La question de l impact des actes terroristes sur l activité économique et la perception des hommes d affaires a fait l objet d une étude du CTVIE en septembre 213. Si cette note s est intéressée à la perception des entrepreneurs au regard du coût économique à court terme ; nous nous intéressons, à travers cette note, à l impact des actes terroristes passés et au coût économique d un éventuel acte terroriste à moyen et long terme. Dans cet article, nous allons tenter d évaluer le fardeau économique d une hypothétique attaque terroriste. Ce fardeau revêt de multiples formes, mais nous nous concentrerons sur trois d entre elles : - Les effets sur les finances publiques - Les pertes de revenus et le freinage de la croissance au niveau national - L impact sur l investissement direct étranger L approche que nous suivrons pour estimer le coût d une éventuelle attaque terroriste se base sur deux indicateurs : - Dans un premier temps, le coût sera mesuré en termes de manque à gagner pour l Etat sous forme de recettes courantes. - Dans un deuxième temps, le coût sera mesuré en termes de dépenses additionnelles dans le budget de l Etat pour renforcer l appareil sécuritaire (militaires, de police,..) En Tunisie, le phénomène du terrorisme a pris de l ampleur après la Révolution, une période de transition où les bases sécuritaires, économiques et sociales du pays se sont affaiblies, laissant libre cours à l émergence de mouvements religieux radicaux et de groupes terroristes qui se sont infiltrés des deux côtés de la frontière. Par conséquent, l économie nationale continue encore et plus que jamais, à supporter les coûts du terrorisme et de l instabilité qui sévissent dans le pays. I- Le coût immédiat des actes terroristes de Mars et Juin 215 1. Les Impacts d un acte terroriste sur les finances publiques La lutte contre le terrorisme impose aux autorités le renforcement de l appareil sécuritaire notamment par le Ministère de l Intérieur et le Ministère de la Défense. En effet, le budget de ces deux ministères avait augmenté en 214 et en 215 de 11 % et 14,5% pour atteindre, respectivement, 2615 MDT et 1792 MDT. En 215, cette augmentation s est traduite, principalement, par une baisse du budget du Ministère de l emploi de 73 MDT, soit 72% par rapport au budget de 214. Cette contraction budgétaire suit de près d autres révisions à la baisse en 214, à savoir, le Ministère du Développement et le Ministère de l Agriculture, de 3.3 % et de 1 %. Ainsi le financement de la lutte contre le terrorisme s est fait au détriment du développement économique et social. De IACE-CTVIE 215 2

ce fait, le coût financier peut être estimé par le budget additionnel alloué aux Ministères de l Intérieur et de la Défense qui s élève à 5 MD soit :,67 % du PIB. Evolution du Budget de quelques ministeres entre 212 et 215 (En MDT) Evolution du Budget de quelques ministeres de 212 a 215 (en %, ) 3 25 2 15 1 5 8 6 4 2-2 -4-6 -8 LFC 212 LFC 213 LFC 214 LFC 215 LFC 212 LFC 213 LFC 214 LFC 215 Source : Calcul des Auteurs, d après Ministère des Finances Hormis l augmentation des dépenses, les ressources du budget de l Etat seront également révisées à la baisse : - Une baisse de la TVA de 33% suite à la décision du CMR du 29 juin 215 consacrée au secteur du tourisme. La TVA dans le secteur touristique passera de 12% à 8%. Sachant que la TVA à collecter en 215 s élève à 5338 MDT (LF 215) et sous l hypothèse que la contribution du secteur touristique à la TVA est proportionnelle à sa part dans le PIB, soit 15%, la baisse de 33% de la TVA pour le tourisme se traduit par un manque à gagner annuel de 264,231 MD, d où un coût de 132,11 MD pour le second semestre de 215 soit.17% du PIB. - L abrogation des timbres fiscaux de 3 DT, imposés aux touristes en partance de la Tunisie. Si en moyenne, 6 millions de touristes visitent la Tunisie, toutes choses étant égales par ailleurs, cette mesure aurait couté à la Tunisie, à partir du 1 juillet 215, un manque à gagner fiscal de 9 MDT soit.12 % du PIB 2. Les Impacts d un acte terroriste sur le tourisme Pour la Tunisie, où le secteur du tourisme avec ses emplois directs et indirectsreprésente 15% du PIB, l'impact économique d un attentat terroriste sera important. Les recettes touristiques du pays avaient déjà chuté d'un tiers après la "Révolution " en 211, avant de retrouver, en 214, les niveaux atteints avant la Révolution. Mais l'année 215, marquée par deux attentats - Sousse et Bardo - sera probablement plus critique pour les professionnels du tourisme et pour les autorités. Les recettes touristiques ont baissé durant le premier semestre de 215 de 11.44% par rapport à la même période en 214 (S1-214), soit une baisse de 155 MDT, ce qui représente.2% du PIB. IACE-CTVIE 215 3

Réalisations du secteur touristique en 215 Du 1 janvier au 3 Juin Dates/Indicateurs Recettes courantes RC (En MDT) Recettes Tourisme RT (En MDT) 1 er Trimestre 214 9567 545,3 5,7 2 eme Trimestre 214 1255,4 88,3 7,88 Semestre S1-214 19822,4 1353,6 6,83 Part RT / RC ( En %) 1 er Trimestre 215 114,3 57,2 5,64 2 eme Trimestre 215 9949 628,5 6,32 Semestre S1-215 253,3 1198,7 5,98 Variation S1-215/ S1-215 1,16 % -11,44 % -.85 points Variation Juillet 215- Juin 215 ---------- -13% ------------- Source : Calcul des auteurs, BCT (Balance de Paiement) 3. Impact d un acte terroriste sur les IDE Constituant une source de financement de la balance courante, source non génératrice de dettes, l IDE contribue aussi au transfert technologique et à l emploi ; les investisseurs étrangers ne se hasardent pas à s installer dans les zones de conflits ou à risque. Ainsi, d une part, un éventuel attentat n incite pas les investisseurs étrangers à s implanter en Tunisie mais pousse également ceux qui y sont déjà à se délocaliser : C est l «effet de ciseaux». Malheureusement, la Tunisie n a pas échappé et n échappera pas à cet effet de ciseaux : - En premier lieu, depuis 21, de plus en plus d entreprises étrangères quittent la Tunisie, enregistrant des pertes d emploi, sous l hypothèse simpliste- de 12 emplois par projet crée ; un attentat poussant en moyenne 3 entreprises à se délocaliser, ce sont 36 emplois qui disparaissent et qui auraient généré la somme de 3,24 MDT sous forme de revenus, représentant.4% PIB. Evolution des sorties d entreprises privées selon la nationalité de l entreprise NATIONALITE 29 21 211 212 213 Tunisienne 28 495 23 72 47 741 28 825 23 95 Etrangère 36 217 1 5 275 292 TOTAL 28 81 23 919 48 746 29 1 24 197 Source : INS (observatoire des entreprises) - En second lieu, quoiqu il est difficile de l attribuer exclusivement à la montée du terrorisme (revendications sociales, baisse de la productivité, ), de moins en moins d entreprises s installent aujourd hui en Tunisie. Les IDE dans les secteurs de l industrie et des services, sous forme de partenariat ou totalement étrangers ont affiché, durant les 7 premiers mois de 215, par rapport à la même période de 214, une baisse en termes de nombre de projets crées, d investissements et d emplois ; s élevant respectivement à 2,87 % ; 7,57 % et 3,7 %. d après l'apii. IACE-CTVIE 215 4

D autre part, sur la base d un salaire mensuel moyen de 7 dinars, une action terroriste coûte 3.3 MDT en terme de manque à gagner salarial pour les employés soit,44 % du PIB Etat des IDE entre 214 et 215 Période IDE Part IDE dans le total (%) 7 Mois 214 18 13,68 Projets (Unités) 7 Mois 215 149 13,54 Variation -2,87 7 Mois 214 549,8 46,57 Investissements (En MDT) 7 Mois 215 58,2 22,19 Variation -7,57 7 Mois 214 12782 22,64 Emplois (En Unités) 7 Mois 215 12389 23,95 Variation -3,7 IACE-CTVIE 215 5 Source : Calculs des auteurs, d après l APII II- Les effets à moyen et long terme d une éventuelle attaque terroriste et le comportement des agents économiques 1. L Etat Dans sa lutte contre le terrorisme, la Tunisie sera dans l obligation d augmenter ses dépenses de sécurité et de défenses ; ainsi les budgets des Ministères de la Défense et de l Intérieur seront révisés à la hausse d une année à une autre, voire d une loi de finance complémentaire (LFC) à une autre. On assistera, éventuellement, à l augmentation du budget du Ministère des Finances, notamment celui de la Douane. Cette dernière sera amenée à renforcer son appareil logistique (Acquisition de scanners et de nouveaux moyens de détection, etc.). A défaut donc,d une réconciliation entre la valeur «travail» et les Tunisiens du moins une bonne partie d entre eux- et au vu de la poursuite des revendications sociales, le pays se trouvera dans l obligation, soit, de s endetter davantage pour financer le complément du budget des Ministères (de Intérieur et de la Défense, notamment), soit de réduire le budget de Développement : dans l un ou l autre des cas, la Tunisie s embourbera dans l incertitude. Les conséquences d un acte terroriste ne se reflètent pas uniquement à court terme, il y a aussi un effet de «mémoire» qui ne s estompera qu avec le temps et sur une période de 5 ans en moyenne (Rapport de l Institute for Economics & Peace 214). Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, la «chasse» au terrorisme coûtera au budget de l Etat.67 % du PIB par an soit 3.3 % du PIB à l horizon 22. Ce coût approximatif ne tient pas compte de la dépréciation du dinar par rapport au dollar et à l Euro : le remboursement de la dette nous coûtera de plus en plus cher, non seulement en intérêts et principal, mais aussi en charges supplémentaires, dues à l érosion de la monnaie nationale. A ce coût approximatif, viennent s ajouter des effets de change liés à la dépréciation du dinar pour la partie des budgets supplémentaires alloués à la lutte contre le terrorisme et

l insécurité des ministères et financés par emprunts externes et non prélevés sur des ressources propres. Le calcul de la part des dotations externes accordées et dépréciées par l effet de change cumulé moyen du dinar conduit à un coût supplémentaire de l ordre de,63% du PIB. 2,5 2 1,5 1,5 Evolution du cours mensuel moyen de l'euro et du Dollar Dollar des USA (USD) EURO (EUR) Source : BCT 2. Le secteur privé Parallèlement aux coûts directs et immédiats ci-dessus mentionnés, d autres coûts financiers, non directement et immédiatement observables, devraient être pris en considération pour un éventuel ajustement. Il s agit notamment de l implication du secteur privé dans cette opération. Excepté l effet «mémoire» des attaques observées en mars et juin 215, une éventuelle attaque terroriste se traduira, pour le secteur privé, par : - Des charges de fonctionnement supplémentaires : Les dépenses du secteur privé pour améliorer la sécurité des installations, des salariés et de l information seront probablement en voie d accroissement. Cela pourrait évincer la création de capacités directement productives, renchérir le capital, augmenter les salaires et délaisser les activités de recherche et développement, au profit de projets à caractères sécuritaires. Cette situation devrait être exposée et prise en considération lors des négociations avec les partenaires sociaux. - Perturbation de la structure du marché : De plus, un renforcement des mesures de sécurité peut réduire le niveau de productivité, compte tenu de l allongement des temps d attente aux aéroports, aux frontières, dans les grandes surfaces, par exemple. Les aides publiques fournies aux industries stratégiques, en rapport avec la sécurité et les dispositifs protectionnistes, pourraient également fausser la concurrence et ralentir la croissance de la productivité. - L apparition de nouveaux produits d assurance : En réaction aux attentats, le secteur de l assurance augmentera assurément ses primes, réduira ses garanties et demandera aux pouvoirs publics d intervenir afin de couvrir les risques jugés trop élevés pour le secteur privé. On assistera, probablement, à des initiatives du secteur privé spécialement adaptées à ce type de risque telle que l assurance de certains risques terroristes. IACE-CTVIE 215 6

Conclusion Une attaque terroriste se traduit toujours par un coût humain et financier. L ampleur de ce coût est fonction du niveau de développement de l économie : économie développée ou en développement (FMI, 215). Au sein d une même économie, l ampleur des coûts est absorbée dans un premier temps, mais seulement en partie, par l Etat. Le secteur privé, pour sa part, par un effet de «mémoire» instantanée puis retardée, essaye d intérioriser les attaques terroristes. Si pendant l année 215, la Tunisie a supporté un coût de 1.8% du PIB, dans les quatre années qui viennent, le coût diminuera de,29%, en moyenne, par an. Un éventuel acte terroriste ne sera pas uniquement la somme des différents coûts mais prolongera aussi l effet de «mémoire». Ainsi, son coût à la première année sera aussi de 1.8% supplémentaires mais supporté, cette fois-ci, principalement par le secteur privé, avec un effet de «mémoire» plus long. La Tunisie n a de choix que d entamer la mise en place des réformes structurelles qui peuvent générer les points de croissance perdus. Il est à rappeler que les réformes ont, par contre, un effet retardateur ; c est-à-dire que si elles sont réussies, il faut, en moyenne, au moins deux ans pour en recueillir les premiers résultats. En Tunisie, à très court terme, c est l Etat qui supporte le fardeau de l attaque terroriste : s élevant approximativement à 1125 MDT, soit 1.5% du coût total égalisant les 1.8% du PIB ; le secteur privé, quant à lui, en supporte aux alentours de 225 MDT, soit,3%. Il s ensuit qu à moyen et long terme, c est le secteur privé qui supportera les coûts supplémentaires d une éventuelle attaque terroriste. Ainsi, la donne s inverse et la part supportée par le secteur privé passe alors de,3% à 1,5%. Le Chiffre de 225 MDT est, en quelque sorte, «l arbre qui cache la forêt» ; en effet, le secteur privé, dans cette dynamique de montée de l insécurité, de la violence et de la terreur, sera amené à supporter des coûts supplémentaires suite à l apparition de nouveaux produits d assurance ; il sera appelé à supporter des coûts de transformation de la structure de marché suite à l apparition de nouvelles coalitions et de groupes d intérêt, à faire face aux revendications sociales, etc. Ces coûts, difficiles à estimer à court terme, pèseront sur la compétitivité du secteur privé et constitueront, pour ceux qui résistent, un coût d adaptation à la violence. IACE-CTVIE 215 7