Tableau n 57 : Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail Poignet, main et doigt



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Fiche de sécurité H2 F 18 02 Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics Tour Amboise 204, rond-point du Pont de Sèvres 92516 BOULOGNE-BILLANCOURT CEDEX Tél. : 01 46 09 27 00 Tél. : 08 25 03 50 50 Fax : 01 46 09 27 40 http://www.oppbtp.fr Tableau n 57 : Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail Poignet, main et doigt Nous ne traiterons dans cette fiche que les affections périarticulaires concernant Poignet, main et doigt. Deux autres fiches sont consacrées aux T.M.S. des membres : Épaule, coude, Cheville, pied et genou. Cette fiche est consacrée aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, concernant Poignet, main et doigt. Elle fait partie d'une série destinée aux entreprises (salariés et employeurs), médecins du travail, coordonnateurs SPS (sécurité et protection de la santé) et membres des CHSCT (Comité d hygiène, de sécurité et des conditions de travail) pour leur permettre de mener au mieux leurs actions de prévention en matière de santé sécurité au travail. Elle fait la synthèse des situations de travail à risque et donne des pistes d actions déclinées selon les principes généraux de prévention. Elle peut être une aide précieuse à la rédaction des plans particuliers de sécurité et de protection de la santé (PPSPS). La signification des mots signalés par un astérisque (*) est exposée dans un glossaire situé en fin de fiche. Les chiffres entre crochets [ ] renvoient à la bibliographie. I DÉFINITION DE LA NUISANCE ET DU RISQUE Les affections périarticulaires, dites aussi pathologies d hypersollicitation ou troubles musculo-squelettiques (T.M.S.) touchent les structures anatomiques situées autour des articulations : ligaments, tendons, nerfs, muscles, bourses séreuses (une bourse séreuse est un sac rempli de liquide synovial qui facilite le glissement des tendons et des muscles). II OÙ TROUVE-T-ON LE RISQUE? QUELLES SONT LES PROFESSIONS EXPOSÉES? Des études de déclarations de maladies professionnelles montrent que le secteur du BTP a été largement affecté par l émergence des pathologies dites d hypersollicitation. Ce type d affections périarticulaires d origine multifactorielle, provoquées par certains gestes et postures de travail, en particulier celles concernant les poignets mains et doigts représentent plus de la moitié des cas et touchent un grand nombre de métiers du BTP. Edition novembre 2002. 1

Certains facteurs de risques, séparés ou réunis, responsables de ces affections, sont exposés dans le tableau ci-contre. Ces gestes, habituels dans le BTP, ne deviennent dangereux que par leur répétition excessive et peuvent être aggravés par une organisation du travail mal étudiée. Par exemple : délais d exécution trop courts, absence de temps de récupération L enquête Santé - Travail - Vieillissement (ESTEV) [1] qui a permis de suivre environ 10 000 hommes de quatre générations sur 5 ans, a montré que les ouvriers du BTP ont la particularité de cumuler les douleurs ostéo-articulaires sur plusieurs articulations à la fois. Cependant, il a été démontré que, à facteurs de risques identiques, ceux qui déclaraient avoir les moyens de faire un travail de bonne qualité présentaient moins souvent des douleurs. Cela montre bien l importance de l organisation du travail. La prévalence des T.M.S., qui varie considérablement en fonction du site anatomique concerné et de la profession, touche pour 45 % les activités du BTP. Les principales localisations sont les poignets (37 à 52 %) avec, pour pathologie la plus fréquente, le syndrome du canal carpien (21 à 45 %). Un statut précaire, CDD (contrat à durée déterminée) ou intérimaire, est également un facteur de risque supplémentaire, pour plusieurs raisons : travail dans un environnement non familier, travail à la tâche, nature des tâches confiées, etc. Selon une enquête menée dans les 15 pays de l Union Européenne (sur 12 099 salariés, toutes professions confondues), plus de 65 % des travailleurs intérimaires et 64 % des salariés employés avec un CDD doivent exécuter des mouvements répétitifs de la main ou du bras durant au moins un quart du temps, contre 55 % des salariés ayant un CDI [2]. Exemples de facteurs de risques (gestes et postures en cause) Les manutentions répétées de charges lourdes en prise de force et sous contrainte de temps sollicitent les poignets, mains et doigts, en plus des épaules et des coudes. Le port des seaux de colle, des pots de peinture, du carrelage, des plaques de plâtre ou des parpaings dans les étages toute la journée. Les travaux avec les mains, en utilisant des outils tenus en force et des mouvements de flexionextension (enduisage, tronçonnage, sciage, ponçage, coupe ), de pronosupination* (vissage), les articulations en compression (perçage en force à l aide d une perceuse). Les travaux manuels sollicitant les deux mains dans différentes situations de travail. Les mouvements répétés en force et les vibrations des outils tenus à la main, les chocs répétés associés à des mouvements de prono-supination (exemples : utilisation de marteau-piqueur, burin, scie sauteuse, tronçonneuse ). Métiers concernés (listes non exhaustives) Manœuvres. Maçons. Peintres-tapissiers. Carreleurs. Poseurs de revêtements de sol. Étanchéistes. Plaquistes. Maçons. Coffreurs. Charpentiers. Électriciens. Peintres-tapissiers. Soudeurs. Menuisiers. Poseurs de revêtements de sol. Poseur de faux plafonds. Désamianteur (par grattage). Maçons. Coffreurs. Tailleurs de pierre. Charpentiers. Électriciens. Démolisseurs. Terrassiers. 2

III - MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES Au niveau du poignet, de la main et des doigts, l hypersollicitation des structures périarticulaires (muscles, tendons, gaines synoviales*, nerfs) peut conduire à des pathologies professionnelles entrant dans le cadre des troubles musculosquelettiques (T.M.S.). Le développement de ces affections périarticulaires résulte de contraintes excessives où interviennent plusieurs facteurs : la répétition, mais également la rapidité des mouvements sollicitant un petit groupe localisé de muscles ou de tendons ; le maintien de certaines postures contraignantes, inappropriées, demandant un effort statique ; III.1. LES PATHOLOGIES TENDINEUSES : inflammation des tendons (tendinites) et de leurs gaines (ténosynovites) Tendinite ou ténosite Inflammation d un tendon. Ténosynovite Les tendons de la main et des doigts sont enfermés dans une gaine à l intérieur de laquelle ils glissent. La paroi de cette gaine est en permanence lubrifiée (liquide synovial) ; lors des mouvements répétitifs ou forcés de la main cette lubrification devient défaillante, ce qui provoque un frottement du tendon contre la gaine et produit une inflammation et un gonflement de ce dernier. Si cette inflammation se répète, il y a formation d un tissu fibreux provoquant un épaississement de la gaine, ainsi le tendon ne peut plus y glisser librement, on parle de ténosynovite. La tendinite et la ténosynovite la force déployée. Plus la contrainte est élevée, plus le risque augmente. L organisation du travail joue un rôle majeur dans l aggravation de la pathologie. D autres facteurs, non liés au travail, peuvent également favoriser la survenue de ces T.M.S. : les activités extra-professionnelles : le bricolage, le jardinage ; les facteurs individuels : l âge, le sexe, des anomalies morphologiques, un passé traumatique local, des affections générales, endocriniennes Source : INRS Ligne Prévention ED 797 réimpression avril 2000 Prévenir les Troubles MusculoSquelettiques du membre supérieur Elles sont dues à un surmenage des tendons extenseurs (cubital postérieur, 1 er et 2 e radial, long supinateur, extenseurs des doigts, muscles extrinsèques du pouce) et fléchisseurs (grand palmaire, fléchisseurs des doigts) du poignet, de la main et des doigts (schémas 1, 2, 3). On distingue deux types de pathologies : les pathologies tendineuses et les syndromes canalaires. 3

Angles de confort pour le poignet Articulation Amplitude acceptable Poignet : flexion 10 extension 30 Schéma 4 Extrait de Les troubles musculosquelettiques du membre supérieur. La ligne prévention INRS ED 797 réimpression avril 2000. III.2. LES SYNDROMES CANALAIRES DU POIGNET : III.2.1. Syndrome du canal carpien : Il correspond à l irritation ou à la compression du nerf médian par les tendons fléchisseurs (et leurs gaines) de la main et des doigts, dans un canal ostéofibreux du poignet, inextensible (schéma 5). Cette hypersollicitation est liée : aux mouvements de flexion-extension du poignet et des doigts, à faible charge, mais à vitesse rapide sans pauses suffisantes ; aux mouvements lents de flexion-extension avec charge excessive ; aux gestes répétitifs de préhension, lors des efforts de serrage (par exemple, pressions répétées contre résistance sur des branches de cisailles, pinces coupantes ) ; aux manipulations répétées de charges lourdes en prise de force ou au maintien prolongé d outils vibrants (marteau perforateur burineur) ; aux prises manuelles fréquentes et prolongées de manches d outils inadaptés à la main de l opérateur (trop larges ou trop étroits); au maintien statique prolongé de positions articulaires extrêmes du poignet (hyperextension, hyper-flexion) (schéma 4). Schéma 5 Extrait de Les troubles musculosquelettiques du membre supérieur. La ligne prévention INRS ED 797 réimpression avril 2000. Plusieurs mécanismes expliquent la survenue du syndrome du canal carpien d origine professionnelle. des phénomènes de compression : directe : par appuis répétés et prolongés de la base de la main sur un plan dur ou sur les manches d outils ou de machines, encore plus nocifs s ils sont vibrants ; indirecte : par augmentation très nette des pressions tissulaires intracanalaires observées dans les positions extrêmement prolongées d extension du poignet. 4

des phénomènes d étirement et des microtraumatismes liés aux mouvements répétitifs de flexion et d extension du poignet. III.2.2. Le syndrome de la loge de Guyon La loge de Guyon est un canal situé à la face antéro-interne du poignet dans lequel chemine le nerf cubital (schéma 5). Le syndrome de la loge de Guyon est beaucoup moins fréquent que le syndrome du canal carpien. En effet, au niveau de la loge de Guyon, le nerf cubital n est pas accompagné de gaines tendineuses susceptibles d augmenter de volume. Les prises de force et les efforts de préhension sont, de ce fait, sans incidence sur lui. IV PATHOLOGIE : SANTÉ AU TRAVAIL IV.1. SYNDROME DU CANAL CARPIEN IV.1.1. Diagnostic clinique Il se traduit par des fourmillements siégeant aux 3 premiers doigts (d une ou des deux mains) parfois accompagnés de douleurs. Le 5 e doigt (auriculaire) est toujours épargné (schéma 6). Ces fourmillements surviennent préférentiellement la nuit, pouvant réveiller les patients, parfois le jour lors de certaines activités manuelles se reproduisant quotidiennement. Au début, ces signes disparaissent après agitation ou friction des mains pendant quelques minutes. L hyper-flexion ou l hyper-extension maintenue du poignet déclenche ces symptômes. La percussion du poignet (signe de Tinel) réveille la même douleur. En l absence de traitement, peuvent apparaître une perte de la sensibilité, une diminution de la force du pouce, voire une atrophie (diminution) des muscles de la colonne du pouce sur sa face palmaire (éminence thénar). Pour confirmer le diagnostic clinique, un électromyogramme (E.M.G.) permet de noter une diminution de la vitesse de conduction du nerf médian dans le canal carpien. Électromyogramme (E.M.G.) Courbe obtenue par l enregistrement graphique des courants électriques liés aux contractions musculaires IV.1.2. Le traitement La prise en charge thérapeutique est soit médicale (infiltration), soit chirurgicale en cas d échec (microchirurgie sous anesthésie locale). Le meilleur traitement doit toujours rester la prévention primaire qui est la suppression ou la limitation du geste incriminé. IV.2. SYNDROME DE LA LOGE DE GUYON Schéma 6 Extrait de Pathologie professionnelle d hypersollicitation Atteinte périarticulaire du membre supérieur M. Pujol Collection Masson. IV.2.1. Diagnostic clinique Il se traduit par des fourmillements parfois douloureux dans les deux derniers doigts de la main, avec à un stade plus avancé une diminution de la sensibilité, puis une diminution de force du pouce dans son rapprochement avec l index (signe de la feuille de papier). Une pression de la face antérieure du poignet près du bord cubital réveille ou augmente les signes. 5

IV.2.2. Le traitement De même que pour le syndrome du canal carpien, le traitement est d abord médical (infiltration). En cas de persistance de la pathologie, on envisagera une libération chirurgicale du nerf cubital. IV.3. TÉNOSYNOVITE (voir encadré chapitre III.1.) IV.3.1. Le diagnostic clinique L inflammation de la gaine des tendons (essentiellement des fléchisseurs) du 1 er ou du 5 e doigt provoque un gonflement de la paume de la main et de la face antérieure du poignet. Le pouce ou le 5 e doigt demi-fléchi ne peut ni s étendre, ni se fléchir complètement, la douleur est parfois absente ou parfois des signes identiques au syndrome du canal carpien s y associent. IV.3.2. Le traitement La restriction du mouvement incriminé, le repos et un traitement anti-inflammatoire par voie orale, voire un traitement par injection locale d un produit à base de cortisone seront prescrits. IV.4. TENDINITE (voir encadré chapitre III.1.) IV.4.1. Le diagnostic clinique Il s agit d une inflammation des tendons. La tendinite se traduit par une douleur locale au niveau du dos de la main ou du poignet, associée à un gonflement remontant sur la partie inférieure de l avant-bras. Le diagnostic est essentiellement clinique. IV.4.2. Le traitement Il consiste en une mise au repos de la main avec anti-inflammatoire et antalgique par voie orale ou locale. V DÉMARCHES DE PRÉVENTION (Loi du 31 décembre 1991) Principes généraux de prévention V.1. PRÉVENTION TECHNIQUE Seule l analyse précise du travail réel peut permettre une prévention primaire. a) Éviter les risques : Le risque résulte de la conjonction des éléments suivants : présence humaine ; environnement du poste de travail ; manipulation ou manutention manuelle d outils, d objets, de charges ; matériel ou mode opératoire sollicitant les membres supérieurs. On évitera donc le risque en suivant à titre d exemple l une des voies suivantes : Éviter le risque Choisir un processus qui ne sollicite pas ou peu les membres supérieurs. Choisir des solutions tenant compte des mécanismes des troubles musculosquelettiques. Exemples de voies de recherche Mécanisation. Éviter les manutentions manuelles. Réduire les tâches exposantes à leur strict minimum en privilégiant le recours à des systèmes d assemblage d éléments préfabriqués. b) Évaluer le risque qui ne peut être évité : Dans une définition générale du poste de travail (type et normes de production, objet du travail, conditions de l opérateur, outils et matériaux utilisés, etc.) la tâche doit être analysée et décrite (PPSPS*). Ceci permet, compte tenu du vécu et de l expérience acquise, de mieux connaître et évaluer le risque et ses facteurs. Cette évaluation doit interpeller la maîtrise d ouvrage, les maîtres d œuvre, les coordonnateurs, mais aussi le bureau d études, les conducteurs de travaux, l encadrement et tout le personnel dit productif. Toutes les phases de travail doivent être étudiées, y compris les approvisionnements, les postures, les accès, l outillage. 6

Les facteurs de risque décelés peuvent être directs ou indirects : Schéma 7 Source INRS Travail et sécurité n 7/8 1996 Extrait de Les troubles musculosquelettiques du membre supérieur. La ligne prévention INRS ED 797 réimpression avril 2000. c) Combattre le risque à la source : L analyse des facteurs de risque conduit à adopter à plusieurs niveaux une approche de maîtrise de ces facteurs qui doit être intégrée dès la phase de conception et préparation des travaux à réaliser (voir la MAPC Méthode d Aide à la Préparation du Chantier de l OPPBTP). Cette analyse doit conduire à : aménager le poste de travail ; rechercher une position de confort articulaire (schéma 7) ; diminuer les sollicitations du membre supérieur ; préconiser des outils plus sûrs et moins nocifs (par exemple perforateurburineur à système anti-torsion du bras et du poignet) ; remplacer régulièrement les outils usagés par des outils neufs ; organiser des rotations de poste systématiques par courtes périodes ; varier les activités ; réduire la répétitivité des tâches ; proposer des périodes de récupération fréquentes. d) Adapter le travail à l homme : En plus de l étude ergonomique des postes de travail permettant de mieux analyser les facteurs directs liés à l exposition aux risques par les opérateurs, il s agit de leur proposer des solutions : Éviter par exemple : les appuis prolongés sur le talon de la main ; l utilisation de la main comme un marteau ; de placer les articulations de la main dans des positions extrêmes (Schéma 8). Proscrire l utilisation d outils avec des prises désaxant la main par rapport à l avantbras (Schéma 9). Encourager un travail en équipe qui contribue à accroître la diversité de l effort musculaire et à le répartir plus équitablement. Améliorer le confort du personnel en diminuant les contraintes thermiques : mise à disposition d installations fixes ou mobiles de chantier chauffées, repas et boissons chauds, vêtements de protection adaptés. Diminuer l effort nécessaire à l exécution d une tâche par une conception ergonomique du poste de travail, des outils et des équipements utilisés. Schéma 8 7

Schéma 9 Schémas 8 et 9. Extrait de la Pathologie professionnelle d hypersollicitation Atteinte périarticulaire du membre supérieur M. Pujol Édition Masson. e) Tenir compte de l état de l évolution de la technique : Privilégier le recours à la mécanisation et l automatisation dans l exécution de certaines tâches (déplacement, transport des charges, commandes à distance) afin d alléger la charge de travail musculaire. Utiliser des systèmes pré-assemblés ou préfabriqués limitant la répétitivité d actions ou d interventions de l opérateur avant d aboutir au produit fini. f) Remplacer ce qui est dangereux par ce qui l est moins : Utiliser par exemple : des outils moins vibrants (brise-béton antivibratile) remplacement des clefs à choc par des serreuses à rotation continue, contrôle du balourd des machines rotatives (ponceuses, meuleuses) (schéma 10). Employer des outils plus légers à poignées ergonomiques, manipulés dans des postures favorables. Schéma 10 Brise-béton antivibratile. Extrait du mémo-pratique C9 M 06 - OPPBTP. g) Planifier la prévention : La prévention technique passe par une démarche ergonomique multidisciplinaire et globale. Cet aspect concerne tous les acteurs impliqués dans l acte de construire : maîtres d ouvrage, maîtres d œuvre, coordonnateur de conception et de réalisation, service méthode, acteurs de prévention, sans oublier les opérateurs. Par exemple, sur un chantier, il faut prévoir dès la préparation les modalités d approvisionnement, les conditions de stockage, de circulation. 8

En atelier, on pourra prévoir des aides à la manutention, des chariots, etc. L étude des procédures d intervention et de sécurité, sur un poste de travail, permet d éviter des situations à risque. Tout accident du travail doit faire l objet d une analyse. De même, toute douleur d hypersollicitation (T.M.S. des doigts, de la main, du poignet) doit être étudiée avec le salarié concerné par le médecin du travail et par une direction soucieuse de la santé de ses collaborateurs, afin de mettre en place des façons de faire non traumatisantes pour les doigts, la main, le poignet. L entreprise peut solliciter l OPPBTP pour une étude par la MAECT (Méthode d Analyse et d évaluation des Conditions de Travail). L exploitation et la mise en œuvre des résultats de cette MAECT effectuée sur des postes de travail contribuent à une prévention de ces maladies. h) Prendre des mesures de protections collectives en priorité sur les protections individuelles : Comme les troubles musculo-squelettiques touchent pratiquement tous les corps de métiers du BTP, les mesures de protection collective des opérateurs sur leur poste de travail doivent y être intégrées dès la phase de conception des travaux. En fonction des tâches à exécuter et de l environnement du poste, on doit veiller à les mettre en œuvre en priorité (plateforme individuelle roulante ou PIR*), recette à matériaux, matériel de levage servant aux différents corps d état laissé pendant toute la durée du chantier. i) Formation, information des salariés : Formation à la sécurité des salariés par l apprentissage du bon geste. Souligner l importance des périodes de repos et recommander aux travailleurs de profiter de ces courts intervalles pour décontracter leurs muscles. Sensibilisation des employeurs, encadrement, membres du CHSCT s il existe, des opérateurs, etc., au problème des troubles musculo-squelettiques, en leur fournissant des éléments de connaissance sur les relations santé-travail. En tant que conseiller des salariés et des employeurs, l équipe de santé au travail a un rôle primordial à jouer en participant à cette information et à ces formations. V.2. PRÉVENTION MÉDICALE V.2.1. Jeune travailleur - Apprenti Les jeunes travailleurs et les apprentis âgés de moins de 18 ans sont assujettis à une réglementation qui impose à l employeur de demander une autorisation à l Inspecteur du travail, après avis du médecin du travail pour l utilisation au cours de la formation de machines ou d appareils à risques dont l'usage est proscrit par les articles R 234-11 à 19 du code du Travail, ou pour être occupé à certains travaux pendant la durée de l'apprentissage (articles R 234-20 et 21 de ce code). Toute douleur d hypersollicitation doit pouvoir faire l objet d une analyse des circonstances d apparition, pour non seulement évoquer les principes du bon geste et d une bonne posture, mais aussi sensibiliser le jeune sur ses conditions de travail, et interpeller l entreprise et le maître d apprentissage sur les procédures qu ils envisagent de mettre en œuvre par rapport à certaines phases de travail difficiles. Les principes d une bonne hygiène d utilisation de son corps, de son dos, et de ses articulations sont ainsi rappelés lors de la Formation Gestes et Postures qui est délivrée par le Centre de Formation des Apprentis (CFA). V.2.2. Consultation médicale Ce qui vient d être dit pour un jeune doit pouvoir être expliqué et répété pour être compris à tout salarié se sentant responsable de son corps. Au cours de la visite médicale et lors de ses interventions en milieu de travail, le médecin du travail se donne les moyens d informer et de sensibiliser les salariés par documents, fiches techniques La prise en compte, par le médecin du travail, du salarié dans sa globalité est nécessaire et importante. Elle oblige souvent à aborder tous les aspects de sa vie et de son travail, et à envisager avec l'intéressé plusieurs solutions. 9

VI ÉVOLUTION DU NOMBRE DES AFFECTIONS PÉRIARTICULAIRES PROVOQUÉES PAR CERTAINS GESTES ET POSTURES DE TRAVAIL CONCERNANT LE POIGNET, LA MAIN ET LES DOIGTS RECONNUES AU PLAN NATIONAL (d après les statistiques CNAM) TMS : tableau 57 BTP Le nombre de maladies professionnelles concernant les extrémités des membres supérieurs a augmenté de façon importante ces dernières années. Parmi ces pathologies, le syndrome du canal carpien occupe une place prépondérante. Évolution des MP et des TMS TMS : tableau 57 toutes professions Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail (TABLEAU N 57) 10

VII RÉGLEMENTATION Tableau n 57 Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail Date de création : 9 novembre 1972 Dernière mise à jour : 7 septembre 1991 (décret du 3 septembre 1991) Désignation Délai de prise Liste limitative des Travaux des maladies en charge susceptibles de provoquer ces maladies C- Poignet- Main et doigt Tendinite 7 jours Travaux comportant de façon habituelle des mouvements Ténosynovite 7 jours répétés ou prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts. Syndrome du 30 jours Travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements canal carpien répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension Syndrome de la 30 jours de la main, soit un appui carpien, soit une pression loge de Guyon prolongée ou répétée sur le talon de la main. Extrait du tableau n 57 Régime général BIBLIOGRAPHIE : [1] L enquête Santé Travail Vieillissement (ESTEV) - Age, Santé, Travail F. Derriennic, A. Touranchet, S. Volkoff. Éditions de l INSERM 1996. [2] TMS et évolution des conditions de travail. Les actes du séminaire Paris 98 Éditions ANACT Précarité de l emploi salarié et conditions de travail en Europe. Véronique Daubas- Letourneux. Vitry-Henry L., et all. Les affections périarticulaires d origine professionnelle : lien entre postures et pathologies. Étude de 323 déclarations de maladies professionnelles. Arch. Mal. Prof., 1998, 59, n 7, 492-496. Les troubles musculo-squelettiques du membre supérieur. Guide pour les préventeurs. INRS ED 797. Les troubles musculo-squelettiques du membre supérieur. Fiches de prévention - INRS. Pathologie des vibrations mécaniques transmises aux membres supérieurs. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 16-518-A15. Les troubles musculo-squelettiques du membre supérieur liés au travail. Revue de Médecine du Travail, tome XXI, n 3, 1994. Vous avez dit T.M.S.? A votre santé. Publication AIPPS n 79. Pathologie professionnelle d hypersollicitation Atteinte périarticulaire du membre supérieur M. Pujol (avec la collaboration de J. Assoun, J. Condouret, A. Le Tinnier, J.-J. Railhac, D. Rouge) Collection de monographies de médecine du travail publiée sous la direction du Pr. J. Proteau Édition Masson - 1993. 11

DOCUMENTS OPPBTP À CONSULTER : Les manutentions manuelles, A5 M 01 Manutentions manuelles, tiré à part, A5 T 01 Recommandations pour le port manuel de charges, A5 M 02 Le port manuel des charges, MPP n 4, A5 P 01 Limiter le port manuel des charges, A5 F 01 Audiovisuels : - Le pont, VHS A5 V 01 - Objectif 0 accident de manutention manuelle, VHS A5 V 02 - Manutentions manuelles et mécanisées : le parpaing, VHS A5 V 03 La MAECT (Méthode d Analyse et d Évaluation des Conditions de Travail) A7 M 02 MAECT, tiré à part, A7 T 01 MAPC (Méthode d Aide à la Préparation de Chantier) AI G 10 La démarche ergonomique, A7 F 01 GLOSSAIRE : * Gaines synoviales : Gaines entourant les tendons, dans lesquelles ils glissent. * Éminence thénar : Partie musculaire de la paume de la main située à la base du pouce. * PPSPS : Plans particuliers de sécurité et de protection de la santé. * Prévention primaire : Mode de prévention fondamental, agissant directement sur les causes des risques (condition et organisation du travail, outils, engins, nuisances ). * Prono-supination : mouvement de l avant bras faisant exécuter à la main une rotation de dehors en dedans, et de dedans en dehors. * Région hypothénar : Partie musculaire de la paume de la main située à la base de l auriculaire. Ont participé à cette étude pour l OPPBTP : Rédacteurs : Dr J.-F. Boulat C. National G. Dieudonné Ingénieur au Service technique du Comité National Dr J.-P. Baud C. Régional Rhône-Alpes Dr L. Gucève C. Régional Alsace-Moselle Dr F. Matha C. Régional Languedoc-Roussillon Dr A. Pelé C. Régional Bretagne Dr G. Péguin C. Régional Sud-Est Relecteurs : Dr J.-C. Abécassis C. Régional Paris-Ile-de-France Dr G. Artus C. Régional Auvergne Dr N. Chemin C. Régional Limousin-Poitou-Charentes Dr V. Delorge C. Régional Aquitaine Dr J.-Y. Dubré C. Régional Pays-de-la-Loire Pr. P. Frimat C. Régional Nord-Picardie Dr A. Poirier C. Régional Normandie Dr C. Robert C. Régional Centre Dr Ghislaine Serrano-Duchalet C. Régional Midi-Pyrénées 12