Le Rail à toute(s) vitesse(s). Deux siècles de vitesse sur rail, trente ans de grandes vitesses La politique des grandes vitesses en France : la trajectoire d un grand projet à l épreuve du territoire Jean-Michel Fourniau IFSTTAR-DEST
3 Cinq configurations dans la trajectoire de la politique publique 1. 1966-1977 : la constitution du système TGV, du Service de la recherche à la décision TGV PSE 2. 1978-1983 : la mise en place du grand projet : réalisation et mise en service de Paris-Lyon 3. 1984-1997 : l extension géographique de la logique sectorielle avec le schéma directeur, jusqu à la crise de ce modèle du réseau TGV (financement, conflits territoriaux) 4. 1997-2009 : Depuis la création de RFF, logiques de projets et territorialisation du système ferroviaire 5. Depuis 2010 : vers un nouveau référentiel vert avec le SNIT et l ouverture à la concurrence?
1966-1977 : la constitution du système TGV comme innovation dans l exploitation 4 L histoire du processus d innovation dans l exploitation du TGV est faite de trois scansions : Du problème des grandes vitesses (1965) au système TGV (1968), le Service de la recherche opérateur d un assemblage inédit La structure légère du Service de la recherche et son approche-système permettent de définir une nouvelle conception de la desserte entre grandes villes : le shunt d un goulot d étranglement du réseau existant permet d optimiser sur un ensemble de relations entre grandes villes le temps de parcours par la fréquence et la ramification de la desserte Du système TGV au TGV Paris Sud-Est, les choix techniques (1971-1974) L aboutissement des choix techniques conduit à un système technique compatible mais relativement distinct du reste de l exploitation ferroviaire, L abandon de l expérimentation d innovations techniques trains pendulaires, freinage à courants de Foucault et la suppression du Service de la recherche Le grand projet : l organisation industrielle pour construire les rames TGV Paris Sud-Est (1975-1977) Le regroupement des divisions d études et la création de la division MC Un cahier des charges défini plus par objectifs que par solution 85 rames identiques et un pilote unique : l organisation industrielle de la construction du TGV PSE Ce processus d innovation détermine le devenir du système TGV comme grand projet
1975-1983 : la mise en place du grand projet d équipement 5 C est autour du modèle du grand projet que la politique publique des grandes vitesses s est mise en place après la démonstration du succès technique et commercial du TGV Sud-Est De nouveaux rapports entre l exploitant et les industriels pour favoriser l émergence d un champion national : Orienter la modernisation industrielle vers le succès du grand projet en favorisant les regroupements industriels Le rôle de l État et de la commande publique dans la dynamique équipementière L épisode des rames protocoles en 1982 De l extension territoriale du système TGV au réseau TGV pour l aménagement du territoire Le lancement des études pour l extension géographique du grand projet : TGV Est et Nord (déjà étudiés par le SR) Le TGV Atlantique
6 1984-1997 : le référentiel de la logique sectorielle pour la création d un réseau TGV 1. Les valeurs : modernité technique maîtrisée et démocratisation de la vitesse La visée d un progrès technique partagé par tous, devenue publicité institutionnelle de la SNCF, plonge ses racines dans l histoire de l entreprise et mobilise un imaginaire collectif faisant volontiers de l histoire du chemin de fer une valeur nationale de la modernité (l innovation du TGV inscrite dans la continuité d une épopée technique). 2. Deux normes centrales : concurrence et rentabilité Ces normes ont constitué les axes d un renouveau stratégique de l entreprise : inscrire le chemin de fer dans un système de transport concurrentiel ; assurer la rentabilité économique et financière des investissements afin qu ils contribuent à l équilibre des comptes, condition d une réelle autonomie de l entreprise. 3. Les critères de décision synthétisés par le taux de rentabilité Un temps minimum pour concurrencer l avion (500 km en 2 heures à l époque, 800 km en 3 heures aujourd hui), une ramification suffisante pour massifier le trafic, 4. Une logique de financement des investissements fondée sur le recours à l emprunt, justifiée par la rentabilité du TGV et l autonomie de l entreprise L articulation entre ces valeurs, normes et critères est forte : elle spécifie la conception française des grandes vitesses qui est au principe des choix des premières lignes TGV et de l élaboration du Schéma directeur de 1991, choix stratégique français (avis du CNT).
7 Une triple crise de la politique sectorielle des grandes vitesses 1. Crise de la logique territoriale L ouverture du système à de nouveaux acteurs par le biais du financement Les nouveaux acteurs régionaux sont porteurs de projets de desserte plus maillée, et posent avec plus d acuité le problème des gares Les choix de priorités : logique radiale de réseau et logique politique régionale ne font pas forcément prévaloir les mêmes logiques d extension => des projets mieux insérés dans le développement régional La dimension européenne de la grande vitesse et sa logique d interconnexion des réseaux 2. Crise de la décision : les effets imprévus du conflit du TGV Méditerranée sur le système TGV et son rôle dans l aménagement du territoire L institutionnalisation progressive de la participation du public (débat Bianco puis CNDP) La réouverture de la boîte noire technique, et le questionnement de la priorité à la grande vitesse (pendulaire ) 3. Crise du financement d entreprise Une nouvelle doctrine du financement public des infrastructures avec la création de RFF L émergence du financement de projet, par la contribution des collectivités territoriales puis le recours à la concession
1997-2009 : Logiques de projets et territorialisation du système ferroviaire 8 Une logique de négociation projets par projets territorialise la logique sectorielle initiale L émergence d une logique de services, malgré l abrogation des schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises (2005) Le rejet des «gares dans les betteraves» au profit des gares de centre-ville La mixité voyageurs / marchandises (Perpignan-Figueras, Lyon-Turin, contournement Nîmes- Montpellier puis LN Montpellier-Perpignan, branche sud du TGV Rhin-Rhône ) L interconnexion avec les réseaux européens Une nouvelle gouvernance avec les collectivités territoriales comme partenaires financiers et le débat public : Une mise en concurrence des projets (CIADT 18/12/2003) Une évolution dans les modes d élaboration des projets La grande capacité et pas seulement la grande vitesse «Une décision sur le système ferroviaire de la région Paca» et plus seulement sur la LGV Paca (rapport Cousquer, 2009) => Plus de LGV mais des LN ferroviaires?
Un exemple d hybridation : le projet LGV Paca 9 3 familles de scénarios soumises au débat public (2005) Les 4 scénarios de passage de la LGV des Métropoles du Sud (2011)
L hybridation par la durée entre logiques de développement etmises en service 10 LGV Date de mise en service Financement Modalités de conduite de projet et de décision TGV PSE 1981-1983 SNCF Sectorielle classique TGV Atlantique Mai 1989 septembre 1990 SNCF (+ État) Sectorielle classique TGV Nord (et tunnel sous Mai-septembre 1993 SNCF (+ gare de Lille) Sectorielle classique la manche) 1994 TGV Rhône-Alpes Décembre 1992-juillet 1994 SNCF Sectorielle classique Interconnexion Est-Paris 1994-1996 SNCF Sectorielle classique Période équipementière : 1300 km LGV LGV Méditerranée (250 Juin 2001 RFF Conflit conduisant à l adoption de la circulaire km) Bianco, DUP en 1995 LGV Est (300 km) Juin 2007 RFF + État + Régions Négociation avec les collectivités t erritoriales = missions Essig (19 89 et 1991) puis mission TGV et comité de pilotage des études 1992) LGV Perpignan-Figueras Décembre 2010 Concession RFF-TP Ferro Sectorielle classique + convention (25 km) (Eiffage) internationale, DUP en octobre 2001 LGV Rhin-Rhône, branche Partenariat RFF-État-Régions Débat Bianco en 1993, mission TGV et comité Est, 1 ère phase, 140 km 2 ème phase, 50 km 11/12/2011 2016? de pilotage des études, DUP en janvier 2002 (+ débat CNDP sur la branche Sud en 1999) Première territorialisation du TGV (projets du SD TGV): 2015 km LGV LGV SEA 2017 50% concession RFF-LISEA Débat Bianco en 1994-1995 ; DUP en 2009 (Vinci) ; 50% État-Régions LN Nîmes-Montpellier contrat de partenariat DUP en 2005 LGV Bretagne Pays de 1/3 contrat de partenariat Débat Bianco en 1995-1996 ; DUP en mai Loire (Eiffage) ; 2/3 État-Régions 2007 LGV Lyon-Turin LTF Débat Bianco en 1993 ; DUP LGV Paca Débat CNDP en 2005 Les projets en cours sont très largement différents de leur définition dans le SD de 1991 (pas simplement dans leur tracé, mais dans leurs focntionnalités).
11 Depuis 2010 : vers un nouveau référentiel, sans grande vitesse?