Quelles indications aujourd'hui pour la radio du thorax? Dr Cédric CARBONNEIL Chef de projet HAS-SEAP
Contexte et méthode d évaluation 2
Une évaluation par la HAS : Pourquoi? Mars 2005: lancement effectif de la CCAM (environ 7200 actes). Données 2006: 1 ère année d analyse des données de codage CCAM pour le secteur libéral uniquement : 1 er panorama des actes techniques. En 2006, 105 millions d actes techniques réalisés en secteur libéral représentant 7,5 milliards d euros d honoraires Activité concentrés sur un nombre restreint d actes: 35 actes sont à l origine de la moitié des actes réalisées: Parmi ces 35 actes, les deux plus fréquents sont: ECG sur au moins 12 dérivations Radiographie du thorax 5 millions d actes 4,4 millions d actes 3
Une évaluation par la HAS : Pourquoi? La radiographie du thorax en secteur libéral, c est : 4,4 millions d actes réalisés (1 er acte d imagerie en volume) 135 millions d euros d honoraires Spécialités médicales réalisant des radiographies du thorax 1% 9% 90% Autres Pneumologues Radiologues 4
Une évaluation par la HAS : Pourquoi? Autres actes de radiologie conventionnelle très fréquemment réalisés: Radiographie du thorax Radiographies du bassin Radiographie de l abdomen sans préparation Radiographies du crâne et/ou du massif facial 4,4 millions d actes 3,1 millions d actes 1,1 millions d actes 985 000 actes L Union nationale des caisses d assurance maladie (UNCAM) a donc demandé à la HAS de préciser les indications, les «non-indications» et la place dans la stratégie diagnostique de ces radiographies, afin de disposer d un référentiel validé et actualisé. Ces référentiels pourront être utilisés afin de favoriser la diffusion de la demande médicalement justifiée des radiographies du thorax auprès des professionnels de santé et du grand public. 5
Une évaluation par la HAS : contexte Existence de recommandations (nationales et internationales) de bon usage des examens d imagerie En France Guide des indications d imagerie médicale pour les urgences de l adulte (2004) Guide de bon usage des examens d imagerie médicale (2005) 6
Guide de bon usage des examens d imagerie médicale : principes Transposition de la directive européenne 97/43 Euratom sur la radioprotection Rédigé sous l égide de la SFR et de la SFBMN, avec le soutien méthodologique de l Anaes (HAS) et de la DGSNR (ASN) et en partenariat avec 42 Sociétés savantes. Présentation sous forme de tableaux à 5 colonnes ( 1 tableau par système d organe). 7
Guide de bon usage des examens d imagerie médicale : limites Recommandations du guide non mises en oeuvre car : Méconnaissance du guide (diffusion insuffisante); Connaissance du guide mais non mise en oeuvre car: Guide jugé peu ergonomique, non utilisable en pratique courante (problème de format, de présentation, conception trop académique ); Guide jugé non applicable car impossibilité de réaliser les examens recommandés (TDM, IRM, TEP) faute de disponibilité de ces équipements (problèmes de substitution) à l époque. 8
Une évaluation par la HAS : 2 objectifs Mise à jour des indications définies par le guide de bon usage des actes d imagerie, mais spécifiquement pour chaque acte (ici la radiographie du thorax) Diffusion accrue des conclusions de ces évaluations auprès des professionnels de santé via: Présentations auprès des professionnels de santé (congrès ), communiqués de presse Fiches de bon usage de technologies médicales. 9
Fiches de bon usage de technologies médicales 10
Mise à jour des indications : méthode Evaluation (165 situations cliniques identifiées ) Analyse critique de la littérature limitée aux recommandations en vigueur 1 Position d un groupe de lecture pluridisciplinaire 2,3 Position officielle d organismes professionnels si nécessaire (191 publications retenues) (n=25) (SFR, FFP/SPLF, SFMU, SFAR, SRLF) 1 RPC systématiquement évaluées selon la grille AGREE 2 Position du GL définie selon une adaptation du consensus formalisé d expert : avec grille de cotation de 1 à 9 puis calcul de la médiane et du degré d accord du GL 3 Composé de pneumologues, radiologues, cardiologues, médecins généralistes, pédiatres, médecins urgentistes, hépato-gastro-entérologues, gynécologues, anesthésistes-réanimateurs, réanimateurs médicaux, chirurgiens thoraciques et cardiovasculaires, infectiologues, urologues, et oncologues médicaux. 11
Mise à jour des indications : format des résultats Continuité avec la présentation adoptée par le guide de bon usage des examens d imagerie sous forme de tableaux : Situation clinique RT d admission en USI littérature [grade] Indiqué [9] Recommandation proposée groupe de lecture [cotation] Indiqué [9] HAS Indiqué Technique d imagerie alternative recommandée littérature [grade] Aucune groupe de lecture Aucune HAS Aucune Suivi de patient stable non ventilé Non Indiqué [2] Non indiqué [2] Non indiqué Aucune Aucune Aucune Patient sous ventilation mécanique Indiqué [9] Indiqué [9] Indiqué dans des cas particuliers # Aucune Aucune Aucune # : la RT est indiquée systématiquement en cas de pathologies particulières à haut risque de barotraumatisme ou en cas de patients très hypoxiques (syndrome de détresse respiratoire aiguë, acute lung injury, asthme aigu grave, pneumothorax drainé). Dans tous les autres cas (et notamment en cas de ventilation non invasive), la RT est uniquement indiquée en fonction des données de l examen clinique. 12
Mise à jour des indications : catégories de résultats Continuité avec la terminologie du guide de bon usage des examens d imagerie : Indiqué Indiqué dans des cas particuliers Examen généralement indiqué pour établir le diagnostic et orienter le traitement dans le contexte clinique évoqué Examen uniquement indiqué dans des circonstances ou dans des conditions restreintes (précisées en note de bas de tableau) Non indiqué Examens pour lesquels il n y a pas de justification pour la situation clinique considérée Par ailleurs, n ont été retenues comme «non-indications» de la radiographie du thorax que les situations cliniques pour lesquelles des «non-indications» sont explicitement documentées dans la littérature. 13
Evaluation des indications de la radio du thorax : ce qu elle est et ce qu elle n est pas! Continuité avec la «philosophie» du guide de bon usage des examen d imagerie : Cette évaluation ne prétend pas à l exhaustivité mais est prioritairement orientée vers les situations cliniques les plus fréquentes ou importantes. Ces recommandations sont formulées à l intention de tous les médecins, généralistes et spécialistes, quel que soit leur mode d exercice. Elles ont pour but de guider le médecin dans sa pratique quotidienne et de l aider à faire le bon choix lorsque le recours à l imagerie médicale est envisagé. Elles ne sont donc pas des règles intangibles. Les «non-indications» identifiées ne sont ni des contre-indications, ni des RMO!! 14
Rappel de principes de base en imagerie Un examen d imagerie, quel qu il soit, n est indiqué qu après un bilan clinique permettant une prise de décision argumentée Les examens irradiants doivent être limités chez l adulte et réduits au minimum chez l enfant et la femme enceinte. Rappelons que la tomodensitométrie (TDM) est significativement plus irradiante que la radiographie conventionnelle. Par ailleurs, l échographie et l imagerie par résonance magnétique (IRM) ne sont pas irradiantes. Par ailleurs, la demande d examen à fournir au radiologue doit mentionner le contexte clinique, le diagnostic évoqué et les contre-indications éventuelles de certains types d imagerie. 15
Résultats de l évaluation: Principales indications et «non-indications» de la radiographie du thorax (RT) en médecine de ville 16
Radiographie du thorax (RT) et douleurs thoraciques Douleur thoracique chronique suspectée d origine cardiaque Indiqué Aucune imagerie alternative recommandée La RT est utile pour exclure des causes d origine extracardiaque (pleuropulmonaire principalement). Elle accompagne généralement le bilan biologique demandé. Douleurs thoraciques non spécifiques, hors du contexte d urgence Non indiqué Aucune imagerie alternative recommandée La RT réalisée dans ce contexte servait généralement à rassurer le patient. D autres moyens peuvent être mis en œuvre. 17
RT et toux chronique Toux chronique isolée Indiqué TDM thoracique ou des sinus en 2 nde intention La toux est considérée comme chronique lorsqu elle est présente depuis au moins 1 mois. La RT est systématiquement réalisée lors du bilan initial après évaluation clinique et après exclusion d une cause médicamenteuse ou de coqueluche (ces deux causes ne nécessitant pas de RT). La RT est généralement suffisante. Mais en fonction des constatations cliniques, une TDM peut être réalisée en 2 nde intention. 18
RT et épanchement pleural Epanchement pleural Indiqué Échographie thoracique en alternative La RT de face est anormale dès la présence d un épanchement de 200 ml. La RT de profil détectera un épanchement de 50 ml. L échographie peut alternativement être réalisée notamment afin de déceler de faibles quantités de liquide pleural. La RT est également utilisée lors d un drainage ou d un talcage d épanchement pleural (contrôle radiographique). 19
RT et infection des voies aériennes (I) Infections des voies aériennes hautes Non indiqué Aucune imagerie alternative recommandée Il n y a aucune preuve de l utilité de la RT dans la prise en charge de ces pathologies (rhinites allergiques ou non allergiques, rhinopharyngites, angines, otites ) Bronchiolite de l enfant (1 er épisode non compliqué) Non indiqué Aucune imagerie alternative recommandée En revanche, la RT a toute sa place dans les formes sévères pouvant justifier une hospitalisation, car la découverte d une image de consolidation (atélectasie, pneumonie ) serait un argument d hospitalisation (risque de décompensation secondaire) 20
RT et infection des voies aériennes (II) Bronchite aiguë (tableau clinique non équivoque) Non indiqué Aucune imagerie alternative recommandée La RT n est pas indiquée chez l adulte et chez l enfant, même lorsqu il existe une fièvre modérée ou de la toux, en l absence de signes de gravité (polypnée, tachycardie, fièvre >39,5 C, anomalies auscultatoir es suggérant une pneumonie). La RT peut être indiquée lorsque le bilan clinique ne permet pas de distinguer une pneumonie d une bronchite aiguë (tableau clinique équivoque), et tout particulièrement lorsque le contexte de survenue (co-morbidité, âge > 75 ans, vie en institution) expose à une sémiologie trompeuse. 21
RT et infection des voies aériennes (III) Pneumonie communautaire (suivi chez l adulte) Indiqué dans des cas particuliers Aucune imagerie alternative recommandée En règle générale, il n y a pas lieu de réaliser une RT lors du suivi de pneumonie communautaire car la majorité des patients présente une résolution des anomalies radiographiques à 4 semaines (délai plus long chez les sujets âgés, fumeurs ou présentant une affection chronique des voies aériennes). Mais la RT est indiquée dans les cas suivants : à 48-72 heures en cas d évolution défavorable malgré un traitement bien conduit; entre le 14 ème et le 21 ème jour en cas de pneumonie compliquée ; à 6 semaines pour les patients présentant des symptômes persistants et pour les patients avec suspicion de malignité (patients fumeurs ou de plus de 50 ans) ; La modulation doit aussi venir du type de germe, du type alvéolaire ou alvéolo interstitiel, et de l extension de la pneumopathie sur le premier cliché. 22
RT et infection des voies aériennes (IV) Pneumonie communautaire (suivi chez l enfant) Indiqué dans des cas particuliers Aucune imagerie alternative recommandée Comme chez l adulte, en règle générale, il n y a généralement pas lieu de réaliser une RT lors du suivi de pneumonie communautaire chez l enfant. Mais une RT de contrôle à 1 mois peut être réalisée dans les cas suivants : en cas de survenue de complications au cours du suivi ; en cas de symptômes persistants sous traitement bien conduit ; en cas de risque de séquelles pulmonaires, en fonction du type de pathogène ; afin de contrôler l extension de la pneumopathie. 23
RT et asthme Asthme chez l adulte (diagnostic) Indiqué dans des cas particuliers Aucune imagerie alternative recommandée La RT est indiquée en particulier chez les personnes âgées (diagnostic différentiel entre asthme et BPCO), ou en présence de symptômes atypiques (autres que la toux, une respiration sifflante, essoufflement, sensation d oppression au niveau du thorax). Asthme chez l adulte (suivi) Indiqué dans des cas particuliers Aucune imagerie alternative recommandée La RT n est indiquée lors du suivi qu en cas d exacerbations ou en cas de suspicion de complication (pas de RT systématiques lors du suivi) 24
RT et BPCO BPCO (bilan initial) Indiqué Aucune imagerie alternative recommandée La RT est indiquée afin d exclure d autres pathologies et de permettre d établir la présence d éventuelles co-morbidités, notamment d origine cardiaque. BPCO (suivi) Indiqué dans des cas particuliers Aucune imagerie alternative recommandée La RT n est indiquée lors du suivi qu en cas d exacerbations ou en cas de suspicion de complication (pas de RT systématiques lors du suivi). Cette indication est à rapprocher de l indication de la RT en cas de pneumopathies, car les exacerbations de BPCO sont d origine infectieuse dans 50 % des cas. 25
RT, HTA et cardiopathies HTA Non indiqué Échocardiographie Doppler dans certains cas La RT était auparavant proposée pour l'évaluation de l'hypertrophie du ventricule gauche. Mais dans cette indication, la RT possède une faible sensibilité, l'hypertrophie du ventricule gauche étant mieux détectée par échocardiographie. Insuffisance cardiaque congestive chronique et cardiomyopathies : suivi périodique Non indiqué Échocardiographie Doppler La répétition périodique de RT n est pas indiquée lors du suivi. Une RT peut occasionnellement être réalisée en cas de signes d appel ou de suivi d un OAP. 26
RT et pathologie digestive Perforation œsophagienne Non indiqué TDM thoracique Le diagnostic est porté cliniquement sur une douleur thoracique associée à un emphysème sous cutané qui conduit essentiellement à la réalisation d une TDM thoracique en urgence, sans réalisation de RT (car moins efficace que la TDM). Douleur iliaque droite, suspicion d appendicite Indiqué dans des cas particuliers En complément de la TDM abdominale ou de l échographie abdominale La RT est indiquée uniquement en cas de syndrome appendiculaire à expression atypique chez l enfant, afin d exclure les pneumonies à expression abdominale et chez la femme enceinte, lorsqu une confirmation par TDM était envisagée. 27
Au total 100 Indiqué Situations cliniques identifiées 165 41 Indiqué dans des cas particuliers 24 Non indiqué La radiographie du thorax reste majoritairement indiquée dans le contexte des pathologies respiratoires et des pathologies cardiovasculaires. Les indications de la radiographie du thorax se restreignent progressivement, notamment dans le cadre des pathologies tumorales et le contexte hospitalier, particulièrement aux urgences et en secteur de réanimation. Les «non indications» de la radiographie du thorax concernent autant la médecine de ville que l hôpital et dans la plupart des domaines évalués. 28
Au total Pour les pathologies respiratoires, la RT reste un examen d imagerie clé, utile aussi bien lors du diagnostic que du suivi. Pour les pathologies cardiaques, la RT et l échocardiographie fournissent des renseignements différents mais complémentaires. La RT permet majoritairement de caractériser une pathologie ayant une origine ou un retentissement pulmonaire, alors que l échocardiographie permet généralement de caractériser l origine ou le retentissement cardiaque. Les principales «non indications» de la radiographie du thorax (et non RMO) feront l objet d une fiche de bon usage de technologie médicale spécifique, disponible très prochainement 29
Dans tous les cas Importance de l examen clinique préalable à l imagerie, Importance du questionnement sur le rationnel de l examen d imagerie et ceci d autant plus qu il s agit d un examen irradiant! : «Pourquoi une RT? A quoi ça sert?» Importance de la demande d examen d imagerie argumentée 30
Pour en savoir plus www.has-sante.fr Merci de votre attention 31