SC OOP SUR L'HOMME E T LE TR AVAIL



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Transcription:

13 B URE A U DE DEP O T: A N T W E R P E N X NUMÉ R O D'A GRÉ AT I O N: P 303742 SC OOP SUR L'HOMME E T LE TR AVAIL RE V UE T R IME S T R IE L L E - PUBL I C AT I O N DE SD WORX - ANNÉ E 4 - N 13 J U I N - J U I L L E T - A O Û T 2006 D O S S IER Internationalisation

S C O O P S U R L'HOMME E T L E TR AVA IL SOMMAIRE DOSSIER Internationalisering UNE ÉVOLUTION QUE L ON NE POURRA PLUS ARRÊTER Responsable internationalisation SD WORX Clark Taverniers à propos d'internationalisation L EXPANSION INTERNATIONALE TRÈS RAPIDE DE TELE ATLAS Le respect de la culture locale reste essentiel DES EXPATRIÉS ET LE RECRUTEMENT INTERNATIONAL Le début de Grand Casino Brussels LA STRATÉGIE D INTERNATIONALISATION DE PUNCH INTERNATIONAL Ne pas suivre le client vers les pays à bas salaires ce n est pas une option pour nous POUR MOI, LA MONDIALISATION EST UN BIENFAIT Ecrivain et ambassadeur de Belgique en Jamaïque Herman Portocarero parle de son travail et de sa vie, qui le conduisent sans cesse d une culture à l autre EST OUEST Qu entend-on par internationalisation à New York et en Chine? PERSONALITÉ Les dix citations sur l homme et le travail selon Bart Brusseleers INTERVIEW AVEC PARLEMENTAIRE EUROPÉENNE ANNE VAN LANCKER Ouvrez la porte d entrée aux travailleurs de l UE, fermez les portes de derrière aux fraudeurs SENS ET NON-SENS Les pros et contras du BlackBerry: accessible toujours et partout RÉTROSPECTIVE Gilbert Van Laethem, Directeur RH de l Année 1998 VIE ET TRAVAIL Alain Gerlache, directeur-generaal televisie RTBF Il est peut-être temps de ralentir un peu le rythme 2 7 11 15 18 22 26 28 32 35 39 CAHIER SOCIO-JURIDIQUE 44 - THÈME Expats - impats: de quelle législation un employeur doit-il tenir compte? 49 - VU DE PRÈS Entre deux feux: Manager RH dans une entreprise internationale 54 - L'OEIL CRITIQUE Koen Magerman 56 - COMMENTAIRE Nos frontières belges sont-elles maintenant ouvertes aux travailleurs étrangers?

edito Internationalisation JAN VAN DEN NIEUWENHUIJZEN De grosses société américaines qui venaient s installer en Belgique: quand j étais jeune, c était ça l internationalisation. Aujourd hui, je ne songe plus spontanément à de grandes multinationales, mais plutôt à des ouvriers du bâtiment originaires d Europe de l est qui viennent combler les trous dans notre marché du travail. Combien de PME belges n ont-elles pas recruté des représentants locaux dans différents pays, ou envoyé des expatriés dans ces pays pour quelques mois? De nombreuses entreprises font partie d un groupe international. Plus personne ne peut dire que la mondialisation ça ne me concerne pas. Mes petits-enfants devront-ils pouvoir parler couramment le chinois, ou avoir étudié au moins deux ans à l étranger? Cela reste à voir. Mais ce RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 - N 13 qui est sûr, c est que nous devrons tous apprendre à vivre avec différentes nationalités, différentes cultures. Dans l entreprise comme ailleurs. jan n.d.l.r.: Jan van den Nieuwenhuijzen est directeur général et administrateur délégué de SD WORX depuis 1985. 1

Dossier Internationalisation 2 Clark Taverniers: C est une grosse erreur de penser que si ça ne marche pas ici, cela vaut la peine d essayer à l étranger. On ne fait alors que reproduire les problèmes. Si tout se passe bien dans votre marché intérieur, et alors seulement, vous pouvez aller voir au-delà des frontières si votre offre présente, là aussi, une valeur ajoutée.

Une évolution que l on ne pourra plus arrêter Il est de plus en plus facile d élargir le terrain d activité d une entreprise vers l étranger. Mais si les barrières tombent, cela ne signifie pas qu il ne reste plus de pièges. Réfléchir avant d agir, tel est donc le conseil de l expert Clark Taverniers. MIA NELEN Voilà huit ans que SD WORX, en tant que secrétariat social, fournit des services d administration des salaires à l étranger également. Les clients sont dans ce cas des entreprises étrangères qui ont des activités en Belgique ou des entreprises belges qui ont des implantations en Europe. Une clientèle appréciable a ainsi été constituée dans les pays limitrophes, si bien que l idée a germé d y implanter des filiales autonomes de SD WORX. Il y a trois ans, SD Luxembourg a démarré en tant que projet pilote. Un projet réussi, si l on considère qu en deux ans, le nombre de fiches de paie délivrées a doublé. En mars de cette année, ce fut le tour de SD Nederland. Clark Taverniers est responsable de cette stratégie d internationalisation. En tant qu expert de terrain et observateur privilégié, il est idéalement placé pour expliquer le phénomène de la mondialisation, mais aussi pour mettre en garde contre d éventuelles idées fausses. L Europe en tant qu ensemble Les phénomènes de l internationalisation et de la mondialisation ne sont pas nouveaux. Ils ont simplement été sensiblement renforcés ces dernières années en raison de facteurs liés à l environnement, si bien que les barrières sont tombées à un rythme accéléré. Le premier responsable de cette situation est une combinaison de facteurs économiques et politiques. La communauté européenne telle qu elle a été conçue, n est peut-être pas une réussite colossale sur toute la ligne, mais ses effets sont tout à fait fondamentaux et importants, déclare Clark Taverniers. L image qu avaient autrefois les étrangers de l Europe était fort variée et fragmentée. Aujourd hui, on la considère bien plus comme un ensemble. Les Japonais ou les Américains qui viennent ici mener des activités, considèrent l Europe comme un seul et unique marché, comme un seul grand groupe de clients potentiels. Et avec l élargissement vers l Europe de l est, l attractivité de cette Europe unifiée ne fera qu augmenter. Cette image unitaire n est-elle pas un peu trop idyllique, car après tout nous n en sommes pas encore là? En effet, reconnaît-il immédiatement. Les étrangers considèrent presque comme une évidence le fait que l Europe entière fonctionne de la même manière. Nous devons nuancer quelque peu et réexpliquer à chaque fois qu il y a tout de même encore de grandes différences entre des sites de production en Belgique, en Suède et en Italie, par exemple. La monnaie unique a contribué à cette image uniforme et a aussi levé bien des obstacles pour les entreprises européennes. Mais même sur ce plan, les gens qui sont RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 - N 13 3

peu au courant de notre situation sont parfois tout étonnés de constater qu il existe encore un franc suisse et une livre britannique. Des opérations de transition aussi gigantesques, il est vrai, cela demande du temps. La pensée politique Les changements économiques ont également été soutenus par une évolution dans la pensée politique. La Communauté européenne contribue à renforcer la pensée libre-échangiste et la libre concurrence. Cela ne fait plus l objet de discussions, même au niveau mondial. Pourtant, la libre circulation des capitaux, des marchandises et surtout des services figure encore régulièrement à l agenda européen. Mais il s agit alors en général de dispositions pratiques, comme la différence entre services privés et publics ou la réglementation concernant le chargement et le déchargement des navires, précise M. Taverniers. Nous voyons partout s effriter le protectionnisme suranné, et c est une tendance que l on ne pourra plus arrêter. Nous avons en tous cas une base commune qui peut encore être affinée. Cela aussi, ça contribue à ce que les entreprises, plus spontanément encore, pensent international. The mobile workforce Les effets de ces facteurs économiques et politiques ne se sont pas fait attendre, notamment sur le plan social. M. Taverniers explique: Ceux qui, aujourd hui, grandissent et poursuivent des études - ceux qui, donc, nous succèderont demain - sont déjà éduqués à l européenne. L anglais est ainsi devenu, de façon presque naturelle, la langue commune par excellence, si bien qu une importante barrière disparaît à nouveau. Les projets d échanges entre étudiants sont en vogue. Ceux qui sortent de l enseignement supérieur ont, pour une bonne part, déjà séjourné dans un autre pays, et cela aussi, ça favorise cette mentalité internationale. Sur le plan personnel, surtout, cela pourrait bien avoir des conséquences majeures, prédit notre spécialiste: Nos meilleurs travailleurs attendent de leur employeur, dans le proche avenir, qu il leur offre une perspective plus large. Un nombre croissant de gens talentueux voudront vraisemblablement monnayer leurs compétences sur un plan international. Ce qui ne fera qu accentuer la tendance à l internationalisation. Aujourd hui, ce groupe est encore assez limité, mais il joue déjà un rôle déterminant dans la vie économique. Constitue-t-il l avant-garde d une mobile workforce bien plus importante? M. Taverniers nuance: On songe ici, en général, à des masses de gens qui iront travailler ailleurs. Mais c est tout de même un peu illusoire. Dans n importe quel pays, les travailleurs sont, dans leur grande majorité, immobiles et solidement attachés à leur maison, leur terre, leurs enfants et leur famille. Seule une fine couche de cadres supérieurs ou de spécialistes dans certaines professions se montre extrêmement mobile sur le marché, mais ce n est certainement pas la tendance générale. Accélération croissante La technologie disponible a fourni un énorme stimulant à la mondialisation. Taverniers: Elle s est développée à une vitesse fulgurante, sur une période extrêmement courte. Les données, aujourd hui, sont facilement accessibles de partout, et la possibilité de communiquer avec quelqu un n importe où dans le Ceux qui, aujourd hui, grandissent - et qui nous succèderont demain - sont déjà éduqués à l européenne. 4 Clark Taverniers: Nos meilleurs travailleurs attendent de leur employeur, dans le proche avenir, qu il leur offre une perspective plus large. Un nombre croissant de gens talentueux voudront monnayer leurs compétences au niveau international.

monde est devenue une évidence. On ne se préoccupe même plus de réfléchir, avec un groupe limité de spécialistes, à l évolution future de cette technologie ; non, vu l ampleur actuelle, toute cette évolution suit son propre chemin et ne peut aller qu en s accélérant. L informatique est ainsi devenue une commodity, un produit de base auquel chacun peut facilement accéder. En tant que fournisseur, il faut en tirer les conclusions qui s imposent: Dans ce que nous proposons à nos clients en tant que secrétariat social, par exemple, la valeur ajoutée réside clairement dans les connaissances accumulées et dans la logique que nous intégrons dans les processus de RH, et non plus dans la technologie que nous utilisons à cet effet. Cette technologie, si on s en donne la peine, on peut aussi la trouver ailleurs. Les règles du jeu L internationalisation offre donc de belles opportunités à saisir, mais il faut rester prudent dans la manière de l aborder. M. Taverniers, quant à lui, met en avant deux éléments dont il vaut mieux tenir compte avant de s engager à l étranger: Tout d abord, veillez à avoir une position solide sur votre propre marché et même, si possible, à être le meilleur dans ce que vous faites. Avec SD WORX aussi, nous avons commencé par acquérir une position dominante sur le marché belge pour ensuite pouvoir nous présenter ailleurs comme le leader du marché. L un des pièges consiste à raisonner uniquement par rapport au cadre de référence belge. Un cadre de référence spécifique Ce n est pas parce que les frontières tombent, que les différences et les spécificités disparaissent. Clark Taverniers souligne combien il est important d être conscient des différences de culture et de marché: Notre manière de raisonner et de ressentir les choses n est pas forcément pareille à la manière de penser et d agir de nos semblables, ailleurs dans le monde. Il n est d ailleurs pas nécessaire d aller à l autre bout du monde: on peut déjà s en rendre compte en Wallonie, aux Pays-Bas ou au Luxembourg. Il s agit parfois de petites différences dans la mentalité ou les habitudes, mais il est malgré tout important d en tenir compte. L un des principaux pièges à éviter est ainsi de raisonner uniquement par rapport au cadre de référence belge, auquel on s est identifié au fil des ans. Si vous parlez en partant uniquement de ce point de vue, personne ne vous comprendra vraiment. Essayez par conséquent de bien connaître et comprendre le cadre de référence de votre client étranger. Si vous voulez opérer sur un marché étranger, vous devez aussi savoir comment il fonctionne. Quels sont les fournisseurs déjà présents, quels sont leurs antécédents, qu ont-ils à offrir, y a-t-il entre eux des accords tacites ou non? Surtout, ne vous enfermez jamais dans une tour d ivoire pour prendre vos décisions, sans connaître les autres intervenants et sans respecter comme il se doit la diversité. Nos entreprises ont certainement beaucoup à offrir, mais la manière dont on s y prend doit être adaptée aux besoins et aux habitudes locales. Du point de vue de la stratégie d entreprise, c est une grosse erreur de penser que si ça ne marche pas ici, cela vaut peut-être la peine d essayer à l étranger. On risque alors de reproduire ses propres erreurs et problèmes. Si tout se passe bien dans votre marché intérieur, et alors seulement, vous pouvez aller voir audelà des frontières si votre offre présente, là aussi, une valeur ajoutée. Mais les marchés néerlandais, français ou allemand ne sont pas dans l attente de nos produits ou services. Il est donc essentiel de faire (faire) une sérieuse étude de marché avant de se lancer. Une étude que nous avions commandée au préalable a ainsi révélé que SD WORX avait effectivement quelque chose RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 - N 13 Clark Taverniers: Notre manière de raisonner et de ressentir les choses n est pas forcément pareille à la manière de penser et d agir ailleurs. On le voit en Wallonie, aux Pays-Bas ou au Luxembourg. 5

6 de très spécial à offrir. Il y avait déjà de nombreux acteurs locaux produisant une grande quantité de bordereaux de salaire, mais ils n offraient pas un service aussi large et structuré que le nôtre. Un concept unique L internationalisation peut donc quelquefois apporter son lot de surprises. Ainsi, le concept du secrétariat social en Belgique peut sembler, à première vue, fort traditionnel. Il est communément admis et est même soutenu par les pouvoirs publics, à tel point qu il donne parfois l impression d un système un peu poussiéreux. Mais si l on transpose ce concept aux Pays-Bas, il apparaît soudainement novateur pour le marché de ce pays. M. Taverniers explique: Entretenir la relation avec les services publics, et par exemple aider le client à se défendre s il a un problème avec sa déclaration ou s il a fait une petite erreur dans ses calculs, voilà qui n était pas évident pour les Hollandais, et qui rendait notre offre d autant plus attrayante. Mais cela veut dire aussi que vous introduisez une nouveauté et que l idée doit donc être clairement expliquée. Il s agit donc de proposer un système qui soit utilisable par un responsable RH n importe où en Europe, mais avec un service qui soit néanmoins adapté à chacun de ces pays. Même la pratique de l externalisation de l administration des salaires n était, en soi, pas si évidente à l étranger, et moins encore une offre de services intégrale dans ce domaine. La situation belge, où plus de 80 % des entreprises ne font pas ellesmêmes les calculs de salaires, est exceptionnelle. Aux Pays-Bas ou en France, 40 % au maximum externalisent ces services. Et encore s agit-il en général d entreprises IT qui ont un grand moteur de calcul, auxquelles les clients envoient leurs données et reçoivent en retour des fiches de salaires. On est bien loin de notre concept, dans lequel des juristes apportent leur aide et des gestionnaires de dossier soutiennent et conseillent le client, dit M. Taverniers. Sensibilités L internationalisation a tout de même engendré dans le domaine des RH, ces cinq dernières années, une tendance à la centralisation et à l externalisation dont le secrétariat social a pu tirer parti. Une évolution similaire a déjà eu lieu pour d autres processus de support dans la gestion de l entreprise, comme l informatique et la finance. On s est mis à externaliser et à centraliser dans une sorte de shared service center, l exécution en interne apportant peu de plus-value. Mais dans les matières de RH, précisément, il faut tout particulièrement prendre en compte les différences de culture et de législation. Ces shared service centers, par exemple, ont parfois péché par le fait qu ils ne proposaient qu une solution informe, estimant que chacun agit et réagit selon les mêmes principes. C est pourquoi, pour chacun de nos établissements à l étranger, le message est clairement de bien connaître les différences et de les prendre en compte pour chacun des clients. Pour un processus opérationnel, offrir un concept de service unique avec lequel tous les clients doivent fonctionner est une démarche bien trop radicale. Ceci est une conséquence de la complexité qui est toujours présente dans cette Europe unifiée, et à laquelle, pour nos clients, nous voulons remédier en étant attentifs à la législation et la culture d entreprise locales. Il s agit donc de proposer un système qui soit utilisable par un responsable RH n importe où en Europe, mais avec un service qui soit néanmoins adapté à chacun de ces pays. Dans ce cadre, la langue reste l un des éléments les plus sensibles sur le plan culturel, surtout dans une matière aussi délicate que les rémunérations. M. Taverniers donne un exemple: Si un travailleur demande par téléphone des explications sur sa fiche de paie, il veut avoir affaire à quelqu un qui parle sa langue et qui donc le comprend parfaitement. Le prestataire de services doit aussi pouvoir capter, en effet, les petites sensibilités qui se dissimulent derrière la question, par exemple si la fiche de paie sert à obtenir un prêt à la banque. Pour les gens qui sont eux-mêmes mobiles dans leur travail et passent d un pays à l autre, ceci n est pas un problème. Pour eux, les explications peuvent même être fournies en anglais ou via un site sécurisé. Mais il n en va pas de même pour la majorité des travailleurs qui restent très casaniers dans le travail. Sur le plan du système, il faut donc être fort flexible pour pouvoir répondre à toutes sortes de nouveautés ; mais sur le plan du service, il faut garder un raisonnement et une sensibilité fort locaux. Une approche qui semble payante: il ressort en effet d une étude menée en 2005 que SD WORX, en termes de chiffre d affaires provenant de l externalisation de l administration des salaires, est désormais numéro trois dans le marché de référence européen. x

Dossier Le respect de la culture locale reste essentiel DRIEMA ANDELIJK S TIJDSCHRIF T - JA ARGANG 4 - NR. 13 Sylvie De Greve (Tele Atlas): La diversité peut être aussi bien un atout qu un handicap. Au départ de Gand, nous essayons de fournir un cadre de règles de conduite, de directives, de systèmes et d instruments qui puisse être utilisé dans toute l Europe. Les responsables RH locaux doivent alors traduire cela en fonction de leur marché et de la réalité locale. 7

Depuis sa création, Tele Atlas a connu une expansion internationale très rapide. L entreprise est surtout présente en Europe et aux Etats-Unis. Cet essor international rapide est en fait déjà inhérent à la nature même du produit: les cartes numériques. Si vous ne le faites pas au niveau mondial, autant ne pas le faire. La pensée américaine a en tous les cas appris à la directrice du personnel pour l Europe, Sylvie De Greve, qu il convient de prendre un peu plus de distance par rapport à nos problèmes locaux de manière à pouvoir mieux se concentrer sur ce qui fait l essentiel d une bonne proposition. Cela facilite l adaptation à la réalité européenne. BEN DE BRUYN 8 Une progression impressionnante Tout a commencé aux Pays-Bas, se souvient Sylvie De Greve, Senior Director Human Resources Europe. Là-bas, en 1984, on a commencé à constituer une base de données géographique, et on s est bien vite rendu compte qu une carte numérique avait peu d avenir si on ne la faisait que pour un seul pays. La première vision de la croissance internationale fut alors de constituer une sorte de réseau d entreprises. Toutes travailleraient sous le même nom Tele Atlas mais constitueraient pour leur région une banque de données répondant aux mêmes exigences. L implantation en Belgique, en 1988, fut la première étape dans cette direction. Les Américains ont parfois du mal à se représenter le niveau de nos cotisations sociales sur le salaire et de nos retenues fiscales. Il n y sont pas du tout habitués. De même, ils comprennent difficilement les grandes différences qui existent en Europe en matière de sécurité sociale et de pression fiscale. Peu après, Tele Atlas développa dans notre pays une nouvelle plate-forme de production pour la création de ces banques de données géographiques. Il était apparu clairement, en effet, qu il valait mieux travailler avec un seul centre de production central où toutes les banques de données seraient réalisées, et avec des entreprises locales dans les différents pays qui collecteraient les données et assureraient la vente au niveau local, explique Sylvie De Greve. Après ce changement de vision, l Italie fut la première grande étape dans l internationalisation. Au fil des ans et de l expansion vers différents pays, le centre ici à Gand est devenu une sorte de centre de coordination européen. Elle a encore un souvenir très précis de l agitation fébrile propre au lancement d une entreprise qui régnait en 1989, lorsqu elle a débuté chez Tele Atlas. Au fil des ans, l entreprise a subi une telle métamorphose que j ai l impression d avoir travaillé dans quatre ou cinq entreprises, plaisante-t-elle. Durant la période de l internationalisation en Europe, dans les années 90, la conclusion d une joint-venture avec Robert Bosch en 1995 a constitué une étape importante. Cette entreprise disposait déjà d une solide banque de données sur tout le territoire allemand et le Royaume-Uni, si bien que nous avons pu d emblée réaliser une première version de banque de données européenne. Ces dernières années, Tele Atlas a choisi avant tout de racheter des entreprises étrangères existantes. En 2005, par exemple, nous avons repris une entreprise en Pologne, dit Mme De Greve. Dans d autres régions plus éloignées, comme l Australie, nous avons établi un partenariat. Notre partenaire local dispose d une licence sur notre technologie de production afin de constituer une banque de données similaire. Aux Etats-Unis également, nous avons commencé par deux acquisitions. Cette approche actuelle de l internationalisation par le biais d acquisitions est assez logique. En 1988, il y avait très peu d entreprises qui disposaient de bases de données géographiques. En dehors de nos frontières, nous n avions donc d autre choix que de les faire nous-mêmes. Aujourd hui, de nombreuses entreprises disposent de telles banques de données. Moyennant quelques interventions, nous pouvons les adapter à nos standards.

L unité dans la diversité Ne pas exagérer les problèmes européens Tele Atlas est aujourd hui présente sur les continents européen, américain et asiatique. Il n est pas toujours évident de maintenir une cohésion minimale et un sentiment de groupe entre des collaborateurs dispersés aux quatre coins du monde. Les Etats-Unis, par exemple, forment un très grand territoire, mais une entreprise qui opère sur l ensemble du pays peut suivre une seule et même politique. Ici, il faut dès le début tenir compte de différentes législations qui, toutes, peuvent entraîner des limitations. L Europe est un vrai patchwork de cultures et de réalités juridiques. En tant qu entreprise, on doit se demander comment gérer cette situation. La diversité peut être aussi bien un atout qu un handicap. Au départ de Gand, nous essayons de fournir un cadre de règles de conduite, de systèmes et d instruments qui puisse être utilisé dans toute l Europe. Les responsable RH locaux doivent alors traduire cela en fonction de leur marché et de la réalité locale. Nous constatons aussi de plus en plus que nous travaillons avec un potentiel humain très mobile. En ouvrant les frontières, l UE a grandement facilité l emploi transfrontalier. Si l on considère les points de divergence sur notre continent, ce sont surtout les différences socio-juridiques sur lesquelles nous butons. Dans le domaine de la sécurité sociale, les cotisations varient encore fortement d un pays à l autre. Pour gérer cela, nous essayons de constituer une banque de données commune reprenant toutes les données relatives aux travailleurs. Pour l exploitation de cette banque de données, il faut plutôt s appuyer sur des applications basées sur la situation locale. Si nos responsables RH locaux transposent les directives en fonction de leur marché, ils doivent en tenir compte. Notre vision, notre mission et nos valeurs sont universelles. Le tout est de les transmettre à une unité d exploitation locale d une manière qui soit acceptable pour la culture locale du pays et qui cadre avec cette culture. Les responsables du personnel doivent, dans le pays, surveiller de près ce qui se passe dans leur zone de recrutement en matière de fixation des salaires et vérifier s il n y pas de pénurie pour certains profils. Ils disposent néanmoins des directives générales de notre politique salariale, par exemple la rémunération variable, les primes. C est une constante. Il n y a pas un responsable RH dans chaque pays, car dans certains pays nous avons trop peu de collaborateurs pour justifier cela, mais nous avons partout une personne qui connaît la situation locale, sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour les problèmes de personnel. S il pouvait y avoir une certaine harmonisation des systèmes de sécurité sociale entre les pays membres, Sylvie De Greve ne s en plaindrait pas. Ce serait sûrement intéressant, car on pourrait alors réduire en partie les charges administratives qui s y rattachent. La situation telle qu elle existe n est pas pratique. Mais on peut aussi apprendre à vivre avec ces différents systèmes. Il ne faut pas exagérer ce problème. L idée think global, act local se traduit aussi dans notre gestion du personnel. Chez Tele Atlas, une majorité de travailleurs opère au-delà des frontières. La demande concernant une scission du salaire pour cause d optimisation fiscale revient dès lors assez sou- Une croissance téléguidée Fondée en 1984, Tele Atlas a connu une forte croissance en un temps relativement court. En 1988, le bureau belge démarrait ses activités et allait petit à petit s imposer comme le siège central européen. D autre implantations allaient suivre: Italie et France en 1994, Allemagne, Autriche, Suisse et Scandinavie en 1995, Japon, Espagne, Portugal et Inde en 1998, tandis qu en 2000, l entreprise américaine ETAK, spécialisée dans les cartes numériques, a été rachetée et Tele Atlas Amérique du Nord (Canada inclus) a été instituée. Récemment, des activités de vente ont encore été mises en place en Corée du Sud, à Taïwan et au Japon. Sur les quelque 1.400 collaborateurs, plus de la moitié (741) sont actifs sur notre continent, 641 travaillent en Amérique du Nord, et le reste du monde compte encore une dizaine de collaborateurs. L ensemble des collaborateurs a réalisé en 2005 un chiffre d affaires de 200,1 millions d euros, en nette hausse par rapport à 2004, année où les chiffres de ventes avaient atteint 127,8 millions d euros. En 2006, la multinationale vise un chiffre d affaires de l ordre de 250 millions d euros. Sur le long terme, l entreprise espère pouvoir augmenter son chiffre d affaires de plus de 20 % par an. RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 - N 13 9

vent. Mais nous n accédons à cette demande que lorsqu elle concorde avec la réalité, dit Mme De Greve. Prendre en compte les différences culturelles et les usages locaux, c est une question de respect pour le collaborateur. Les gens doivent aussi scinder effectivement leurs activités entre les pays, et la mise en place d un système de scission des salaires engendre des coûts. Si vous le faites pour plus de deux pays, cela devient vite fort lourd et fort coûteux. De plus, vous devez pouvoir prouver que vous effectuez une partie importante de votre temps de travail dans cet autre pays. Par exemple, devoir se rendre en France une fois par mois, cela ne suffit pas. La scission du salaire intéresse bon nombre de nos travailleurs. Mais en tant qu entreprise, il faut être prudent dans ce domaine. Europe contre Amérique du Nord En matière de relations de travail, de situation syndicale, de rapports hiérarchiques et de structure de concertation, il y a des différences notables entre l Europe et le monde anglo-saxon. Avant l unification européenne, chaque pays individuel avait vécu pendant bien longtemps sa propre histoire, y compris dans le domaine de la législation sociale et fiscale. Mais c est entre autres pour cette raison que Tele Atlas possède déjà, en Europe, une longue expérience en ce qui concerne la mise en place d un cadre européen permettant aux responsables hiérarchiques, souvent responsables d une équipe multinationale, d aborder tous les collaborateurs d une façon similaire, uniforme, pour ce qui est d évaluer, de fixer des objectifs ou d envisager des hausses de salaires. Ce n est pas encore le cas actuellement aux Etats-Unis. Dans ce pays, il y a encore une approche spécifique pour bon nombre de ces instruments de gestion du personnel. Sylvie De Greve: Notre vision, notre mission et nos valeurs sont universelles. Le tout est de les transmettre à une unité d exploitation locale d une manière qui soit acceptable pour la culture locale du pays et qui cadre avec cette culture. Sur ce plan également, nous voulons renforcer l harmonisation et évoluer vers une seule approche mondiale pour l ensemble de notre groupe. Les Etats-Unis forment en effet un seul grand territoire, alors que l Europe est diverse. Je pense qu à cet égard, nous nous complétons, dit Sylvie De Greve. Du fait de leur histoire, les Américains présentent parfois les choses de manière assez simple. Nous, nous voyons toujours des problèmes surgir lorsqu il s agit de faire une chose qui soit utilisable dans nos dix pays. Cela débouche sur une discussion enrichissante. Ils se rendent compte qu ils doivent nuancer quelque peu leur façon de voir; nous, nous comprenons qu il ne faut pas exagérer l importance de nos différences internes. Diversité culturelle Certains pensent que l on peut facilement éviter les chocs culturels en engageant, dans chaque pays, un maximum de collaborateurs étrangers. Mais Sylvie De Greve défend une tout autre stratégie. On aura bien sûr toujours dans l organisation des gens du pays d implantation, mais notre équipe de 316 collaborateurs, ici dans notre siège opérationnel, est on ne peut plus internationale. Lors du recrutement pour certaines fonctions, nous ne nous limitons pas au territoire belge. Notre marché est fort jeune et tellement spécifique que pour trouver des gens ayant l expérience voulue, nous devons souvent chercher au-delà des frontières. Les premières années, il n y avait ici pratiquement que des Belges. Parallèlement à notre internationalisation, nous avons ressenti le besoin de changer cet état de choses. Autrement, nous ne serions plus très crédibles aux yeux des collaborateurs à l étranger. Nous avions aussi le sentiment qu il nous fallait constituer une équipe de direction plus internationale. Elle compte encore beaucoup de Belges, mais le COO en Europe est aujourd hui un Américain, et il y a d autres nationalités européennes. L idée think global, act local se traduit aussi dans notre gestion du personnel. Nos valeurs et normes restent partout applicables, mais il va de soi que nous prenons en compte les différences culturelles et les usages locaux. C est une question de respect vis-à-vis des collaborateurs dans chaque pays. Rien n est plus passionnant que de pouvoir travailler dans une entreprise qui ressemble à une grande mappemonde. x 10

Dossier Willy Van Mullem, directeur des ressources humaines ad interim et Silvana Scelfo, coordinateur RH. Grand Casino Brussels Notre approche mêle habilement le local et l international RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 Dans certains secteurs très particuliers, il n est pas simple de trouver le personnel qui convient. L activité et les services y sont parfois tellement spécifiques que le marché local du travail n est absolument pas en mesure de répondre à la demande de collaborateurs adaptés et expérimentés en nombre suffisant. Les entreprises confrontées à cette situation sont obligées d aller chercher ailleurs le savoir-faire dont elles ont besoin et de recruter au niveau mondial. Le Grand Casino Brussels a ainsi acquis, lui aussi, une certaine expérience en ce qui concerne le recrutement international et la problématique des expatriés. BEN DE BRUYN 11

Grand Casino Brussels fait partie du groupe autrichien Casinos Austria International, un réseau mondial de casinos dont le siège central se trouve à Vienne. La maison mère, Casinos Austria AG, exploite elle-même les casinos en Autriche. Casinos Austria Holding organise toutes les activités internationales. Avec 9.000 collaborateurs dans 17 pays, le groupe réalise, avec ses 74 casinos fixes et ses 4 casinos à bord de navires de croisière, un chiffre d affaires de 612 millions d euros. L an dernier, la multinationale a ouvert un établissement à Bruxelles. importants. De plus, cela aurait inévitablement provoqué une surenchère entre les différents casinos sur le plan salarial. Pour un nouveau venu, mettre directement ses collègues en difficultés, ce ne serait évidemment pas un bon départ. C est pour cette raison, entre autres, que le groupe a décidé de recruter une grande partie de ses collaborateurs à l étranger. Un grand avantage était en outre que l on pouvait ainsi plus facilement mettre en œuvre à Bruxelles les procédures, les méthodes de travail et la culture du groupe. 12 En tant que directeur des ressources humaines ad interim, Willy Van Mullem, senior management consultant chez SD Worx, a accompagné ce lancement. Sous peu, toutefois, le coordinateur RH Silvana Scelfo reprendra pleinement le flambeau de la gestion du personnel. Le choix de Bruxelles semble on ne peut plus logique, notre capitale étant, il est vrai, le cœur de l Europe. Mais il y aussi une raison propre à la Belgique. Lorsqu il a été décidé de reconnaître officiellement et de légaliser les 4 casinos à la côte et les 4 en Wallonie, la Région bruxelloise s est déclarée prête à adhérer à cette législation, à condition qu un casino puisse s implanter à Bruxelles également, explique M. Van Mullem. Il est vrai qu un casino génère non seulement de nombreux emplois, mais aussi des recettes fiscales appréciables. Une procédure légale a alors été lancée, et parmi les 13 soumissionnaires, c est Casinos Austria International qui a finalement été retenu. Un départ serein Installé dans l ancienne Salle de la Madeleine, le casino a ouvert officiellement ses portes le 19 décembre 2005. Au préalable, la direction avait soigneusement étudié la possibilité de recruter du personnel en Belgique, souligne M. Van Mullem. Il était pratiquement exclu de trouver sur le marché belge 250 personnes ayant le bon profil. Étant donné qu il n y a que 8 casinos dans notre pays, le nombre de candidats ayant cette expérience spécifique est fort limité. Il était pratiquement exclu de trouver sur le marché belge 250 personnes ayant le bon profil. Le recrutement d un tel nombre de collaborateurs aurait sérieusement perturbé le marché belge du travail. Tous les casinos belges auraient alors perdu du personnel et auraient dû, eux-mêmes, recruter et former des collaborateurs, avec comme conséquence des frais Nous avons pour nous l avantage d un grand groupe international qui compte de nombreux casinos et de nombreux collaborateurs avec une bonne expérience dans le domaine des jeux, explique M. Van Mullem. Ce qui ne veut pas dire que nous proclamons être les meilleurs dans notre secteur. Simplement, notre vision du casino est différente. Notre décision de faire venir ici 100 expatriés répond uniquement à notre volonté de greffer sur la situation belge la culture d entreprise, les normes de qualité et les procédures qui sont propre à notre groupe. Ce qui n empêche pas que nous voulions réellement en faire un casino local, avec le plus grand respect pour les usages et la législation belges. Recruter à l intérieur et à l extérieur des frontières L idée est de réduire progressivement la part des expatriés dans l effectif au profit des Belges. Pour toutes les fonctions dirigeantes et spécialisées, nous avons choisi de recruter internationalement, dit M. Van Mullem. Outre les fonctions de direction et de supervision, les postes de croupiers, de responsables de la sécurité, de la surveillance, du cash desk et autres responsabilités fortement liées au secteur sont confiés, dans un premier temps, à des gens de l étranger. Mais ces expatriés seront lentement mais sûrement remplacés par des collaborateurs locaux. Aujourd hui, il y a environ 260 personnes qui travaillent ici, dont une centaine viennent de l étranger. D ici 4 à 5 ans, la part des étrangers sera fondamentalement réduite pour s établir à 40 ou 50. Certaines fonctions et missions sont tellement spécialisées que seuls des spécialistes de tout premier plan peuvent encadrer un tel lancement. Les spécialistes en protection électronique et installation de machines de jeux, entre autres, sont très rares en Belgique. Il s agit très souvent de collaborateurs qui assurent purement et simplement le lancement d un casino, puis qui s en vont ailleurs relever d autres défis internationaux. Pour mener à bien le processus de recrutement, nous l avons divisé en trois phases, explique Silvana Scelfo. Dans la pre-

mière phase, il s agissait, comme nous l avons dit, d attirer à Bruxelles le know-how nécessaire pour certaines fonctions, par le biais d expatriés. Pour les trouver, nous avons exploré différentes voies. Dans un premier temps, nous avons lancé la procédure pour les recrutements internes. Les collaborateurs dans les différents casinos du groupe à travers le monde sont informés via l intranet des postes vacants et peuvent, par l intermédiaire de leur manager direct, poser leur candidature sur base de leur expérience dans le groupe, de leur maîtrise des langues et bien sûr de leur intérêt pour une affectation à cet endroit. S ils reçoivent un signal positif, leur candidature est transmise. La plupart de nos recrutements sont des mutations internes. Un autre moyen d engager des expatriés réside dans notre collaboration avec Joy West from Seefar Associates, un bureau anglais de recrutement international pour les casinos. Enfin, des candidats internationaux informés du projet bruxellois par le biais de leur propre réseau se sont présentés spontanément. La deuxième phase consistait à pourvoir les fonctions managériales de support non spécifiques. Pour ce faire, nous avons travaillé avec des bureaux de consultance belges, comme l agence de recrutement DIP. Pour les services tels que la gestion du personnel, les finances et le marketing, nous avons bien sûr recherché les collaborateurs avant tout sur le marché local du travail via les canaux classiques, comme les annonces et les entretiens de sélection. Dans la troisième phase, nous avons recruté des gens au niveau local pour les fonctions plus opérationnelles, comme les caissiers, les techniciens pour machines à sous, le personnel horeca et le personnel d entretien. Pour ces collaborateurs, nous avons lancé, en septembre, une campagne de recrutement en collaboration avec l Office Régional Bruxellois de l Emploi (ORBEM ou BDGA) et avec Mission Locale de Bruxelles-Ville. Ces services ont passé au crible des centaines de candidatures et ont proposé 150 candidats que nous avons soumis à des tests et interviewés en quelques semaines. En finale, 57 personnes ont été retenues. Pendant dix semaines, elles ont suivi une formation de croupier, et 27 d entre elles ont effectivement été affectées à cette fonction. Les autres, après une formation adaptée, ont été engagées comme caissier, hôtesse ou agent de sécurité. Willy Van Mullem: Nous allons vraisemblablement répéter cette opération de formation vers la mi-2006 et les années suivantes, afin de pouvoir reprendre dans notre effectif un nombre toujours croissant de collaborateurs locaux. Au bas de notre pyramide de l emploi, vous avez les stagiaires-débutants. Ils reçoivent une formation de dix semaines, laquelle se limite à l apprentissage de deux jeux. Cela semble peu, mais selon notre direction, cette formation aurait pu sans problème durer encore plus longtemps. Un stagiaire peut évoluer vers le statut de Junior Dealer, apprendre de nouveaux jeux de cartes ou de table, progresser ensuite vers les fonctions de Senior Dealer, Junior Inspector, Senior Inspector, La Belgique compte tout de même quelques casinos, et donc des clients qui ont de l expérience. Nous ne pouvons pas les confronter à des stagiaires qui, eux-mêmes, ne maîtrisent pas le jeu. Les couches supérieures de notre pyramide se composent de collaborateurs expérimentés qui, pour le moment, viennent de l étranger. Les expatriés seront lentement mais sûrement remplacés par des collaborateurs locaux. Le revers de la médaille Mais attirer en Belgique une expertise étrangère, cela coûte de l argent. La politique salariale pour les expatriés tient compte à la fois de la situation du marché local du travail et du groupe Willy Van Mullem Willy Van Mullem est management consultant chez SD WORX. À ce titre, il exécute d une part des missions de consultance très spécifiques à court terme et assume d autre part la fonction de responsable du personnel ad interim dans des entreprises. C est dans ce dernier rôle qu il est intervenu dans le lancement du casino de Bruxelles. On recherchait en effet une personne possédant une longue et vaste expérience dans la gestion du personnel et qui pouvait en outre s appuyer sur un groupe d experts dans tous les domaines qui s y rattachent, comme SD WORX. Il fallait tout de même faire sortir de terre, à partir de rien, une politique du personnel avec tous les ingrédients que cela suppose, dit-il. Grand Casino Brussels a donc opté pour moi aussi bien que pour le groupe SD WORX dans son ensemble. RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 - N 13 13

trois ans, ils doivent alors recevoir un contrat local. Mais nous devons constamment tenir compte du fait qu il s agit ici de collaborateurs très mobiles. Dès qu un nouveau défi se présente, comme l ouverture d un nouveau casino dans un autre pays ou la possibilité d accéder à une fonction supérieure dans un autre casino, ces collaborateurs sont à nouveau repartis. 14 qui évolue sur le marché international, explique Willy Van Mullem. Vous ne pouvez pas déstabiliser le marché local du travail en offrant tout à coup des rémunérations fort différentes de celles qui sont en usage en Belgique. D un autre côté, vous devez bien offrir un salaire qui soit compétitif au niveau international si vous voulez inciter des gens à venir ici travailler pour vous. Dans ce domaine, les autorités belges nous apportent un sérieux coup de pouce grâce à un régime fiscal spécial qui permet d optimaliser au mieux les charges pour l entreprise et le salaire net des expatriés. Un certain montant de leur salaire peut être considéré comme non imposable. Grâce à ce régime, cela reste abordable pour l entreprise et en même temps, c est suffisamment attrayant pour le travailleur étranger. Ce casino deviendra lui aussi une source de recrutement de potentiel humain pour nos implantations dans les autres pays. Les expatriés ont un contrat spécial dans lequel ce statut salarial est décrit en détail, ajoute Silvana Scelfo. Sur ce plan, notre groupe mène une politique claire. D une manière générale, nous optons, dans des cas pareils, pour un contrat à durée déterminée, précisément parce que nous donnons la préférence au recrutement et à l emploi au niveau local. En ce qui concerne Bruxelles, il est aussi tenu compte, bien sûr, du coût supplémentaire d un tel recrutement. À l exception de quelques managers, nous offrons à tous les expatriés un contrat temporaire d un an. Au terme de cette période, on évaluera si leur maintien en fonction est toujours nécessaire. Ceci est directement lié à l évaluation des collaborateurs locaux nouvellement formés. Une reconduction éventuelle du contrat se fera à nouveau sous la forme d un contrat d un an. S ils restent plus de Les expatriés qui viennent en Belgique bénéficient d un accompagnement intensif. Nous les aidons par exemple à trouver un appartement et nous intervenons dans les frais de logement et de déplacement vers Bruxelles. Nous nous efforçons aussi d aider ces personnes à s intégrer en Belgique. Beaucoup de travailleurs étrangers ont encore une maîtrise insuffisante du français et du néerlandais pour régler par eux-mêmes toutes les démarches administratives personnelles. Par conséquent, nous les aidons dans ce domaine autant que nécessaire. Nous avons aussi organisé, dans le casino même, des cours de langue en français et néerlandais, afin que les collaborateurs acquièrent le plus vite possible une bonne maîtrise des deux langues nationales. L avenir Willy Van Mullem pense qu une bonne partie des contrats de travail étrangers devront être prolongés au terme de la première année. Compte tenu de leur expérience, nous aurons certainement encore besoin des expatriés au début, dit-il. Mais les années suivantes, nous reprendrons dans le personnel un nombre croissant de collaborateurs locaux que nous formerons et qui pourront ainsi acquérir de l expérience. Si bien que ces futurs collaborateurs pourront eux aussi grimper dans notre pyramide hiérarchique et deviendront à leur tour des experts qui pourront, s ils le veulent, s envoler à l étranger. Ce casino deviendra lui aussi une source de recrutement de potentiel humain pour nos implantations dans les autres pays. Et par la suite, de nouvelles campagnes de recrutement seront lancées ici en vue d engager à nouveau des stagiaires locaux que nous pourrons intégrer au niveau inférieur de la pyramide. Notre approche mêle habilement le local et l international. Travailler à l étranger, cela ouvre aussi l esprit, conclut Silvana Scelfo qui a elle-même accumulé une solide expérience à l étranger. Nous avons des travailleurs assez jeunes et mobiles. L un de nos collaborateurs australiens est marié à une Vénézuélienne, et ils ont eu un enfant ici en Belgique. Voilà un exemple personnel qui illustre à quel point l idée du travail sans frontières nous aide à réduire quelque peu les distances dans ce grand et vaste monde. x

Dossier Punch International Ne pas vers pays bas salaires les à pas une option pour ce n est suivre le client Punch International est une entreprise qui a connu une croissance rapide, avec des reprises et des joint-ventures qui se sont succédées, tant dans le pays qu à l étranger. Punch International ne travaille pourtant pas avec des expatriés. Sa stratégie d internationalisation se caractérise avant tout par des implantations dans les pays à bas salaires. La politique salariale en vigueur dans ces usines à l étranger est suivie de près et dirigée au départ du siège central de Sint-Martens-Latem. nous BEN DE BRUYN En combinant habilement une technologie unique et une R&D axée sur le marché, Punch est en mesure de répondre rapidement aux nouvelles avancées technologiques et aux attentes du marché. C est ainsi que l entreprise, qui se limitait autrefois à la fourniture de composants et de produits, a su s imposer comme fournisseur de systèmes intégrés, de solutions globales et de services à plus haute valeur ajoutée. Des contrats de service à long terme assurent à Punch un flux de revenus constant capable de soutenir une croissance durable. Punch occupe une position de choix en Europe de l est, avec deux usines en Slovaquie. La croissance de notre effectif global s explique en grande partie par un projet de campus dans ce pays, explique le manager RH Titia Willems. Nous y avons créé une sorte de helpdesk à côté de 4 sites de production. Quelque 900 personnes y fabriquent des pièces destinées à Philips, et il y a en plus 500 à 600 personnes qui y travaillent pour nos différentes divisions. Outre une série de bureaux de vente à travers le monde, le groupe a aussi des centres de production en Chine, au Mexique, en Slovaquie et bien sûr en Belgique. Étant donné qu en Chine, il s agit d une joint-venture, que les salaires y sont tout de même fort bas et que ma première responsabilité est le contrôle de la charge salariale, je n ai aucun rôle à jouer dans ce pays, dit Titia Willems. RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 - N 13 Titia Willems: Nos règles juridiques rigoureuses sont souvent un obstacle à l entreprise et au maintien de l emploi. Les pays dont l économie est encore en développement ont précisément comme atout qu il n y a pas cette profusion de règles à l origine de la rigidité qui caractérise notre système. Produire où se trouve le client Le choix de la Slovaquie était évident: certains clients de Punch ont également pris cette direction. Soit nous perdions cette production, soit nous étions prêts à les suivre et à fabriquer, près de leur propre site, les produits qu ils demandaient. Nous n allons donc pas là-bas pour maximaliser nos bénéfices en profitant de charges salariales moins élevées, comme nos syndicats le pensent à tort. Nos clients connaissent les charges salariales locales. Ils aspirent donc à bénéficier des prix en usage dans cette région et de délais de livraison plus courts. 15

Proportionnellement, nous ne faisons pas plus de bénéfices en toujours bien quelqu un qui s occupe de la planification du per- produisant là-bas. Nous cherchons uniquement à conserver nos sonnel et des carrières, mais ici au siège central, ce n est pas contrats. Ne pas suivre les clients, ce n est pas une option pour mon rôle. Ma première tâche était d aider à mettre sur rails la nous. Petit à petit, les syndicats commencent à le comprendre. politique du personnel de notre nouvelle usine au Mexique, Ne serait-il pas grand temps, dès lors, de rompre cette position destinée à fournir LG Philips. Jusqu alors, on n avait jamais fait de dépendance en tant que sous-traitant? C est pour cette rai- intervenir Punch RH dans un tel projet. On m avait demandé son que Punch ne veut plus se limiter à la sous-traitance pure, d établir le budget salarial pour cette nouvelle usine. Ce coût confirme Titia Willems. Nous voulons désormais fabriquer avait été estimé à 900.000 dollars sur base annuelle. Au nous-mêmes plus de produits à haute valeur ajoutée. Soit nous Mexique, je suis allée m informer sur les coûts salariaux locaux devons être les seuls à pouvoir le faire, soit nous devons faire AUTEUR plus de recherche et développement en interne pour fabriquer auprès de responsables RH de différentes usines. Après cette tournée d information, le budget estimé initialement a été nos propres produits finis. Telle est aussi la vision défendue par divisé par deux. notre fondateur et président du conseil d administration Guido Dumarey. Prenez LG Philips, qui a fait faillite il y a quelques mois. Bientôt, tous les fournisseurs de LG Philips devront suivre Pièges à éviter le même chemin que leur client et cesser leur production. Pour Son expérience mexicaine lui aura appris quels problèmes doi- LG Philips, nous avons aujourd hui environ 60 personnes à vent être évités lorsqu on veut lancer une nouvelle usine à par- l ouvrage au Mexique et 550 en Slovaquie. Cet emploi sera tout tir de rien. Vous devez engager quelqu un sur place pour bonnement perdu. En vous limitant à la production de masse, démarrer l entreprise, et en définitive, vous devez presque vous vous subissez trop la pression des prix. Il y a trop d entreprises fier à cette personne aveuglément. Naturellement, ils veulent qui peuvent faire la même chose. toujours ce qu il y a de mieux pour les gens de chez eux. Au Couper dans les frais de personnel est en fait la tâche princi- Mexique, la personne engagée pour diriger le site demandait, pale de Titia Willems. Cette entreprise n est pas tellement pour son chef du personnel, son responsable de production et HR-minded, dit-elle. Au niveau local, dans nos usines, il y a les autres managers, pas moins du double du salaire normal tel que je l avais relevé lors de mon étude de marché. Là-bas, ils pensent que vous ignorez tout de ces questions, et qu après tout, vous êtes envoyé par une grande entreprise d un pays riche. Il faut donc être constamment sur ses gardes. Pour la région frontalière du Mexique à faible densité de population, vous ne trouvez par exemple aucune étude salariale comparative fiable chez Hay Group. Et vous ne pouvez pas non plus analyser les relations salariales pour les différentes responsabilités selon des critères belges. Pour chaque pays, il faut aller sur place étudier attentivement la situation sur le plan des salaires. Il faut aller parler avec les gens du contenu des tâches, des barèmes, en tenant compte de la taille de l entreprise et d une série d autres éléments. C est ainsi qu au Mexique, la tension salariale entre un ouvrier et un manager est plus grande qu en Slovaquie. Pour nous, la situation salariale de notre usine, située juste en face de l usine Philips, est très importante. Une mauvaise évaluation, et nous risquons d être totalement hors de prix sur le marché. En Slovaquie, où l investissement est beaucoup plus important, Hay a pu apporter un soutien. La majorité de nos travailleurs y demandaient à chaque fois une hausse de salaire inacceptable de pas moins de 30%, raconte Titia Willems. Ils étaient constamment insatisfaits de leur salaire. Finalement, j ai fait faire 16 Titia Willems: Si, dans les pays où les salaires sont assez bas, nous laissons la masse salariale augmenter trop fortement, nous allons casser le marché, et tous ces clients iront chercher une nouvelle usine. Nous ne laisserons alors que des ruines derrière nous. une étude par Hay Group. Toutes les fonctions ont été définies selon le système Hay, de sorte que l on puisse y associer un x

salaire. Ceci a mis fin à la discussion, et cette méthode y est aujourd hui appliquée. Au Mexique, on a une autre vision de la discipline au travail, ce qui constitue une grande différence culturelle. Sans surveillance, les ouvriers de production n hésitent pas à s allonger pour faire un somme entre les machines, dit-elle. Vous n avez aucune prise sur les syndicats. Nous avons réussi, jusqu ici, à les maintenir en dehors de la concertation vu la taille réduite de notre usine. Là-bas, chacun peut fonder son propre syndicat. Sur le plan légal, tout ceci est beaucoup moins réglementé que dans notre pays, ce qui rend les choses beaucoup plus complexes. D un autre côté, la législation sociale y est beaucoup plus libre et plus souple qu en Belgique, ce qui permet plus de flexibilité. Mais les différences plus marquées entre le niveau de salaire d un ouvrier, d un employé et d un manager entraînent aussi des différences très nettes dans le niveau de vie. Des leçons pour l Occident Selon Titia Willems, cette grande liberté et flexibilité dans le travail au Mexique est riche en enseignements. Plus grandes sont la liberté et la flexibilité, plus nous sommes assurés de pouvoir garantir la production pour un client. Nos règles juridiques rigoureuses sont souvent un obstacle à l entreprise et au maintien de l emploi. Les pays dont l économie est encore en développement ont précisément comme atout qu il n y a pas cette profusion de règles à l origine de la rigidité qui caractérise notre système. Au Mexique, nous veillons à nous adapter aux usages locaux. Si nous laissons là ou ailleurs, dans les pays où les salaires sont assez bas la masse salariale augmenter trop fortement, nous allons casser le marché, et tous ces clients iront chercher une nouvelle usine. Nous ne laisserons alors que des ruines derrière nous. En Slovaquie aussi, nous faisons en sorte que les salaires évoluent de façon contrôlée. De cette manière, nous pouvons garantir un avenir aussi durable que possible. Si par contre nous devions retirer notre investissement dans ce pays, nous provoquerions un bain de sang social. Du reste, il ne faut pas oublier qu il n y a pas que la production de masse qui part en Europe de l est. Petit à petit, des entreprises qui n ont pas forcément de clients dans la région y transfèrent aussi leurs activités basées sur la connaissance. Tout le système économique que nous connaissons ici, est lentement en train de se développer là-bas. Tout sous contrôle Au Mexique et en Slovaquie, Punch a des responsables du personnel locaux qui jouissent d une assez grande autonomie. La seule exigence que nous ayons là-bas, c est qu au niveau de la direction, la langue pratiquée dans l entreprise soit l anglais. Nous devons pouvoir communiquer entre nous d une manière normale. Pour la première fois, une CCT a été conclue en Slovaquie. Ma participation et celle du responsable du site de l époque s est limitée à examiner ce qui était possible d un point de vue budgétaire et ce qui entrait dans le cadre de notre politique générale. Pour le reste, les négociations proprement dites ont été menées par des juristes slovaques. Même pour un groupe réparti dans divers pays, la maîtrise et le contrôle de la charge salariale restent une nécessité absolue. Avec ce système, nous pouvons assurer une évolution maîtrisée des salaires, d autant que l ensemble du système de salaires est clairement défini, avec des limites minimales et maximales pour les différentes fonctions. Les responsables RH en Slovaquie ne peuvent accorder une hausse de salaire à qui que ce soit sans mon accord. Pour suivre l évolution des salaires, nous avons mis en place un système de contrôle. J obtiens ainsi un aperçu des travailleurs avec leurs données personnelles et leurs scores aux évaluations. Sur base de ces rapports, je peut déterminer chaque année les adaptations de salaires en concertation avec le directeur d usine local. Même pour un groupe réparti dans divers pays, la maîtrise et le contrôle de la charge salariale restent une nécessité absolue. En définitive, je reste responsable de la politique salariale globale. Punch International Punch a été fondée en 1982 par Guido Dumarey après la reprise de New Impriver, une entreprise gantoise spécialisée dans l impression du verre, le traitement des tôles de haute qualité et la sérigraphie industrielle. 24 ans plus tard et après plusieurs acquisitions et intégrations, Punch est devenu un véritable groupe technologique flamand d envergure internationale et coté en bourse, où la recherche et le développement jouent un rôle toujours plus grand. Les activités sont organisées en 4 divisions : Punch Technix (pour l industrie graphique, le secteur médical, l industrie laitière, l électronique de consommation et l industrie de la télévision), Punch Motive (composants métalliques et plastiques pour l industrie automobile), Punch Telematix (spécialisée dans le transfert de données sans fil comme les systèmes GPS et les data box ) et Punch Grafix. Cette dernière division occupe 641 personnes, mais Punch n est plus l actionnaire majoritaire de cette division. En 2005, le groupe a réalisé un chiffre d affaires global de 231 millions d euros avec 3.827 collaborateurs répartis dans 25 pays et sur 4 continents. x RE VUE TRIMESTRIELLE - ANNEE 4 - N 13 17

Dossier Herman Portocarero Écrivain et ambassadeur de Belgique en Jamaïque, parle de son travail et de sa vie, qui le conduisent sans cesse d une culture à l autre Photo: Joaquin Portocarero Pour moi, la mondialisation est un bienfait Herman Portocarero, ambassadeur de Belgique en Jamaïque, parcourt le monde en tant que diplomate depuis 1978. Il doit ainsi s adapter, tous les 4 ou 5 ans, à une toute nouvelle culture. Il s agit avant tout de lire beaucoup sur votre pays de destination. Mais il est aussi très important de parler avec des collègues qui connaissent déjà le pays. Il faut donc bien s informer et ne pas trop se laisser guider par l image officielle d un pays, dit-il. Pour diriger à chaque fois une équipe différente, une bonne capacité d adaptation est indispensable. M. Portocarero est réaliste : Nous ne faisons que passer. HILDE VEREECKEN 18 Un ambassadeur change de poste tous les quatre ou cinq ans. Cela signifie non seulement déménager, mais aussi travailler à chaque fois avec une nouvelle équipe de collaborateurs. Une équipe qui est du reste un amalgame d expatriés belges et de collaborateurs locaux. Chacun a son propre style de direction, mais il n en faut pas moins à chaque fois s adapter aux coutumes et à la culture locales. L éthique de travail, la ponctualité, voire le mode de collaboration entre hommes et femmes au bureau, varient d une culture à l autre. Herman Portocarero (53 ans), ambassadeur de Belgique en Jamaïque depuis le 1er octobre 2004, peut en témoigner. Depuis 1978, il a toujours changé de poste après quelques années. Sa première escale diplomatique fut Addis-Abeba, en Éthiopie. En 1982 il a déménagé pour la première fois vers Kingston, en Jamaïque. Trois ans plus tard, M. Portocarero s est rendu à New- York pour devenir représentant permanent auprès des Nations Unies. De 1988 à 1990, il a pris deux ans d interruption de carrière et est parti au Nicaragua et au Soudan en tant que conseiller de Médecins Sans Frontières. Après une escale de deux ans à Bruxelles, il s est à nouveau installé à New York pendant quelques années, avant d atterrir à Cuba. Quatre ans plus tard, il est revenu en Belgique pour travailler au service Nations Unies du Service public fédéral Affaires étrangères, et cela jusqu en 2003. À Kingston, en Jamaïque, M. Portocarero est responsable d une juridiction qui s étend sur douze pays insulaires. À l ambassade, il est le seul expatrié belge et il a deux assistants. M. Portocarero est diplomate le jour et écrivain le soir et la nuit. Depuis ses débuts littéraires en 1984, il a publié quatorze livres. New Yorkse Nachten est le dernier de la série. Pourquoi avoir choisi une carrière diplomatique? Herman Portocarero: J ai fait des études de droit parce que cela offrait de nombreux débouchés. Mais j estimais à l époque, en 1975, que j avais peu de chances de réussir une carrière d avocat. Les grands cabinets d avocats étaient rares et c était encore le genre de fonction qui se transmettait de père en fils. En même temps, je n avais pas envie de travailler comme salarié dans le secteur privé. Ce qui m attirait dans la diplomatie, c est ce côté