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Prescrire et surveiller une biothérapie de la polyarthrite rhumatoïde en pratique courante Biotherapies in RA: prescription and management in clinical practice D. Wendling*, B. Combe** L avènement des biothérapies a apporté une nouvelle dimension dans la prise en charge thérapeutique de la polyarthrite rhumatoïde. Ces nouvelles options thérapeutiques ont également conduit à l émergence de nouveaux problèmes : coût et accessibilité de ces biothérapies, nécessité d une réponse objective à la demande souvent pressante des patients, besoin impérieux d un nouveau mode de collaboration entre rhumatologues hospitaliers et rhumatologues libéraux dû au mode de prescription de certaines de ces biothérapies. Cela peut déboucher sur la création de réseaux spécifiques. 24 P o i n t s f o r t s La prescription actuelle des biothérapies dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) doit se conformer aux indications selon les libellés d AMM ainsi qu aux recommandations nationales et internationales. L utilisation pratique nécessite la connaissance des effets indésirables (au 1 er rang desquels, les infections) et des contre-indications, justifiant un bilan préalable et des éléments de surveillance. Les modalités actuelles de prescription (initiale en milieu hospitalier, renouvellement en partique libérale) illustrent l intérêt de la circulation de l information et du travail en réseau. Mots-clés : Polyarthrite rhumatoïde - Traitement - Biothérapies - Anti-TNF. Keywords: Rheumatoid arthritis - Treatment - Biological agents - TNF blockers. * Service de rhumatologie, CHU Minjoz, 25030 Besançon Cedex. ** Service d immuno-rhumatologie, CHU Lapeyronie, 34295 Montpellier Cedex 5. Ces biothérapies peuvent donc poser des problèmes de prescription en pratique. De façon pragmatique, cette prescription est encadrée par les libellés des autorisations de mise sur le marché (AMM), l existence de recommandations émanant de sociétés savantes ou de groupes de réflexion, ou par l existence de directives d agences nationales. Une telle prescription met en exergue la nécessité d information et d éducation des patients, mais aussi le devoir d information et de collaboration du médecin prescripteur envers ses correspondants. En 2004, quatre agents biologiques sont disponibles dans le cadre du traitement de la polyarthrite rhumatoïde : infliximab (Remicade ), anticorps monoclonal chimérique anti-tnfα, etanercept (Enbrel ), récepteur p75 du TNFα, adalimumab (Humira ) anticorps monoclonal de séquence humaine anti-tnfα, et anakinra (Kineret ), antagoniste du récepteur de l IL-1. Ces différents agents biologiques partagent un certain nombre de points communs dans leurs modalités de prescription et de surveillance, mais offrent également certaines particularités dans ces domaines. Dans la pratique courante, la prescription et la surveillance d une biothérapie nécessitent de connaître indications et contre-indications, les éléments du bilan préalable exigé pour certaines d entre elles, les modalités pratiques de prescription et de délivrance, les éléments de surveillance et la connaissance des effets indésirables potentiels. Enfin, il incombe également au prescripteur d évaluer la réponse thérapeutique pour juger de la poursuite du traitement. INDICATIONS DES BIOTHÉRAPIES DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE Elles sont guidées par les termes des libellés d AMM. Ainsi, pour l infliximab, il s agit de polyarthrite rhumatoïde de l adulte, active, avec une réponse inappropriée au traitement de fond, dont le méthotrexate, en association à ce dernier. Pour l etanercept, il s agit de polyarthrite rhumatoïde active avec une réponse inadéquate au traitement de fond, y compris au méthotrexate, mais aussi de polyarthrite rhumatoïde sévère, active, évolutive de l adulte non précédemment traitée par méthotrexate. La Lettre du Rhumatologue - n 299 - février 2004

Pour l adalimumab, il s agit de polyarthrite rhumatoïde modérément à sévèrement active de l adulte, ayant une réponse inadéquate au traitement de fond, y compris le méthotrexate, en association à ce dernier, ou en monothérapie en cas d intolérance ou d inadaptation à celui-ci. L anakinra est un agent biologique indiqué dans le traitement des signes et symptômes de la polyarthrite rhumatoïde, en association avec le méthotrexate, chez les patients dont la réponse au méthotrexate n est pas satisfaisante. Il existe donc une certaine similitude entre ces différents agents biologiques, représentée par l échec total ou partiel du méthotrexate. Néanmoins, les libellés restent relativement modulables ; en particulier, la définition d une réponse insuffisante au méthotrexate et celle d une polyarthrite rhumatoïde active ne sont pas clairement explicitées (1). Un groupe de travail hexagonal travaille actuellement sur ce sujet, avec l objectif de fournir des recommandations applicables au quotidien. À titre d exemple, la société britannique de rhumatologie a proposé comme critères de mise en route d une biothérapie au cours de la polyarthrite rhumatoïde l échec d au moins deux traitements de fond, et une activité de la maladie définie par un DAS (disease activity score) supérieur ou égal à 5,1 lors de deux consultations successives à un mois d intervalle. MODALITÉS DE PRESCRIPTION ET DE DÉLIVRANCE L infliximab est réservé à l usage hospitalier sur prescription de spécialistes ou de services spécialisés en rhumatologie, médecine interne (gastroentérologie et chirurgie digestive pour l indication dans la maladie de Crohn), la délivrance est strictement hospitalière. Délivré en flacon de 100 ml, il est administré à la posologie de 3 mg/kg par perfusion intraveineuse aux semaines 0, 2, 6 puis toutes les huit semaines (2). L etanercept répond à une prescription initiale hospitalière, valable pour une durée de six mois, réservée aux spécialistes de rhumatologie, de médecine interne (et de pédiatrie dans l indication de l arthrite chronique juvénile). Un rhumatologue vacataire dans un établissement hospitalier est habilité à effectuer cette prescription. La prescription doit être rédigée sur une ordonnance de médicament d exception (figure 1), le produit est délivré par les officines de ville. La posologie est de 25 mg en injection sous-cutanée deux fois par semaine. Il s agit d une poudre à reconstituer qui atteint un volume d injection de 1 ml, la conservation se fait au réfrigérateur ; le produit doit être injecté dans les six heures après reconstitution. Entre les renouvellements hospitaliers tous les six mois, la prescription peut-être renouvelée par le rhumatologue libéral sur le formulaire de médicament d exception, le patient présentant à la pharmacie en même temps que cette prescription de renouvellement, la prescription hospitalière initiale (3). Figure 1. Formulaire d ordonnance de produit d exception. L adalimumab répond également à une prescription initiale hospitalière valable six mois, réservée aux spécialistes de rhumatologie et de médecine interne. Sa dispensation est actuellement (à l heure où cet article est écrit : décembre 2003) assurée par les pharmacies hospitalières, avec une carte de surveillance pour le patient. Il est probable que la situation évolue vers le modèle de l etanercept. La posologie est de 40 mg en injection sous-cutanée toutes les deux semaines, avec la possibilité, en cas de monothérapie et de réponse insuffisante, de passer à la posologie de 40 mg par semaine. Le produit se présente sous forme de seringues préremplies à conserver au réfrigérateur. De la même manière, le rhumatologue libéral a la possibilité d effectuer les renouvellements de prescription entre deux ordonnances hospitalières de six mois (4). L anakinra est de prescription initiale hospitalière pour une durée de six mois, sa dispensation est effectuée par la pharmacie hospitalière. La posologie est de 100 mg par jour en injection sous-cutanée représentant 0,67 ml. Il s agit de seringues préremplies à conserver au réfrigérateur et à l abri de la lumière (5). La Lettre du Rhumatologue - n 299 - février 2004 25

EFFETS INDÉSIRABLES La surveillance, le dépistage et la prise en charge des effets indésirables potentiels représentent le problème majeur du suivi des patients sous biothérapie. Cet aspect de la prise en charge incombe à tous les médecins en charge du patient, tant au médecin prescripteur initial qu au rhumatologue libéral, ainsi qu au médecin généraliste, qu il faudra informer. Cela suppose également une réactivité et une circulation d information médicale entre ces différents acteurs, situation qui illustre l intérêt d un dossier commun partagé, et du fonctionnement en réseau. Les principaux effets indésirables des biothérapies doivent être connus de tous, y compris du patient, d où l intérêt de son information. Ces effets indésirables sont à classer en fonction de leur fréquence et de leur gravité, et du contexte général : la maladie elle-même (polyarthrite rhumatoïde) pouvant être à l origine de certains symptômes (lymphome, atteinte pulmonaire...), les traitements antérieurs ou associés à visée immunosuppressive, susceptibles d induire des complications spécifiques, et les comorbidités (âge, diabète, état cardiaque et neurologique...). Dans ce contexte d effets indésirables, la connaissance des demi-vies des différents agents peut être utile : huit à dix jours pour l infliximab, treize jours pour l adalimumab, trois jours pour l etanercept et six heures pour l anakinra. Infections Les infections représentent le problème majeur de l utilisation des biothérapies au long cours de la polyarthrite rhumatoïde. Le taux d incidence d infections sévères par patients-années est voisin, pour les différents agents biologiques, de 0,04. Il peut s agir d infections à pyogènes touchant les voies aériennes supérieures, le poumon, les voies urinaires, mais il peut également s agir d infections opportunistes (histoplasmose, listériose, candidose, aspergillose, pneumocystose) (6). Tableau I. Tuberculoses sous anti-tnf (FDA alert, ACR Hotline 2003). 26 Etanercept Infliximab Adalimumab Patients traités 150 000 200 000 2 500 Patients-années d exposition 230 000 230 000 4 900 Tuberculose rapportée 38 172 13 Utilisation des agents anti-tnf États-Unis 90 % 64 % 60 % Hors États-Unis 10 % 36 % 40 % Cas de tuberculose États-Unis 20 (52 %) 55 (32 %) 3 (23 %) Hors États-Unis 18 (48 %) 117 (68 %) 10 (67 %) Délai avant apparition 1-22 mois 75 % à 6 sem. de la tuberculose (médiane : 11,2) 97 % à 7 mois 3-8 mois Atteinte extrapulmonaire/ miliaire 50 % 45 % 40 % L attention a été attirée particulièrement sur le risque de tuberculose, et de réactivation de tuberculose sous agents anti- TNFα ; ces tuberculoses sont fréquemment extrapulmonaires ou miliaires ; le risque semble différent entre anticorps anti- TNF, et récepteur soluble, avec également des délais d apparition différents entre ces deux types d agents anti-tnf (tableau I) (7). Ces éléments justifient les recommandations de bilan préalable. Insuffisance cardiaque La décompensation d une insuffisance cardiaque préexistante est susceptible de survenir sous anti-tnf, en particulier en cas d utilisation d anticorps, les essais thérapeutiques des anti- TNF dans le traitement de l insuffisance cardiaque ayant été interrompus en raison d une augmentation du taux de décès d origine cardiaque chez les patients ayant eu de fortes doses (10 mg/kg) d infliximab. Dysimmunité L utilisation d agents anti-tnfα est susceptible d induire des phénomènes auto-immuns, et en particulier l apparition d anticorps antinucléaires (de 10 à 44 % des cas selon les séries) et d anticorps anti-adn (15 à 17 % des cas). Les syndromes lupiques cliniques restent rares, et habituellement résolutifs à l arrêt du traitement. Il n y a donc pas d indication particulière à rechercher sous traitement ces différents auto-anticorps en l absence de manifestations cliniques spécifiques. Immunisation L utilisation, en particulier au long cours, d agents biologiques est susceptible de générer l induction d une immunisation contre cet agent, cela d autant plus que sa structure n est pas présente à l état physiologique dans l organisme. Ainsi, des anticorps anti-infliximab sont retrouvés dans 8, 5 % des cas à 2 ans (en association au méthotrexate, le chiffre étant plus élevé en monothérapie), et semblent associés à la survenue de réactions au décours de la perfusion ; des anticorps antiadalimumab sont notés dans 5,5 % des cas, sans lien avec les effets indésirables, mais peut-être avec une réponse clinique moins importante ; l immunisation anti-etanercept est plus rare (< 5 %), sans influence sur la réponse clinique ou les effets indésirables. La recherche d une telle immunisation n est pas réalisée en pratique courante. Réaction au produit Il peut s agir de réactions générales, elles sont surtout observées au décours des perfusions d infliximab (plus de 10 %), surtout lors des premières perfusions. Elles sont à type de fièvre, de frissons, de myalgies, de modification tensionnelle pouvant survenir dans les heures qui suivent la perfusion (d où la nécessité d une surveillance dans les deux heures après la fin de la perfusion), avec la possibilité de phénomènes d hypersensibilité retardée, notamment en cas de réintroduction du produit après une interruption prolongée de plusieurs mois. La Lettre du Rhumatologue - n 299 - février 2004

De telles réactions générales ont été signalées, mais de façon rare avec les autres agents biologiques. Les réactions locales surviennent au point d injection, dans environ 20 % des cas avec l adalimumab, dans 36 % des cas avec l etanercept (contre 9 % sous placebo), et dans 71 % avec l anakinra (contre 28 % dans le groupe placebo). Ces réactions locales surviennent principalement durant le premier mois de traitement, elles durent de 3 à 5 jours, et sont habituellement sans conséquence (figure 2). Lymphomes Quelques cas de lymphomes ont été rapportés à l occasion du traitement de la polyarthrite rhumatoïde par agents anti-tnfα, à l occasion des études contrôlées et par la pharmacovigilance, avec chacun des agents anti-tnf actuellement utilisés. Ces études menées aux États-Unis aboutissent à un taux d incidence plus élevée que dans la population générale, mais l analyse est compliquée par l augmentation connue de risque de lymphome au cours de la polyarthrite rhumatoïde elle-même. Dans cette situation, on sait que c est le potentiel inflammatoire de la maladie qui est le facteur déterminant essentiel dans la survenue de lymphome, et ce sont précisément ces polyarthrites très inflammatoires qui conduisent au recours aux traitements anti-tnf. Il est donc difficile actuellement de proposer une conclusion définitive, et la poursuite de la surveillance des cohortes et de l analyse de la pharmacovigilance sont indispensables (7, ACR hotline). Divers Divers effets indésirables ont été signalés ponctuellement ou à l occasion de petites séries. On peut citer la possibilité de cytolyses hépatiques, la survenue de thromboses, de même que la possibilité d induction d anticorps anti-cardiolipine sous anti-tnf. Des observations de poussée de polyarthrite rhumatoïde, d efflorescence de nodules, de vascularites ont été signalées ponctuellement. De même la survenue de troubles de l humeur, d asthénie, de céphalées ou encore de pancytopénies est possible. Figure 2. Réaction locale au point d injection. Démyélinisation Des cas de survenue de maladies neurologiques démyélinisantes ont été rapportés à l occasion de traitements de la polyarthrite rhumatoïde par agents anti-tnfα (8). Une revue des déclarations à la pharmacovigilance avait recensé vingt cas pour lesquels une relation temporelle était trouvée entre la mise en route du traitement et la survenue des troubles neurologiques ; il s agissait parfois d une réactivation ou d une révélation de la maladie neurologique, avec une résolution complète ou partielle à l arrêt du traitement. Ces constatations justifient les précautions d emploi signalées plus haut. Néoplasies Actuellement, avec le recul disponible, il n a pas été mis en évidence d augmentation d incidence observée par rapport à l incidence attendue des tumeurs solides sous anti-tnfα, lors des études et en pharmacovigilance depuis la commercialisation (7). CONTRE-INDICATIONS DES BIOTHÉRAPIES DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE Elles sont également relativement voisines pour ces différents agents biologiques (tableau II). Elles offrent cependant quelques petites variations en fonction des produits. Tableau II. Contre-indications générales des biothérapies. Infections évolutives Infection grave antérieure Maladie démyélinisante, névrite optique Maladies hématologiques et lymphomes Néoplasies récentes (moins de 5 ans) Insuffisance cardiaque congestive Maladie favorisant les infections Hypersensibilité au médicament Grossesse et allaitement Insuffisance rénale sévère (anakinra) Ainsi, pour l infliximab, les contre-indications sont représentées par une tuberculose active, une infection sévère ou la notion d infections opportunistes, une insuffisance cardiaque modérée ou sévère (classe III ou IV NYHA) (tableau III), la notion d une hypersensibilité au produit ou aux protéines murines. Le traitement n est pas indiqué en cas de lupus, de maladie neurologique démyélinisante, de grossesse et d allaitement (préconisation d une contraception pendant six mois après la dernière injection), en cas de lymphome ou de tumeur maligne datant de moins de cinq ans. Les vaccins vivants sont contre-indiqués (tableau IV). La Lettre du Rhumatologue - n 299 - février 2004 27

Tableau III. Insuffisance cardiaque : classification NYHA. Pour l etanercept, les contre-indications sont représentées par une hypersensibilité au produit, les antécédents de septicémie ou d infections graves, l administration de vaccins vivants, la grossesse et l allaitement. Des précautions particulières doivent être prises en cas d affection démyélinisante du système nerveux, d insuffisance cardiaque congestive, d antécédents de lymphome ou de tumeur maligne. Pour l adalimumab, les contre-indications consistent dans l hypersensibilité au principe actif, l existence d une tuberculose évolutive, les infections sévères et opportunistes, l insuffisance cardiaque. Le produit n est pas indiqué en cas de grossesse et d allaitement (préconisation d une contraception durant cinq mois après la dernière injection), d affection démyélinisante, d association à l anakinra, d administration de vaccins vivants. Pour l anakinra, l hypersensibilité au principe actif, aux protéines dérivant d E. coli, l insuffisance rénale sévère (définie par une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/mn) et l association à un agent anti-tnf représentent les contre-indications à ce traitement. Celui-ci n est pas recommandé en cas d antécédents d infections récurrentes et de pathologie prédisposant aux infections, de pathologie maligne préexistante, chez la femme enceinte et allaitante, et en cas de neutropénie (neutrophiles inférieurs à 1 500 par ml). BILAN PRÉALABLE Certaines mesures sont recommandées, voire indispensables avant la mise en route de certaines biothérapies. C est le cas, en particulier, de la recherche d une tuberculose latente et d une tuberculose active avant l introduction d un anticorps anti-tnfα. Des recommandations précises ont été élaborées par un groupe d experts et reprises par l AFSSAPS ; elles s imposent, même si elles sont discutées et alors qu elles feront certainement l objet d une révision (9). 28 Classe I : aucune limitation des activités ; absence de symptômes au cours des activités ordinaires Classe II : limitation modérée des activités, sans gêne au repos ou lors d un exercice modéré Classe III : limitation importante de l activité, absence de gêne uniquement au repos Classe IV : patient confiné au lit ou au fauteuil, gêne à la moindre activité Tableau IV. Vaccins vivants disponibles en France. Fièvre jaune ; rougeole, oreillons, rubéole Polyomyélite (per os) ; BCG Une tuberculose latente doit être évoquée en cas de primoinfection (virage ou augmentation de diamètre de l intradermoréaction à la tuberculine à plus de 10 mm après contact avec une personne atteinte d une tuberculose bacillifère) et chez les sujets à fort risque de réactivation tuberculeuse : tuberculose traitée avant 1970 ou à traitement insuffisant, intradermoréaction supérieure à 10 mm à distance du BCG (plus de dix ans), sujets ayant des séquelles tuberculeuses importantes sans que l on ait la certitude d un traitement stérilisant. Les sujets suspects le tuberculose active devront bénéficier d un bilan diagnostique, et d un traitement antituberculeux, l un et l autre complets. Il est donc indispensable, avant d envisager un traitement par anticorps anti-tnf, d effectuer un interrogatoire détaillé dans ce sens, une radiographie pulmonaire et une intradermoréaction à la tuberculine à dix unités, ces éléments devant être consignés dans le dossier du patient (9). En cas de tuberculose latente un traitement prophylactique est indispensable, dont les modalités sont détaillées dans le texte de la recommandation. Ce traitement prophylactique doit être mis en route au moins trois semaines avant la première injection d anticorps anti-tnf. L attention a été récemment attirée sur la toxicité hépatique du pyrazinamide dans cette situation ; il convient donc de privilégier les schémas thérapeutiques n utilisant pas cet antituberculeux. En cas de tuberculose active, le traitement curatif s impose avec les durées usuelles (entre 6 et 12 mois selon les formes) ; là encore, l unanimité ne semble pas absolue. L instauration du traitement anti-tnf doit être discutée de façon pluridisciplinaire, en fonction du rapport bénéfice-risque au cas par cas. Un hémogramme et une évaluation de la fonction rénale sont indiqués pour l anakinra, conseillés pour les agents anti-tnf. La surveillance des transaminases est également conseillée, elle fait partie du suivi du traitement par méthotrexate, lorsque celui-ci est associé à la biothérapie. En cas d insuffisance cardiaque préexistante, l avis du cardiologue peut être utile. SURVEILLANCE Certains éléments de surveillance sont préconisés dans les caractéristiques des produits : on retrouve pour tous ces produits une surveillance vis-à-vis des infections, l interdiction d utilisation de vaccins vivants, la surveillance des réactions locales au point d injection pour les administrations sous-cutanées. Pour l anakinra, seule une surveillance biologique précise est exigée : numération des polynucléaires avant traitement, une fois par mois pendant le premier semestre, puis une fois par trimestre. Pour les autres agents biologiques, il n y a pas de surveillance biologique spécifique explicitée. Cependant, la surveillance régulière de l hémogramme et des plaquettes reste souhaitable..../... La Lettre du Rhumatologue - n 299 - février 2004

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.../... ÉVALUATION Après la mise en route d une biothérapie pour la polyarthrite rhumatoïde, après s être assuré de la bonne tolérance au traitement et de la compliance du patient, il est de la responsabilité du rhumatologue d évaluer la réponse clinique. Selon les recommandations internationales actuelles (1), cette évaluation doit se faire après douze semaines de traitement en utilisant préférentiellement le DAS plutôt que la réponse ACR. En cas d amélioration et de réponse clinique, le traitement peut être poursuivi. En cas de non-réponse, il doit être arrêté. Il n y a pas actuellement de données scientifiques permettant de hiérarchiser ces différentes biothérapies entre elles et, en cas d inefficacité, il a été montré que l on pouvait passer d un agent anti-tnf à un autre, avec un pourcentage de répondeurs proche de celui observé au cours des études contrôlées. En cas de réponse incomplète, il peut être proposé une augmentation des doses, ou une réduction des intervalles, selon le produit. SITUATIONS PRATIQUES Ces différentes considérations peuvent être mises en application à l occasion de différentes situations qui peuvent être rencontrées par le rhumatologue praticien. Elles représentent également, pour certaines, des signaux d alerte vis-à-vis desquels le praticien se doit d être vigilant (tableau V). CONCLUSION Tableau V. Situations pratiques. Symptôme Diagnostic à évoquer Conduite pratique Fièvre Infection Bilan - arrêt du traitement Réaction au produit En fonction du bilan : antibiothérapie Lymphome Infection grave (septicémie, arthrite septique) non contrôlée à 30 jours : arrêt définitif Infection modérée : reprise possible après guérison Dyspnée Infection Bilan Insuffisance cardiaque Arrêt (transitoire?) du traitement Réaction au produit, au MTX Adénopathies Lymphome Bilan hospitalier Tuberculose, infection Arrêt du traitement Arthrite Poussée de PR - Bilan - ponction PR en échappement LED Infection Réaction locale Leucopénie Infection virale Bilan Lymphome Arrêt traitement Toxicité Varier les sites d injection, application locale de froid Laisser sécher alcool avant injection Laisser revenir produit à température ambiante Topique cortisonique Symptômes Démyélinisation Bilan- arrêt traitement neurologiques Les biothérapies représentent un progrès considérable dans l arsenal thérapeutique contre la polyarthrite rhumatoïde et nécessitent une connaissance de leur maniement en pratique. Le rhumatologue est présent à toutes les étapes de cette thérapeutique : information et éducation du patient, vérification des critères d inclusion et d exclusion, réalisation du bilan préthérapeutique, prescription (initiale par le rhumatologue hospitalier, renouvellement par le rhumatologue libéral), suivi et surveillance des effets indésirables, évaluation de la réponse clinique. La gestion de ces nouvelles thérapeutiques au quotidien souligne l importance de la qualité des relations entre ville et hôpital et représente une opportunité de positionnement pour notre discipline. Chirurgie programmée Insuffisance rénale Grossesse Arrêt Infliximab : 2-4 semaines Adalimumab : 2 semaines Etanercept : 1 semaine Anakinra : 1 semaine Reprise : 2 semaines après (cicatrisation) } avant Absence de données pour anti-tnf Anakinra : contre-indication : arrêt Nécessité de contraception sous biothérapie En cas de grossesse : pas de données scientifiques, Discuter au cas par cas Bibliographie 1. Furst DE, Breedveld FC, Kaldenn JR et al. Updated consensus statement on biological agents for the treatment of rheumatoid arthritis and other immune mediated inflammatory diseases (may 2003). Ann Rheum Dis 2003 ; 62 (Suppl. II) : 2-9. 2. Résumé Caractéristiques Produit (RCP) Remicade, Laboratoire Schering-Plough, 2003. 3. RCP Humira, Laboratoires Abbott, 2003. 4. RCP Enbrel, Laboratoires Wyeth, 2003. 5. RCP Kineret, Laboratoires Amgen, 2003. 6. Antoni C, Braun J. Side effects of anti-tnf therapy : current knowledge. Clin Exp Rheumatol 2002 ; 20 (Suppl. 28) : 151-7. 7. Keystone EC. Advances in targeted therapy : safety of biological agents. Ann Rheum Dis 2003 ; 62 (Suppl. II ) : 34-6. 8. Mohan N, Edwards ET, Cupps TR et al. Demyelination occuring during anti-tumor necrosis factor α therapy for inflammatory arthritides. Arthritis Rheum 2001 ; 44 : 2862-9. 9. GTI, AFSSAPS. Recommandations about the prescription and management of tuberculosis in patients taking infliximab. Joint Bone Spine 2002 ; 69 : 170-2. La Lettre du Rhumatologue - n 299 - février 2004 31