Cathéters d épuration extra-rénale aiguë Catheters for acute renal replacement therapy



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Transcription:

Réanimation 12 (2003) 313 317 www.elsevier.com/locate/reaurg Mise au point Cathéters d épuration extra-rénale aiguë Catheters for acute renal replacement therapy M. Monchi * Soins intensifs généraux, centre hospitalier universitaire de Liège, B4000, Liège, Belgique Reçu le 13 février 2003 ; accepté le 5 mars 2003 Résumé L accès vasculaire pour les épurations extra-rénales aiguës (EER) se fait essentiellement grâce aux cathéters veineux centraux. La plupart des cathéters d EER actuels sont en poly-uréthane, mais des cathéters en silicone sont également disponibles. Les deux déterminants principaux du débit sanguin autorisé par un cathéter d EER sont le diamètre du cathéter et la position de son extrémité interne. La voie sous-clavière est fortement déconseillée chez un patient à risque d insuffisance rénale chronique. La voie fémorale semble associée à un risque de bactériémie plus important que la voie jugulaire interne. Les cathéters fémoraux nécessitent une longueur d au moins 20 cm pour permettre un débit sanguin régulier sans recirculation excessive. En général, les dysfonctions aiguës sur un cathéter sont liées à une anomalie de positionnement alors que les dysfonctions tardives sont liées à une thrombose interne. La prévention des thromboses internes est fondée sur une injection vigoureuse de sérum salé après chaque utilisation, suivie du placement d un verrou d anticoagulant (héparine concentrée ou citrate). 2003 Publié par Édtions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Abstract Acute catheters for renal replacement therapy (RRT) are used for immediate vascular access in ICU patients with acute renal failure. Most acute catheters are made of poly-urethane, but silicone catheters are also available. The primary determinants of catheter blood flow are the diameter of the catheter and its tip placement. The subclavian insertion site should not be used in a patient who may need permanent vascular access. Femoral catheters seem to be associated with a higher risk of bacteremia than internal jugular catheters. Femoral placement demands a longer length catheter ( 20 cm) for a regular blood flow with limited recirculation. In general, catheter blood flow problems that occur early after placement are related to catheter position while those that occur late are related to thrombosis. Following its use, proper flushing and anticoagulation of the catheter with concentrated heparin or citrate will serve to decrease the risk of internal thrombosis. 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Mots clés : Cathéters ; Insuffisance rénale aiguë ; Épuration extrarénale Keywords: Acute dialysis catheters: Acute renal failure; Renal replacement therapy 1. Introduction L épuration extra-rénale (EER) impose le recours à un accès vasculaire à haut débit. Dans le contexte de la réanimation, les cathéters veineux centraux constituent généralement le seul accès vasculaire rapidement utilisable. Il existe deux types de cathéter adaptés à l EER : les cathéters temporaires * Auteur correspondant. Adresse e-mail : mehran.monchi@chu.ulg.ac.be (M. Monchi). plutôt destinés aux pathologies aiguës et les cathéters implantés pour un usage chronique. Nous n aborderons dans ce chapitre que les aspects correspondant aux cathéters temporaires qui sont les plus utilisés en milieu de réanimation. Le choix du cathéter et de la voie d abord influent beaucoup sur l efficacité de l EER. Le débit sanguin extracorporel autorisé par le cathéter est l un des principaux déterminants de la dose d épuration. Or, plusieurs études récemment publiées constatent une association entre une faible dose d épuration extra-rénale et une surmortalité [1,2]. 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. DOI: 10.1016/S1624-0693(03)00061-6

314 M. Monchi / Réanimation 12 (2003) 313 317 De plus, l utilisation d un cathéter d EER inadapté aboutit à de fréquentes alarmes sur le circuit d aspiration du sang (alarmes de pressions trop négatives avant la pompe). Ces alarmes exaspèrent l équipe soignante et engendrent des arrêts répétés du flux sanguin extracorporel, accélérant les phénomènes de coagulation sur la membrane d épuration. Le choix de l abord vasculaire peut donc fortement influencer le vécu des EER par l équipe soignante. Nous allons aborder successivement dans ce chapitre les principaux éléments à connaître pour que chacun (chaque service) puisse choisir selon les indications et le type d EER réalisé le cathéter d EER (polymère, diamètre, longueur), le site d insertion, et les soins pour une meilleure prévention des dysfonctions. 2. Choix du cathéter 2.1. Types de cathéter On peut utiliser en épuration extrarénale : un cathéter monolumière avec un flux sanguin alternatif. Ce type de cathéter, encore assez fréquemment utilisé chez les dialysés chroniques, est de moins en moins utilisé en réanimation. En effet, ce type de débit est incompatible avec la majorité des machines d épuration continue. De plus, les débits sanguins restent assez limités (150 à 200 ml/min) ; deux cathéters monolumière insérés sur deux veines différentes ou sur la même veine avec des orifices d aspiration et de restitution de sang éloignés d au moins 2,5 cm. L avantage de ce type d abord est de permettre un flux sanguin continu assez élevé. De plus, on peut tunneliser les cathéters. L inconvénient de cette solution est la nécessité d un double abord veineux, augmentant les temps d insertion et les risques liés à la cathétérisation ; un cathéter bilumière. Ces cathéters ont longtemps eu des performances assez limitées (débits sanguins < 250 ml/min) du fait de leur faible diamètre (11 à 12 F). On assiste cependant à l apparition depuis quelques années de nouveaux cathéters bilumières ayant un diamètre plus large (13,5 à 14 F), permettant donc des débits sanguins nettement plus importants. Cette solution reste la plus simple et la plus utilisée. 2.2. Polymère Le polymère utilisé conditionne largement la rigidité des cathéters d EER. Une trop grande rigidité augmente les risques de perforation des veines ou de l oreillette droite, alors qu une rigidité insuffisante rend l insertion plus difficile. Les cathéters d EER utilisés en réanimation sont généralement en poly-uréthane ou en silicone. Le poly-uréthane est un polymère dont la rigidité est très variable selon la procédure de fabrication. De plus, le poly-uréthane a des propriétés thermoplastiques, devenant plus souple à la température corporelle par rapport à la température ambiante. La majorité Tableau 1 Incompatibilités chimiques des polymères utilisés [3] Matériel Poly-uréthane Silicone Copolymères poly-uréthane polycarbonate Incompatibilité chimique Alcools, poly-éthylène glycol (pommades, gels) Iode et à un moindre degré polyvidone iodée(bétadine ) Aucune des cathéters d EER actuels sont en poly-uréthane. Les cathéters en silicone sont généralement plus souples que les cathéters en poly-uréthane. Il existe une incompatibilité chimique entre ces polymères et certains solutés utilisés comme antiseptiques [3] : les poly-uréthanes sont dégradés par les alcools et le poly-éthylène glycol (pommades, gels), les silicones sont incompatibles avec les solutés iodés et à un moindre degré avec la polyvidone iodée (Bétadine,Tableau 1). Cette incompatibilité se manifeste essentiellement par des possibilités de perforation du cathéter en cas d applications répétées et prolongées d antiseptiques ou de pommades incompatibles, sur leur point d insertion. Ces incompatibilités chimiques ont motivé le développement de copolymères de poly-uréthanes polycarbonates (exemple : carbothane) qui ne présentent plus d incompatibilité avec les solutés iodés ou alcooliques et permettent du fait de leur plus grande résistance une réduction de l épaisseur de la paroi du cathéter. 2.3. Déterminants du flux sanguin : longueur et diamètre du cathéter, position La loi de Poiseuille permet de déterminer le débit sanguin passant à travers un cathéter. Flux sanguin laminaire = k (P D 4 )/(L V) k = constante de proportionnalité P = différence de pression entre les 2 extrémités du cathéter D = diamètre du cathéter L = longueur du cathéter V = viscosité du sang On peut déduire de cette équation que le diamètre du cathéter joue un rôle majeur. En effet, une augmentation de 19 % du diamètre permet de doubler le débit sanguin. Inversement, une thrombose interne, même limitée (dépôts de fibrine), réduisant uniquement de 19 % le diamètre de la lumière interne du cathéter divise par deux le flux sanguin. Par ailleurs, si l on désire utiliser un cathéter deux fois plus long, il suffit d augmenter le diamètre de 19 % pour obtenir le même débit sanguin. Il est donc fondamental de choisir un cathéter de diamètre suffisant selon l indication et le type d EER qui sera réalisée. Pour une épuration extrarénale intermittente, les débits sanguins souhaités (idéalement supérieurs à 300 ml/min pour une épuration adéquate) nécessitent généralement l emploi de cathéters 13,5 à 14 French [4]. Pour une EER continue, les débits sanguins nécessaires sont généralement plus faibles, rendant possible l emploi de cathéters de plus faible diamètre (11 à 12 F pour des débits de 200 à 250 ml/min).

M. Monchi / Réanimation 12 (2003) 313 317 315 Fig. 1. Dépression avant la pompe à galet et diminution du diamètre du circuit. Les deux déterminants principaux du débit sanguin autorisé par un cathéter sont le diamètre interne de la lumière et la position de l extrémité du cathéter. En effet, l aspiration du sang crée une dépression autour des orifices d aspiration des cathéters veineux, rendant possible un collapsus de la paroi veineuse autour du cathéter. Plus le débit sanguin est important autour des orifices d aspiration, plus la probabilité de collapsus est faible. Ainsi, la position idéale de l extrémité d un cathéter d EER est l oreillette droite [5]. Classiquement, cette position était considérée comme dangereuse du fait des risques de perforation de l oreillette droite. Cependant, l utilisation de cathéters récents, très souples (généralement en silicone), permet de minimiser ces risques de perforation. La position recommandée est donc actuellement la veine cave inférieure pour les cathéters fémoraux et la jonction entre la veine cave supérieure et l oreillette droite pour les cathéters non fémoraux [6]. Ainsi, un cathéter jugulaire interne gauche nécessite une longueur de 4 à 5 cm de plus qu un cathéter jugulaire interne droit pour atteindre l entrée de l oreillette droite. L accès à la veine cave inférieure par une ponction fémorale nécessite l utilisation de cathéters d une longueur 20 cm [6]. Le plus souvent, il faut donc privilégier une longueur de 24 28 cm pour s assurer d un débit vasculaire suffisant autour d un cathéter fémoral. Le débit sanguin affiché par les machines d épuration extracorporelle surestime en général le débit sanguin réel sous l influence de deux facteurs : la pression négative du circuit d aspiration ; le taux de recirculation (fraction du sang épuré réaspirée par le cathéter). Le débit affiché par les appareils d EER est une simple multiplication de la vitesse de rotation de la pompe à galet par la surface théorique du circuit d EER (Fig. 1). Cette surface théorique est celle mesurée lors de la fabrication, en absence de toute pression négative. Or, la pression négative régnant dans le circuit avant la pompe aboutit à une réduction du diamètre (donc de la surface) du circuit d EER, rendant le débit sanguin réel plus faible que le débit sanguin théorique (Fig. 1). Les mesures réalisées ont mis en évidence un écart de 8,5%avecledébit sanguin affiché pour une pression d aspiration de 200 mmhg et de 33 % à 400 mmhg [7]. Ainsi, avec une pression plus négative que 250 mmhg sur le circuit d aspiration (circuit rouge), l écart entre le débit sanguin réel et le débit affiché dépasse 10 %. La recirculation remet au contact de la membrane un plasma déjàépuré. Plus le taux de recirculation est élevé, plus le débit sanguin efficace est faible. Le taux de recirculation est influencé par : la distance entre les orifices d aspiration et de réinjection du sang sur le cathéter. Plus cette distance est élevée, moins il yaderecirculation ; le débit sanguin dans le vaisseau où se situe l extrémité distale du cathéter. Il faut que le débit sanguin autour de l extrémité distale du cathéter soit nettement plus important que le débit sanguin extracorporel. On voit ainsi que l oreillette droite est la situation idéale pour l extrémité interne du cathéter. Ainsi, les taux de recirculation mesurée par Kelber et al ont été de 4 5 % avec des cathéters jugulaires internes ou sous-claviers, contre 10 % pour des cathéters fémoraux de 24 cm et 18 % avec des cathéters fémoraux de 15 cm [8]. On peut par ailleurs souligner que l inversion des lignes (aspiration sur la voie bleue et retour sur la voie rouge du cathéter) augmente nettement le taux de recirculation (+20 % pour un cathéter jugulaire interne droit) [9]. Cette inversion des lignes peut être utilisée ponctuellement pour terminer une EER, mais, elle doit donner lieu à une analyse de la cause de dysfonction du cathéter afin d éviter son usage trop répété. Par ailleurs, chez les patients en bas débit cardiaque, la faible vitesse du sang augmente le taux de recirculation. 3. Sélection du site d insertion Chez les patients présentant un risque d insuffisance rénale définitive, par exemple les patients diabétiques, polyvasculaires ou ayant une néphropathie préalable, les recommandations actuelles sont d éviter l utilisation des veines sousclavières [6]. En effet, le taux de sténose veineuse observée après insertion d un cathéter d EER dans une veine sousclavière est de 42 50 %, contre 0 10 % pour une veine jugulaire [10 12]. Ces sténoses sous-clavières limitent considérablement les possibilités de réalisation de fistule artérioveineuse en cas d évolution vers une insuffisance rénale chronique. Le choix du site est donc souvent limité aux veines jugulaires internes ou fémorales. La veine jugulaire interne gauche a été longtemps considérée comme peu appropriée pour l insertion d un cathéter d EER, du fait de la double courbure imposée au trajet de ce dernier. Cependant, la disponibilité de cathéters récents plus souples et d une longueur suffisante (4 5 cm de plus qu en jugulaire interne droite) permet d utiliser la veine jugulaire interne gauche de manière satisfaisante. Pour les cathéters d EER aiguë, il existe peu de données sur le risque infectieux selon le site utilisé. Cependant, une étude récente sur 218 patients consécutifs (318 cathéters, 6235 j au total) constate un risque relatif de bactériémie de

316 M. Monchi / Réanimation 12 (2003) 313 317 Tableau 2 Complications liées à l insertion d un cathéter d EER Malposition du cathéter Hémorragies du site de ponction Pneumothorax. Pneumomédiastin Hémothorax. Hémomédiastin Hématomes Embolie gazeuse Paralysie du nerf récurrent Arythmies Arrêt cardiaque 3,1 pour les cathéters fémoraux (intervalle de confiance à 95 % : 1,8 à 5,2) par rapport aux cathéters jugulaires internes [13]. Ces données ont motivé les recommandations actuelles de la National Kidney Fundation de réserver les cathéters fémoraux aux patients confinés au lit et de ne pas les maintenir plus de 5 j [6]. 4. Insertion du cathéter Le Tableau 2 résume les principales complications pouvant être liées à l insertion du cathéter. L expérience de l opérateur semble être le principal facteur lié au risque de complications [14]. Le guidage échographique de l insertion semble diminuer nettement la fréquence de ces complications. Une revue de l ensemble des études randomisées concernant l insertion échoguidée constate un risque relatif de complication de 0,22 (intervalle de confiance à 95 %, 0,10 à 0,45) par rapport à l insertion non guidée par l échographie [15]. Il semble donc prudent, lorsque cela est possible (disponibilité du matériel adéquat), d utiliser un repérage échographique lors de l insertion des cathéters d EER [6]. Les variations anatomiques peuvent expliquer une partie des complications observées lors d une insertion non échoguidée. En effet, dans une étude échographique réalisée chez 104 patients, la fréquence des variations anatomiques de la jugulaire interne pouvant gêner l insertion d un cathéter a été de 26 % [16]. De plus, en cas de cathétérisation préalable de la veine, la fréquence des thromboses veineuses gênant la ponction peut atteindre 18 % [4]. On peut rappeler qu une radiographie thoracique doit être obligatoirement réalisée après toute ponction d une veine jugulaire ou sous-clavière et analysée avant l utilisation du cathéter mis en place. 5. Dysfonction du cathéter On parle de dysfonction lorsqu il est impossible d obtenir un débit sanguin adéquat avec un cathéter d EER (débit insuffisant avec de fréquentes alarmes). Les dysfonctions peuvent être précoces, c est-à-dire dès la première utilisation du cathéter ; ou tardives, après une première utilisation satisfaisante. Les causes de dysfonction précoce peuvent être : une coudure du cathéter sur son trajet. Cette éventualité est rare en position fémorale ou jugulaire interne droite. Il faut alors vérifier soigneusement le trajet du cathéter pour déceler les coudures à l examen clinique ou à l aide d une radiographie. On peut parfois corriger ces coudures en retirant de 1 ou 2 cm le cathéter. Le caractère thermoplastique de certains cathéters les rend plus souples après leur insertion et facilite la correction des coudures. Cependant, ces anomalies sont parfois impossibles à corriger de manière satisfaisante et imposent l insertion d un autre cathéter ; une mauvaise position de l extrémité du cathéter (idéalement dans la veine cave inférieure pour les cathéters fémoraux ou à l entrée de l oreillette droite pour les cathéters jugulaires et sous-claviers). Ces positions incorrectes sont le plus souvent dues à une longueur insuffisante des cathéters utilisés ; une hypovolémie avec collapsus veineux autour du cathéter. Il est alors possible d obtenir un débit sanguin extracorporel adéquat après un remplissage vasculaire. Les dysfonctions tardives sont généralement dues à une thrombose. Ces thromboses peuvent être internes au cathéter ou, plus rarement, externes. Il est généralement reconnu que l extrémité d un cathéter (surtout si elle est rigide) peut provoquer des lésions de l endothélium vasculaire et engendrer une thrombose extrinsèque. La prévention de ces thromboses repose sur une insertion soigneuse et sur des mesures générales de prophylaxie des thrombophlébites (héparines de bas poids moléculaire à utiliser avec prudence chez l insuffisant rénal). Le traitement des thromboses constituées est fondé sur l ablation du cathéter et une anticoagulation d au moins un mois, avec vérification échographique de la résolution de la thrombose [17]. Ces thromboses veineuses sont clairement à différencier des minces gaines de fibrine pouvant se constituer autour des cathéters, généralement après plusieurs jours. Ces gaines peuvent gêner le fonctionnement du cathéter, mais ne nécessitent pas d anticoagulation prolongée après ablation du cathéter. Les thromboses internes au cathéter sont les causes les plus fréquentes de dysfonction tardive. Ces thromboses peuvent toucher la lumière interne du cathéter ou les orifices d aspiration. La prévention de ces thromboses est absolument fondamentale et repose sur une injection vigoureuse de 10 ml de NaCl 0,9 % sur chaque voie après chaque utilisation, suivie de la mise en place d un «verrou» d anticoagulant dans chaque lumière du cathéter. Le volume de l anticoagulant doit être ajusté sur le volume de la lumière interne du cathéter (inscrit sur la brochure, généralement de 1 à 2 ml pour les cathéters non tunnelisés). Les verrous d anticoagulant utilisés actuellement sont de 2 types : les solutions d héparine (5000 ou 10 000 unités/ml) ou les solutions à base de citrate (citrate trisodique par exemple, solution de 30 45 %). Le citrate est un chélateur du calcium, empêchant ainsi toute possibilité de coagulation ou d activation plaquettaire. Par rapport à l héparine, le citrate présente plusieurs avantages : il n engendre pas de thrombopénie induite et son passage dans la circulation n engendre

M. Monchi / Réanimation 12 (2003) 313 317 317 pas d anomalie de l hémostase compte tenu des volumes utilisés, alors que l héparine, même avec les faibles volumes utilisés, peut entraîner un risque hémorragique (1 ml injecté en excès = 5000 à 10 000 unités). De plus, le citrate trisodique à 30 ou 45 % est bactéricide contre les staphylocoques et une grande variété de germes [18]. Ces faits expliquent son utilisation de plus en plus large comme verrou antithrombotique. Avant chaque utilisation, le contenu du cathéter (verrou) doit être aspiré, puis une injection vigoureuse de 10 ml de NaCl 0,9 % doit être effectuée sur chaque lumière afin de détacher les éventuels microcaillots obstruant les extrémités du cathéter (limite de contact entre l anticoagulant et le sang). En cas de thrombose interne au cathéter, chez les dialysés chroniques dont le capital veineux est précieux et les cathéters souvent tunnélisés, des verrous à base d urokinase ont été proposés afin de rendre le cathéter à nouveau fonctionnel (urokinase 5000 u/ml, injecter le volume correspondant au contenu du cathéter et le réaspirer après 30 min, à répéter éventuellement une seconde fois). Chez les dialysés chroniques, certains auteurs signalent un taux de succès de 70% avec ces verrous [19]. Cependant, en réanimation, en absence d infection du point de ponction, le moyen le plus efficace reste un changement de cathéter sur guide. 6. Infection du cathéter En réanimation, le traitement des infections liées aux cathéters d EER ne présente pas de particularité par rapport aux autres cathéters veineux centraux. On peut ici rappeler que pour les cathéters d EER, les taux d infection rapportés avec les cathéters fémoraux sont supérieurs à ceux des cathéters jugulaires (risque relatif de bactériémie à 3,1) [13]. Certains auteurs ont comparé un verrou à base de citrate et de gentamicine (deux volumes de citrate pour un volume de soluté à40 mg/l de gentamicine) avec le verrou à l héparine et ont constaté un risque relatif d infection sur cathéter de 0,10 par rapport au verrou à l héparine (intervalle de confiance à 95 % : 0,01 à 0,92) [20]. Cependant, les dosages sanguins de gentamicine (avant chaque dialyse) chez les patients exposés à ce verrou ont mis en évidence des taux médians de 2,8 mg/l, ce qui souligne un net passage systémique de cet antibiotique, sans que les conséquences en termes de toxicité ou de sélection de germes chez le patient ne soient évaluées. De plus, compte tenu des propriétés bactéricides des solutions de citrate (à concentration 30 %), le rôle propre de la gentamicine dans la prévention des infections n est pas simple àévaluer dans cette étude. Le verrou au citrate semble donc cumuler plusieurs avantages (antithrombotique, antibactérien) d après les études publiées. 7. Conclusion L accès vasculaire conditionne énormément les performances et le vécu des épurations extrarénales. L utilisation d un cathéter inadapté peut engendrer de fréquentes interruptions de flux sanguin et des surcoûts considérables par coagulation prématurée du circuit d EER. Il est donc important, à la fois sur le plan médical et sur le plan économique, d effectuer une réflexion sur le choix des cathéters et la stratégie d utilisation des sites de ponction dans chaque service. Références [1] Ronco C, Bellomo R, Homel P, Brendolan A, Dan M, Piccinni P, et al. 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