Long / Short Equity par Eric Debonnet Directeur de la Recherche et de la Gestion des Risques Styles et sous-stratégies Les principaux styles sont les suivants : Approche macro économique ou topdown : les gérants ont une bonne compréhension de la macro économie et sélectionnent d abord des zones géographiques ou des secteurs d activité. Les décisions sont discrétionnaires et empiriques. La sélection des valeurs se fait dans un second temps. 14 Définition HDF Finance Les fonds Long / Short Equity (ou «Equity Hedge») interviennent uniquement sur les marchés actions. Ils visent à réaliser une performance absolue, avec un minimum de corrélation avec les indices actions. Afin de réaliser cet objectif, les gérants de fonds Long / Short Equity se distinguent de la gestion actions traditionnelle principalement par leur capacité à prendre des positions vendeuses à découvert sur des actions individuelles. Cette stratégie repose donc sur la capacité à réaliser une bonne sélection de valeurs à l achat comme à la vente. Des compétences micro économiques («stock-picking») sont donc indispensables. Selon le style ou le type de stratégie mise en œuvre, une bonne vision macro économique (timing, choix des zones géographiques, secteurs) est également nécessaire. Les produits sur lesquels ces fonds investissent sont avant tout les actions individuelles, mais aussi les indices sur actions, les futures options, ainsi que les trackers. Le risque pris par un fonds Long / Short Equity est fonction de ses expositions brute et nette : l La somme des positions acheteuses et vendeuses (long + short) représente l exposition brute. Cette exposition peut être supérieure à l actif géré, on parle alors d effet de levier. l La différence entre les longs et les shorts est l exposition nette, c est-à-dire l exposition aux mouvements directionnels des marchés actions. Exemple : Actif 100 / Positions à l achat 90 / Positions à la vente 50 => expo. brute 140 (levier 140%) et expo nette 40% (le fonds gagne 4% si le marché monte de 10%) La source de performance est double : l Le beta : généré par l exposition du fonds au niveau du marché (expo nette). l L alpha : c est le surplus de performance ; il provient des gains sur les choix de stockpicking (longs et shorts). Exemple : un fonds avec une exposition nette constante de 40%, réalise 9% de performance dans un marché qui a progressé de 10% => sa performance se décompose en BETA 4% (40% de 10%) + ALPHA 5% (9% -4%). l La dispersion entre les titres ou les secteurs doit être suffisamment importante pour que les opportunités existent. Au sein de l industrie de la gestion alternative, la stratégie L/S Equity est dominante en termes d actifs. Mais son poids diminue doucement depuis 2000, représentant 56% de l industrie à cette époque contre 32% aujourd hui. 100% 80% 60% 40% 20% 0% 2000 Q1 2010 n Equity LS n Event Driven n Macro n Relative Value Risque et exposition d un L/S Equity Approche micro économique ou bottomup : l analyse financière des sociétés est privilégiée avant tout, plutôt que le secteur ou le pays d origine de l entreprise. L étude des états financiers, des ratios de chaque entreprise permet de déterminer les décisions d achat ou de vente. Pour ces 2 approches, l horizon nécessaire d investissement est de plusieurs mois, afin que les anticipations se réalisent. Approche technique ou statistique : basée sur l analyse des cours passés, elle cherche à prédire les cours futurs en intervenant de manière systématique à l achat et à la vente en fonction des signaux fournis par des modèles quantitatifs. L horizon d investissement est plus court et varie de quelques jours à quelques semaines. Approche avec catalyseur : les gérants attendent un événement particulier concernant l entreprise avant de se positionner, il peut s agir de l annonce d une fusion, acquisition, changement de stratégie, restructuration, faillite Ces stratégies sont nommées «Risk Arbitrage» ou «Event driven», et bien qu essentiellement investies sur les actions, elles ne sont pas considérées comme des L/S Equity. Il existe également différentes sous-stratégies au sein de la classe «Long / Short» : Gérants opportunistes : ils représentent la grande majorité de l industrie. Ce type de gérant applique son processus de sélection
Novembre 2010 Swiss Global Finance Magazine. No 6 de valeurs de façon opportuniste et son exposition nette au marché (long - short) peut fluctuer en fonction des résultats de sa recherche bottom-up. Les L/S Equity «low beta» auront de -20 à +20% d exposition nette. Les L/S Equity «flexible» pourront faire varier celle-ci de 0 à 100%. Risque : performance limitée en cas de niveau de volatilité insuffisant. Gérants à biais short (ou «short sellers») : l approche «short selling» a deux composantes. D une part, les gérants sont spécialisés dans l identification de valeurs sur cotées (en général, ils se concentrent sur les plus grosses capitalisations). D autre part, une partie des profits de cette stratégie est générée par les intérêts provenant de la vente à découvert des titres. Risque : pertes dans les marchés haussiers et «short squeeze». Gérants «market neutral» : ce type de stratégie a pour but principal d offrir une performance stable avec une faible volatilité sans corrélation à l environnement de marché. L exposition nette est proche de 0. L approche utilisée consiste principalement à identifier une paire de valeurs au sein d un même secteur, l une étant sous cotée et l autre sur cotée. Cette stratégie est souvent assimilée à l arbitrage statistique. Risque : performance limitée en cas de niveau de dispersion insuffisant. Gérant Sectoriels : dans ce cas de figure, le gérant possède une expérience et un accès privilégié à l information qui le pousse à se concentrer sur un secteur donné. Il existe notamment de nombreux fonds spécialisés sur les TMT ou les matières premières. Au sein de leur secteur, les gérants adoptent généralement un biais long. Risque : subir la tendance des marchés malgré une bonne analyse sectorielle. Gérant spécialisés par type de valeurs : les gérants sont parfois aussi spécialisés selon la capitalisation boursière des actions. Les compétences requises sont différentes pour une «grosse» valeur (large cap) dont la liquidité et le niveau de transparence sont importants, par rapport à une petite capitalisation (small cap) pour laquelle une analyse financière interne plus poussée est indispensable (peu d informations publiques). Le niveau d exposition à la direction des marchés actions varie selon les tailles de capitalisation boursière, ainsi que l horizon d investissement. Performances Performance relative aux marchés actions La surperformance par rapport aux indices actions (MSCI World en devises locales et dividendes réinvestis) est nette. Sur près de 12 ans, soit depuis la création de l indice Equity Hedge (moyenne de l ensemble des L/S Equity), un investissement en L/S Equity a permis de multiplier par 2.5 le capital de départ, alors que les actions mondiales ont une performance quasi-nulle. 300 250 200 150 100 50 0 déc-98 juin-99 Sur le tableau ci-dessous, l indice HFRI- Equity Hedge est comparé à l indice actions S&P 500 sur différentes périodes. Source : HFRI Equ hedge - au 31/12/2009 1 Year Performance 2 Years Cumulative performance 3 Years Cumulative performance 5 Years Cumulative performance 10 Years Cumulative performance Performance since HF Index creation 1989 Volatility La surperformance du long short actions sur le moyen/long terme est incontestable et s explique de trois manières : L/S L/S Equity vs. indice actions HFRI Equity Hedge déc-99 juin-00 déc-00 juin-01 déc-01 juin-02 déc-02 juin-03 déc-03 juin-04 déc-04 juin-05 l Par la migration des meilleurs experts de l industrie classique vers l industrie alternative. En effet, l esprit de compétition et de créativité, la recherche de l excellence, la structure entrepreneuriale et l intérêt intellectuel de ces techniques de gestion offertes dans les hedge funds attirent les meilleurs gérants classiques qui ont déjà fait leurs preuves comme «stock pickers» dans la gestion traditionnelle. La meilleure rémunération liée en grande partie à la MSCI World LC Net TR déc-05 juin-06 déc-06 juin-07 déc-07 juin-08 déc-08 juin-09 déc-09 juin-10 Source : HFR- HDF Research performance générée explique aussi cette migration des talents. Long/Short Equity (USD) 24.6% -8.6% 0.9% 24.7% 69% 1321% 9.2% S&P 500 (USD) 26.2% -21.2% -16.9% 0.2% -16.8% 383% 16.6% l Par la liberté de gestion. En effet, les gérants sont libres et n ont pas de contraintes de sélection «tracking error», ni réels benchmarks, ce qui leur donne l opportunité de créer de l alpha à la hausse et à la baisse des marchés. www 15
l Par la diversité des outils offerts dans les hedge funds. Les gérants peuvent utiliser un peu de levier ou se mettre en cash et faire varier activement leurs expositions (beta) aux marchés grâce à la vente à découvert. Cette flexibilité leur permettant une surexposition au marché dans les périodes de volatilité basse (marchés haussiers) et une sous exposition dans les périodes de volatilité élevée (marchés baissiers). Performance relative aux autres stratégies de hedge funds Les performances annuelles depuis 2000 pour le L/S Equity et pour l ensemble des hedge funds sont détaillées ci-dessous. La stratégie long short actions a fait mieux que la moyenne des stratégies de hedge funds une fois sur deux (5 années sur les 10 dernières). L année 2008 a été très pénalisante. Le L/S Equity a la possibilité d emprunter des titres pour les vendre et encaisser le produit de cette vente. Le solde des achats et ventes sera disponible pour de nouveaux investissements, c est l effet de levier. Prêt-emprunt de titres Le prêt-emprunt de titres («securities lending») est un contrat par lequel un prêteur transfère, pour une durée prédéterminée, à un emprunteur une quantité donnée d un titre donné. En pratique, le fonds qui emprunte des titres devra déposer une garantie auprès du prêteur, sous forme de titres ou de cash : c est le collatéral. Fonctionnement d un L/S Equity graphique 1 Prêt-emprunt de titres graphique 2 Points forts l L exposition à la direction des marchés (beta) n est pas la seule source de performance, et la surperformance procurée par l alpha est réelle sur longue période. 16 Ainsi, de début 2000 à fin juillet 2010, la stratégie L/S Equity a sous-performé l indice de l ensemble de la gestion alternative, avec une performance de +70% (HFRI Equity Hedge Index) contre +88% pour l ensemble des stratégies (HFRI Fund Weighted Composite Index). Les raisons pour lesquelles les investisseurs ont préféré et préfèrent allouer sur le long short plutôt que sur d autres stratégies qui ne sont pas uniquement liées à la performance. En effet, le long short Equity est plus facile à comprendre et moins complexe. Pour une institution ou un fonds de pension, il est donc plus facile de convaincre un «board» d entrer dans l alternatif via du long short actions. Fonctionnement de la stratégie Long / Short et effet de levier Exemple : Le fonds dispose d un actif sous gestion de 1000. Dans le cas d un fonds action «classique», s il achète 1000 d actions X, il ne peut plus réaliser d autres investissements. Ce collatéral permet au prêteur de se prémunir contre le risque de non-restitution des titres à l échéance de l opération. Son montant varie en fonction du risque et de la valeur de marché des titres prêtés. L emprunteur paiera des intérêts au prêteur sur la durée du prêt de titres. (graphique 2) Les prêteurs sont principalement des sociétés de gestion possédant de grandes quantités de titres détenus sur de longues durées : banques d investissements, fonds de pension, OPCVM, compagnies d assurances. Elles obtiennent ainsi un surcroît de rémunération pour des actions qu elles détiennent. Depuis quelques années, le marché du prêtemprunt connaît une croissance soutenue et pèse aujourd hui environ 6 000 milliards de dollars selon l ISLA (International securities lending association). l Les fonds offrent une bonne liquidité puisque leurs investissements sont liquides (en général mensuelle). C est la meilleure liquidité (avec les fonds de futures) parmi les différentes stratégies de hedge funds. Lors de la crise de 2008, très peu de fonds L/S Equity ont suspendu les remboursements ou créé des side-pockets. l La valorisation des positions du fonds est simple et sans équivoque : prix officiels et transparents (stock exchanges). l Le levier est simple et direct (prêt-emprunt de titres) et il est limité. Rares sont les fonds L/S Equity dont l exposition est durablement supérieur à 200% de leur capital. l Ils offrent une protection à la baisse des actions, tout en accompagnant les hausses. Un bon long short actions réalise, en moyenne, sur un cycle complet deux tiers des hausses du marché actions et un tiers des baisses.
Novembre 2010 Swiss Global Finance Magazine. No 6 170 160 150 140 130 Performances: Alpha et Beta Performances : Alpha et Beta Alpha Les Long Short Equity n ont en moyenne pas généré de valeur sur leur Beta au cours des 10 dernières années. En revanche la génération d alpha est significativement positive et robuste. Mais elle inclut un biais du survivant. 120 110 100 90 Beta 80 70 nov-00 févr-01 mai-01 août-01 nov-01 févr-02 mai-02 août-02 nov-02 févr-03 mai-03 août-03 nov-03 févr-04 mai-04 août-04 nov-04 févr-05 mai-05 août-05 nov-05 févr-06 mai-06 août-06 nov-06 févr-07 mai-07 août-07 nov-07 févr-08 mai-08 août-08 nov-08 févr-09 mai-09 août-09 nov-09 févr-10 mai-10 Beta Alpha (+survivorship bias) En perdant beaucoup moins à la baisse que les marchés, la stratégie long short actions compense sa perte plus rapidement, et bat largement les actions sur presque tous les cycles avec une volatilité beaucoup plus faible. Points faibles l Il existe une corrélation de la performance avec celle des marchés actions, mais la corrélation n est pas le «beta» et celui-ci est assez faible. Le tableau ci-dessus identifie les périodes de hausse (Bull) et de baisse (Bear) des actions sur 10 ans, et compare les performances de la stratégie contre le S&P 500. La résistance à la baisse apparaît clairement lors des 2 périodes de fort repli des actions. 310 260 210 160 110 60 déc-98 avr-99 août-99 déc-99 avr-00 août-00 déc-00 avr-01 août-01 déc-01 avr-02 Corrélation et beta Corrélation et Beta août-02 déc-02 avr-03 août-03 déc-03 avr-04 août-04 déc-04 avr-05 août-05 déc-05 avr-06 août-06 déc-06 avr-07 août-07 déc-07 avr-08 août-08 déc-08 avr-09 août-09 HFRI Equity Hedge MSCI World LC Net TR Correl Beta La corrélation entre la stratégie Long Short et le marché a significativement augmenté au cours du temps, passant de 0.7 en 2001 à 0.93 aujourd hui. Cependant, le Beta s établit en moyenne autour de 0.5. déc-09 avr-10-0,20-0,40-0,60-0,80-1,00 BOUCHON 1,00 0,80 0,60 0,40 0,20 0,00 l Les chocs à la hausse de la volatilité sont préjudiciables (perte de rationalité des intervenants, chute de la liquidité des marchés). l Une trop forte corrélation entre les actions ou les secteurs est préjudiciable. En effet, si tous les titres montent et baissent en même temps, sans différenciation, peu d écarts se créent entre les titres, et donc les opportunités d acheter une valeur pour en vendre une autre sont plus rares. A fin juin 2010, les 1000 valeurs de l indice Russel US avaient entre elles une corrélation de 0.70, davantage que lors du krach de 1987, de l attentat du 11 septembre 2001 ou de la faillite de Lehman Brothers ; le record historique de la crise de 1929 est égalé. Ceci explique les performances assez mitigées des L/S Equity au cours des derniers mois (+0.45% depuis le début de l année à fin juillet). Cette forte corrélation entre les 17
Perf L/S last 6M 40% 30% 20% 10% 0% -10% -20% y = -0,0051x + 0,0854 R 2 = 0,1646 valeurs est en partie attribuable à la raréfaction des acteurs sur les actions : les desks de trading des banques d investissement sont moins bien dotés en capital, les institutionnels sont pénalisés par les nouvelles règles Solvency 2 ou Basel 3.... Toutefois, un tel niveau de corrélation est intenable sur plusieurs trimestres, et la dispersion va donc revenir, ce dont profiteront alors les gérants L/S Equity. n -30% -30-20 -10 0 10 20 30 40 50 Variation VIX over last 6M Arguments positifs n Univers d investissement très large n Diversité géographique, sectorielle, tailles de capitalisation n Sous jacents transparents et liquides n Peu de risque de contrepartie (sauf prêt de titres) n Attirent les meilleurs experts/analystes fondamentaux n Bonne traçabilité de la performance (beta+alpha) n Surperforment dans les régimes de faible et moyenne volatilité Synthèse des forces et faiblesses Arguments négatifs n Mono classe d actif n Biais directionnel = performances stables ou négative en marchés baissiers n Exposés aux chocs de volatilité n Sous performe en régime de forte volatilité ou de faible dispersion n Risques de concentration sectorielle, thématique, géographique n Small caps illiquides n Approche souvent MT à LT basé sur de l analyse fondamentale, peu de traders (Short Term) n Surperforment les autres stratégies alternative dans les marchés n Short «single stocks» parfois difficile (absence de prêteurs) bull, bénéficient du beta n Création d alpha en l absence de tendance n Risques extrêmes limités n Peu de levier n Liquidité souvent mensuelle n Vision macro souvent absente n Expertise du macro hedging souvent limitée BOUCHON 18