Broncho-pneumopathie chronique obstructive (227) J. Orehek, M.P. Lehucher-Michel, C. Pinet Novembre 2005



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Broncho-pneumopathie chronique obstructive (227) J. Orehek, M.P. Lehucher-Michel, C. Pinet Novembre 2005 1. Introduction Littéralement le sigle BPCO regroupe les bonchopathies et les pneumopathies qui ont en commun un déficit ventilatoire obstructif (DVO) chronique. Le DVO correspond à une diminution du rapport volume expiratoire maximal seconde (VEMS)/capacité vitale (CV). Le terme «chronique» n est pas précisément défini mais il doit être entendu au sens de «irréversible». Dans un cadre ainsi défini pourraient donc entrer des bronchopathies comme l asthme, les dilatations des bronches et des maladies parenchymateuses comme la lymphangioleiomyomatose. En fait, l usage réserve l appellation BPCO à la bronchopathie et à la pneumopathie (emphysème) provoquées par le tabagisme chronique. Il est traditionnel -et facile- de perpétuer cet usage lorsqu on expose le sujet de la BPCO en excluant de l exposé les pathologies non tabagiques. Cependant, en pratique, le diagnostic différentiel n est pas toujours facile, notamment avec l asthme. Par contre, toujours par tradition, on traite habituellement avec la BPCO l emphysème dit primitif, par déficit en alpha 1 antitrypsine. L usage, en matière de BPCO, s explique par l histoire. Il faut se rappeler que le tabagisme est un phénomène relativement récent (la cigarette s est généralisée après la première guerre mondiale). Comme la BPCO tabagique met des années pour se constituer, la reconnaissance de cette pathologie est encore plus récente. (Par contre, l asthme et les dilatations des bronches, qui ont des caractères communs avec la BPCO tabagique, sont aussi vieux que l humanité). Par définition la BPCO ne pouvait naître avant l invention de la spirométrie (entrée dans l usage courant à la fin des années 40) nécessaire au diagnostic du DVO. Pour ces raisons, c est seulement dans les années 50 que le monde occidental a brusquement pris conscience d une pathologie broncho-pulmonaire liée au tabac et de son importance épidémiologique, en termes de nombre de patients et de sévérité. Cette prise de conscience s est d abord faite sous la forme de la bronchite chronique : nombre de fumeurs étaient catarrheux (c est à dire : toussaient gras et expectoraient de façon chronique). L ampleur du phénomène fut apprécié par des enquêtes épidémiologiques par questionnaire. Parallèlement, il devint très vite évident que la plupart de ces catarrheux avaient également, lorsqu on les faisait souffler dans le spiromètre nouvellement inventé, un DVO. De leur côté, les anatomopathologistes montrèrent que catarrhe et DVO étaient associés à des lésions inflammatoires sclérosantes des bronches et à des destructions du parenchyme pulmonaire : l emphysème. Les physiologistes, quant à eux, démontrèrent que la diminution du VEMS (un indice de débit expiré maximal, dont la diminution relativement à la CV définit le DVO) résultait de deux mécanismes : obstruction véritable des bronches (la bronchopathie) et perte de l élasticité pulmonaire (l emphysème). Cette dernière participe à la diminution des débits expirés maximaux de deux façons : diminution de la pression motrice expiratoire ; diminution du calibre des bronches par diminution de la traction élastique qui les maintient ouvertes. Comme la bronchopathie obstructive et l emphysème sont très souvent associés, comme les deux ont un facteur étiologique commun (le tabac), comme les deux provoquent la diminution DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 1

des débits expirés maximaux sans qu il soit facile de départager ce qui revient à chaque mécanisme, comme il n y a pas d intérêt en terme de pronostic et de traitement à tenter de faire ce partage, il fut proposé de regrouper la bronchopathie et la pneumopathie tabagique dans un même cadre : la BPCO. Ces raisons historiques demeurent valables aujourd'hui. 2. Définitions 2.1. Bronchite chronique toux et expectoration trois mois par an au moins depuis au moins deux ans, qui ne sont pas liées à des dilatations des bronches. On notera que le qualificatif de chronique est ici précisément défini, ce qui n est pas le cas du chronique de BPCO. 2.2. Emphysème distension permanente des espaces aériens, au-delà de la bronchiole terminale, avec destruction des parois alvéolaires (l adjectif "permanente" et la destruction alvéolaire différencient cette distension de celle de l asthme) ; à cette destruction alvéolaire s ajoute souvent une raréfaction vasculaire (dans l emphysème pan-lobulaire). 2.3. Comparaison Si l on compare ces deux définitions -qui sont aussi les critères du diagnostic de ces affections- à celle de la BPCO on constate que le diagnostic de bronchite chronique repose sur l interrogatoire, celui d emphysème sur l anatomie pathologique et celui de BPCO sur la spirométrie. On remarquera donc que ces trois entités pathologiques sont distinctes, même si elles sont proches car souvent associées : il faut se garder d utiliser ces trois appellations de façon interchangeable, et, notamment, de dire «bronchite chronique» alors que l on veut parler de "BPCO". 3. Epidémiologie Le risque de confusion sémantique signalé ci-dessus est particulièrement embarrassant ici. En effet, beaucoup d études épidémiologiques avaient pour but d apprécier la prévalence et l incidence de la bronchite chronique : elles ont donc été faites en administrant un questionnaire aux populations étudiées. On est ainsi arrivé à la conclusion que la bronchite chronique affecte environ deux millions cinq cents mille personnes en France. Mais ces deux millions cinq cents mille bronchitiques chroniques souffrent-ils aussi de BPCO? La question est importante maintenant que l on sait que bronchite chronique et BPCO sont souvent mais pas nécessairement associées (voir paragraphe 5). Les études épidémiologiques basées sur la spirométrie -pour évaluer la BPCO- sont plus rares. Elles ont cependant abouti à la même conclusion : dans le monde occidental la BPCO est un des principaux problèmes de santé publique (quatrième cause de mortalité aux U.S.A.). Et la mondialisation du tabagisme, ainsi que l augmentation de l espérance de vie (consécutive à l amélioration de l hygiène et de la lutte contre l infection) permettent d affirmer que le reste du monde est également concerné : ce que confirment les données épidémiologiques les plus récentes (ainsi la BPCO devient un des principaux sujets de préoccupation sanitaire pour la Chine). En France, la BPCO est -de loin- la principale cause d insuffisance respiratoire chronique grave : 30 000 à 40 000 malades sont concernés avec vingt mille morts par an (chiffre voisin de la mortalité par cancer du poumon). DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 2

La large prédominance masculine de l affection reflète la répartition inégale du tabagisme selon le sexe au cours des décennies passées. La tendance actuelle étant à l égalisation, il est probable que dans les décennies futures la physionomie de la BPCO en sera également modifiée. 4. Facteurs étiologiques 4.1. La responsabilité du tabac La responsabilité du tabac est écrasante, rendant les autres facteurs négligeables. Comme seulement 15 à 20 % des fumeurs réguliers développent une BPCO, il est cependant clair que d autres facteurs interviennent. Prédisposition génétique ou autres facteurs environnementaux? La question n est pas précisément résolue. Le rôle de l hérédité n est pas facile à étudier dans le cas d une maladie relativement récente et qui met plusieurs décennies pour se développer. 4.1.1. Rôle prédisposant des infections respiratoires de la petite enfance Parmi les nombreux facteurs incriminés en plus du tabagisme celui qui ressort le plus nettement est le rôle prédisposant des infections respiratoires de la petite enfance (virus et/ou infections bactériennes?). 4.1.2. Les autres facteurs Parmi les autres facteurs il faut citer 4.1.2.1. Pollution atmosphérique. 4.1.2.1.1. La pollution urbaine a un rôle nocif dans les BPCO évoluées, parvenus au stade d insuffisance respiratoire. Il est d ailleurs probable que cet effet ait été plus important dans les années 50-60 (le chauffage au charbon créant un smog à base de SO2 très irritant) qu à l heure actuelle où la pollution par l industrie et le chauffage domestique a régressé même si la pollution par l automobile a augmenté. On notera que le monitorage de la pollution atmosphérique est récent (très récent pour l ozone), ce qui rend impossible les comparaisons par époques. Mais, si la pollution atmosphérique a un rôle favorisant, son rôle en tant que facteur causal, s il existe, est probablement faible. 4.1.2.1.2. La pollution domestique (cuisine au gaz émettant du dioxyde d azote, NO 2 ) n a pas été vraiment étudiée. 4.1.2.1.3. La pollution professionnelle La pollution professionnelle est tellement variable dans sa nature qu il est impossible de tirer des conclusions générales. Ainsi la pneumoconiose du mineur de charbon (maladie professionnelle n 91) et de fer (maladie professionnelle n 94) s accompagne souvent de BPCO (laquelle peut même exister sans pneumoconiose). Par contre, l exposition à l amiante ne provoque pas de BPCO. Autrefois, les travailleurs du textile étaient fréquemment affectés par la byssinose (maladie professionnelle n 90 et n 54 du régime agricole), une bronchopathie chronique. En milieu rural, il existe une bronchopathie chronique des éleveurs DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 3

de porcs. L étude de ces différentes pollutions professionnelles est compliquée (en plus de la nature variable et complexe de la pollution) par l extrême fréquence du tabagisme chez les travailleurs. L exposition à la fumée de cadmium est cependant une cause reconnue d emphysème. Les travailleurs des silos à grains (exposés au NO 2 ) peuvent aussi développer des lésions d emphysème. En cas de suspicion de BPCO professionnelle (notamment, devant un tableau de BPCO chez un travailleur non fumeur), le médecin doit se rapporter au Tableau des Maladies Professionnelles et, éventuellement, faire appel au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (voir Annexe). 4.1.2.2. Forme frustre de déficit en alpha 1 antitrypsine. En 1964 Eriksson découvrit l emphysème primitif -une forme très rare d emphysème- par déficit en alpha 1 antitrypsine, déficit qui fut relié à une anomalie génétique homozygote. Les hétérozygotes, beaucoup plus nombreux, n ont pas de déficit mesurable mais on pensa alors que l hétérozygotie pouvait prédisposer les fumeurs à la BPCO tabagique. Les études sur le sujet aboutirent cependant à des conclusions négatives. 4.1.2.3. Capacité à sécréter des IgE (on a même évoqué une allergie au tabac). 4.1.2.4. Hyperréactivité bronchique. Incriminée par les auteurs hollandais comme un facteur étiologique de la BPCO son rôle est encore plus obscur ici que dans l asthme. 5. Anatomie-pathologique 5.1. Lésions bronchiques Hyperplasie des cellules a mucus et hypertrophie des glandes muqueuses. Inflammation pariétale (à polynucléaires neutrophiles). Sclérose (fibrose) de la paroi bronchique. Résultat : hypersécrétion, déformations bronchiques et rétrécissement du calibre des voies aériennes. 5.2. Lésions parenchymateuses Destruction des septas alvéolaires ; perte de continuité entre les alvéoles et les bronchioles (rappelons que la plupart des voies aériennes sont intra-parenchymateuses). Cette destruction prend souvent la forme de bulles (néocavités arrondies) dont la taille varie de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres (l usage veut que l on réserve le nom de bulle à une formation supérieure à 1 cm de diamètre). 5.3. Topographie Au niveau bronchique on distingue les grosses voies aériennes, siège de l hypersécrétion, des petites voies aériennes (calibre inférieur à 2 mm), siège d une véritable bronchiolite oblitérante. Au niveau parenchymateux, on distingue aussi deux formes d emphysème. L emphysème centro-lobulaire prédomine dans les sommets : l emphysème siège aux pourtours de la bronchiole qui centre le lobule pulmonaire, respectant sa périphérie où DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 4

on trouve une couronne d alvéoles qui restent perfusées. L emphysème pan-lobulaire, au contraire, prédomine dans les parties inférieures du poumon et détruit l ensemble du lobule, alvéoles et capillaires, créant donc une atteinte parallèle de la ventilation et de la perfusion. 6. Pathogénie 6.1. Concept intuitif des années 60 Dans les années 60 prévalait le concept intuitif suivant : l irritation chronique par la fumée de tabac provoque l hypersécrétion bronchique (en modifiant l appareil sécrétoire du mucus) ; laquelle favorise les infections bronchiques ; lesquelles finissent par provoquer les lésions d obstruction bronchique et l emphysème. Dans ce concept, «la bronchite chronique simple» (pas de DVO mesurable à la spirométrie) précédait et provoquait «la bronchite chronique obstructive» (DVO présent). 6.2. Travaux de Fletcher et Peto Mais les travaux de Fletcher et Peto, deux épidémiologistes anglais ont démontré la fausseté de ce concept. En fait, on doit considérer que le tabagisme chronique provoque chez certains fumeurs deux maladies différentes : une maladie des grosses voies aériennes, qui se traduit par l hypersécrétion chronique (bronchite chronique) et la tendance aux infections, une maladie des petites voies aériennes et du parenchyme (bronchiolite et emphysème) responsable du DVO. Généralement les deux maladies sont associées mais elles peuvent être dissociées : certains patients atteints de bronchite chronique ne développent jamais de DVO ; au contraire, certains patients peuvent souffrir de DVO très sévère sans tousser ni cracher de façon chronique. (On remarquera que le terme de bronchite chronique obstructive devrait être abandonné car même s il est sémantiquement adéquat lorsque les deux maladies co-existent, il continu à véhiculer le concept ancien erroné- d où il est né). Trois points à retenir : La maladie grave, génératrice de handicap respiratoire, d insuffisance respiratoire et éventuellement, du décès du malade, c est évidemment la maladie b). La bronchite chronique isolée est une maladie bénigne (même si elle est cause de morbidité via les infections respiratoires qu elle favorise). La maladie a) n influence pas la maladie b) (d après Fletcher et Peto, ni l importance de l hypersécrétion, ni la fréquence des infections respiratoires n influencent le développement du DVO). Sauf à un stade très avancé de celle-ci : lorsque le DVO est extrême, il est évident qu une infection provoquant une augmentation des sécrétions sera souvent la goutte d eau faisant déborder le vase, précipitant le malade dans l insuffisance respiratoire aiguë (voir : exacerbation de BPCO ci-dessous). La bronchiolite tabagique responsable d un DVO ne doit pas être confondue avec la maladie des petites voies aériennes du fumeur, très à la mode dans les années 70, bien qu elles concernent les mêmes voies aériennes. Le concept de maladie des petites voies aériennes est né à la suite d observations autopsiques faites chez des fumeurs de 20 ans décédés accidentellement, montrant qu il existait très tôt dans la vie du fumeur des lésions inflammatoires des voies aériennes de calibre inférieur à 2 mm. Mais à ce stade, la maladie des petites voies aériennes ne provoque pas de modification mesurable du VEMS. Car cet indice de débit reflète principalement la résistance des grosses voies aériennes à l écoulement de l air (la surface totale de section des voies DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 5

aériennes augmente de la trachée vers l alvéole, ce qui entraîne une diminution de la résistance des voies aériennes). Pour explorer spécifiquement les petites voies aériennes on développa alors des mesures fonctionnelles particulières (tels la mesure des débits expirés maximaux à bas volume pulmonaire, du volume de fermeture, de la compliance à fréquence respiratoire croissante). Et de fait, on constata que ces mesures étaient perturbées chez nombre de jeunes fumeurs. Cependant, on ne put mettre en évidence à l aide de ces tests l existence de facteurs permettant de prédire le développement ultérieur, à l âge mûr, de la BPCO tabagique (c està-dire, avec altération du VEMS). On peut penser que la BPCO tabagique correspond à une aggravation de la maladie des petites voies aériennes telle que l'oblitération progressive, au fil des années, de petites voies aériennes de plus en plus nombreuses, aboutit finalement à altérer le VEMS. Ou qu elle reflète principalement l installation de lésions emphysémateuses responsables, à côté de l oblitération des petites voies aériennes, de la diminution du VEMS. Une conclusion reste sûre : la maladie des petites voies aériennes est présente (mais indétectable par la mesure du VEMS) chez beaucoup de fumeurs de 20 ans, mais seulement 15 à 20 % évolueront vers une maladie réduisant massivement le VEMS à l âge mûr et provoquant un handicap sévère, souvent mortel. 6.3. Répartition différente de l emphysème centro-lobulaire (en haut) et pan-lobulaire (en bas) Elle s explique par des différences dans les mécanismes qui les provoquent. L emphysème centro-lobulaire peut être qualifié de bronchogénique car la lésion initiale est la bronchiolite oblitérante : l inflammation diffuse en pourtour de la bronchiole, au centre du lobule. L emphysème pan-lobulaire peut être qualifié d hématogénique car lié à la circulation pulmonaire, laquelle prédomine dans les bases lorsque le thorax est en position verticale. Chez les fumeurs, les protéases créant les lésions emphysémateuses proviennent des polynucléaires neutrophiles. Pour l emphysème pan-lobulaire hématogénique, il s agit probablement des polynucléaires neutrophiles amenés dans le poumon par la circulation (et peut être trappés préférentiellement dans le poumon) : on sait que les fumeurs ont une leucocytose à polynucléaires neutrophiles. On ne sera donc pas surpris d observer dans le poumon de beaucoup de fumeurs atteints de BPCO la co-existence de lésions d emphysème centro-lobulaire et pan-lobulaire. En cas d emphysème primitif par déficit en α 1 antitrypsine, la localisation préférentielle dans les bases et le caractère pan-lobulaire de l emphysème s expliquerait aussi par la circulation sanguine. Mais cette fois la circulation n amènerait pas les antiprotéases protectrices. 7. Physiopathologie Obstruction bronchique et diminution de la pression motrice rendent la sortie de l air (l expiration) difficile. Lorsque le malade cherche à souffler plus fort, en mettant en action ses muscles expiratoires, cette action se perd car les bronches se collabent (conséquence : l expectoration est difficile). Les zones emphysémateuses se vident mal (trappage) et peuvent ne pas se vider du tout et se mettre en hyperpression (notamment lorsque la voie aérienne qui les draine se ferme au cours de l expiration). Pour retrouver une certaine force élastique, le malade déplace son niveau ventilatoire à plus haut volume (le parenchyme «tire» alors sur les bronches pour les ouvrir). Ce qui représente une charge considérable pour les muscles inspiratoires. D autant que ceux-ci doivent DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 6

augmenter le débit inspiratoire (pour compenser l augmentation du temps requis pour l expiration) et que le diaphragme est peu efficace en raison de sa courbure anormale : le diaphragme est aplati. L ensemble de ces facteurs aboutit à une hyper inflation thoracique considérable. Les lésions d emphysème et de bronchiolite sont réparties de façon hétérogène à travers les poumons. La ventilation peut être plus ou moins perturbée selon les acinus et selon les régions pulmonaires. L ajustement de la ventilation à la perfusion est également variable, la maladie s'ajoutant aux variations normales qui dépendent de la pesanteur. L emphysème centrolobulaire perturbe plus les échanges gazeux que l emphysème panlobulaire car il persiste à la périphérie du lobule des alvéoles vascularisées : comme leur ventilation est réduite par la maladie de la bronchiole, il en résulte un effet shunt (le sang qui arrive veineux ressort du lobule insuffisamment artérialisé). 8. Circonstances de découverte Le diagnostic est souvent très tardif, à un stage de DVO extrême, voire d insuffisance respiratoire grave (et même lors du premier épisode de décompensation conduisant à l hospitalisation en secteur de soins intensifs). Raison de ce retard : la maladie se développant progressivement, lentement, sur deux ou trois décennies, le patient ne se rend pas compte de son handicap car il a le temps de s y habituer. Il développe des stratégies pour économiser son souffle, ménager ses efforts. Et ces stratégies, il en a peu ou pas conscience, pas plus que son entourage. En bref, il ne se sait pas «malade respiratoire». En effet, toux et expectoration, -la bronchite chronique- qui sont fréquentes et faciles à retrouver par l interrogatoire, n amènent jamais à consulter car le fumeur pense tousser et cracher normalement. Il faut dire que ces symptômes ne sont pas spectaculaires. Le signe fonctionnel qui amène habituellement à consulter est la dyspnée : dyspnée d effort progressant sur plusieurs années jusqu à s installer au repos. Le malade allant tardivement au médecin, c est à ce dernier de penser à la BPCO et de la diagnostiquer chez le fumeur à un stade précédent l émergence clinique spontanée. Soit à l occasion d un épisode pathologique respiratoire. Une de ces infections respiratoires, d allure grippale, hivernale, qui émaillent la vie de ces patients. Quelques jours d une toux cette fois notable, avec une expectoration accrue et sale, une petite fièvre, des râles bronchiques. Tout paraît s arranger en quelques jours avec un traitement antibiotique. L erreur serait de laisser ce fumeur retourner à une bonne santé respiratoire apparente sans la vérifier par une spirométrie, seul examen capable de mettre en évidence le DVO sur lequel repose le diagnostic de BPCO. Soit, mieux encore, à l occasion d un épisode pathologique non- respiratoire. De fait, on voit de plus en plus régulièrement le diagnostic de BPCO porté par l anesthésiste dans la période précédent une intervention chirurgicale. Car depuis quinze ans l anesthésiste réalise (quasi) systématiquement une spirométrie chez les fumeurs destinés à une chirurgie programmée. Car il sait -à la lumière de nombreuses étudesque la BPCO non diagnostiquée est fréquente et qu elle constitue un risque important de complications respiratoires post-opératoire. En élargissant cette attitude aux autres médecins et notamment aux généralistes- on peut penser que nombre de BPCO infracliniques pourraient être diagnostiquées chez des fumeurs de plus de quarante ans DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 7

9. Signes 9.1. Signes cliniques 9.1.1. Signes fonctionnels Outre toux, expectoration et dyspnée, beaucoup de patients souffrant de BPCO signalent des sibilants intrathoracique. L évolution des symptômes est importante à considérer. Typiquement il n y a pas de passé respiratoire remontant à l enfance ou à l âge d adulte jeune (à la différence d autres bronchopathies chroniques ; voir : diagnostic différentiel). Typiquement aussi les symptômes ORL, signalant une atteinte du nez ou des sinus, sont discrets ou absents. 9.1.2. Signes physiques Ils dépendent du stade de la maladie. Les plus évidents pour celui qui sait les voir- sont les signes d hyper inflation. Le thorax paraît globuleux d autant que le sujet est maigre. La trachée cervicale est raccourcie (normalement elle fait une dizaine de centimètres) et on peut noter une descente intra thoracique de la pomme d Adam à l inspiration (signe de CAMPBELL). Les creux sus claviculaires sont visibles, profonds, et à la palpation on y sent la contraction des muscles inspiratoires accessoires, traduisant leur sollicitation intense : un excellent signe d hyper inflation trop souvent négligé. Dans les cas extrêmes, on peut observer la saillie des sternocléidomastoidiens, contractés, en corde ; un rétrécissement paradoxal de la base du thorax à l inspiration (signe de HOOVER traduisant un aplatissement extrême du diaphragme) ; une expiration à lèvres pincées (le sujet évite ainsi le collapsus bronchique expiratoire). Les mouvements d alternance entre respiration abdominale et thoracique traduisent une défaillance ventilatoire grave. Il n y a d hippocratisme digital. La cyanose est inconstante. L auscultation permet d entendre quelques râles bronchiques et, à la toux, l hypersécrétion. Il n y a pas de râles crépitants ou bulleux (évocateurs de pneumopathie surajoutée ou de dilatations des bronches). Si l emphysème est important on est frappé par la diminution du murmure vésiculaire (et le tympanisme à la percussion). Dans ces cas, le cœur, éloigné de la paroi par un poumon qui ne se vide pas, peut être inaudible (il faut ausculter en décubitus latéral gauche et en expiration). 9.1.3. Signes généraux L amaigrissement peut être extrême à la phase avancée de la maladie ; surtout en cas d emphysème important. 9.2. Signes paracliniques 9.2.1. Exploration fonctionnelle respiratoire 9.2.1.1. La spirométrie L examen essentiel (sans lequel on ne peut parler de BPCO) est la spirométrie. Elle montre la diminution des débits expirés (mesurés sous la forme ancienne du VEMS ou plus moderne de la courbe débit/volume qui fournit la valeur du VEMS et celle d autres débits). Cette diminution se constate en valeur absolue et relative, lorsque le VEMS est rapporté à la capacité vitale. La résistance des voies aériennes est élevée : en cas d emphysème important DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 8

il y a disproportion entre l augmentation de la résistance et la diminution des débits expirés : les débits sont proportionnellement plus diminués. La distension se traduit par l augmentation du volume résiduel (et du rapport volume résiduel/capacité pulmonaire totale) et l hyperinflation par une augmentation de la capacité résiduelle fonctionnelle. Il n est pas rare qu elle se manifeste aussi par une augmentation de la capacité pulmonaire totale. En cas d hyperventilation volontaire on constate le signe du créneau : le trappage s aggrave et le volume de fin d expiration augmente. Il existe une différence marquée entre la capacité résiduelle fonctionnelle mesurée par dilution de l hélium et celle mesurée par pléthysmographie, témoignant de l importance des espaces exclus de la ventilation. 9.2.1.2. TLCO/VA La diffusion du monoxyde de carbone rapportée au volume alvéolaire (TLCO/VA) est diminuée, au prorata des lésions emphysémateuses. Cette diminution reflète l augmentation de taille des espaces aériens et la raréfaction du lit vasculaire (l absorption du CO dépend du volume sanguin intrapulmonaire). 9.2.1.3. La gazométrie artérielle peut être normale. On peut aussi trouver une hypoxémie avec normocapnie, provoquée par l effet shunt. Dans les cas les plus graves l hypoxémie s associe à l hypercapnie responsable d une acidose gazeuse, qui, avec le temps, sera compensée par l élévation du taux des bicarbonates. L hypercapnie traduit l hypoventilation alvéolaire dont les causes peuvent être multiples. En présence d une hypercapnie il faut donc s interroger avant d en attribuer la responsabilité entière à la BPCO. En fait, le DVO doit être extrême pour être considéré comme la seule cause de l hypercapnie. En pratique, cela signifie un VEMS inférieur à un litre (ou inférieur à 30 % de la valeur prédite). Lorsque le DVO est moindre les causes surajoutées doivent être considérées, tels que médicament dépresseur respiratoire et syndrome d apnées obstructives du sommeil. L hypocapnie n est pas attendue dans le cadre de la BPCO (elle résulterait d une «stratégie» ventilatoire inapropriée en raison de l augmentation du travail résistif). De sorte que l existence d une hypocapnie (ou d une normocapnie chez un malade BPCO connu pour être régulièrement hypercapnique) fera penser à une pneumopathie ou à une embolie pulmonaire surajoutées. L estimation rapide du gradient alvéolo-artériel en oxygène est une aide au clinicien : lorsque la somme PaO2 + PaCO2 (air ambiant) est supérieure ou égale à 120 mm de mercure le gradient n est pas augmenté. S il l'est, cela témoigne d un effet shunt. 9.2.1.4. Epreuve d effort elle n est pas indispensable dans les cas courants (la limitation respiratoire à l exercice peut être déduite de la valeur du VEMS). Dans les cas où le clinicien hésite sur l origine cardiaque, respiratoire ou métabolique de la dyspnée, l épreuve d exercice peut l aider à trancher. L épreuve de marche de six minutes, dans le couloir de l hôpital, peut servir à objectiver l évolution de la maladie. 9.2.1.5. La compliance statique (augmentée dans l emphysème), avec une diminution de la pression de recul élastique à tous les niveaux de volume pulmonaire, n est pas mesurée en pratique courante bien qu elle DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 9

permette, en association avec la courte débit/volume de différencier ce qui revient, dans la diminution du débit expiré maximum, à la diminution de pression motrice élastique par rapport à l augmentation de la résistance des voies aériennes. 9.2.1.6. Exploration cardio-vasculaire. L électrocardiogramme peut retrouver des troubles du rythme supra-ventriculaires en cas d insuffisance respiratoire. Les signes de cœur pulmonaire chronique commencent par une hypertrophie auriculaire droite. L échodoppler cardiaque, pour apprécier l éventuelle dilatation des cavités droites ou évaluer la pression dans l artère pulmonaire (en cas de fuite tricuspide), n est pas systématique. Encore moins le cathétérisme pulmonaire pour mesurer l hypertension artérielle pulmonaire pré-capillaire : celle ci est corrélée à l hypoxémie (même si la corrélation n est pas étroite) et sa mesure précise n a pas de conséquence pratique. Souvent l échocardiographie doppler est faite pour apprécier la fonction ventriculaire gauche, devant une suspicion d insuffisance ventriculaire gauche associée (la BPCO et les causes d insuffisance ventriculaire gauche sont très fréquentes chez les quinquagénaire, avec un terrain commun). Souvent cet examen met en évidence une dysfonction diastolique, plus fréquente chez les patients BPCO que chez les témoins, au moins en partie liée à l augmentation de la fréquence cardiaque. L interprétation de cette anomalie doit tenir grand compte de la clinique avant de déboucher sur un traitement. 9.2.2. Imagerie. 9.2.2.1. La radiographie pulmonaire standard, de face et de profil gauche montre le plus couramment un syndrome bronchique et des signes de distension (dont le meilleur est l aplatissement des coupoles sur le profil, voire l inversion de leur courbure). Assez souvent, à la distension s associent des signes de destruction alvéolaire et vasculaire. Les bulles d emphysème sont généralement faciles à voir (un cliché en expiration peut visualiser une bulle devenue compressive, déplaçant le médiastin). L emphysème non bulleux l est également sous réserve de clichés de bonne qualité. Par contre, l aspect radiographique correspondant au tableau de l emphysème centro-lobulaire peut être trompeur. Décrit comme une augmentation des marquages («increased markings») par les auteurs canadiens il est trompeur en ce sens qu il y a trop de «blanc» là ou on attendait trop de «noir». Ce blanc (opacités) est constitué par la paroi épaissie des bronches, par la dilatation de l artère pulmonaire qui les accompagne, les sécrétions intra-bronchiques et, probablement, des micronodules correspondant aux bronchioles oblitérées vues de face. Il crée une impression trompeuse de fibrose qui, associée aux signes de distension, a fait prononcer très improprement- à de nombreux radiologues les termes de fibro -ou scléro- emphysème. 9.2.2.2. La tomodensitométrie haute résolution (coupes fines) lève les doutes éventuels quant à l existence de l emphysème (sa sensibilité comparée à l autopsie n est cependant pas parfaite). Elle visualise le syndrome bronchique et les zones de destruction parenchymateuses (plages détruites s arrondissant plus ou moins en bulles à parois fines). Les lésions de l emphysème centro-lobulaire sont de taille plus petite que celles de l emphysème panlobulaire. La tomodensitométrie différencie facilement une bulle d emphysème d un pneumothorax partiel. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 10

9.2.2.3. La bronchoscopie est à évoquer de principe chez le BPCO fumeur mais elle ne sera pas systématiquement réalisée. Il faut cependant se souvenir que le cancer primitif du poumon commence souvent par un changement des symptômes banals du fumeur. Ou par une infection respiratoire qui traîne. 10. Evolution. Pronostic. Complications 10.1. Diminution exagérée et progressive du VEMS L histoire naturelle de la BPCO reste mal connue. Comme indiqué plus haut le passage du stade de maladie des petites voies aériennes du jeune fumeur à la BPCO n est pas inéluctable. Chez les 15 à 20 % de fumeurs qualifiés de sensibles au tabac le développement progressif de la bronchiolite et de l emphysème est responsable d une diminution exagéré du VEMS au fil des années. Normalement le VEMS diminue régulièrement avec l âge à partir de 20 ans en raison du vieillissement du poumon (perte de la force de recul élastique). Mais cette diminution n excède pas 30 ml/an. Chez les fumeurs sensibles cette diminution est de 50 à 100 ml/an. Le DVO résultant de cette diminution exagérée du VEMS est généralement mesurable dès la quarantaine (même si le fumeur ne ressent pas encore de gêne) : c est à dire que le VEMS sort de la zone des valeurs théoriques. (Un diagnostic précoce du DVO pourrait être envisagé en mesurant itérativement le VEMS, à chaque changement de décennie par exemple, de sorte que le VEMS du sujet pourrait être comparé à lui-même plutôt qu à un VEMS théorique, établi à partir de populations de sujets témoins et fournissant une valeur moyenne avec un écart type assez large). On a montré que l arrêt du tabagisme à ce stade permet à l ex-fumeur de retrouver une vitesse de diminution du VEMS normale : il revient à une diminution inférieure à 30 ml/an. En cas de tabagisme persistant le VEMS va continuer à diminuer, de sorte qu arrivé (vers la cinquantaine) au voisinage d un litre (en gros, 35 % de la valeur théorique) le handicap respiratoire paraît se manifester brutalement, avec souvent déjà, de l insuffisance respiratoire. Mais, à ce stade, l arrêt du tabagisme n influence plus favorablement le cours de la maladie. On peut distinguer trois valeurs de VEMS correspondant à trois niveaux de gravité : VEMS compris entre 80 % et 50 % de la valeur théorique = la maladie est peu grave ; entre 50 % et 35 % la gravité est intermédiaire ; en dessous de 35 % la maladie est très grave, avec une survie à cinq ans de l ordre de 50 % (la médiane de survie pour un VEMS inférieur à 500 ml est de deux ans). 10.2. Exacerbations Sur ce fond de dégradation progressive de la fonction ventilatoire se greffent des épisodes aigus qualifiés d exacerbations. Leur mécanisme n est pas clair. On les attribue communément à un épisode d infection respiratoire, bactérienne (hémophillus influenzae, moraxella catharalis, pneumocoque) ou virale. Ils se traduisent par une recrudescence de la toux, de l expectoration, de la dyspnée. Cependant il est difficile de mettre un agent infectieux en évidence. Sans compter que certains de ces patients sont victimes d une colonisation bactérienne des voies aériennes inférieures et que la distinction entre germes pathogènes et «saprophytes» («saprophytes» est mis entre guillemets car les voies aériennes sous glottiques sont normalement stériles) n est pas facile. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 11

De plus, des essais contrôlés ont montré qu une antibiothérapie à large spectre était à peine plus efficace qu un placebo pour contrôler l exacerbation. Quoi qu il en soit beaucoup de ces épisodes (parfois inauguraux d une BPCO jusque là non diagnostiquée) conduisent le malade à l hôpital, parfois même en secteur de soins intensifs en raison de l acidose gazeuse aiguë qu ils provoquent. Une fois l épisode résolu le malade reste habituellement précaire, avec un DVO marqué et/ou une insuffisance respiratoire chronique. Spirométrie et gazométrie constituent les éléments clefs du suivi de ces patients, permettant de juger de l évolution et de vérifier, après une nouvelle exacerbation, le retour à l état antérieur. 10.3. Autres complications Embolie pulmonaire : particulièrement fréquente sur ce terrain. Favorisée par les longs trajets en voiture ou en avion. De diagnostic difficile. Pneumothorax par rupture d une bulle imposant le drainage pleural. Pneumonies infectieuses, réclamant une antibiothérapie probabiliste adaptée au terrain. Cachexie respiratoire. Cœur pulmonaire chronique. L hypertension artérielle pulmonaire hypoxémique est, dans un premier temps, spasmodique et réversible. Ensuite, les parois des artères pulmonaires se modifient de façon plus permanentes et la résistance vasculaire accrue provoque la défaillance ventriculaire droite : majoration de la dyspnée, tachycardie, galop, signe de Carvalho, œdèmes périphériques, hépatalgie et hépatomégalie, signe de Harzer, distension veineuse. 11. Diagnostic différentiel 11.1. Asthme C est le principal diagnostic différentiel. L asthme est facile à différencier de la BPCO lorsqu il atteint un sujet jeune, évolue par crise de dyspnée sibilante et accompagne une rhinite allergique. En revanche, la présence de symptômes respiratoires et la constatation d'un DVO chez un quinquagénaire fumeur peuvent faire cataloguer -à tort- ce patient comme BPCO -une maladie grave dont le traitement est peu efficace- alors qu il s agit d un asthmatique. De fait, même chez un fumeur atteint d emphysème patent la recherche d une bronchopathie de nature asthmatique -c est à dire améliorée par un traitement anti-asthmatique- doit être effectuée systématiquement. L asthme est une maladie bronchique comportant un élément d obstruction bronchique spasmodique (traitable par bronchodilatateur) et inflammatoire (corticosensible). Dans la BPCO, en revanche, l emphysème n est pas accessible à la thérapeutique médicamenteuse. Quant à la bronchopathie qui l accompagne, elle est partiellement de nature inflammatoire mais cette inflammation n est pas corticosensible ; sa composante spasmodique est très faible ; les lésions de fibroses bronchiques secondaires à l inflammation sont inaccessibles aux traitements actuels. Ceci en règle générale (et par définition puisque le «chronique» du sigle BPCO doit s entendre comme «irréversible»). Mais le médecin ne dispose pas pour chaque malade des données cellulaires qui lui permettraient d identifier précisément les mécanismes pathologiques en cause. Il a donc recours à des épreuves thérapeutiques ciblant tel ou tel mécanisme (ici, bronchospasme et inflammation corticosensible) et il juge de leur présence et de leur importance en fonction des résultats de ces épreuves. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 12

Habituellement l épreuve de réversibilité du DVO se fait en deux temps : Mesure de la modification du VEMS induite par l inhalation d un bronchodilatateur bêta 2 mimétique. Le VEMS est mesuré avant et dix à quinze minutes après l inhalation ; s il s améliore de plus de 20 % par rapport à la valeur initiale (ou : plus de 12 % par rapport à la valeur théorique du VEMS et plus de 200 ml en valeur absolue) on considère qu il s agit d un signe en faveur du diagnostic d'asthme. Mesure de la modification du VEMS après une semaine de corticothérapie (par exemple, solupred 0,5 mg/kg/jour), souvent associée à des bronchodilatateurs et des corticoïdes inhalés et même à de la théophylline. (Il faut mesurer le VEMS à l issue de cette période et ne pas se contenter d une évaluation subjective car les corticoïdes ont un effet stimulant de l humeur, de sorte que le malade peut se sentir mieux sans que son VEMS ait changé). Dans le meilleur des cas, si le DVO est entièrement de nature asthmatique, on assistera à sa complète disparition (réversibilité totale de l obstruction). Mais dans la plupart des cas on observe une absence de réversibilité ou une réversibilité partielle. Cette réversibilité partielle peut néanmoins être substantielle (plus de 20 % du VEMS initial) ce qui évoque à nouveau le diagnostic d asthme plutôt que celui de BPCO (ou l association des deux maladies). Les autres indices en faveur de la nature asthmatique de l affection sont (de façon non pathognomonique) : début précoce dans la vie du malade, atteinte O.R.L., terrain atopique (tests cutanés positifs à un ou plusieurs pneumallergènes standards). 11.2. Dilatations des bronches En général leur tableau se caractérise par : début précoce, dans l enfance ; importance de la bronchorrhée purulente, avec épisodes d'hémoptysie ; atteinte O.R.L., souvent sous forme de sinusite. On peut trouver aussi des râles bulleux et de l hippocratisme digital. L imagerie est caractéristique. Cependant il y a des dilatations des bronches acquises tardivement dans la vie qui peuvent donner des tableaux qui feront porter indûment le diagnostic de BPCO si le sujet est fumeur : par exemple, la dilation des bronches de la rectocolite hémorragique. 11.3. Bronchiolites oblitérantes non tabagiques Il s agit d un cadre encore mal connu. De telles bronchiolites se voient par exemple dans la polyarthrite rhumatoïde. Il est probable que toute bronchiolite survenant chez un fumeur habituel est actuellement mise sur le compte du tabac. 11.4. Syndrome de recouvrement «Overlap Syndrome». Syndrome de recouvrement : on groupe sous ce terme l association de deux maladies de l homme quinquagénaire très fréquentes : BPCO et syndrome d apnées obstructives du sommeil. Ce diagnostic est à évoquer lorsque l hypercapnie est disproportionnée par rapport au DVO. L enregistrement polygraphique du sommeil établira le diagnostic (différenciant les apnées et hypopnées obstructives des épisodes de désaturation non apnéiques fréquents chez ces patients, notamment lors du sommeil paradoxal). 11.5. Syndrome de Mac Leod Poumon clair unilatéral par maladie bronchiolaire de la petite enfance et agénésie de l artère pulmonaire. Il est facile à différencier de l emphysème par ce caractère unilatéral. De même l emphysème obstructif, par corps étranger. Dans les deux cas le retentissement fonctionnel est modéré, contrastant avec l imagerie. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 13

12. Formes cliniques 12.1. «Pink puffer» et «blue bloater» Classiquement on oppose le tableau du «Pink puffer» à celui du «blue bloater» Le premier correspond à l emphysème panlobulaire, responsable d'une dyspnée majeure (puffer = essoufflé), ne provoquant pas d hypoxémie car la destruction complète du lobule amène une restriction parallèle de la ventilation et de la perfusion (le sujet reste donc rose = pink). Le deuxième correspond au bronchitique chronique avec emphysème centro lobulaire. Il est gonflé (bloated) par l œdème de l insuffisance cardiaque droite secondaire à l hypoxémie chronique (cause de cyanose = blue), elle-même provoquée par la destruction centrale du lobule qui altère la ventilation alors que la perfusion (en périphérie du lobule) est préservée (effet shunt). Le blue bloater est volontiers en surcharge pondérale androïde, exposé aux apnées obstructives du sommeil. Il est également volontiers hypertendu et coronarien, ce qui ne manquera pas de poser, au cours de l évolution, la question d une éventuelle insuffisance ventriculaire gauche participant aux symptômes. 12.2. L emphysème pulmonaire par déficit congénital En alpha 1 antitrypsine provoque chez les fumeurs un emphysème spectaculaire (poumon évanescent) gravissime dès l âge de trente-quarante ans. Chez le déficitaire non fumeur l emphysème s exprime plus tardivement, vers cinquante ans : c est à cette forme que l on devrait réserver l appellation d emphysème primitif. Sur l électrophorèse on notera facilement l aplatissement de la bande des alpha 1 globulines. Diagnostic confirmé par dosage de l alpha 1 antitrypsine. 12.3. L emphysème bulleux Il s agit de bulles faciles à voir, parfois gigantesques mais localisées, pouvant être découvertes lors d examens radiologiques systématiques. La bulle peut être compressive (en hyper pression). Le plus souvent cependant les signes de tassement du parenchyme adjacent à la bulle viennent seulement de la perte d amarrage de ce parenchyme occasionnée par la bulle, qui se comporte comme un pseumothorax partiel. Certaines bulles peuvent devenir compressives lorsque le sujet hyperventile, lors d un exercice (la bulle n a plus le temps de se vider, ou bien sa bronche de drainage s occlut véritablement). Ces bulles se comportent alors comme d énormes corps étrangers intra thoraciques et il peut se créer un syndrome que l on a appelé "tamponnade emphysémateuse" : le débit cardiaque s effondre car la bulle empêche le retour veineux vers le cœur. 13. Traitement 13.1. Remarques Il n y a pas de traitement susceptible de faire disparaître les lésions d emphysème ou de «déboucher» les bronchioles atteintes d inflammation insensible à la cortisone et de sclérose. Le seul traitement efficace est donc préventif : c est la prévention du tabagisme. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 14

Pour les fumeurs sensibles à l effet du tabac pour lesquels la BPCO est diagnostiquée vers la quarantaine, le sevrage tabagique permet de ralentir la diminution progressive du VEMS. De ce fait, ils parviendront au stade de handicap respiratoire (VEMS aux alentours d un litre) à un âge avancé, où les chances de souffrir d une maladie autre que respiratoire sont grandes. La perte de chance (au sens de perte de durée de vie tout court et perte de durée de vie sans handicap) est donc amoindrie. On voit donc l intérêt de dépister les fumeurs sensibles au tabac à ce stade et de les convaincre d interrompre le tabagisme. Avec les difficultés que l on connaît en matière de sevrage d une toxicomanie. Ainsi la mise en évidence d un DVO débutant ne semble pas spécialement motiver le fumeur pour interrompre le tabagisme. 13.2. Au stade de BPCO avancée les traitements visant à modifier les sécrétions, à lutter contre l infection, ne peuvent être que d un intérêt limité puisque la maladie des grosses voies aériennes (bronchite chronique qui provoque l hypersécrétion et les infections) n est pas la maladie principale (voir paragraphe 5). Ces traitement ont cependant un rôle positif pour combattre (et peut être prévenir) les exacerbations. De sorte que vaccins antigrippal et anti pneumococcique sont habituellement recommandés. 13.3. Traitements médicamenteux 13.3.1. De fond Il associe habituellement les broncho dilatateurs inhalés (les atropiniques sont plus efficaces que les bêta 2 mimétiques) et les corticoïdes inhalés. Ces derniers sont prescrits d autant plus volontiers que l épreuve de réversibilité aux corticoïdes a montré une réversibilité partielle : la cible du médecin est alors de conserver, avec le traitement inhalé, l amélioration spirométrique provoquée par le traitement per os. Cependant, par définition même, ces traitements sont peu efficaces sur le DVO. Des essais contrôlés ont néanmoins démontrés qu ils amélioraient la qualité de vie (et, pour les corticoïdes inhalés, qu ils diminuaient la fréquence des exacerbations). Il faut noter que si la plupart des spécialistes prescrivent des broncho dilatateurs sans arrière pensée, l unanimité est moins nette en matière de corticoïdes inhalés. En effet, leurs avantages semblent minces alors que leur innocuité (sans parler de leur coût) n est pas certaine En revanche, la corticothérapie per os prolongée n a pas sa place dans le traitement de fond de la BPCO. En effet, le rapport avantages/inconvénients est ici très défavorable, avec une iatrogénie forte : alcalose métabolique déprimant les centres respiratoires, atrophie musculaire et notamment des muscles respiratoires, complications infectieuses parfois graves (aspergillose). La théophylline est un médicament à l efficacité prouvée dans le traitement de la BPCO. Outre son effet broncho dilatateur, elle améliore le fonctionnement des muscles respiratoires de ces patients. Cependant la marge entre la zone thérapeutique et toxique est faible. Le dosage sanguin du médicament est donc nécessaire pour la surveillance du traitement. Malgré cela, les effets latéraux ne sont pas négligeables. L almitrine (un médicament qui améliore le rapport ventilation/perfusion dans le poumon) est indiqué dans les hypoxémies modérées (supérieures à 60 mm de mercure) qu il corrige. Mais ce médicament n améliorant pas la survie des patients à cinq ans son intérêt n est pas précisé. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 15

13.3.2. Traitement de l exacerbation Généralement on associe un antibiotique à large spectre (par exemple Augmentin) à des broncho-dilatateurs (atropinique et bêta 2 mimétique) en nébulisation (chez l asthmatique les aérosols -doseurs usuels ont la même efficacité que les nébulisations à condition d être administrés à l aide d une chambre d inhalation ; mais cette équivalence n a pas été validée pour la BPCO). L administration de corticoïdes par voie générale pendant trois à huit jours est recommandée à la lumière de plusieurs essais contrôlés. Par contre, le rôle des fluidifiants bronchiques n est pas précisé. 13.4. Oxygénothérapie 13.4.1. Traitement de fond C est l oxygénothérapie de longue durée à domicile (OLDD). Indiquée lorsque PaO2 est inférieure ou égale à 55 mm de mercure à l état stable, avec un traitement médicamenteux optimum. Administrée à raison d au moins quinze heures par vingt-quatre heures (une durée inférieure est inefficace) à l aide d appareils concentrateurs d oxygène (ils enrichissent l air en diminuant le taux d azote) ou à partir de réservoirs d oxygène liquide placés au domicile du malade. Plusieurs études ont démontré que l OLDD améliorait la qualité de vie et la survie des insuffisants respiratoires chroniques obstructifs et diminuait leur hypertension artérielle pulmonaire. Lorsque PaO2 est entre 60 et 55 mm de mercure l OLDD peut être prescrite s il y a des signes de cœur pulmonaire chronique, ou une hypertension pulmonaire, ou une polyglobulie (mécanisme compensateur de l hypoxémie), ou une désaturation nocturne non apnéique. Dans tous les cas l OLDD est soumise à entente préalable avec l Assurance Maladie et son attribution réglementée. La place de l oxygénothérapie pour traiter les patients souffrant exclusivement d hypoxémie nocturne ou à l effort n est pas précisée car la signification de ces phénomènes en termes de morbidité et de mortalité n est pas connue. 13.4.2. Lors des exacerbations L oxygénothérapie est indiquée si PaO 2 est inférieure à 60 mm de mercure, à un débit (aux lunettes nasales) suffisant pour sortir de la zone d hypoxémie dangereuse (essentiellement à cause des troubles du rythme cardiaque) mais qui sera faible (un litre à deux litres par minute) pour éviter d aggraver une hypercapnie. Des contrôles gazométriques répétés sont nécessaires, certains patients développant une hypercapnie après plusieurs heures d oxygénothérapie Il faut veiller à ce que l oxygénothérapie soit administrée en permanence, pendant la période aiguë (transport à la radiologie, effort de défécation etc ). 13.5. Traitement instrumental La ventilation instrumentale est indiquée en cas d hypercapnie préoccupante. Autrefois limitée aux soins intensifs, pour des malades intubés ou trachéotomisés, anesthésiés et curarisés, la ventilation est devenue une simple assistance (une aide à la ventilation naturelle) administrée de façon non invasive : le malade non anesthésié est relié au ventilateur par un masque nasal ou naso-buccal. Lors des exacerbations la ventilation non invasive au masque a profondément modifié le traitement des BPCO en poussée aiguë d acidose gazeuse. Elle permet, dans DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 16

beaucoup de cas, d éviter la ventilation invasive traditionnelle et la lourde morbidité et mortalité qui s y attachent. Si cette dernière a été nécessaire, la ventilation non invasive facilite le sevrage du ventilateur. En traitement de fond, au domicile, par contre la place de la ventilation non invasise est moins claire. Inefficace ou réservée à des sous groupes particuliers? 13.6. Kinésithérapie respiratoire Lors des exacerbations le clapping et la toux dirigée ont un intérêt chez les malades encombrés. En dehors des exacerbations la rééducation abdomino-diaphragmatique (une tentative de modifier la façon de respirer du malade pour le faire respirer plus profondément et utiliser son diaphragme «bloqué») n a pas été évalué à la lumière d essais contrôlés. On peut douter de la capacité du kinésithérapeute à modifier durablement le mode ventilatoire du patient. 13.7. Chirurgie Dans des cas bien précis il arrive que l on propose à ces malades une transplantation pulmonaire (uni-pulmonaire) ou, depuis peu, une chirurgie de réduction pulmonaire. Le principe de celle-ci est de «retendre» le poumon en enlevant les zones les plus emphysémateuses. C est dans le même but que l on procédait, depuis beaucoup plus longtemps, à des bullectomies chirurgicales. Un cas particulier : La préparation à l anesthésie générale du patient BPCO. Exposant à des complications respiratoires post-opératoires graves le diagnostic de BPCO lors de la consultation anesthésique amène à proposer à ces patients des mesures préventives. Elles consistent à l entraîner, sous le contrôle d un kinésithérapeute averti, aux manœuvres qu on lui demandera de faire dans la période post-opératoire : outre le drainage bronchique il s agit essentiellement de l inspiration soutenue, destinée à lutter contre le collapsus alvéolaire, voire de la ventilation non-invasive. Malgré cela l existence d une hypercapnie grave, fixée, rend extrêmement délicate, voire impossible, une anesthésie générale. Car celle-ci se terminera par l intubation et la ventilation du malade avec une difficulté extrême, voire une impossibilité à le sevrer du ventilateur. 13.8. Autres Amélioration de l état nutritionnel. Il existe des concentrés nutritifs spéciaux pour insuffisants respiratoires hypercapniques, moins riches en glucides que les concentrés habituels (la combustion des glucides élève le quotient respiratoire à 1, c est à dire augmente la production de gaz carbonique, source d hypercapnie aggravée chez ces patients qui ne peuvent l éliminer). Les sédatifs et somnifères dépresseurs respiratoires sont à manier avec prudence chez ces patients. La buspirone est cependant tolérée par ces malades souvent angoissés. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 17

14. Annexes 14.1. Affections respiratoires consécutives à l inhalation de particules végétales 90 - REGIME GENERAL Affections respiratoires consécutives à l inhalation de particules végétales Date de création 17/09/89 (décret du 13/09/89) Dernière mise à jour : - Désignation des maladies -A- Syndrome respiratoire obstructif aigu caractérisé par une oppression thoracique survenant habituellement après une interruption d exposition au risque d au moins 36 heures et se manifestant quelques heures après la reprise de l exposition au risque (byssinose et affections apparentées) Le caractère obstructif de ce syndrome doit être confirmé par des explorations fonctionnelles respiratoires pratiquées au moment de la reprise de l exposition au risque et six à huit heures après. -B- Bronchopneumopathie chronique obstructive consécutive à des épisodes respiratoires obstructifs aigus caractérisés cliniquement comme ci-dessus et répétitifs. Cette bronchopneumopathie doit être confirmée par des explorations fonctionnelles respiratoires avec un volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) abaissé d au moins 40 % par rapport à la valeur moyenne théorique. Délai de prise en charge 7 jours (sous réserve d une durée d exposition de 5 ans) 5 ans (sous réserve d une durée d exposition de 10 ans) Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies Travaux exposant à l inhalation de poussières de coton, chanvre, sisal, dans les ateliers de : -teillage -ouvraison -battage -cardage -étirage -peignage -bambochage -filage -bobinage -retordage -ourdissage Travaux identiques à ceux visés en A sous réserve qu ils ne soient pas réalisés dans les ateliers où s effectue uniquement le filage à bout libre (procédé dit «open end») DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 18

14.2. Bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de charbon 91 - REGIME GENERAL Bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de charbon Date de création 24/12/92 (décret du 23/12/92) Dernière mise à jour : - Désignation des maladies Bronchopneumopathie chronique obstructive entraînant un déficit respiratoire chronique. Elle est caractérisée par l association de signes cliniques tels que dyspnée, toux, hypersécrétion bronchique et d un syndrome ventilatoire de type obstructif avec un volume expiré maximal par seconde ( VEMS) abaissé d au moins 40% par rapport à la valeur moyenne théorique. Cet abaissement doit être constaté en dehors de tout épisode aigu. Délai de prise en charge 5 ans (sous réserve d une durée d exposition de 10 ans) Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies Travaux au fond dans les mines de charbon 14.3. Bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de fer 94 - REGIME GENERAL Bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de fer Date de création 25/05/96 (décret du 22/05/96) Dernière mise à jour : - Désignation des maladies Bronchopneumopathie chronique obstructive entraînant un déficit respiratoire chronique. Elle est caractérisée par l association de signes cliniques tels que dyspnée, toux, hypersécrétion bronchique et d un syndrome ventilatoire de type obstructif avec un volume expiré maximal par seconde ( VEMS) abaissé d au moins 40% par rapport à la valeur moyenne théorique. Cet abaissement doit être constaté en dehors de tout épisode aigu. Délai de prise en charge 5 ans (sous réserve d une durée d exposition de 10 ans) Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies Travaux effectués au fond dans les mines de fer et travaux de concassage exposant à l inhalation de poussières ou de fumées d oxyde de fer, notamment extraction, broyage et traitement des minerais de fer. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 19

14.4. Affections respiratoires consécutives à l inhalation de poussières textiles végétales 54 - REGIME AGRICOLE Affections respiratoires consécutives à l inhalation de poussières textiles végétales Date de création 21/08/93 (décret du 19/08/93) Dernière mise à jour : - Désignation des maladies -A- Syndrome respiratoire obstructif aigu caractérisé par une oppression thoracique survenant habituellement après une interruption d exposition au risque d au moins 36 heures et se manifestant quelques heures après la reprise de l exposition au risque (byssinose et affections apparentées) Le caractère obstructif de ce syndrome doit être confirmé par des explorations fonctionnelles respiratoires pratiquées au moment de la reprise de l exposition au risque et six à huit heures après -B- Bronchopneumopathie chronique obstructive consécutive à des épisodes respiratoires obstructifs aigus caractérisés cliniquement comme ci-dessus et répétitifs. Cette bronchopneumopathie doit être confirmée par des explorations fonctionnelles respiratoires avec un volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) abaissé d au moins 40 % par rapport à la valeur moyenne théorique. Délai de prise en charge 7 jours (sous réserve d une durée d exposition de 5 ans) 5 ans (sous réserve d une durée d exposition de 10 ans) Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies Travaux exposant à l inhalation de poussières de coton, lin, chanvre, sisal, dans les ateliers de : -teillage -ouvraison -battage Travaux identiques à ceux visés en A 14.5. Le système complémentaire de réparation des maladies professionnelles Ce système, instauré par la loi du 27 janvier 1993, permet, sous certaines conditions, la réparation d affections n entrant pas dans le cadre des tableaux ou d affections pour lesquelles certains critères imposés par les tableaux ne sont pas respectés. DCEM 2 - Module n 12 Pneumologie, Chirurgie Thoracique 20