Le Dossier Communicant de Cancérologie en Ile-de-France (DCC-IDF) : Argumentaire pour un lancement en 2009 Dr Hervé Gauthier Président du CA d ONCORIF Réseau régional de cancérologie d Ile-de-France Dr Alain Livartowski Directeur du projet DCC-IDF Décembre 2008
Le projet DCC en Ile-de-France s inscrit dans la logique d un système d information de santé cohérent au niveau de la région Ile-de-France et dans la nouvelle dynamique du futur DMP car cela va dans le sens du principe «un patient = un dossier». Les principes du DCC en Ile-de-France On peut considérer le DCC comme un DMP entre professionnels qui prennent en charge les patients atteints de cancer en Ile-de-France. Le projet de DCC respecte les principes suivants : un DCC unique en Ile-de-France, placé sous la maîtrise d ouvrage du Réseau régional de cancérologie ONCORIF, ne se substituant pas aux autres dossiers, évitant d être intrusif dans les systèmes d information locaux et les organisations, un outil pour les professionnels, la possibilité de partager l information et de la communiquer directement entre PS par messagerie sécurisée, un outil qui ne remplace pas les systèmes de gestion des réseaux ville hôpital considérés dans notre modèle comme des outils locaux devant communiquer avec les autres PS, le DMP et le DCC, un DCC interopérable avec le futur DMP, un niveau de sécurité élevé : identification et authentification des PS, traçabilité, chiffrement, une économie de moyens avec une mutualisation des projets régionaux et nationaux. Les avantages d un pilote Le DCC est défini comme le support d informations issues de multiples intervenants pour une coordination des soins et une prise en charge partagée. Les objectifs sont proches de ceux du DMP et si des différences existent, elles ne remettent pas en question la convergence des deux projets. Travailler dans le cadre de la cancérologie offre de nombreux avantages : une volonté des acteurs de disposer d un dossier partagé, une maladie imposant de nombreux épisodes de soins et de nombreux intervenants, des hôpitaux spécialisés disposant souvent d un dossier électronique. Il est possible de réaliser un pilote en vraie grandeur dans une région importante et en cohérence avec le schéma directeur des systèmes d information de santé d Ile-de-France (SIS IF). Une expérimentation longue et en situation réelle est utile, si elle intègre notamment les aspects de conduite de changement et d évaluation. Avec les difficultés de créer des dossiers de spécialités comme le DCC, on voit la nécessité de convergence avec le futur DMP sur les points suivants : des infrastructures communes, une mutualisation de l hébergement et des services d accès, un investissement contrôlé qui évite de multiplier des projets incompatibles, des règles d'usage simples et partagées par tous, une conception de la cible qui soit la plus claire et la plus lisible possible, permettant de faciliter la gestion des différents projets et la communication autour de ceux-ci.
Il n est pas inutile de rappeler que le DMP et le DCC auront les mêmes sources d information à savoir les établissements, les PS libéraux, les laboratoires d analyses médicales, les cabinets de radiologie libéraux, les réseaux territoriaux de santé. Pour réaliser un tel projet, il faut résoudre les problèmes suivants : une identification correcte des patients, un annuaire des professionnels, des normes et standards, une authentification forte des accédants au dossier et une gestion de la sécurité, une alimentation par les structures prenant en charge les patients, un hébergement des données (centralisées ou réparties), la possibilité d accéder et de naviguer dans le dossier par une interface intuitive de type web, la possibilité d accéder aux documents, aux données structurées mais également la possibilité de consulter ou d importer des images. Le DCC, outil pour le professionnel Du côté des PS, si le système est efficace, c est un moyen de mieux prendre en charge, de mieux décider avec la bonne information disponible au bon moment. Comme tout dossier informatisé, le DCC sera utilisé par les professionnels si les conditions suivantes sont respectées : La confiance dans le système de la part des PS et des patients. Pas de travail en double et en particulier pas de double saisie. Classement de l information (pour la retrouver aisément dans un dossier qui risque d être rapidement inexploitable). Hiérarchisation de l information pour faire la part de ce qui important, de ce qui l est moins. Synthèse du dossier pour que, dès l ouverture, le médecin puisse prendre connaissance des éléments les plus importants de l'histoire médicale du patient et de ses antécédents. Possibilité de rapatrier des documents ou des images depuis le DCC dans le propre système d information du professionnel de santé (médecin traitant ou hospitalier, etc.). Accord du patient simple à gérer pour l ouverture des droits d'accès au DCC tant en lecture qu en écriture. La règle du dossier unique, avec un seul dossier visible sur le poste de travail du médecin ; le système permet de présenter sur la même interface ses propres comptes rendus et les documents partagés. Ceci sera réalisé au mieux si l accès des professionnels se fait via leur logiciel métier. Néanmoins, en attendant l adaptation des SIH et des LPS, il est prévu une interface spécifique au DCC. Pas plus d un clic pour accéder à l information. Qui apparaît visible en moins d une seconde, si possible. L identification du patient En attendant que la cible soit atteinte, on prévoit un serveur de rapprochement temporaire pour opérer le processus de convergence des identités existantes, sans pour autant créer d'identifiant régional (simplement un numéro de dossier DCC-IDF). Cette activité de gestion des identités des patients et de rapprochement est placée sous le contrôle d'une cellule d'identito-vigilance DCC régionale que l on pense mutualiser avec d autres projets franciliens, ultérieurement.
L annuaire des PS Un annuaire régional des PS est réalisé sous la responsabilité de l ARHIF comme cela est prévu dans le schéma directeur (SIS-IF) : un annuaire normalisé au niveau régional synchronisé avec le RPPS mis en œuvre par le GIP CPS sera prochainement constitué et hébergé par la plate-forme régionale. Il sera également synchronisé avec l annuaire des adresses de messageries sécurisées La définition explicite des différentes équipes de soins prenant en charge un patient atteint de cancer dans le réseau est gérée au niveau de l annuaire. Le portail d autorisation et d authentification Entre le producteur d information, celui qui la consulte et l hébergeur, les droits et les habilitations sont vérifiés par un portail. Le portail correspond à un «serveur d autorisation et d authentification». Le portail est en relation avec les annuaires (patients, professionnels de santé, établissements) pour vérifier l authentification des uns et des autres et contrôler les droits d accès. Toute transaction entre un producteur de données et un dossier partagé passe par le portail. En résumé, le portail permet, en lecture et en écriture : l identification - authentification du patient, l identification - authentification du professionnel de santé par sa carte CPS, le contrôle de l habilitation donnée par le patient pour l accès à son dossier par ce PS, la traçabilité des accès, l adressage à l hébergeur DCC. Les accès au DCC Le DCC n est accessible qu aux professionnels de santé que le patient a autorisé de façon consensuelle et orale. On rappelle que le décret d application de la loi de 2002, daté du 17 septembre 2002, oblige à informer le patient et à lui remettre un document écrit ; toutefois, rien n oblige à obtenir un consentement écrit, signé et conservé, ce qui facilite la gestion des habilitations. L idéal serait que le professionnel de santé accède au DCC de ses patients au travers de son Logiciel de Professionnel de Santé (LPS). Dans une première phase, il faut prévoir une interface de type «client léger» pour accéder au portail qui permet d accéder à l hébergeur du DCC pour la consultation des documents et des données. Par contre, pour le dépôt de document, on passe nécessairement par le LPS ou le SIH ce qui nécessite une adaptation du système d information qui sera également nécessaire pour le DMP. Toutes les entités qui produisent de l information sont susceptibles de consulter le dossier partagé mais se pose le problème des équipes médicales. De la même façon qu il est important d identifier correctement qui a produit l information, il est important d identifier qui peut la consulter parmi les membres de l équipe médicale ou l équipe de soins. La notion d «équipe de soins» n est pas simple à définir ; elle doit pouvoir être gérée correctement et simplement. Par exemple, au sein d une vaste entité comme un réseau régional de cancérologie (ou un CHU), il est impensable que chacun des membres du réseau puisse consulter tous les dossiers de tous les patients pris en charge. Il convient donc de définir, pour chaque patient et de façon évolutive, les membres de l équipe qui peuvent consulter le DCC.
Dans tous les cas, le patient doit être informé, donner son accord et revenir sur cet accord à tout moment pour demander qu un membre de l équipe n ait pas accès, sans que cela entraîne une perte d autorisation d accès pour le reste de l équipe. Ces cas seront rares mais les obligations légales en vigueur nous imposent de prévoir ces situations, et la confiance des uns et des autres doit être absolue. Un PS doit pouvoir propager les droits d accès au DCC à un autre PS que le patient ne voit pas (par exemple, un médecin traitant à son remplaçant, un chirurgien vers un anatomopathologiste, un biologiste vers un autre biologiste), ou à une autre équipe de soins. Le problème de l'équipe médicale, de l'hôpital et de l'extension ou de la diffusion des droits peut être résolu par la «propagation des droits» d accès aux membres de la RCP dès l inscription du patient, pour accéder à toutes les données utiles à la préparation de la RCP. Ensuite, à charge d un membre de la RCP de propager les droits à une autre équipe de soins si besoin. En fait, cela consiste à créer la notion de groupe. Chaque groupe est défini par une entité reconnue, le réseau régional, avec une traçabilité des actions et la nécessité que le portail puisse gérer cette notion de groupe. Une analogie avec les groupes des carnets d adresse des messageries éclaire cette fonction et ce concept. Hébergement centralisé et système réparti Les filières de soins sont telles qu'il est impossible d'organiser un maillage point à point. La logique du projet DMP ou du DCC consiste à faire en sorte que chaque producteur de soins puisse adresser, en un endroit unique où ils seront stockés physiquement, les comptes-rendus résultant de la prise en charge du patient. Le système concurrent consiste à ne stocker que les liens mais impose que tous les systèmes répartis, à un instant t, soient opérationnels. Un hôpital peut assurer ce service dans la durée. Le projet DCC propose de mixer un système de type «notaire» et un système de pointeurs vers des serveurs certifiés, tels que des PACS pour certains types de données comme l imagerie ou des hôpitaux qui auraient la possibilité de donner accès à de multiples informations qu il serait inutile de stocker chez un «notaire». Les trois CLCC d Ile-de-France (le Centre René Huguenin, l Institut Curie et l Institut Gustave Roussy) souhaitent tester cette possibilité. Les trois CLCC et les réseaux territoriaux de cancérologie vont donner accès via Internet à leur propre système et les modalités d accès que l on souhaite mettre en place permettront un seul mode d accès. Les images L imagerie médicale est la base du diagnostic et de l évaluation des traitements en cancérologie. Les images sont indispensables pour le diagnostic et la prise en charge du cancer, en phase initiale comme en période de surveillance après traitement. On sait que le DCC hébergera les comptes rendus (CR) d'imagerie ou éventuellement quelques images sélectionnées pour illustrer le CR alors que dans le cadre d'une RCP par exemple, les professionnels ont besoin de consulter l'ensemble des résultats d'imagerie d'un patient pour proposer une stratégie thérapeutique. Pour une prise en charge partagée, pour demander un deuxième avis, les médecins font circuler les dossiers radiologiques des patients entre professionnels exerçant sur différents sites, dans le but : de solliciter un avis d'expert pour envisager la suite de la prise en charge d'un patient, de soumettre un dossier de patient lors d'une RCP sur le territoire ou à une RCP de recours régional, de transmettre le dossier pour une prise en charge.
La norme DICOM, adoptée à 100 % par les constructeurs d'équipements d'imagerie numérisée, permet un partage des images. Concernant le transport, il n'existe plus de difficultés grâce à l Internet rapide et aux réseaux à très haut débit. On peut bénéficier de l'expérience acquise par le réseau Images des CLCC. Le projet se résume ainsi : envoi d'images point à point assurant une sécurité maximale, entre des établissements répartis sur la région Ile-de-France, permettant un avis d'expert en urgence (dans notre cas, les images devront être disponibles à un moment donné, lors de la RCP par exemple), une disponibilité 24 h / 24, la possibilité de récupérer les images dans le SIH du récepteur, sous réserve d'une identification du patient compatible avec le SIH du récepteur. Les services attendus Le risque principal de tout dossier partagé est de le mettre en place sur le plan technique mais qu il ne soit pas utilisé par les PS. Outre le partage des informations médicales relatives aux patients pris en charge, des services à valeur ajoutée qui apportent une plus-value concrète aux utilisateurs sont indispensables. On pense à : La possibilité de réaliser des RCP inter établissements, La possibilité de mieux organiser le parcours du patient à l instar de l outil Trajectoire déployé dans plusieurs régions et qu il est prévu de déployer en Ile-de-France. Normes et standards Les composants du système DCC-IDF sont accessibles par l'intermédiaire de services Web. Le protocole SOAP est choisi pour structurer les messages échangés avec les services du DCC-IDF. Le protocole de transfert HTTPS (HTTP sur SSL/TLS) permet de véhiculer les messages SOAP constitués. Le mécanisme utilisé pour propager l'identité d'un professionnel de santé ainsi que ses droits d'accès à un DMP donné (attribués par le patient), du service de confiance à un ou plusieurs service(s) d'hébergement de données de santé, est une assertion SAML (ou jeton). La manipulation de documents de santé [dépôt, consultation, modification], dans le cadre de l'interaction avec le service d'hébergement, s'appuie sur IHE-XDS. Planning 2009 2012 La feuille de route proposée pour le projet DCC Ile-de-France est la suivante : Réaliser le planning pour le déploiement d un DCC unique régional (projet DCC-IDF) avec les premiers établissements volontaires, les réseaux territoriaux de cancérologie et de soins palliatifs. La région doit mettre en place l annuaire des professionnels de santé, une plate-forme régionale, et préciser les choix techniques et organisationnels pour la circulation des images.
Décider de lancer une consultation puis un appel d offres en 2009 en fonction des financements complémentaires obtenus après décision du CA d ONCORIF. Définir le plan stratégique de déploiement du DCC en 2009 en fonction des financements et recruter les acteurs volontaires pour l alimentation du DCC-IDF. Dès la première année, on a obtenu l implication des trois CLCC de la région, des réseaux territoriaux de cancérologie, des hôpitaux de l AP-HP, de CHG et de PSPH fortement impliqués en cancérologie (liste en annexe). On peut ainsi réaliser pour fin 2009 un plan de déploiement et un plan de connectivité DCC-IDF. Une identification de la nature des pièces communicables ou partageables et de la «source» qui les détient ainsi que de l effort financier nécessaire à la mise à niveau de cette source en vue de l alimentation du DCC seront réalisées. La montée en charge sera progressive avec la connexion progressive de 10 établissements par an sur 4 ans, pour connecter 40 établissements de santé à l horizon 2012. Les convergences DCC DMP Suite au rapport de la Mission Gagneux dont les conclusions ont été approuvées par Madame la Ministre, la gouvernance du projet national va prendre une nouvelle forme et le périmètre du DMP va être redéfini. Parmi les conclusions de la Mission Gagneux, nous pouvons citer celle qui semble d ores et déjà recueillir l approbation de la majorité des acteurs concernés : l idée d exploiter les expériences menées dans les régions en garantissant leur convergence, et donc leur interopérabilité, au sein d un cadre national structurant. Dans l attente de la relance effective du projet DMP qui reste la cible, le projet DCC Ilede-France se fixe la démarche suivante : élaborer un DCC IDF pilote en reprenant éventuellement une solution (ou des éléments) déployée avec succès dans d autres régions, sélectionner une dizaine d établissements ainsi que des réseaux territoriaux de cancérologie qui vont constituer la première vague pour créer et alimenter les premiers DCC, élargir le cercle des contributeurs aux établissements partenaires des premiers volontaires et prenant en charge des patients communs, afin de faire vivre les DCC. Le DCC IDF s attachera à expérimenter des fonctionnalités qui devraient être adoptées dans le DMP : Accès par les PS Gestion des équipes de soins et propagation des droits Gestion des données structurées, des documents et des images Système de dossier centralisé et réparti Serveur de données et de documents Possibilité de réaliser des traitements sur les données (activité du réseau par exemple) Possibilité d inclure des services à valeur ajoutée (gestion des RCP inter établissements et réalisation des PPS).
Conclusion Le DCC-IDF est un des pilotes susceptible d accélérer l alimentation et l utilisation du futur DMP car les deux projets sont étroitement intriqués dès l origine. Les bouleversements des systèmes d'information de santé proviennent de la possibilité de numériser données, documents et images, et de les partager. La génération Internet peut bouleverser notre conception de la médecine en réseau si nous savons maîtriser ces nouvelles technologies et modifier nos organisations. La cancérologie se prête parfaitement à cette nouvelle ère car il s agit d une maladie chronique qui nécessite de nombreux épisodes de soins entre de multiples intervenants. C est à la fois la possibilité d une meilleure médecine et d une gestion plus efficace de notre système de santé.
Annexe 1 Structures volontaires pour participer à la première vague de connexion au DCC-IDF : Les Centres de Lutte Contre Le Cancer d Ile-de-France - Centre René Huguenin (St Cloud 92) - Institut Curie (Paris 75) - Institut Gustave Roussy (Villejuif 94) L AP-HP Des établissements hospitaliers généraux ou PSPH - Centre hospitalier de Versailles (Le Chesnay 78) - Hôpital Foch (Suresnes 92) - Centre Chirurgical Marie Lannelongue (Le Plessis Robinson 92) - Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint Simon Un établissement privé lucratif - Hôpital Privé d Antony (Antony 92) Des médecins libéraux représentés par l URML Ile-de-France Des réseaux territoriaux - De cancérologie - De soins palliatifs - Le réseau Gynecomed. Une structure d HAD - Santé service