Séminaire de recherche Banque de France Sciences Po Mardi 16 juin 2015 Le financement de l économie : de nouveaux canaux pour la croissance Introduction de Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France Mesdames, Messieurs, Je suis très heureux d animer, ici à Sciences Po, ce séminaire consacré aux canaux de financement de la croissance économique dans le nouvel environnement réglementaire. Ce thème est précisément celui du dernier numéro de la Revue de la stabilité financière de la Banque de France. En toile de fond, se pose la question d une transition vers davantage de financements de marché, en particulier dans les économies qui s appuient traditionnellement sur les financements bancaires, comme c est le cas en France. La nouvelle édition de notre Revue de la stabilité financière, comme les précédentes, rassemble les contributions d éminents universitaires, de professionnels du secteur et de décideurs venus du monde entier. Je remercie chaleureusement l ensemble des auteurs. Ces contributions sont très diverses, voire divergentes parfois, en termes d analyses comme de propositions. C est précisément ce que nous voulons. Il est clair que nous ne partageons pas nécessairement les opinions exprimées dans les articles, mais nous croyons au débat d idées. La crise financière a exacerbé l aversion au risque des investisseurs, individuels et professionnels, et leur réticence à s engager sur le long terme. Parallèlement, un nouveau paradigme réglementaire a été développé afin de renforcer le système financier. Il s est notamment traduit par un renforcement des exigences pour les banques, bien sûr, mais également pour d autres composantes du système financier : les institutions non bancaires systémiques, les marchés de produits dérivés de gré à gré, le Shadow Banking. Ces évolutions sont de nature à modifier profondément les traits de l intermédiation financière, du financement de l économie, de la distribution du crédit et le rôle des banques. En particulier, la nouvelle Revue de la stabilité financière met l accent sur trois aspects : - Les exigences réglementaires ont et continueront d exercer une influence importante sur le comportement et les stratégies des intermédiaires financiers et des intervenants de marché. - La transition vers un profil de financement plus équilibré entre financement intermédié et financement direct doit être soutenue par une intervention des pouvoirs publics.
- Beaucoup reste à faire pour drainer plus efficacement les ressources et assurer un flux de financement à long terme suffisant. Il s agit non seulement d un préalable à la reprise mais encore d un impératif pour retrouver le chemin d une croissance forte et équilibrée. Avant que nous n entamions la discussion, je souhaiterais partager avec vous quelques réflexions personnelles sur ce sujet. 1/ À mon avis, les problèmes de financement de l économie sont essentiellement de deux ordres : - D une part, certains compartiments de l économie, par exemple les PME et les infrastructures, dépendent fortement du financement bancaire, en raison notamment de l existence de coûts fixes élevés et d asymétries d information importantes que les banques sont mieux à même de traiter que les marchés. Pour ces compartiments, il est nécessaire de débloquer le crédit bancaire. - D autre part, et cela concerne l ensemble de l économie, il est essentiel de favoriser le développement d un financement de marché en complément du financement bancaire. Bien que cette évolution soit déjà commencée, sa vitesse et son ampleur sont variables selon les pays et les secteurs. L élaboration d une structure de financement plus équilibrée est un processus nécessairement long, qui exige un engagement fort et une intervention des pouvoirs publics. En Europe, une série d initiatives, conduites par les autorités, sont en cours pour relancer le marché de la titrisation, qui y a indûment souffert de l expérience négative des États Unis, et pour développer le marché des placements privés. Plus largement, le projet d Union des marchés de capitaux porté par la Commission européenne vise à soutenir l augmentation des flux de financement, une meilleure allocation des ressources et la diversification des risques. Il s agit d une initiative que je salue et soutiens pleinement, mais qui ne produira les bienfaits attendus que si un certain nombre de conditions sont satisfaites : - Ce projet doit s inscrire dans un cadre conceptuel clairement défini et viser un nombre limité d objectifs réalistes au plan opérationnel. - Le financement de marché doit être considéré comme un complément et non un substitut du financement bancaire. - Le rééquilibrage en faveur du financement de marché doit se faire prioritairement par l émission de titres de capital (actions) plutôt que de titres de dette (obligations). Parallèlement, le recours à l endettement doit s accompagner du développement des placements privés et d une titrisation de qualité. - Pour soutenir le développement du financement de marché, les dispositifs d évaluation des risques sous-jacents et plus largement l information à la disposition des investisseurs doivent être étendus et améliorés. - Enfin, les risques éventuels pour la stabilité financière doivent être identifiés et maîtrisés. 2/ En effet, cette évolution vers davantage de financement de marché comporte deux conséquences principales, du point de vue de la stabilité financière : 2
- Premièrement, la prolifération de la réglementation entraîne une forme d incertitude pour les intervenants de marché. L analyse de l incidence cumulée des réglementations et de leurs interactions n a commencé que depuis peu, mais elle doit être poursuivie et approfondie. La vigilance est effectivement indispensable pour s assurer que la mise en œuvre des réformes n entraîne pas une réduction des activités essentielles pour le financement des investissements et des entreprises. Je pense notamment à l activité de tenue de marché qui montre des signes de recul, en partie en raison des coûts liés à la réglementation, alors même qu elle est cruciale pour les émetteurs, les investisseurs et la liquidité des marchés. - Deuxièmement, le développement de sources de financement extérieures au système bancaire, apporte une nécessaire diversification. Cependant, les risques associés à la désintermédiation sont difficiles à évaluer et à gérer. En outre, le recours croissant au financement non bancaire soulève des questions d égalité de traitement entre institutions bancaires et non bancaires liées aux différences de réglementation et de surveillance d un secteur ou d un pays à l autre. Pour débattre de ces sujets importants, nous avons le privilège de réunir aujourd hui un panel exceptionnel composé de représentants éminents de l industrie de la finance et du monde académique, que je remercie d être parmi nous aujourd hui. Je propose que chaque intervenant fasse une présentation de 10 minutes avant d entamer la discussion au sein du panel. Puis nous nous tournerons vers le public. 3
16 juin 2015 Séminaire Sc Po / Banque de France Le financement de l économie dans le nouvel environnement réglementaire Lorenzo Bini Smaghi Président du Conseil d Administration
Régulation bancaire en zone euro : du chemin parcouru depuis 2008 Plus de capital et de meilleure qualité Renforcement de la gestion de la liquidité Moindre levier Revue des bilans Union Bancaire Résolution / Bail-in Source : ECB P.1
Quel rôle joué par la réglementation dans l évolution du crédit bancaire dans les économies développées? P.2
et dans le mouvement de désintermédiation? Part du financement de la dette des sociétés non financières par les marchés : quasi stable avant la crise. Depuis : Début 2009 - Début 2015 Zone Euro 13% 20% France 26% 37% 40% 35% 30% SOCIÉTÉS NON-FINANCIERES : PART DU FINANCEMENT DE MARCHÉ DANS LE FINANCEM ENT DE LA DETTE (CRÉDIT BANCAIRE+FINANCEM ENT DE M ARCHÉ) 25% 20% 15% 10% France Zone euro Allemagne Italie Espagne 5% 0% 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 Source : ECB P.3
Un rôle croissant joué par les fonds d investissement Source : IMF P.4
mais une moindre liquidité sur certains marchés secondaires, en liaison notamment avec la réduction des activités de teneur de marchés Source : ECB P.5
notamment ceux de la dette des États 1 Germany : Government Bond Yields by Maturity 0,8 0,6 0,4 20 April 2015 5 June 2015 0,2 0-0,2-0,4 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Source : Datastream P.6
De nouveaux enjeux pour le financement de l économie Réponse de la régulation à la crise : chaque friction identifiée a donné lieu à des réponses réglementaires non coordonnées Apparition d incohérences et superpositions qui nécessitent une réflexion en équilibre général Comment mettre en place une alternative au crédit bancaire à l échelle de la zone euro? Union des Marchés de Capitaux? Problème d ajustement si l on réduit la capacité des banques à faire de la transformation sans agir sur la «demande» de transformation du secteur non financier : Nécessité d une épargne plus longue et plus risquée Report des risques sur : le secteur financier non régulé, les épargnants, les entreprises? Comment réconcilier la volonté de banques plus petites et l objectif de banques pan-européennes? P.7
Un nouveau rôle pour la politique monétaire qui n est pas sans conséquence pour la stabilité Est-ce que la politique monétaire peut et doit compenser le durcissement réglementaire? Le QE, seule alternative pour compenser les effets restrictifs sur le crédit en situation de taux à zéro? Le rôle de market-maker doit-il dorénavant être joué par les banques centrales? Quelles conséquences du QE pour la stabilité financière? Risque de bulles et de déformation des prix des actifs Vers un rôle accru de la politique macro-prudentielle? Paradoxe de la liquidité : surabondance de liquidité au niveau macro et assèchement de la liquidité sur certains marchés secondaires Taux d intérêt durablement faibles : conséquences pour la rentabilité des banques et la solvabilité des assureurs/fonds de pension? P.8
Sciences Po Intervention Eric Lombard Mardi 16 juin 2015 Generali France
Actifs en valeur de marché Provisions techniques économiques Actifs en valeur de marché Provisions techniques économiques Fonds Propres Fonds Propres Contexte réglementaire Pilier 1 - Une exigence réglementaire : un ratio de solvabilité > 100% 2 1 Bilan comptable 4 Aggregation SCR Marché SCR Souscription Scenario Central 2 3 FP (Central) Scenario choc (ex marché) Choc d actif # Scenario Δ Equity Δ PC1 Δ PC2 Δ PC3 Δ Lapse 1 17% 4% 23% 32% 4% 2 3% -4% 33% 10% 9% 3-22% -17% 18% 2% -26% 1,000,000 5% -2% 6% 17% -12% FP Choc SCR unitaire = FP (central) FP (choc) 5 Economic Solvency Ratio (ESR) ESR = FP (Central) 2 SCR aggrégé 4 Generali
Volatilité et pilotage Effets pervers de la market consistency 3 Répercussion de la volatilité des marchés financiers dans les ratios solvabilité 2 Pilotage devenu très compliqué : possibilité de variation de plusieurs dizaines de points de ratio en un trimestre Generali Ratio moyen pondéré S2 de couverture des sociétés vie françaises avec VB à 20% (rouge) et à 40% (vert) (source : Milliman) Introduction du Volatility Adjuster n ayant que partiellement limité les effets de volatilité 0.02% 0.01% 0.01% 0.01% 0.01% 0.01% 0.00% 0.00% 0.00% 1 4 7 10 13 16 19 Spot 2014 with VA Spot 2014 w/o VA
Calibrages L investissement dans l économie réelle à privilégier Januar 4 y 30, 2014 Exemples d actifs Choc brut Solvabilité 2 (formule standard) Prêt direct, duration 6 ans, à une PME, rating BB 25% de la valeur du prêt pour le risque de spread A ajouter au risque de taux Private Equity européen non côté 49% de la valeur de marché + ajustement symétrique Au 31/12/2014 : 51,5% de choc Infrastructures En l absence de module spécifique, choqué comme un prêt à une entreprise non côté ou comme une action non côtée (suivant nature du véhicule) Generali