Les professions réglementées. Tome 1



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Transcription:

MINISTERE DE L ÉCONOMIE ET DES FINANCES RAPPORT N 2012 M 057 03 Les professions réglementées Tome 1 MARS 2013

SYNTHÈSE 1. La mission de l Inspection Générale des Finances a procédé à l analyse économique du fonctionnement de 37 professions et activités réglementées. Elles ont été sélectionnées sur la base de leur poids dans l économie, de leur rentabilité et parce qu elles font l objet d au moins deux réglementations spécifiques. Il s agit de services aux particuliers ou aux entreprises, relevant des professions juridiques, des professions du chiffre, des professions de santé, des professions artisanales et d autres domaines techniques. Elles ont représenté en 2010 un chiffre d affaires cumulé de 235,8 Md et une valeur ajoutée de 123,8 Md (6,4 % du PIB). Le bénéfice agrégé net de ces professions et activités était de 42,7 Md en 2010. Ces 37 activités emploient 1,1 million de salariés. 2. Les professions réglementées étudiées se distinguent par des niveaux élevés de rentabilité, de revenus et des évolutions qui ne trouvent, dans certains cas, pas d autre explication que la réglementation en vigueur. Dans les 37 professions et activités examinées, le bénéfice net avant impôt représentait en 2010 en moyenne 19,2 % du chiffre d affaires, soit 2,4 fois la rentabilité constatée dans le reste de l économie. L examen des bénéfices déclarés par les professionnels a permis de constater qu au moins 32 de ces professions présentent des revenus médians supérieurs au revenu médian des salariés français. Parmi les 37 professions examinées, le revenu médian dépasse en effet 3 000 (nets) par mois pour 18 professions, 10 000 (nets) mensuels pour 5 professions et 20 000 (nets) mensuels pour 3 professions. Économiquement, les niveaux de revenus observés, souvent supérieurs à ceux que les usagers imaginent, ne s expliquent pas toujours par la durée de la formation, l ampleur des investissements à réaliser ni l existence d un risque d échec économique de l activité. Parallèlement, il a été constaté qu entre 2000 et 2010, les professions concernées ont vu leur valeur ajoutée agrégée augmenter de 54 % alors que le PIB ne progressait que de 35 %. Sur la même période, le bénéfice net de ces professions s est accru de 46 % alors que les prélèvements obligatoires progressaient en valeur de 29 %. 3. Pour chacune des 37 professions, la mission a analysé, sous l angle économique, cinq catégories principales de réglementations portant sur les tâches et activités réservées, les tarifs réglementés, l existence d exigences minimales de qualification, l existence de restrictions à la liberté de formation ou d installation, l existence de restrictions à l accès au capital. 4. Dans une majorité de cas, il n est pas contestable que les réglementations existantes puissent contribuer dans leur principe, à mettre œuvre les objectifs d intérêt général et d efficacité économique qui les ont inspirées. Les réglementations en place sont économiquement justifiées lorsqu elles répondent de façon précise et circonscrite à des contraintes telles que : le manque d expertise du public sur la qualité et l adéquation du service proposé et sur l étendue de son besoin ; le risque d apparition de prix trop élevés par rapport aux coûts de revient du service ou de prix trop bas pour permettre d offrir un service de qualité suffisante ; la prévention des conflits d intérêts chez les professionnels. 1

5. La mission a constaté, dans les cas des médecins généralistes et spécialistes, des avocats, des experts comptables et des commissaires aux comptes, qui sont les professions les plus nombreuses, qu il existe malgré les règles applicables une réelle intensité concurrentielle au sein de la profession. L offre de service de ces professionnels au niveau national est facilement disponible (liberté d installation), nombreuse (pas de numerus clausus durablement malthusien et pénalisant pour l offre) et les tarifs sont libres dans la plupart des cas. Les différences de revenus entre les professionnels traduisent en général des différences d expériences, de références ou de prestations offertes. Cependant, ce niveau de concurrence n est pas rencontré dans l ensemble des 37 professions étudiées. 6. La mission a examiné des options d assouplissement ou de suppression des réglementations applicables aux 37 professions examinées. 7. Concernant les tâches et activités réservées à certains professionnels («monopoles d activité»), les options identifiées portent sur la normalisation de plusieurs périmètres réservés d activités des professions suivantes : pharmaciens, pour la délivrance des médicaments à prescription médicale facultative ; notaires, pour la rédaction des actes soumis à publicité foncière ; greffiers de tribunaux de commerce, pour la gestion des données relatives aux registres légaux ; huissiers, pour la signification des actes de procédure et décisions de justice non pécuniaires ; mandataires judiciaires, pour la gestion des liquidations ; les professions du droit, pour les différents types de ventes aux enchères. 8. Concernant les tarifs réglementés, la mission a constaté un déficit d orientation des tarifs vers les coûts réels des professionnels. Dans certaines professions caractérisées par des tarifs réglementés, une baisse de 20 % des tarifs laisserait encore une marge nette raisonnable aux professionnels. La principale option identifiée consisterait, au vu de la dispersion actuelle de la tutelle économique, à donner à l Autorité de la concurrence la capacité d imposer l orientation vers les coûts des tarifs quand ils sont réglementés. Parallèlement, une révision quinquennale des tarifs serait souhaitable. Une gestion plus exigeante des tarifs réglementés pourrait utilement s accompagner d une explicitation des coûts du «service universel» ou de certains services rendus «gratuitement» à la puissance publique par certains professionnels. Complémentairement, certains tarifs réglementés pourraient être supprimés (tarifs réglementés des notaires sur les négociations immobilières, tarifs de postulation des avocats) tandis que d autres tarifs, non réglementés, pourraient être rendus plus transparents : les tarifs de conseil et de pose des prothèses dentaires ; les tarifs d intervention d urgence des plombiers et des serruriers. 9. Pour les professions soumises à autorisation d installation (par exemple l existence d un droit de présentation), il serait économiquement plus efficace de poser un principe de liberté d installation en prévoyant dans des cas précis que les pouvoirs publics disposent d un droit d opposition motivée, strictement défini par la loi et placé sous le contrôle du juge administratif. 10. Concernant les exigences minimales de qualification, les options envisagées viseraient : dans le secteur de la santé, à étendre les prérogatives de prescription médicale des infirmiers et des opticiens ; dans certains métiers du bâtiment, à alléger les contraintes de qualification restreignant l accès à des tâches artisanales et à supprimer celles restreignant l accès à des tâches élémentaires. 2

11. Concernant les restrictions à l accès au capital des structures d exercice à des investisseurs tiers, la mission constate une sédimentation historique et complexe par ailleurs contestée au plan européen. Une option envisageable consisterait à poser le principe de la liberté d investissement pour la plupart des professions où telle n est pas la règle aujourd hui. La mission suggère, si cette option est mise en œuvre, que l intensification de la concurrence qui pourrait en résulter, s accompagne d un renforcement des prérogatives des ordres professionnels en matière de contrôle déontologique et de sanction. 12. Pour les restrictions à la liberté de formation, la principale option envisagée est de supprimer le «numerus clausus» restreignant l accès à plusieurs formations liées à la santé (pharmacien d officine, chirurgien dentiste, infirmier, masseur kinésithérapeute, vétérinaire), seules les formations de médecin généraliste et de médecin spécialiste justifiant, par leur durée et leur coût, une régulation spécifique sans risque de la voir contournée. 13. La mise en œuvre d options de cette nature serait susceptible à un horizon de cinq ans de générer, selon la direction générale du Trésor, un surcroît d activité d au moins 0,5 point de PIB, plus de 120 000 emplois supplémentaires et un surcroît d exportations de 0,25 point de PIB. 3

SOMMAIRE INTRODUCTION... 1 1. LES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES CONTINUENT D OCCUPER UNE PLACE SINGULIÈRE DANS L ÉCONOMIE FRANÇAISE... 3 1.1. Les questionnements sur l organisation de ces professions sont anciens et persistants... 3 1.1.1. La situation des professions réglementées a fait en France l objet de plusieurs rapports officiels, mis partiellement en œuvre...3 1.1.2. L organisation en France des professions réglementées continue de faire l objet d interrogations à l échelon européen...3 1.2. L analyse de l IGF a porté sur 37 professions à valeur ajoutée importante dans l'économie, qui sont à la fois réglementées et à forte rentabilité... 4 1.2.1. Méthode de définition du champ d étude...4 1.2.2. Les 37 professions analysées représentent un poids économique substantiel...6 2. LA RÉMUNÉRATION DES 37 PROFESSIONS EXAMINÉES EST DANS CERTAINS CAS ÉLEVÉE ET EN FORTE PROGRESSION, SANS QU UNE AUTRE EXPLICATION QUE LE NIVEAU DE LA RÉGLEMENTATION NE PUISSE ÊTRE IDENTIFIÉE... 7 2.1. La mission a examiné le niveau de revenus des professionnels, qui apparaît parfois élevé voire très élevé... 7 2.2. Le niveau de qualification exigé n explique pas les écarts de revenus observés entre professions et au sein de certaines professions... 8 2.3. Le niveau de certaines rémunérations ne s explique pas davantage par l ampleur des investissements à réaliser...11 2.4. Le niveau de rémunération des professionnels concernés ne correspond pas toujours, non plus, à une prise de risque économique clairement identifiable...12 2.5. Entre 2000 et le 2010, les professions réglementées examinées ont vu leur valeur ajoutée augmenter de 54 % en moyenne alors que le PIB progressait de 35 %...12 3. LA MISSION RAPPELLE QU EN THÉORIE L EXISTENCE DE RÉGLEMENTATIONS DEVRAIT PERMETTRE DE CONCILIER LES OBJECTIFS D INTÉRÊT GÉNÉRAL ET D EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE...16 3.1. Les caractéristiques de certaines activités peuvent légitimer l existence de réglementations dérogatoires à une organisation libre des marchés...16 3.2. Dans une majorité de cas, les réglementations existantes contribuent, si ce n est dans leurs modalités du moins dans leur principe, à mettre en œuvre les objectifs d intérêt général et d efficacité économique qui les ont inspirées...18 3.3. Le rapport qualité prix du service rendu n apparaît pas toujours à la hauteur des attentes des consommateurs, pour qui les dépenses correspondantes sont plus subies que choisies...19 4. LE PÉRIMÈTRE DES TÂCHES RÉSERVÉES À CERTAINS PROFESSIONNELS MANQUE DE JUSTIFICATION...22 4.1. Le monopole des greffiers des tribunaux de commerce sur la gestion des données et actes relatifs aux registres légaux...22 4.2. Le monopole de délivrance par les pharmacies d officine des médicaments à prescription médicale facultative...22 4.3. Le monopole des notaires sur la rédaction des actes soumis à publicité foncière...24

4.4. Le monopole des huissiers sur la signification des actes de procédure et décisions de justice...25 4.5. Le monopole des écoles de conduite pour la formation pratique à la conduite...25 4.6. Le monopole des mandataires judiciaires...26 4.7. Les monopoles sur les différents types de ventes aux enchères...28 4.8. Le monopole des ambulanciers et des taxis sur le transport sanitaire assis professionnalisé...29 4.9. Le monopole des taxis sur le transport sans réservation peut être préservé sans restriction au développement du secteur des véhicules de tourisme avec chauffeur...29 4.10..Le monopole géographique de postulation des avocats...30 5. CERTAINS TARIFS RÉGLEMENTÉS POSENT QUESTION DANS LEUR GOUVERNANCE ET LEUR FONCTIONNEMENT...31 5.1. La gouvernance de fixation des tarifs réglementés pourrait être mieux adaptée aux enjeux...31 5.1.1. La gouvernance de fixation des tarifs gagnerait à être formalisée par une capacité d intervention systématique de l Autorité de la concurrence... 31 5.1.2. Une révision au moins quinquennale des tarifs réglementés et de la nature des actes soumis à tarifs réglementés contribuerait à une meilleure maîtrise des tarifs... 32 5.2. Certains tarifs réglementés n apparaissent pas justifiés et pourraient être supprimés...33 5.2.1. Le tarif réglementé des notaires sur les négociations immobilières... 33 5.2.2. Le tarif de postulation des avocats devant le tribunal de grande instance... 33 5.3. La tarification de plusieurs actes juridiques sous monopole demanderait une correction...34 5.3.1. Les actes des notaires au tarif proportionnel à la valeur énoncée dans l acte (transactions immobilières, hypothèques, successions )... 34 5.3.2. Les émoluments proportionnels des administrateurs et des mandataires judiciaires... 38 5.3.3. Les tarifs forfaitaires des huissiers... 39 5.3.4. Les tarifs des greffiers de tribunaux de commerce pour la tenue et la consultation des registres... 40 5.4. Le fonctionnement de certaines professions demanderait une réglementation complémentaire des tarifs...41 5.4.1. La profession de chirurgien dentiste fonctionnerait de façon économiquement plus efficace si la réglementation fixait les tarifs du conseil et de la pose de prothèse dentaire... 41 5.4.2. Les tarifs d intervention d urgence des plombiers et serruriers pourraient être rendus plus transparents au bénéfice des consommateurs... 42 5.4.3. Les prix des médicaments vétérinaires pourraient être rendus plus transparents... 42 5.4.4. La contribution aujourd hui «gratuite» de certaines professions réglementées au service public devrait donner lieu à un financement et une tarification explicites pour une meilleure transparence des coûts et transferts... 43 5.4.5. Certains tarifs réglementés, conçus pour remplir des objectifs d aménagement du territoire, devraient explicitement distinguer ce qui relève des coûts du «service universel»... 44 6. LE NIVEAU DE QUALIFICATION EXIGÉ POUR L'EXERCICE DE CERTAINES ACTIVITÉS APPARAÎT DISPROPORTIONNÉ...45 6.1. De nombreuses activités et professions réglementées sont dites «en tension», avec un volume d offres d emplois supérieur au nombre de demandes d emplois identifiées dans le secteur...45

6.2. Certaines professions du bâtiment n exigent pas, pour les travaux simples, un niveau de qualification élevé...45 6.3. Certaines tâches nouvelles pourraient être confiées aux infirmiers...46 6.4. Davantage de tâches pourraient être confiées aux opticiens optométristes...46 7. LES RESTRICTIONS À L ACCÈS AU CAPITAL SONT LE FRUIT D'UNE SÉDIMENTATION DE RÈGLES DOMESTIQUES SOUVENT ANCIENNES, MODIFIÉES PAR LA JURISPRUDENCE COMMUNAUTAIRE...48 7.1. Cette situation est une singularité des professions libérales par rapport aux autres professions réglementées, dont l accès au capital est libre...48 7.2. La réglementation actuelle peut favoriser, dans les professions libérales, l entrée de capitaux non professionnels étrangers...49 7.3. A l exception des avocats, l indépendance des professions examinées par la mission peut être assurée sans restriction concernant le capital des sociétés d exercice...49 7.4. La mission a identifié des règles qui limitent la capacité entrepreneuriale des professionnels de santé...50 8. PLUSIEURS DISPOSITIFS RESTREIGNANT LA LIBERTÉ DE FORMATION OU D INSTALLATION DES PROFESSIONNELS (FUSSENT ILS QUALIFIÉS) POSENT UNE QUESTION D'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE...51 8.1. Les «numerus clausus» (contingentement de l accès à la formation) sont parfois contournés au point que leur existence est contestable...51 8.2. Certaines professions doivent obtenir une autorisation d installation spécifique (notaires, greffiers de tribunaux de commerce, huissiers, commissaires priseurs judiciaires, pharmaciens, taxis, débits de boissons)...52 8.3. La liste des administrateurs judiciaires pourrait être élargie...53 9. UNE MODERNISATION DES RÈGLES RELATIVES AUX 37 PROFESSIONS EXAMINÉES PAR LA MISSION AURAIT UN IMPACT MACRO ÉCONOMIQUE SIGNIFICATIF...55 9.1. L'impact macroéconomique d assouplissements de cette nature est évalué à plus de 0,5 % de PIB et plus de 120 000 emplois créés, dans des hypothèses prudentes...56 9.1.1. Méthode d estimation par la Direction générale du Trésor des effets escomptés... 56 9.1.2. Un accroissement de la concurrence dans les secteurs examinés pourrait générer un surcroît d activité d au moins 0,5 point de PIB (au moins 12 Md ) et plus de 120 000 créations d emplois... 57 9.2. Pour atteindre les objectifs du CICE récemment mis en place, une pression concurrentielle plus forte sur ces professions serait nécessaire...58 9.3. La mission considère que, dans les secteurs devenus concurrentiels par changement des règles, de nouvelles formes d'exploitation se développeraient avec un effet qualité et un effet prix pour les consommateurs...59 9.4. Pour éviter qu'une plus grande concurrence ne se traduise par un glissement des comportements au détriment de la qualité, il conviendrait de renforcer les règles et le contrôle déontologiques...61 9.5. Modifier le périmètre des tâches réservées à certains officiers publics ministériels ou remettre en cause leur droit de présentation peut, au cas par cas, soulever des questions circonscrites d indemnisation...65 CONCLUSION...68

INTRODUCTION A la demande du ministre de l économie et des finances (lettre de mission du 1 er octobre 2012), l Inspection générale des finances a réalisé une mission d analyse sur les activités et professions réglementées. Rappelant que «la croissance économique et le développement de l emploi en France constituent les objectifs premiers de l action du gouvernement» et qu il est «indispensable de se préparer au mieux» à d éventuelles évolutions communautaires, la lettre de mission du ministre demandait à l IGF : d identifier tout d abord les activités et les professions soumises à réglementation dont l examen apparait économiquement pertinent ; d analyser ensuite la justification des réglementations applicables, en tenant compte des motifs d intérêt général qui les ont inspirées ; d examiner l opportunité de faire évoluer certaines de ces réglementations, en précisant, chaque fois que cela sera possible, les gains économiques potentiels d une telle évolution ; enfin, d exposer les réformes qui apparaissent prioritaires, en suggérant les axes et les options possibles pour la mise en œuvre de ces changements. Ce rapport dresse la synthèse des constats de la mission et présente les options d évolution identifiées. * * * D octobre 2012 à février 2013, la mission de l Inspection générale des finances a porté sur un total de 37 professions et activités réglementées, qui représentaient un chiffre d affaires cumulé en 2010 de 235,8 Md et une valeur ajoutée de 123,8 Md (6,4 % du PIB français). Le bénéfice net des entreprises concernées en 2010 s'élevait à 42,7 Md et elles employaient 1,1 million de salariés. La mission a procédé à une analyse statistique approfondie de la place qu occupent ces professions réglementées dans l'économie française, de leur situation de rentabilité et de revenu et de leur dynamique par rapport aux autres secteurs du PIB. Elle a exploité pour ce faire les données de l INSEE et celles de la DGFIP correspondant aux déclarations fiscales de plus de 500 000 structures d activité professionnelle. La mission a ensuite examiné, pour chacune des 37 professions qui ont été retenues dans le champ d analyse, le contenu et la portée juridique, économique, sanitaire et sociale précise des réglementations dont elle fait l objet. La mission a bénéficié notamment des éléments apportés par les services du ministère de l économie et des finances à l étranger, des analyses de la direction des affaires juridiques et de la DGCCRF, d enquêtes réalisées par cette dernière, de travaux de la mission nationale d audit de la DGFIP, des travaux de l Autorité de la concurrence et des précisions apportées par les ministères de tutelle des professions. Sur cette base, elle a expertisé, pour les principales réglementations identifiées leur bien fondé économique, leurs modalités de mise en œuvre, de contrôle, d évaluation et de révision et l état des pratiques professionnelles. Enfin, la mission a eu un échange avec chacun des ministères sectoriels concernés et chacune des principales structures de représentation professionnelle, pour prendre connaissance de leurs perceptions, commentaires et projets sur l état des réglementations en place et sur l économie de leurs professions. 1

Grâce à ces éléments, elle a pu identifier un ensemble d enjeux sous jacents au fonctionnement économique des professions réglementées, déterminer les options possibles par rapport aux réglementations existantes et commencer à évaluer, en lien avec la direction générale du Trésor, l impact économique possible des modifications évoquées. 2

1. Les professions réglementées continuent d occuper une place singulière dans l économie française 1.1. Les questionnements sur l organisation de ces professions sont anciens et persistants 1.1.1. La situation des professions réglementées a fait en France l objet de plusieurs rapports officiels, mis partiellement en œuvre Au cours des cinquante dernières années, de nombreux experts et commissions se sont penchés sur le besoin de réforme des professions réglementées. Dès 1959 le comité Armand Rueff proposait la «suppression des obstacles à l expansion économique». Depuis, la réforme des professions réglementées a été réexaminée en particulier par un rapport de l'inspection générale des finances rapport Augier 1983, par les travaux de la commission pour la libération de la croissance rapport Attali 2008 et ceux de la commission Darrois (2009). Les rapports Attali puis Darrois ont été partiellement mis en œuvre, respectivement par la loi de modernisation de l économie du 10 août 2009, la loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires du 28 mars 2011 et plusieurs dispositions de réforme incrémentale incluses dans des lois sectorielles. 1.1.2. L organisation en France des professions réglementées continue de faire l objet d interrogations à l échelon européen A plusieurs reprises, les travaux européens d harmonisation des législations nationales ont suggéré un assouplissement des règles applicables aux professions réglementées, notamment les professions juridiques et du chiffre. Ce fut le cas notamment : du Livre Blanc de la Commission européenne sur les professions libérales (2004) ; de la directive sur la «reconnaissance des qualifications professionnelles» (2005) ; de la directive «services» (2006). L impact économique de l action ainsi engagée a été limité, notamment par des exclusions explicites de certaines professions du champ d application des textes. Aujourd hui, plusieurs éléments contribuent à entretenir une pression communautaire : la jurisprudence communautaire, qui impose de revenir sur certaines restrictions en matière de libre prestation de service, de liberté d installation, de liberté capitalistique, de publicité et d équivalence des qualifications ; l adoption en juin 2012 d un nouveau «paquet services», qui donne lieu à une «revue par les pairs» des réglementations en place ; la préparation d une révision de la directive sur les qualifications professionnelles ; 3

les avis formels adoptés par l ensemble des membres du Conseil de l Union européenne sur les programmes de stabilité transmis par la France, qui rappellent régulièrement le défaut de réforme des professions réglementées, comme ce fut encore le cas en juillet 2012 : «Les réformes qui ont été adoptées pour simplifier l'environnement des entreprises et éliminer les restrictions dans certains secteurs et professions réglementés n ont pas permis de supprimer les barrières à l entrée et les comportements restrictifs existant dans de nombreux autres secteurs (par exemple, vétérinaires, chauffeurs de taxi, secteur de la santé, professions juridiques, y compris notaires). Il s avère donc nécessaire de réaliser un examen plus horizontal et systématique des barrières à l entrée et des comportements restrictifs qui subsistent dans les professions réglementées afin d'apprécier leur nécessité et leur proportionnalité. 1» 1.2. L analyse de l IGF a porté sur 37 professions à valeur ajoutée importante dans l'économie, qui sont à la fois réglementées et à forte rentabilité 1.2.1. Méthode de définition du champ d étude L analyse de la mission s est concentrée sur 27 secteurs d activités réglementées, regroupant 37 professions. Les secteurs et professions examinés ont été sélectionnés à partir de cinq critères économiques ou juridiques : le poids dans l économie, la concentration du secteur, la rentabilité 2, l existence de réglementations spécifiques et le cumul de plusieurs réglementations. A partir des données 3 de l INSEE et des administrations publiques, la mission a mis en œuvre une démarche en six étapes pour délimiter son champ d analyse : la mission a d abord isolé, parmi les 732 secteurs d activité de l économie française (hors secteurs agricoles), les 248 activités commerciales, industrielles et de services, ayant une valeur ajoutée supérieure à 1 Md en 2009 ou en 2010 et comptant plus de 20 entreprises ; la mission a ensuite identifié, parmi ces 248 activités, les 86 secteurs ayant présenté en moyenne, en 2009 ou en 2010, des taux de rentabilité supérieurs à la moyenne des taux de rentabilité des unités légales de l ensemble de l économie, qui s établissait à 4,8 % en 2009 et à 7,9 % en 2010 ; sur cette base, la mission a examiné l existence parmi ces 86 secteurs, de réglementations particulières 4, ce qui a permis de constater que parmi les 86 secteurs les plus rentables de l économie française, 44 secteurs comptaient plus d une réglementation particulière ; 1 COUNCIL RECOMMENDATION on the National Reform Programme 2012 of France and delivering a Council opinion on the Stability Programme of France, 2012 2016. 2 L indicateur de rentabilité auquel il est fait référence est le rapport du résultat net comptable au chiffre d affaires. 3 Ce travail statistique a été réalisé à partir de la base de données publique «ESANE» de l INSEE sur les exercices 2009 et 2010. 4 La mission a testé la présence de chacune des dix réglementations suivantes : i) l existence de «tâches réservées» ou d un monopole, total ou partiel, d activité, ii) l existence de tarifs réglementes, iii) la présence d une exigence minimale de qualification professionnelle du professionnel (diplôme, expérience ), iv) l obligation de détenir une licence professionnelle, v) l existence d un numerus clausus de formation ou d installation (restriction quantitative à la formation ou à l installation professionnelle), vi) l obligation de respecter une forme sociale définie (SEL, SCP ), vii) l existence de restrictions d accès au capital des entités d exploitation pour les tiers non professionnels, viii) l impossibilité pour le professionnel d être actionnaire majoritaire de plusieurs unités légales dans le même secteur, ix) l obligation de souscrire une assurance professionnelle, x) l existence d une prise en charge, même partielle, du prix par un tiers (assurance maladie ). 4

Graphique 1 : Les 86 sous secteurs d activité les plus rentables en 2009 ou 2010 font apparaître une corrélation entre niveau de rentabilité et nombre de réglementations Taux de rentabilité en 2010 (= Résultat net comptable / Chiffre d'affaires) 60% 50% 40% 30% 20% 10% Agents et courtiers d'assurances Dirigeant d une école de conduite Masseur kinésithérapeute / Infirmier libéral pédicure podologue Activités juridiques Taxis Agences immobilières Diagnostiqueur immobilier Architecte Dirigeant d un débit de Menuisier boissons Plâtrier Contrôleur technique Expert comptable / Opticien Plombier automobile commissaire aux comptes Prothésiste dentaire Ambulancier Administration d'immeubles et autres biens immobiliers Vétérinaire Médecins spécialistes Médecins généralistes Chirurgien dentise Pharmacien biologiste dirigeant un laboratoire d'analyses médicales Pharmacien 0% 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Nombre de réglementations recensées Source : Mission IGF, d après données Insee 2010. en utilisant les données ainsi obtenues, la mission a observé une corrélation entre niveau de réglementation et niveau de rentabilité : parmi les 86 secteurs les plus rentables de l économie française, où la rentabilité est en moyenne de 11,7 %, l existence d au moins une réglementation s accompagne d un surcroît de rentabilité de 4,7 points ; la mission a ensuite identifié que parmi les 44 secteurs les plus rentables de l économie et présentant au moins une réglementation, le cumul d au moins deux réglementations s accompagne d un surcroît de rentabilité de 7,5 points par rapport aux 86 secteurs les plus rentables de l économie. Cette situation concerne 27 secteurs d activités réglementées retenus dans l échantillon d analyse de la mission ; Graphique 2 : Comparaison, parmi les 86 sous secteurs les plus rentables de l économie, des rentabilités (résultat net/chiffre d affaires) constatées avec aucune, une ou au moins deux réglementation(s) 25.0% 20.0% 15.0% 10.0% 2.8% 4.7% 4.7% 3.8% 3.8% 3.8% 5.0% 7.9% 7.9% 7.9% 7.9% 0.0% Ensemble de l'économie Ensemble des 86 secteurs d'activités les plus rentables Secteurs soumis à au moins une réglementation Secteurs soumis à au moins deux réglementations Source : Mission IGF, d après données INSEE 5

au sein des 27 secteurs d activité ainsi retenus, la mission a identifié les principales professions présentant des caractéristiques homogènes, ce qui a conduit à établir un échantillon d étude approfondie portant au total sur 37 activités et professions. Les 37 professions et activités retenues dans l échantillon d analyse de la mission relèvent de secteurs diversifiés, servant les particuliers et/ou les entreprises : des professions du droit : notaire, greffier de tribunal de commerce, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, huissier, avocat, commissaire priseur judiciaire ; des professions liées à la santé humaine ou animale : médecin généraliste libéral, médecin spécialiste libéral, chirurgien dentiste, prothésiste dentaire, pharmacien, vétérinaire, ambulancier, pharmacien titulaire d un laboratoire de biologie médicale, infirmier libéral, opticien, masseur kinésithérapeute, pédicure podologue ; des professions du chiffre : expert comptable, commissaire aux comptes ; des professions artisanales : plombier, menuisier, serrurier, peintre, vitrier, plâtrier, taxi ; d autres domaines : architecte, agent immobilier, diagnostiqueur immobilier, administrateur d immeuble, dirigeant d une école de conduite, contrôleur technique automobile, expert en assurance, agent d assurances, exploitant d un débit de boissons. 1.2.2. Les 37 professions analysées représentent un poids économique substantiel Les activités réglementées étudiées ont représenté en 2010 un chiffre d affaires cumulé de 235,8 Md, une valeur ajoutée de 123,8 Md, un bénéfice de 42,7 Md et 1,1 million d emplois salariés. Leur valeur ajoutée représente 6,4 % du PIB français. Dans les 37 professions et activités examinées, le bénéfice net avant impôt 2010 représentait en moyenne 19,2 % du chiffre d affaires, soit 2,4 fois la rentabilité constatée dans l ensemble de l économie. Concrètement, lorsqu un usager a recours à l une des professions réglementées examinées par la mission, sur 100 hors taxes de chiffre d'affaires du professionnel, la moyenne du bénéfice net de ce dernier est de 19,2 net avant paiement de l impôt sur le revenu ou de l impôt sur les sociétés. Pour l économie, en moyenne, sur 100 hors taxes de chiffre d affaires, la moyenne des bénéfices nets avant impôt est de 7,9. Graphique 3 : Rentabilité nette observée en moyenne dans certaines professions réglementées 100 90 80 70 60 Sur 100 hors taxe versés par le consommateur, le bénéfice net réalisé par le professionnel s'élève en moyenne à... 50 40 43 34 44 37 30 20 23 20 19 16 10 0 Huissier Chirurgiendentiste Vétérinaire Agent/courtier d'assurance 8 Moyenne nationale Agent immobilier Greffier de tribunal de commerce Architecte Notaire Source : Calculs IGF, d après les données de l INSEE et de la Direction générale des finances publiques. 6

2. La rémunération des 37 professions examinées est dans certains cas élevée et en forte progression, sans qu une autre explication que le niveau de la réglementation ne puisse être identifiée 2.1. La mission a examiné le niveau de revenus des professionnels, qui apparaît parfois élevé voire très élevé Ayant constaté, à l échelle agrégée, un niveau de bénéfice supérieur à la moyenne dans les 37 professions examinées, la mission a étudié les niveaux de revenu des professionnels concernés. Pour ce faire, elle a examiné les bénéfices déclarés auprès de l administration fiscale par les structures d exercice professionnel, avec les trois principaux cas de figure suivants : le professionnel exerce sous forme individuelle sans autre associé et le bénéfice 5 de sa structure d exercice, déclaré à l impôt sur le revenu, correspond précisément au revenu personnel net qu il retire de son activité professionnelle, indépendamment de ses éventuelles autres sources de revenus par exemple mobiliers (qu il ait par ailleurs aucun, un ou plusieurs salariés). Ce cas de figure, où le revenu du professionnel se lit directement dans les déclarations de bénéfices des structures d exercice, concerne majoritairement 23 des 37 professions examinées 6 et un total de 330 000 professionnels ; le professionnel exerce avec d autres associés et le bénéfice de la structure d exercice collective est partagé entre les associés, chacun déclarant à l impôt sur le revenu sa quote part du bénéfice dégagé. Ce cas de figure, majoritaire au sein de 3 des 37 professions examinées 7, rend le revenu personnel du professionnel plus difficile à cerner sur la base des données dont la mission disposait. La mission a donc fait procéder, pour ces professions, à des examens sur échantillons de déclarations de bénéfices et de revenus, qui ont en général confirmé les ordres de grandeurs relevés chez les professionnels sans associé ; le professionnel exerce sous forme de société, imposée à l impôt sur les sociétés, dont il est à la fois actionnaire (il se verse des dividendes) et parfois salarié (il peut se verser un salaire). Dans ce cas, le revenu du professionnel dépend de son salaire et de sa participation au capital de l entreprise. Cette situation concerne majoritairement 11 des 37 professions examinées. La mission a, pour ces 11 professions, fait procéder à un examen sur échantillons 8, qui a montré que dans ce cas, le revenu moyen est en général supérieur à la moyenne des revenus observés pour les professionnels sans associé, ce qui tient au fait que les professionnels exerçant sous forme sociétale déclarant à l IS ont structurellement les volumes d activité les plus importants et réalisent des économies d échelle sur leurs frais généraux. 5 Le bénéfice correspond ici au résultat net comptable avant impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés. 6 Les professions concernées sont notamment : les avocats, les commissaires priseurs, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires, les notaires, les médecins généralistes ou spécialistes, les chirurgiensdentistes, les pharmaciens, les vétérinaires, les taxis, les plâtriers, les peintres, les vitriers, les plombiers, les menuisiers, les débits de boisson, les architectes, les écoles de conduite, les experts en assurance. 7 Les huissiers, les greffiers de tribunaux de commerce et les notaires. 8 L échantillon a porté sur un examen détaillé de 400 dossiers dans les départements des Hauts de Seine et de l Indre et Loire. 7

L examen des bénéfices déclarés par les professionnels exerçant sous forme individuelle, représentatifs de l ensemble des revenus des professionnels dirigeants ou titulaires rend compte de niveaux de revenus médians le plus souvent supérieurs au revenu médian des salariés français, qui s établissait en 2010 à 1 676 9. En particulier, pour 5 professions, ce revenu mensuel médian dépasse 10 000 et pour 18 professions sur 37 le revenu mensuel médian dépasse 3 000. Tableau 1 : Revenus moyens des professionnels étudiés dans le rapport Revenu mensuel net médian déclaré dépasse 10 000 est compris entre 6 000 et 10 000 est compris entre 4 000 et 6 000 est compris entre 3 000 et 4 000 est compris entre 2 000 et 3 000 Professions Greffier de tribunal de commerce, mandataire judiciaire, notaire, administrateur judiciaire, pharmacien biologiste dirigeant un laboratoire d analyse Pharmacien titulaire d une officine, chirurgien dentiste, médecin spécialiste et huissier de justice Médecin généraliste et dirigeant d une entreprise d ambulances Vétérinaire, commissaire priseur, infirmier libéral, contrôleur technique automobile, avocat, expert comptable et commissaire aux comptes ; Masseur kinésithérapeute, pédicure podologue, prothésiste dentaire, architecte, opticien, dirigeant d un débit de boisson, architecte, expert en assurances est compris entre 1 500 et Plombier, serrurier, menuisier, peintre, vitrier, plâtrier 2 000 est inférieur à 1 500 ou n a pu Taxi, dirigeant d une activité d administrateur de biens, agent être estimé faute de données d assurances, agent immobilier, diagnostiqueur immobilier représentatives Source : IGF, d après les données de la DGFIP sur l exercice 2010. 2.2. Le niveau de qualification exigé n explique pas les écarts de revenus observés entre professions et au sein de certaines professions La mission a examiné les facteurs qui peuvent expliquer les différences de revenus observées. Elle a noté que ces niveaux de rémunération ne sont pas toujours en rapport avec la durée d études, comme le montre le graphique ci dessous. 9 Pour certaines professions, une part du revenu net est, dans les premières années d exercice (10 à 15 ans généralement) épargnée pour financer l acquisition de la licence (taxis), de la charge (notaire, greffier de tribunal de commerce, commissaire priseur judiciaire) ou de la patientèle (médecins, chirurgiens dentistes), autant d actifs qui rentrent ensuite dans le patrimoine personnel du professionnel. 8

Graphique 4 : Comparaison du revenu et du niveau de qualification des professionnels (y compris les stages diplômants) Revenu médian des professionnels imposés à l'impot sur le revenu en unipersonnel > 15 000 14 000 13 000 12 000 11 000 10 000 9 000 8 000 7 000 6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 0 Contrôleur technique automobile Greffier de tribunal de commerce (29 176 ) Mandataire judiciaire (25 Administrateur judiciaire 723 ) (25 719 ) Notaire Pharmacien Chirurgien dentiste Huissier de justice Pharmacien biologiste dirigeant un laboratoire d'analyses médicales Médecin généraliste Médecin spécialiste Ambulancier Infirmier libéral Vétérinaire Commissaire priseur Prothésiste Avocat Masseur kinésithérapeute Expert comptable / dentaire Architecte commissaire aux comptes Dirigeant d un débit de Opticien / pédicure podologue boissons Plombier Taxi Agent immobilier Agent d'assurances Syndic d'immeuble 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Nombre minimal d'années d'études Source : Mission IGF Note de lecture : le revenu médian mensuel d un pharmacien exerçant dans une structure unipersonnelle imposée à l impôt sur le revenu est de 7 671, pour une formation correspondant à six années d études supérieures. Remarque : les revenus des professions de greffier de tribunal de commerce, d administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire dépassaient l échelle du graphique. Plus précisément, la mission a comparé les revenus des professionnels étudiés aux revenus moyens des médecins généralistes libéral, d'une part, qui sont une profession nombreuse exigeant 9 années d études après le baccalauréat et, d'autre part, aux revenus moyens des médecins spécialistes, profession très pointue, exigeant au moins 11 années d études postbaccalauréat et impliquant une responsabilité professionnelle forte de la part des intéressés. Cette comparaison conduit aux constats suivants : pour 9 professions réglementées les professionnels déclarent un revenu net médian supérieur à celui des médecins généralistes ; pour 6 professions réglementées (greffier de tribunal de commerce, mandataire judiciaire, notaire, administrateur judiciaire, dirigeant d'un laboratoire d'analyses médicales et pharmacien), les professionnels gagnent plus qu un médecin spécialiste. Tableau 2 : Revenus nets mensuels médians pour l année 2010 des professionnels titulaires exerçant seul et ayant déclaré leurs bénéfices à l impôt sur revenu Revenu net mensuel médian des professionnels titulaires ou dirigeants Multiple du SMIC net mensuel Les 25 % des mieux rémunérés déclarent une rémunération nette mensuelle supérieure à Greffier de tribunal de commerce 29 177 27,6 38 377 Mandataire judiciaire 25 723 24,4 34 037 9

Revenu net mensuel médian des professionnels titulaires ou dirigeants Multiple du SMIC net mensuel Les 25 % des mieux rémunérés déclarent une rémunération nette mensuelle supérieure à Administrateur judiciaire 25 719 24,4 33 700 Notaire 13 284 12,6 19 772 Pharmacien biologiste dirigeant un laboratoire d'analyses 10 591 10 19 157 médicales Pharmacien 7 671 7,3 11 911 Médecin spécialiste 7 186 6,8 11 858 Chirurgien dentiste 6 912 6,5 10 500 Huissier de justice 6 272 5,9 10 125 Médecin généraliste 5 666 5,4 8 082 Ambulancier 4 170 3,9 6 887 Vétérinaire 3 899 3,7 6 332 Commissaire priseur 3 561 3,4 7 649 Infirmier libéral 3 536 3,3 4 812 Contrôleur technique automobile 3 524 3,3 6 943 Masseur kinésithérapeute 3 307 3,1 4 670 Avocat 3 271 3,1 5 407 Expert comptable / commissaire aux comptes 3 036 2,9 6 262 Prothésiste dentaire 2 768 2,6 4 659 Architecte 2 702 2,6 4 414 Opticien 2 563 2,4 5 229 Dirigeant d un débit de boissons 2 322 2,2 4 492 Pédicure podologue 1 929 1,8 4 207 Dirigeant d une école de conduite 1 877 1,8 3 044 Plombier 1 829 1,7 2 919 Serrurier 1 778 1,7 2 989 Menuisier 1 728 1,6 2 692 Revenu mensuel médian des salariés tous secteurs 1676 1,6 Non disponible Peintre/Vitrier 1 666 1,6 2 507 Diagnostiqueur immobilier 1 663 1,6 3 038 Plâtrier 1 588 1,5 2 423 Taxi 1 082 1 1 612 Source : Mission IGF, d après les bénéfices déclarés à l impôt sur le revenu par les professionnels exerçant sous forme individuelle au titre de l exercice 2010. De plus, la différence de rémunération, à qualification équivalente, entre les professionnels salariés et les professionnels libéraux titulaires montre également (cf. tableau) que le niveau de rémunération de ces derniers n'est pas justifié par la qualification. 10