La télémédecine, complément nécessaire de l exercice médical de demain Dr Pierre SIMON Président de l Association Nationale de Télémédecine (ANTEL) Angers FHF 13 septembre 2012
Ce qui a changé dans l exercice médical depuis 1945
L évolution de la pratique médicale depuis 1945 (1) De la maladie aiguë à la maladie chronique 1945-70 : 80 à 90% des consultations de médecine concernaient des maladies aiguës Depuis 2000 plus de 70% des consultations de MG concernent des maladies chroniques du vieillissement De la médecine «générale» ou «interne» à la médecine de plus en plus spécialisée Le développement de la médecine spécialisée a détruit progressivement la médecine générale de premier recours Le second recours spécialisé s est concentré grâce à la loi Debré de 1960 sur l hôpital public(l hospitalocentrisme)
L évolution de la pratique médicale depuis 1945 (2) De la médecine individuelle à la médecine regroupée années 45-80: le cabinet médical individuel années 80-90 : le regroupement des médecins (maisons médicales) pour partager les charges financières et les permanences. De la pratique individuelle à la pratique collaborative Années 90, apparition dans les hôpitaux des staffs multidisciplinaires, RCP en cancérologie fin 90 Années 2000, premières apparitions de la pratique collaborative entre professionnels de santé (réseaux de santé, éducation thérapeutique, parcours de soins coordonné, premières MSP, etc.) En 2009, la loi HPST intègre ces évolutions
Une loi HPST en 2009 pour corriger les déséquilibres créés par l hospitalocentrisme LacréationdesARSpouraméliorerlesliensentrelavilleet l hôpital, le sanitaire et le médico-social. Une gouvernance hospitalière médico-administrative «revisitée». De nouveaux statuts de médecins hospitaliers La préconisation de nouvelles organisations des soins de premier recours (MSP, Pôle de santé) pour prévenir les hospitalisations évitables, une définition de l exercice de la médecine générale Des outils juridiques pour favoriser la mise en place de ces nouvelles organisations (CHT et GCS pour les établissements, les propositions de la loi Fourcade pour les MSPetpôlesdesanté) L autorisation de la pratique médicale à distance (télémédecine) pour améliorer l accès aux soins, notamment dans les zones isolées, conforter un parcours desoinsgraduésauseind unterritoiredesanté.
La télémédecine, un levier pour adapter dès aujourd hui l exercice médical à la demande de soins des patients atteints de maladies chroniques
Les objectifs d un système de santé en profonde mutation Améliorer l accès aux soins et corriger les inégalités actuelles Offrir à nos concitoyens «le justesoin au bon endroit pourunjustecoût» Améliorer les pratiques des professionnels de santé médicaux (mutualisation des savoirs) et paramédicaux (développement de nouvelles compétences, de nouveaux métiers) Réduire les risques liés à une médecine de plus en plus technique et améliorer la qualité des prestations de soins.
La télémédecine est. Une pratique médicale nouvelle, à distance, autorisée en France et dans tous les pays du monde et soutenue par les tous les ordres professionnels (en France et dans laplupartdespaysàtraverslemonde). Une pratique qui ne se substitue pas à la pratique usuelle de la médecine en face à face, mais qui vient la compléter +++ Une réponse médicale (parmi d autres) à la mutation de notre système de santé, passé progressivement en 50 ans de la prise en charge de maladies aiguës, très majoritaires dans les années 50-70, à la prise en charge de maladies chroniques du vieillissement, devenues majoritaires dans la charge de soins depuis le début du XXIème siècle(80% des dépenses de santé).
Deux objectifs majeurs de la TLM dans la prise en charge des maladies chroniques du vieillissement: 1) assurer une meilleure continuité des soins entre l hôpital et la ville, les établissements de santé et le lieu de vie 2) offrir à nos concitoyens un meilleur accès et un parcours de soins graduésau sein d un territoire de santé «le juste soin au bon endroit et au juste coût» Plutôt que d une révolution, c est d une amélioration de l accès et du parcours de soins chez les patients atteints de maladies chroniques dont a besoin aujourd hui notre système de santé 9
Quelques indicateurs de besoin d un parcours de soins amélioré (1) La fréquentation excessive des urgences hospitalières par les patients atteints de décompensation d insuffisance cardiaque chronique. Les transferts non justifiés entre établissements de proximité et établissements de référence Une mortalité prématurée augmentée lorsque les soins de premier recours sont insuffisamment organisés
Taux de recours à l hospitalisation des maladies chroniques (DREES, 2004) Taux de recours: n/1000 hab. Ages (ans) IC = insuffisance cardiaque, IDM= infarctus du myocarde, HTA = hypertension artérielle, IRC= insuffisance rénale chronique
Données CNAMTS 2012
Inégalités régionales de la prévalence de l IC dans la population française Données CNAMTS 2012
Le SMR attendu et son impact médico-économique dans la prise en charge à domicile de l insuffisance cardiaque chronique (IC) par TLM (1) SMR = moins d hospitalisations, meilleure qualité de vie Impact médico-économique = Le coût moyen journalier d une hospitalisation est de 800 euros, la DMS moyenne pour une IC est de 11,2 jours, soit un coût global moyen de l hospitalisation pour IC de 8 960 euros/patient/an. 242 000 patients hospitalisés pour IC en 2008, soit un coût d hospitalisation pour cette maladie chronique de 1,936 milliards /an. Le taux d hospitalisation pour IC progresse de +1,5%/an depuis 1998.
Le SMR attendu et son impact médico-économique dans la prise en charge à domicile de l insuffisance cardiaque chronique (IC) par TLM (2) Au Québec, sur un an, 715 journées d hospitalisations substituées pour 120 patients insuffisants cardiaques maintenus au domicile grâce à la TLM, soit environ 6 journées/patient/an. Un tel résultat réduirait la dépense hospitalière pour IC de 1,161 miliards d euros/an en France. Au Québec, le forfait annuel de télésurveillance médical est en 2009 de 200 /an/pt Appliquée en France la télésurveillance médicale des 242 000 insuffisants cardiaques hospitalisés aurait un coût de près de 100 millions d euros, soit 10 fois moins que l hospitalisation Il n y a pas pour l instant de différence du taux de mortalité selon le modedepriseencharge(avecousanstlm). Chaudhry, NEJM, 2010
Quelques indicateurs de besoin d un parcours de soins amélioré (2) La fréquentation excessive des urgences hospitalières par les patients atteints de décompensation d insuffisance cardiaque chronique. Les transferts non justifiés entre établissements de proximité et établissements de référence Une mortalité prématurée augmentée lorsque les soins de premier recours sont insuffisamment organisés
RESEAU TELEMEDECINE REGIONAL MIDI-PYRENEES Total Téléexpertises Décision médicale / Transfert Avril 1996 à Décembre 2007 Non Transfert Incidence de la Téléexpertise sur l'approche initiale du médecin appelant 100% 90% 80% 70% 60% 50% 52% 48% de Transferts évités Renseignés 35% Transfert oui 22% 40% 30% 20% 27% 21% 10% 0% Non Transfert 78% *Statistiques établies sur 55 % de fiches renseignées sur la question transfert par les médecins référents
RESEAU TELEMEDECINE REGIONAL MIDI-PYRENEES Total Télé-expertises Décision médicale / Transfert Avril 1996 à Décembre 2007 Transfert Indiqué Transfert oui 22% Renseignés 65% Incidence de la Téléexpertise sur l'approche initiale du médecin appelant 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 67% Pertes de Chances évitées 30% 20% 10% 16% 17% 0% Non Transfert 78% *Statistiques établies sur 55 % de fiches renseignées sur la question transfert par les médecins référents
Quelques indicateurs de besoin d un parcours de soins amélioré (3) La fréquentation excessive des urgences hospitalières par les patients atteints de décompensation d insuffisance cardiaque chronique. Les transferts non justifiés entre établissements de proximité et établissements de référence Une mortalité prématurée augmentée lorsque les soins de premier recours sont insuffisamment organisés
La mortalité prématurée (avant 65 ans) est plus importante dans les pays de l OCDE où l organisation des soins primaires est insuffisante 10000 PYLL Low PC Countries* 5000 High PC Countries* 0 1970 1980 1990 2000 Year *Predicted PYLL (both genders) estimated by fixed effects, using pooled cross-sectional time series design. Analysis controlledfor GDP, percent elderly, doctors/capita, average income (ppp), alcohol and tobacco use. R 2 (within)=0.77. Starfield 11/06 Source: Macinko et al, Health Serv Res 2003; 38:831-65. IC 5903 n
La densité d un pays de l OCDE en médecins généralistes et spécialistes n est pas déterminante pour la qualité des soins de premier recours Source: OECD Health Data 2009 Country Primary Care Specialists Belgium France Germany US Australia Canada Sweden Denmark Finland Netherlands Spain UK Norway Switzerland New Zealand 2.2 1.6 1.5 1.0 1.4 1.0 0.6 0.8 0.7 0.5 0.9 0.7 0.8 0.5 0.8 2.2 1.7 2.0 1.5 1.4 1.1 2.6 1.2 1.6 1.0 1.2 1.8 2.2 2.8 0.8 OECD average 0.9 1.8 Starfield 03/10 WF 7318 n
L exercice médical de demain avec la télémédecine LES NOUVELLES ORGANISATIONS AVEC TLM QUI PEUVENT AMÉLIORER LE PARCOURS DE SOINS 22
Une nouvelle organisation des soins assurant la gradation des soins entre les établissements de santé «le juste soin au bon endroit» ES de proximité SAU SI Téléconsultation Télé expertise Radiologie, Cardiologie; Neurologie (AVC ++) Néphrologie Cancérologie (RCP) etc. SI ES de proximité SAU Chirurgie Urgence radiologie Télé assistance ES de référence Spécialistes Plateau technique Télésurveillance ES de proximité SAU SI Urgence Programmé Téléconsultation Télé expertise 23 SI ES de proximité SAU
Une nouvelle organisation des soins primaires pour une meilleure continuité des soins entre le premier et le second recours Coopérations entre professionnels de santé médicaux et non-médicaux CHU, CH, clinques Cabinets privés Domicile EHPAD M.de retraites Pharmacien d Officine MSP Centre de santé Pôles de santé Spécialistes Premier recours Deuxième recours Télésurveillance téléconsultation Télé expertise Réseau de télémédecine 24
LA NECESSITE D EVALUER LES NOUVELLES ORGANISATIONS DU PARCOURS DE SOINS AVEC TLM Une évaluation dans la littérature mondiale en 2009 Guy PARE, HEC Montréal
La formation et la coordination des acteurs pour des actes de TLM sécurisés et de qualité Formation des étudiants en faculté de médecine, en IFSI, formation des professionnels de santé de terrain. La coordination de l activité de TLM est nécessaire: Coordonnateur du service de TLM(nouveau métier) Exercice collaboratif des professionnels de santé, voire la délégation de responsabilité(art 51 de HPST) Les métiers connus ou nouveaux engagés dans la filière de soins en TLM pour améliorer la qualité des actes (prestataires de santé, conciergerie de réseau, etc.) Le dispositif médical communicant de TLM fait appel à des tiers technologiques ( industriels de DMC, opérateurs réseaux, industriels des SI). Un champ nouveau d une responsabilité partagée vis-à-vis du patient traité.
Conclusions La TLM sera bien le complément de l exercice médical, aujourd hui et demain, pour Permettre le développement du nouveau modèle de prise en charge des maladies chroniques au domicile ou dans les substituts(ehpad, maisons de retraite) Conforter la mission de continuité des soins de la médecine de premier recours au sein des MSP, Centres de santé. Assurer un parcours de soins gradués aux patients atteints de maladies chroniques : «le juste soin au bonendroitaujustecoût»